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la réunion. Cette maffe, ainfi purifiée une fécondé
fois , fe foudera , pour airifi dire , d’elle-mème ; elle
s’étendra facilement fous le marteau , & participera
des qualités requifes pour du fil de fer. L’on voit
donc qu’il eft intéreflant de faire choix de la matière
première, & d’avoir des ouvriers intelligens.
Il eft difficile que les tréfileries puiflent fe procurer
du fer convenable , à moins que les entrepreneurs
ne le fa fient faire par eux-mêmes. Ceux qui n ont
point de feux de forges attachés à leurs ufines,
pourront du moins profiter des obfervations ci-
defliis pour le faire travailler en conféquence.
Le fuccès d’une entreprife donne de nouvelles
forces ; il élève famé , pour ainfi dire, au-deflus
d’elle-même, lui fournit de nouvelles idées , & lu i
fait enfanter de nouveaux projets. G’eft ici le cas
d’appliquer ce principe.
Tout le monde fait que les fenderies exigent un
bâtiment vafte entre deux courans d’eau ; qu’il leur
faut deux roues, l’une à la droite, l’autre à la gauche ;
que les arbres de ces roues font de douze à quinze
pieds de long chacun ; qu’ils entrent fort avant dans
l’intérieur de l’ufine ; qu’il faut des emmarchemens
bien folides & profondément plantés en terre, cç
qui exige une quantité de grofles pièces de bois ;
qu’il faut de gros rouets & de grofles lanternes en
bois, un arbre de couche de plufieurs pieds de
long pour faire mouvoir en fens contraire les rouleaux
& les taillans fupérieurs. Tout cet embataille-
ment, outre la dépenfe primitive, qui eft aflez con-
fidérable , demande beaucoup d’entretien par rapr
port aux frottemens multipliés,
Pour Amplifier cette machine, il s’agifloit d’abord
de favoir fi l’on pourroit fendre du fer avec une
feule roue, fur un feul courant par conféquent; &
en fécond lieu , fi après avoir paffé une bande de
fer entre deux cylindres unis pour l’alonger & l?éga-
liferd’épaiffeur, l’on pourroit fur le temps préfenter
cette bande aux taillans , fans être obligé de repaffer
de l’autre coté des cages, tel qu il fe pratique pour
cette opération, comme font conftruites les fenr
deries d’aujourd’hui.
L’on fentoit bien l’avantage de cette Amplification
; mais ces deux difficultés paroifloient infur-
montables. Encouragé par le fuccès de mes c y lindres
à fil de fer, je lès ai vaincues toutes les deux;
j’ai conftruit une fenderie unique en fon efpèce ;
elle fait même l’étonnement de tous les maîtres de
forges de la province ; ceux qui ne l’ont point vue ,
ont peine à croire qu’il n’y ait qu’une roue, tant
pour les rouleaux applatiflans, que pour les troufles
des taillans. Telle eft cependant en abrégé fa def-
cription : c’eft une roue mouvante à eau, montée fur
un arbre de huit pieds de long feulement ; à l’extrémité
de cet arbre , qui n’entre par conféquent
pas fort avant dans l’intérieur du bâtiment, font
placées deux cages de fer fixées fur une pièce de
bois de fix pieds de long, d’environ un pied d’épaif-
feur dans un bout, & d’un pied & demi dans l’autre,
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Sc de deux pieds & demi de largeur. Ces cages font,
il eft vrai, un peu plus grofles que celles de mes
cylindres à fil de fer; mais c’eft la même conftraétion.
Dans l’une de. ces cages font les taillans, & dans
l’autre les rouleaux plats. . Tout fe-meut par la
même & feule force de la roue unique qui eft dans
l’eau ; après avoir applati la bande de fer, l’ouvrier
qui reçoit le bout fortant, le porte fur le
champ entre les troufles des taillans ; il n’y a qu’un
pas en arrière à faire. Le furplus des procédés pour
la verge de fenderie , eft le même que par-tout
ailleurs.
On peut, quand l’on v eu t, ne faire que des cercles
; il fuffit de fubftituêr des rouleaux plats aux
taillans.
En jugeant de la fimplicité du mécanifme, on
doit juger aufli de la modicité3de l’entretien & de
l’avantage de l’invention. Combien en effet n’y a-t-il
pas d’ufines dans le royaume, où l’établiffement
d’une fenderie feroit fort utile, & où le cours d’eau,
le local, n’ont pas permis jufqu’ici d’y en établir,
à caufe que l’on regardoit comme impoflible de le
faire fans avoir deux roues & deux courans ! Aujourd’hui
que cette impoflibilité eft démontrée imaginaire
par une expérience d’une dixaine d’années,
on pourra facilement mettre à profit mon invention.
Combien aufli les ufines qui ont des fenderies »
ne pourroient-eileç pas profiter de cette découverte,
en les faifant conftruife fur ce modèle ! Outre les
avantages ci-devant, ils auroient encore un courant
dç refte, dont ils pourroient difpofer, & y conftruire
une autre ufine.
T ç l eft le réfultat de mes recherches , & de l’application
continuelle que j’ai eue pendant trente ans
à chercher les moyens de fimpli'fiçr la fabrication
des fils de fer : cés recherches m’ont fait faire des
effais dans joutes fortes de genres de travail en fer;
heureux fi mes obfervations peuvent remplir les
vues de notre augufte monarque, qui daigne s’occuper
de toüt ce qui peut devenir utile à fes peuples !
La partie des fils de fer eft une branche de commerce
qui peut devenir encore beaucoup plus considérable
qu’elle ne i’eft aujourd’hui.
Nous avons cru que nos leéteurs nous fauroienÉ
gré de leur faire connoître à la fuite de cet art du
ter , un ProfpeElus ou Mémoire , fur U emploi que l’on
peut faire de ce métal pour conjlruire un pont d’une
feule arche.
Ce projet hardi a été conçu , propofé & démontré
par AL Vincent de Montpetit, déjà bien connu par
plufieurs inventions utiles en plus d’un genre, telles
•que la peinture éludorique , ou l’art de peindre à
l’huile dans l’eau ; tel que le fecret de couvrir les
peintures pour les conferver , par un mordant fans
couleur , & par une glace ; telles encore que des
machines pour l’horlogerie, employées dans beaucoup
dé fabriques, &c.
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ProfpeElus d'un pont de fer d’une feule arche , propofé j
depuis vingt toifes jufqu’à cent d’ouverture , pour
être jeté fur une grande rivière ; préfenté au Roi le
3 mai 1783.
Les dangers que préfentent à la navigation les
piles des ponts fur les grandes rivières,, font des
motifs aflez intéreflans , pour avoir de tout temps
engagé les conftruéteurs à chercher les moyens de
faire les plus grandes arches poflibles ; mais ils n’ont
pu les ouvrir qu’en raifon de la ténacité des matériaux
; car fi l’on avoit la facilité de fe fervir de
granité ou de porphyre, au lieu de pierre ordinaire ,
pour établir des ponts, on pourroit doubler aifément
l’ouverture des plus grandes arches connues : à dé- !
faut de ce moyen, on a propofé en différens temps
celui d’employer le fe r , comme de toutes les matières
de conftraétion la plus tenace & la moins
deftruétible; & quoique lniftoire ancienne ne nous
ait rien tranfmis à ce fujet, il eft probable que cette
idée n’a point échappé aux architeétes de l’antiquité.
,
Dans ce fiècle, le doéteur Defaguillier l’avoit
conçu pour la Tamife ; le fieur Garin, en 17 19,
fut fur le point d’en exécuter un à Lyon; depuis , un
autre a été propofé pour le pont de Saint-Vincent
fur la Saône ; en 1755 » ^es ^ieurs Goiffon & de
Montpetit s’en occupèrent pour le fleuve du Rhône.
De tous les projets cependant qui ont paru, aucun
n’a été exécuté en France , foit parce que les cou-
noiffances fur cette matière n’étoient point aufli
étendues qu’elles le font aujourd’h u i, foit efprit de
prévention ou de parti qui s’élève toujours contre
; les nouveautés, foit enfin défaut de combinaifon
dans la compofition. A ce dernier cas , il eft malheureux
qu’on n’y ait pas pris aflez d’intérêt pour
en conferver des modèles ou des deflins qui auroient
: dans la fuite fervi de moyens de comparaifon pour
| en perfectionner le mécanifme.
En 1777 & 1778 , deux projets de ce genre ont
i paru, chacun d’un fyftême différent, par les fleurs
Calippe & de Montpetit. M. de Morveau, de l’académie
de Dijon , en a fait une critique judicieufe à
laquelle ce dernier auteur a répondu. La critique &
la réponfe méritent d’être lues dans le journal de
littérature & des beaux-arts, 1779, nos 2.8 & 32.
Le projet qui eft renouvellé aujourd’hui, eft une
fuite de celui projeté pour le Rhône en 1755 ; l’auteur,
depuis ce temps, s’eft occupé à en perfectionner
le mécanifme ;• & en combinant toutes les
idées conçues & digérées par des expériences, il
| s’eft convaincu que le plus fur moyen de fuccès dans
la compofirign d’un tel édifice, étoit de faire porter
toutes les principales pièces de force à angle droit,
par preffion & non par extenfion ( quoiqu’il foit re-
l connu .que le fer tire beaucoup plus qu’il ne porte ) ;
de-là la néceflité de foumettre la longueur du pont
à un arc quelconque , afin d’anéantir les ofcillations
par la preflion, & déterminer toute la portée fur
les culées, qui à cet égard n’auront pas plus de ré-
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fiftance à op;:ofer , pour ne pas dire beaucoup
moins, que pour une grande arche en pierre dure
qui aurait les mêmes dimenfions ; ce qu’il eft aifé
de prouver.
L’auteur a exécuté un modèle de fer en 1779
dont le développement eft détaillé dans un mémoire
lu à l’académie royale des feienees., contenant le
calcul des forces, tant vives que mortes, de tout cet
édifice. Ce modèle fut enfuite expofé pendant quatre
mois dans la falle d’aflemblée, afin de recueillir les
avis des favans académiciens, fur les moyens d’une
plus grande perfeétion. Il fut enfuite placé pendant
l'hiver an concours des feienees & des arts, chez
M. de la Blancherie, pour y être critiqué , non-feulement
par les connoifleurs & artiftes nationaux,
mais encore par les favans étrangers qui fe réunif-
fent à ces aflemblées.
Toutes les différentes diflertations qui fe font
faites à ce fujet , même les critiques anonymes ,
auxquelles l’auteur a répondu , ont fervi à éclaircir
la matière & à en perfectionner le fyftême.
Le réfumé de tout cela a été de produire un mécanifme
plus fimple, plus léger, moins coûteux &
tout aufli folide. L’auteur en a fait le développement
dans un mémoire en forme de fupplément, adreffé
à MM. les commiffaires qui avoient été nommés en
1779 pour faire le rapport. Ces Meflieurs, en convenant
de la poffibilité de la conftraétion d’un pont
de fe r , ne peuvent affeoir leur jugement fur des
expériences qu’ils n’ont pas faites ; celles rapportées
par l’auteur, ne*font que conjecturales pour eux;
il faudroit les répéter & en faire de nouvelles, &
cela ne fe peut faire fans frais ; il n’y a que le gouvernement
qui puifle en donner l’ordre & les
moyens, ou fon approbation à une compagnie qui
en voudroit faire les avances, en fe propofant la
conftraétion d’un pont de fer. Alors l’auteur indiquerait
les opérations à faire pour s’aflùrer d’une
folidité démontrée par les faits.
Le rapport a été conféquemment en fufpens, &
l’auteur a retiré des mains de MM. les commiffaires
fes mémoires & ..deflins, pour y faire les additions
& changemens relatifs à les nouvelles idées ; il en
fera part à ceux qui voudront s’intèrefler à la conftraétion
de cet édifice métallique , ainfi que des
moyens de le préferver de la rouille : principale
çbjeétion qui a été faite fur ce projet. Le procédé
que l’auteur fe propofé d’employer, n’a point été
développé à l’académie des feienees; mais indépendamment
de ces moyens , toute objeétion doit être
levé.e par la nouvelle & précieufe découverte d’un
vernis métallique inaltérable, qui pénètre le fer
jufques dans le coeur, & le garantit de la rouille
pour toujours.
Avantage de ce pont fur les autres, tant pour la conf-
tfuElion que pour la commodité & l’économie.
i°. Il ne fera aucun obftacle, ni au cours de la rivière,
ni.à la navigation ; au contraire, illa fa vo - -
rifera, parce qu’en fupprimant le mafiif des piles