
objet fera de favoir fi on peut les amener au point
de ne crever plus par éclats lorfqu’ils feront adoucis.
Je fais qu’on ne peut pas attendre ce bon effet de
toutes fortes de fontes adoucies : j’en ai même fait
une forte d’épreuve. Au lieu de grands canons, j’ai
fait jeter en moule un canon de piftolet ; je rai
fait très-bien adoucir , je l’ai rendu très-limable ;
je l’ai chargé beaucoup plus qu’il ne devoit l’être
naturellement , fans qu’ils fe foi't crevé ; enfin ,
l ’ayant 'chargé encore davantage , l’ayant prefque
rempli de poudre , il s’eft crevé , & le mal eft qu’il
s’eft crevé par éclats. Je ne crois pourtant pas que
cette expérience doive faire défofpérer de parvenir
à faire des canons de fer fondu, q u i, en crevant,
s’entr’ouvriront comme ceux de bronze. La fonte
de ce canor de piftolet avoit été prife au hafard ;
& j ’ai averti qu’il y a des fontes qui donnent des
fers adoucis incomparablement plus flexibles que
d’autres fontes ne le donnent : il faut donc effayer
les différentes fontes ; & fi l’on veut commencer à
faire les effais fiir des canons de piftolet , ils ne
feront pas chers , & fuffiçont pour conduire à des
épreuves plus confidérables.
Pour amener des pièces de fer fondu aufli épaiffes
que le font des canons au degré de foupleffe né-
ceffaire, il faudra leur donner de longs recuits avec
nos poudres; mais la dureté des recuits n’ira pas
aufli loin qu’on pourroit fe^i’imaginer. Il y a des
endroits où l’on eft déjà en ufage de recuire pendant
plufieurs jours les canons de fer ; après qu’ils
ont été tirés des moules , on les entoure immédiatement
dé charbons allumés , ce qui produit peu
d’effet. La durée de nos recuits ne fera peut-être
pas beaucoup plus longue ; nous avons vu que des
pièces épaiffes de plus d’un pouce n’en demandent
que trois jours au plus ; le nombre de jours augmentera
en plus grand rapport que l’épaiffeur; mais
félon les apparences il n’ira pas bien loin, & ces
frais ne fauroient entrer en comparaifon avec les
avantages qu’on en retirera.
D’ailleurs on fera ces recuits bien plus hardiment
que pour les menus’ouvrages ; on ne craindra pas
de faire fondre des pièces fi épaiffes ; les écailles
31e feront pas non plus au rang des inconvéniens à
appréhender. Une des difficultés fera d’avoir des
fourneaux convenables ; on pourroit en employer
de fomblables à ceux dont nous avons fait ufage
jufqu’ic i , avec la différence du petit au grand , &
fur-tout du bas au haut. Q u’on imagine les creufèts
diftribués comme nous les avons diftribués, & que
celui du milieu a affez de profondeur pour recevoir
un canon placé debout, & affez. de longueur pour
en contenir plufieurs arrangés de file. Enfin, cette,
matière eft affez importante pour qu’on fît des expériences
dont les brais n’iroient pas bien loin. On
pourroit aufli bâtir des efpèces de tours , faire des
efpèces de chapes plus grandes, mais femblables à
- celles dans lesquelles on moule les canons. Comme
nous » ’aurions point ici à appréhender les écailles,
des creufets parfaitement clos pourroîent n’être pas
fi néceflaires.. . . . , ^
Nous avons vu qu’on peut augmenter la force
des ouvrages de fer fondu, en les fourrant de fer
forgé. Cet expédient ne nous fourniroit-il pas le
moyen de faire des canons de fer qui auroient
toutes les perfections qu’on leur voudroit ? Qu’on
affemblât des barres de fer liées de diftance en
diftance par desfrettes de fer ; peut-être fuffiroit-il
de faire cet affemblage avec des rivets, & dans ce
cas" il ne feroit pas un ouvrage. Ce bâtis de fer
fourniroit une efpèce de noyau qu’on recouvriroit
par dehors & par dedans de fer fondu. M. de
Villons, après toutes fes tentatives fur les canons
de' fer forgé , avoit penfé qu’on ne pourroit, fans
des frais trop grands,, leur donner leur forme en
entier , fi on les faifoit de Ce métal ; il avoit penfé
d’en compofer l’intérieur de fer forgé, qu’on revê-
tiroit par dehors de fonte de cuivre.
Après avoir parcouru les ufages qu’on peut faire
de notre fer fondu, dans le grand d ans le beau,
& même dans le terrible, nous allons le confidérer
par rapport à des ufages moins nobles, voir l’utilité
dont il peut être dans les cuifines. J’avouerai pourtant
que ce n’eft pas le côté par où il me paroît
qu’on en doive faire moins de cas. Dans le,fond,
il vaut mieux perfectionner les uftenfiles qui y font
propres, que les armes meurtrières. Si cette façon
de penfer n’eft pas la plus élevée , elle eft au moins
la plus humaine, & peut-être la plus fenfée. On
peut efpérer de faire par la fuite.prefque toute
la batterie de cuiftne de fer fondu , chaudrons,
marmites , poêles à confitures , cafleroles, baffi-
noires, &c. Le royaume y dont on néglige les mines
de cuivre , épargneroit par-là bien de l’argent qu’il
fait fortir pour fe fournir de ce métal. On a depuis
long-temps des marmites & des chaudrons de fer
fondu; on ne s’en fert guère qu’aux villages' & en
quelques petites villes, & c’eft pour épargner des
. vafes de cuivre. Trois raifons ont empêché que les
uftenfiles de fer fondu de cette efpèce ne devinflent
d’un ufage plus général ; i° .ils ont toujours un air
mal-propre ; comme ils font raboteux, tant intérieurement
qu’extérieurement, il n’eft pas aifé de
les nettoyer : i°. ils font plus épais que ceux de
cuivre forgé ; & par-là plus difficiles à échauffer :
5°. enfin, ils fe caftent aifément ; ils feroient mal
entre les mains des cuifinières ; ils demandent à
être ménagés : on ne peut qu’avec rifque les frapper
rudement. Sans cela, une marmite, un chaudron
de fer foudu feroient prefque des vàfos éternels :
le feu ne les brûle point comme ceux d$ cuivre.
Notre nouvel art lève ces trois difficultés. On moule
aujourd’hui ces vafes moins minces qu’on ne le
pourroit, afin qu’ils foient plus en état de réfifter
aux chocs ; fi cependant on no trouve pas ceux
qu’on fera mouler par la fuite affez minces au fortir
du moule y on achèvera lefcrefte, après qu’ils auront
été adoucis : on le f travaillera fur le tour, comme
on travaille les chaudrons de cuivre \ on les rendra
éuffi minces qu’il fera néceffaîre pouf qu’ils s’échauffent
promptement. Enfin , nos recuits les rendant
moins caffans, ils remédient à la principale
difficulté qui en a arrêté l’ufage. Je n’oie efpérer
qu’ils leur donneront toute là foupleffe du cuivre ;
mais ils leur en donneront affez pour qu’ils ne fe
caffent point, quand on aura une attention médiocre
à les ménager. Il y a aéhiellement bien des
maifons ailées, où l’on fe fert de marmites d’une
fonte de cuivre compofée ; elles font épaiffes &
caftantes , & cependant elles coûtent fort cher.
L’avantage qni compenfe ces deux défauts , eft
qu’elles ne demandent pas à être étamées. .
Aufli ri’y a-t-il que la néceffité qui ait pu forcer
à avoir recours au cuivre .ordinaire , malgré fon
odeur défagréable, & malgré la nature de la rouille
à laquelle il eft fujet, qui eft un dangereux poifon.
On a à la vérité très-bien imaginé d’étamer les vafes
de ce métal, pour les préferver du verd-de-gris &
pour les empêcher de communiquer leur mauvaife |
odeur à ce qu’on y fait cuire & qu’on y laiffe refroidir.
La rouille du fer n’eft pas à craindre, & eft
peu confidérable dans les vaiffeaux de fer fondu. .
Au rapport des ménagères, ces vafes ne donnent
aucun goût à ce qui a été cuit dedans ; elles affurent
que la loupe eft excellente dans les qjarmites de fer
fondu. Mais enfin, fi l’on veut encore les défendre
contre la rouille, rien n’émpêchera qu’on ne les
étame, comme les ferruriers étament les ferrures ,
les targettes, les verroux, comme les éperonniers
étament les branches & les mords de brides, &
comme on étame les feuilles de fer. Je ne parle
qu’après l’experience. J’ai fait étamer par des éperonniers
des marmites de fer fondu, qui ont très-
bien pris l’étain.
L’ufage de tout ce qu’on nomme batterie de cuijîne
eft fi grand & fi général, que je n’héfite point à
regarder cet objet comme un des plus importans
de notre art. C ’eft beaucoup que de faire de plus
belles grilles, de plus beaux balcons , de plus belles
ferrures , de faire en général des ouvrages plus
recherchés, plus ornés ; on pourroit pourtant douter
s’il y a à gagner pour le genre humain , en multipliant
jufqu’à un certain point ce que nous appelions
beau, & qui eft Amplement beau.
S’il étoit poffible de faire en fer forgé tous les
uftenfiles de cuifiné qu’on fait en cuivre, il n’y a
pas lieu de croire qu’on y eût employé ce dernier
métal. Si l’art y eut pu parvenir , on feroit des
marmites , des cafleroles , des chaudrons de fer
battu, comme on en fait des poêles à frire. Mais le
fer n’a pas une foupleffe qui lui permette de fe
laiffer contourner autant qu’il eft neceffaire ; & ce
qui lui manque fur-tout, c’eft de fe laiffer rétreindre :
c’eft cette dernière qualité qui donne le moyen de
faire au marteau des vafes de plomb , de cuivre ,
d’or & d’argent. On forge de fer une poêle à frire,
parce que les bords de la poêle font plus évafés
que fon fon^l. Si on avoit une pareille poêle faite
pe cuivre o\i d’argent, ou pourrait la changer eu
un Va fe de quelle forme on le voudroit : en frappant
fur fes bords par dehors, on les retréciroit de façon
qu’ils laifferoient une ouverture beaucoup plus
étroite que le fond d’où ils partent, c’eft ce qu’on
appelle rétreindre. Mais il n’y a pas moyen de rétreindre
ainfi le fer. J’ai oui parler d’un ouvrier qui
avoit eu Fadreffe.de faire de fer forgé , une efpèce
de bouteille à long col, qui étoit parvenu à le ré--
treindre à ce point. Mais ce n’avoit pu être qu’après
beaucoup de temps, après un nombre prodigieux de
chaudes ; & un pareil ouvrage en fer étoit devenu
plus cher par la façon, que s’il eût été d’argent, &
peut-être d’or.
On fait à la vérité des vafes de fer plus étroits .
par en haut que par en bas : tels font nos cafetières.’
Mais on fait que le fer de ces fortes- de vafes n’a
pas été rétreint ; il eft quelquefois de différentes
pièces, dont les bouts repliés les uns fur les autres
font retenus feulement par de la foudure : ce qui
eft caufe qu’on ne fauroit les expofer au feu que
quand ils font pleins d’eau, qui empêche le vafe de
prendre le degré de chaleur qui feroit fondre la
foudure. On pourra avec le fer fondu faire à l’avenir
des poêles dignes d’échauffer les appartemens, où
ils trouvent place dans le royaume depuis quelques
années.
Les grands vafes à fleurs , dont on pare les par-,
terres , auront en fer les formes les plus gracieufes ,
comme en bronze , & pourront être aufli bien
réparés ; enfin, on pourra mouler en fer une infinité
de ftatues, de buftes. Le petit cheval de fer fondu,
qui eft dans le cabinet de fa majefté à Verfailies,
ne fera plus au nombre des ouvrages rares par leur
matière. S’il y a quelque chofe à quoi le fer fondu
convienne, c’eft certainement aux ouvrages qui ne
font faits que pour être expofês en v u e , & qui n’ont
point à fatiguer. On fait en cuivre ou en potin ,
I des flambeaux & une infinité d’autres uftenfiles qui
pourront aufli être faits de fer fondu.
Voudra-t-on dorer ou argenter nos ouvrages de
fer fondu ? on n’y trouvera nul obftacle ; ils fe
doreront & argenteront comme le cuivre ; ils auront
aufli, comme le fer , leur efpèce de dorure particulière
: on pourra les dorer d’or damafquiné ,
comme on dore les fufils & les gardes d’épées. Des
feux, des flambeaux , des bras , des luftres de fer
fondu, à qui l’on feroit prendre le violet, & fur
lefquels on jetteroit enfuite de légers ornemens d’or
damafquiné , feroient de magnifiques ouvrages „
& d’un grand goût.
On peut tirer parti de tout ; les inconvéniens
même qui s’oppofont aux recherches qu’on fe pro-
pofoit, peuvent fouvent tourner à profit. C ’en a
été un pour les premiers ouvrages que nous avons
tenté d’adoucir, que de les voir expofés à s’écailler *
mais cet inconvénient n’eft pas général pour tous.
On emploiera hardiment la poudre d’os foule
pour les ouvrages unis , ou pour ceux dont les
ornemens ne font pas fi délicats : l’adouciffement 1 en fora plus prompt. Il y a même des ouvrages unis