
ensuite ils verfent une fécondé fois de l’eau fur le
même thé ; ils en tirent une nouvelle teinture, qui
eft plus foible que la première, & ils jettent les
feuilles.
D’autres , & plus particulièrement les Japonois,
font réduire leur thé en poudre très-fine, par le
moyen d’une meule de porphyte : ils mettent
avec de petits cuillers cette poudre verte, & qui
a une bonne odeur, dans leurs taffes ; ils verfent
de l’eau bouillante deflus ; ils agitent enfuite
cette poudre avec de petits rofeaux, jufqu’à ce
qu’il s’élève de l’écume, & dans cet état ils boivent
cette liqueur.
Il y a une autre méthode de tirer la teinture du
thé, qui eft encore fort en ufage. Les particuliers,
comme les marchands de liqueurs, jettent les feuilles
de thé dans l’eau chaude, ils font bouillir ces
feuilles pendant quelques minutes, & ils verfent
de l’eau froide deflus , à l’effet de précipiter ces
feuilles au fond du vaiffeau.
Comme j’ai remarqué que ces différentes méthodes
de tirer la teinture du thé occafionnoient
l’évaporation de la majeure partie des fels volatils
odorans qui réfident dans ces feuilles, & que c’eft
de ce principe aromatique que dépendent les propriétés
qui ont été attribuées à cette teinture ;
d’après ces obfervations , j’ai cru devoir indiquer
la manipulation qui m’a d’autant mieux réufli, que
par fon moyen on évite les inconvéniens qui réful-
tent des autres méthodes.
Celle-ci confifte à jeter les feuilles de thé dans un
vaiffeau qui ne doit être deftiné qu’à cet ufage , &
qu’on remplit d’eau froide. Lorfque le vaifleau eft
bien couvert, on fait chauffer jufqu’à un degré
de chaleur au deffous de l’eau bouillante ; & quand
on remarque qu’il s’eft formé une efpèce d’écume
blanche fur la fuperficie de la liqueur, on l’éloigne
un peu du feu, & on y jette une pincée de fucre
en poudre pour chaque taffe de thé.
Lorfque les feuilles font précipitées au fond du
vaiffeau, on verfe par inclinaifon, & on remarque
que la teinture eft d’autant plus pénétrante, qu’elle
fe trouve chargée d’une plus grande quantité de fels
odorans, & qu’elle eft encore plus onéfueufe, parce
que le fucre en poudre, qu’on a jeté fur la partie
mucilagineüfe qui s’eft manifeftée fous la forme
d’écume blanche, a non-feulement empêché la Coagulation
du principe gommeux du thé, mais a encore
fervi merveilleulement à l’étendre plus Uniformément
dans fa liqueur.
Les mêmes feuilles de thé étant confervées avec
foin dans le fond du même vaiffeau, donneront
encore, dans l’efpace de vingt-quatre heures, une
fécondé teinture, qu’on trouvera auflâ agréable que
la première qu’on auroit obtenue par toute autre
méthode que celle-ci.
Cette opération peut également s’exécuter dans
les cafés ; mais comme la célérité du fervice public
exige que le thé foit toujours chaud, & que le degré
de chaleur dans lequel on eft obligé de l’entretenir,
©ccafionne nèceffairement l’évaporation des fels
odorans de cette teinture, on évite cet inconvénient
en obfervant ce qui fuit.
Ayez deux vaiffeaux uniquement deftinés à cet
ufage ; jetez dans l’un d’eux une affez' grande quantité
de feuilles de thé, pour en tirer une double
teinture fuivant notre méthode, & vous éloignerez
tout-à-fait le vaiffeau du feu , en obferva'nt de le
tenir bien bouché.
Ayez un autre vaiffeau rempli d’eau limpide :
que vous entretiendrez toujours à peu près dans
le degré de chaleur de l’eau bouillante, & que
vous mêlerez, en proportion du befoin, avec une
quantité fuffifante de votre teinture de thé ; &
quand celle-ci commencera à s’épuifer, vous répéterez
la même opération dans votre fécond vaifleau.
Lorfque la teinture du premier fera totalement
épuifée, vous jetterez les feuilles, & le remplirez
d’eau froide, en y ajoutant la même quantité de
feuilles de thé : vous approcherez le vaiffeau du
feu, ferez échauffer, entretiendrez U liqueur pendant
dix minutes à un degré de chaleur au deffous
de l’eau bouillante : vous tiendrez le vaiffeau éloigné
du feu, comme il a été dit; & lorfque cette
ieconde teinture fera confommée, vous jetterez
les feuilles comme inutiles.
Au moyen de cette exactitude, on obtient un
thé fait convenablement, qui eft falutaire, agréable
au public, & qu’on eft toujours en état de fer*
vir promptement.
Depuis l’année 1636 jufqu’en 1650, que l’ufage
du café s’eft introduit à Paris , on s’affembloit
chez les diftillateurs marchands de liqueur pour y
prendre du thé, comme on s’y raffemble aujourd’hui
pour lé café, & on y fervoit également le thé dans
des taffes de porcelaine.
On a continué l’ufage de cette boiffon avec la
feule addition du fucre, jufqu’aux premières années
de ce fiècle, qu’on a commencé à faire ufage
de la liqueur appelléc bavaroife, parce que ç’a été,
dit-on, un médecin Bavarois qui en a introduit l’u*
fage : d’autres difent que ce furent les trois princes
Bavarois, dans le voyage que ces princes firent
en France environ à cette époque.
Cette affertionparoît d’autant plus probable, que
nous fommes afluréS que ces princes alloient fréquemment
au café de feu M. Procope, où ils pre-
noient du thé dans lequel ils firent fubftituer le
firop de capillaire au fucre, & ils fe faifoient fer*
vir cette liqueur dans des caraffes de criftal : il n’en
fallut pas davantage pour accréditer cette méthode.
Au furplus, que l’étymologie du mot bavaroife
ait telle ou telle autre origine, il n’en eft pas moins
évident que ce n’a été qu’à cette époque qu’on a
commencé à fervir le thé dans des caraffes, &
qu’on lui a donné le nom de bavaroifes ; de
forte que tout 1er thé qui fe confomme actuellement
dans les cafés, ne s’adminiftre plus que fous
I la dénomination de bavaroifes, qui font de deux
I efpèces ; favoir, Y une à Veau, & Vautre au lait.
Les bavaroifes à Veau font compofées avec le
thé, qui doit être fait fuivant la méthode que nous
avons indiquée. On avoit d’abord fait entrer le
firop de capillaire dans cette liqueur ; mais comme
on a remarqué que le capillaire abforboit en partie
l’odeur & la faveur agréables du thé, on lui
a fubftitué le fucre clarifié, & cuit à confiftance
de firop, de forte qu’on ne fait actuellement ufage
du firop de capillaire, que dans le cas où le médecin
l’auroit ordonné.
Les bavaroifes au lait font compofées avec la
moitié, ou un tiers au total, de notre teinture de
thé, avec le lait qu’on a préalablement fait bouillir;
& lorfqu’on a deffein de communiquer des
vertus plus médicamenteufes aux bavaroifes , on
y fait entrer la crème douce en place de lait, ou
bien le lait d’amandes douces, ainfi que l’eau de
fleur d’orange : dans d’autres cas , on peut fubftituer
au firop ordinaire celui de capillaire, ainfi
que ceux de la canelle, de la vanille, des feuilles
ci. étamines de fleurs d’orange, ou bien encore
quelques gouttes de teinture éthérée d’ambre.
D u C h o c o l a t .
Nous avons rapporté, dans Y A n du Conffeur,
les procédés pour la fabrique du chocolat, & nous
avons décrit en même temps la manière de le convertir
en liqueur. C ’eft pourquoi nous y renvoyons
nos leÇteurs,.
D es L i q u e u r s f r a î c h e s .
Les liqueurs qu’on appelle fraîches ou rafraîchif-
fantes, font celles qui ont la propriété de défaltérer
& de rafraîchir.
L’époque à laquelle on a commencé à faire ufage
de ces liqueurs, ne remonte pas au-delà des éta-
bliffemens des diftillateurs marchands de liqueurs
dans cette capitale.
De la Limonade & de V Orangeade.
C’eft environ vers les années 1630 ou 1633 ,
fuivant M. Dubuiffon, que les diftillateurs ont commencé
à diftribuer publiquement la liqueur appellee
limonade, à caufe du flic de limon qui en eft la
bafe.
Cette liqueur rafraîchiffante a été accueillie fi
favorablement * que les diftillateurs qui la prépa--
roient, furent dès-lors nommés limonadiers.
Quoique toutes les efpèces de citrons, ou plutôt
de limons, foient propres à faire de la limonade,
a caufe de l’acidité du fuc qu’ils renferment, on
doit néanmoins donner la préférence à ceux qu’on
nous apporte d’Italie & de Portugal, parce que
ces deux efpèces de citrons font d’une qualité bien
uiperieure à ceux qui nous viennent de la principauté
de Monaco, ou de Provence.
L artifte doit être d’autant plus fur fes gardes ,
lorlqu il fait choix de ces fruits, qu’on trouve affez
communément dans les deux dernières efpèces, des
curons qu’on appelle fauvageons ; or il ne faut
qu’un feul de ces fruits, pour communiquer une
faveur défagréable à cinquante pintes de limonade
& ce qui doit paroitre encore plus furpre-
nant, c’êft que nous ne pouvons indiquer aucun
moyen pour diftinguer ces fauvageons , parce que
leur odeur & leur laveur défagréables ne fe mani-
feftent fenfiblement, qu’après qu’ils ont été exprimés
dans l’eau fucrée, & que par leur forme extérieure
ils font encore parfaitement femblables à
ceux qui ont été greffés & naturalifés.
A l’égard des citrons d’Italie & de Portugal, on
les diftingue, non-feulement par leur odeur & leur
faveur plus agréables, mais encore parce que ces
deux efpèces de fruits renferment moitié moins de
pépins que les autres.
On a dit que les mixtes agiffent, non-feulement
en raifon. des principes qui les conftituent, mais
encore en raifon des moyens qu’on emploie dans
leur manipulation.. Quoique cette propofition foit
applicable, à tous les mixtes, il n’y a peut-être point
de liquide auquel cette affertion convienne mieux
qu’à la limonade & à l’orangeade, parce que les
effets des principes qui conftituent les écorces, & le
fuc des citrons & des oranges, qui forment le com-
pofé de ces deux liquides, diffèrent effentiellement,
& de maniéré que les liqueurs qui réfultent de ces
fruits, font plus ou moins rafraîchiffantes, plus
ou moins ftimulantes, en raifon de la plus ou moins
grande quantité d’écorce ou de fuc de citrons qu’on
y fait entrer, ainfi que du temps & des moyens
qu’on a employés dans l’infufion de ces écorces.
Delà il fuit que, quand on veut obtenir une liqueur
qui foit feulement rafraîchiffante, lorfqu’on
a fait un bon choix de citrons, on fait fondre cinq
onces de fucre blanc dans une pinte d’eau bien limpide
; on effuie légèrement deux ou trois de ces fruits ;
on les coupe tranfverfalement en deux parties, puis
on place chacune de ces moitiés d?e citrons entre le
pouce & l’index ; on exprime avec l’autre main, de
manière à rompre les véficules qui renferment le
fuc de ce fruit, qu’on laiffe tomber dans l’eau fucrée
: le tout étant ainfi exprimé, on enlève chacune
de ces parties d’écorces, qu’on place l’une
après l’autre entre les deux paumes des mains; puis
on exprime en fens contraire , & affez fortement,
pour rompre les petites cellules qui renferment les
globules huileux qui réfident dans l’écorce jaune
de ce fruit : on filtre le liquide au travers de la
chauffe de drap, & on le met en réferve dans un
Heu frais, pour en faire ufage dans le jour.
Lorfqu’on veut communiquer une vertu moins
rafraîchiffante à la limonade, on enlève par petites
lames très-minces la moitié des écorces jaunes de
ce fruit, & on les fait infufer dans l’eau fucrée pendant
vingt ou trente minutes ; puis on coupe & on
exprime le fruit, comme il a été dit.
Quand les écorces de citrons font defféchées en
partie, comme cela arrive ordinairement dans l’ar-
rière-faifon, en ce cas on enlèvera également par
petites lames, & on fera infufer la totalité des