
htfque fomentis totum lacejjitur corpus ; ,& ne nares
intérim ceffient , odoribus variis inficitur locus ipfe, in
quo luxuriæ parentatur. En effet, c’eft des Romains
que vient l’ufage de la multiplicité des fervices, &
Fétabliflement de ces domeftiques qu’on nomme
échanfons y maitres-d’hôtel, écuyers tranchons y &c.
Mais leurs cuifiniers fiir-tout étoient des gens im-
portans , recherchés, confidérés, gagés à-proportion
de leur mérite, c’e /Là-direde leur prééminence
dans cet art flatteur & pernicieux, qui bien
loin de conferver la v ie , produit une fource intarif-
fable de maux. Il y avoit à Rome tel artifte en cui-
fine3 à qui l’on pàyoit quatre talens par année,
qui font au calcul du do&eur Bernard 864 livres
fterlingenviron 1900b livres, de notre mônnoie.
Antoine fut fi content d’un de feS c-uifiniers, dans
un repas donné à la reine Cléopâtre, qu’il lui accorda
une ville pouît rrçcompenfe.
Ces_ gens-là aiguifoient l’appétit de leurs maîtres
par le nombre, la force, la diverfité des ragoûts, &
ils avoient étendu cette diverfité jufqu’à faire changer
de figure à tous les morceaux qu’ils voulaient
apprêter ; ils imitoientles poiffons qu’on defiroit & .
qu’on ne pouvoit pas avoir, en donnant à d’autres
poiffons le même goût & la meme forme de ceux que
le climat ou la faifon refufoient à la gourmandife. '
Le cuifinier de Trimalçion compofoit même de cette
manière, avec de la chair de poiflon, des animaux
diôérens, des pigeons ramiers, des tourterelles, des
poulardes, &c. Athénée parle d’un cochon à demi-
rôti , préparé par un cuifinier qui avoit eu l’adreffe
de le vuider & de le farcir fans l’éventrer.
Du temps d’Augufte, les Siciliens l’emportèrent
fur les autres dans l’excellencé de cet art trompeur; :
c’eft pourquoi il n’y avoit point à Rome de table délicate
qui ne fûtfervie par des gens de cette nation :
Non Jicuhz dapes
Dulcem elaborabunt faporem.
dit Horace. Apicius, qui vivoit fous Trajan, avoit .
trouvé le fecret de conferver les huîtres fraîches ; :
il en envoya d’Italie à ce prince pendant qu’il étoit ;
au pays des Parthes, & elles étoient encore très- ij
faines quand elles arrivèrent : aufli le nom d’Apicius
long-temps affe&é à divers ragoûts, fit une efpèc'e .
de ieâe parmi les gourmands de Rome.. Il ne faut !
point douter que le nom de quelque voluptueux de [
cette capitale, mieux placé à la fuite d'un ragoût j
qu’à la tête d’un livre, ne s’immortalife plus îure- ;
ment par fon cuifinier que par fon imprimeur.
Les Italiens ont hérité les premiers des débris de ;
la cuifineRomaine ; ce font eux qui ont fait cônnoître ‘
aux François la bonne chère, dont plufieurs de nos !
rois tentèrent de réprimer l’excès par des édits; ;
mais enfin elle triompha des loix fous le règne |
de Henri II ; alors les cuifiniers de delà les m o n t s j
vinrent s’établir en France, & c’eft une des moin- j
dres obligations que nous ayons à cette foule d’Ita- !
liens corrompus, qui feyyirent à la cour Catherine ;
de Médicis.
J’ai vu j dit Montagne, parmi nous ; un de ces at-;
tiftes qui avoit fervi le cardinal Caraffe : il me fit wn
difeours de cette fcience de gueule avec une gravité
& contenance magiftrale, .comme s’il eût parlé de I
quelque, grand point de .théologie; il me déchiffra
les différences d’appétit, celui qu’on a à jeun, &
celui qu’on a apres le fécond & tiers fervice ; les I
moyens tantôt de lui plaire, tantôt de l’éveiller
piquer; la police des fiances, premièrement en général
, & puis particularifanï les qualités des ingré-
diens & leurs effets, les différences des falades félon
leur befoift, la façon de les orner & embellir pour
les rendre encore plus plaifantes à la vue : enfuite il
entra en matière fur l’ordre du fervice, plein de
belles % importantes confédérations, & tout cela
•enflé-de riches & magnifiques paroles, & de celles-
là même qu’on emploie à traiter du gouvernement
d’un empire. Il m’eft fouvenu de mon homme: |
Hoc falfum efl y hoc aduftum efl 3 hoc lautum efi
■ parum :
Illud refiè ; iteriim fie memeruo. T e r . Adejph.
jj .Cela eft trop falé ; ceci eft brûlé ; cela n’eft pas
» affez relevé : ceci eft fort bien apprêté, fouvenez-
jj vous de' le faire de même une-autre fois. «
Les François faififlant les faveurs qui doivent dominer
dans chaque ragoût, furpafferentbientôt leurs
maîtres, & les firent oublier : dès-lors , comme s’ils
s’étoient défié d’eux-mêmes fur les chofes importantes
, il femble. qu’ils n’ont rien trouvé de fi flatteur
que de voir le goût de leur cuifine l’emporter fur
celui des autres royaumes opulens , & régner fans
concurrence du feptentrion au midi.
Il eft vrai cependant que grâces aux moeurs & à
la corruption générale, tous les pays riches ont des
Lucullus qui concourent par leur exemple à perpétuer
l’amour de la bonne chère. On s’accorde affez
à défigurer de cent manières différentes les mets
que donne la nature, lefquels par ce moyen perdent
leur bonne qualité, & font, fi on peut lé dire,
autant de poifons flatteurs préparés pour détruire
le tempérament, & pour abréger le cours de la vie.
Ainfi la cuifine Ample dans les premiers âges du
monde, devenue plus compofée & plus raffinée de
fiècle en fiècle, tantôt dans un lieu, tantôt dans
l’autre , eft a&ueilement une étude, une fcience des
plus pénibles, fur laquelle nous voyons paroître
fans cefîe de nouveaux traités, fous les noms de
Cuifinier François y Cuifinier royal, Cuifinier moderne,
Dons . de Cornus , Ecole des officiers de boucKe , &
beaucoup d’autres qui, changeant perpétuellement
de méthode, prouvent affez qu’il eft impoffible de
réduire à un ordre fixe, ce que le caprice des hommes
& le déréglement de leur goût recherchent,
inventent, imaginent, pour malquer les alimens.
Il faut pourtant convenir , que nous devons à l’art
de la cuifine beaucoup de préparations d’une grande
utilité, & qui méritent l’examen des Phyficiens. De
ces préparations, les unes fie rapportent à la coufervation
des alimens, & d’autres à les tendre de
Li„c facile digeftion. $ ■ , v .
P La confervation des alimens eft un point tres-im-
i portant. Indépendamment de la difette dont les ré-
nions les plus fertiles font quelquefois affligées , les
! yoyaees de long cours exigent neceffairement cette,
confervation. La méthode pour y parvenir eft la
! même pat rapport aux alimens du régné végétal,
comme à l’égard des alimens du régné ammaL Cette .
méthode dépend de l’addition, ou de la fouftra&on
! rie ouelqués parties qui tendent à empêcher la corruption
; & ce dernier moyen de conferver les ali-
mens tirés des animaux, eft le plus fimple. ILeom-
fifte dans la defficcation qui s opéré à feu lent &
doux, & dans les pays chauds à la chaleur du foleil.
I C’eft par exemple, de cette derniere mamere qu on
I fait deffécher les poiffons qui fervent enfuite de
I nourriture. . . .
On peut aufli fouftraire aux fucs des animaux
I toute leur humidité fuperflue, & la leur rendre à
I propos ; puifqu’ils font mucilage, ils peuvent éprou-
I ver cette viciflitude : delà vient finvention des ge-
| lèes & des tablettes de viande, qui fouffrent le tranf-
K port des voyages de long cours; mais comme ces
K tablettes ne font pas fans addition, elles appartien-
I nent plus particulièrement à l’efpèce de conferva-
j tion qui eft très-ordinaire , & qui fe fait par 1 addi-
I fion de quelque corps étranger, capable d eloigner
I la putréfaétion par lui-même : c’eft ce que produifent
K le fel marin & le fel commun. Les acides végétaux,
B le vinaigre, les fucs de verjus, de citron, de li-
I mon, &c. font encore propres à cet effet, parce
1 qu’ils refferrent les folides des animaux fur lefquels
K on les emploie, & rendent leur union plus intime &
K moins difloluble. f
On conferve auffi les viandes tirees des animaux
I par des fels volatils atténués par la déflagration des
1 végétaux, & par des fels acides volatils mêles inti-
! mement avec une huile fort attenuee ; tels font les
alimens fumés : mais cette préparation eft compofee
de la defficcation qui en fait une grande partie. Cependant
il eft certain que l’huile qui fort de la fumée,
& èes fels très-fubtils prenant la place de
l’eau qui s’évapore du corps de la viande, doivent
la rendre beaucoup moins altérable. L’experience le
démontre tous les jours, car les viandes & les poiffons
que l’on prépare de cette façon fe gardent davantage
que par toute autre méthode.
(ervatifs d’autant plus ufités, qu’ils donnent ordinairement
Il eft plufieurs autres manières de conferver les
alimens ; mais comme elles font fondées fur les
mêmes principes, je ne m’y dois pas arrêter. Ainfi
en cuifant les viandes, foit qu’on les faffe bouillir,
ou rôtir, on les conferve toujours mieux qu’autre-
ment, parce qu’on retranche beaucoup de leur mucilage.
On peut aufli conferver pendant quelque
temps les parties des animaux & les végétaux, fous
la graiffe, fous l’huile, fous les fucs dépurés, qui
empêchent leur fermentation ou leur pourriture en
les défendant de l’air extérieur. Enfin les aromati-
flues, tels que le poivre , les épices, font des con-
une faveur agréable aux alimens : cependant
il eft rare que le fel n’entre pas pour beaucoup
dans cette préparation. Ajoutons que la defficcation
concourt toujours ou prelque toujours avec les aromatiques
, pour les alimens qu’on veut long-temps
conferver.
Dans ce qui concerne l’art de rendre les alimens
des deux règnes plus faciles à digérer, la première
règle en ufage eft une préparation de feu préalable
& forte, fur-tout à l’égard des viandes, parce que
les fibres de la chair crue adhèrent trop fortement
enfemble pour que l’eftomac des hommes puiffe
les féparer, & que le mucilage qui les joint, abefoin
d’une atténuation confidérable, afin d’être plus folu-
ble & de digeftion plus aifée. C’eft pourquoi on emploie
l’ébullition dans quelque liquide, comme dans
l’eau, dans l’huile, dans le v in , &c. ou l’aétion
d’un feu fec qui les rôtit & les 'cuit dans leur fuc
intérieur.
L’addition des différentes fûbftances qu’on joint
à cette première préparation, concourt encore à
faciliter la digeftion, ou à fervir de correctif. L’af-
faifonnement le plus ordinaire pour faciliter la digeftion
, eft le fe l, qui en petite dofe irrite légèrement
l’eftomac, augmente fon a&ion & la fécrétion
des liqueurs. Tout corre&if confifte à donner aux
alimens le cara&ère d’altération contraire à leur
excès particulier.
Mais à l’égard de la fcience de la gueule, fi cultivée
, qui ne s’exerce qu’à réveiller l’appétit par l’apprêt
déguifé des alimens, comme j’ai dit ci-deflus ce
qu’on devoit peufer de ces fortes de recherches expérimentales
de fenfualité, je me contente d’ajouter
ic i, que quelqu’agréables que puiflent être les ragoûts
préparés par le luxe en tout pay s , fuivant
les caprices de la gajlrologie, il eft certain que ces
ragoûts font plutôt de efpèces des poifons, que des
aliments utiles & propres à la confervation de la
fanté. On trouvera dans l'Effiai fur les alimens, par
M. Lorry, célèbre médecin de la faculté de Paris, une
judicieufe théorie phyfiologique fur cette matière.
Comme dans les apprêts de la cuifine, on doit
confulter au moins autant la fanté que le goût des
i convives, il n’eft pas indifférent de commencer par
donner ici quelques aphorifmes que M. Cheyne ,
médecin Anglois, établit dans fon Effiai fur la manière
de conferver la faute. Il fait confifter le mérite des
alimens dans une digeftion facile. C e ft d’après ce
principe qu’il en déduit ainfi leurs divers degrés de
bonté.
i°. Les animaux & les végétaux qui viennent le
plus promptement en maturité, font d’une digeftion
plus facile que ceux qui font plus long-temps à fe
former.
20. Ceux qui font plus petits dans leur efpèce,
font moins difficiles à digérer que les grands.
30. Ceux qui font d’une fubftance fèche, charnue
& fibreufe , font plus digeftibles que ceux qui font
huileux, gras & vifqueux.
K ij