
fur deux pouces de large & un peu tranchant par
fes bords.
Les eûmes ou bêtes font les deux noms que donnent
les diftillateurs d’eaux-fortes à des vafes de
grès faits en forme de poire, fermés de toute
part, & ayant vers leur extrémité la plus large, une
ofpèce de goulot d’un pouce de long fur un grand
pouce de diamètre, dont la direction eft de bas
en haut. Ces cuines repofent droites par leur bafe
qui eft plate, fur dés traverfes de fer fondu.
La capacité de ces cuines eft ordinairement de
cinq pintes, elles portent quinze pouces de haut fur
fix pouces dans leur plus grande largeur. On les
fabrique pour Paris au village de Savigny, près
Beauvais, où la poterie de grès paft’e pour fupé-
rieure à toute autre.
Ces vafes font mis deux fois au four, ce qui
n’empêche pas qu’il n’en Cafte quelques-uns dans le
travail. C’eft pourquoi on prend la précaution de les
garnir avec une pâte mêlée de terre à four & de
crotin de cheval, qu’on fait fécher immédiatement
fur la galè(re , tandis qu’elles travaillent, ou fur dés
planches dreffées au defliis. Au refte, il y a des
diftillateurs qui ne lutent point, mais qui ont foin
de choifir des cuines qui n’ont pas été mouillées ,
même pour en faire l’eflai.
Il y a des fabricans qui font faire les cols des
cuines longs de trois à quatre pouces, & qui évitent
par ce moyen de fe fervir des goulots, qui font de
petits vaifteaux de grès d’environ trois pouces de
long, évafés en forme de godet à deux pouces de
diamètre jufques vers le milieu de leur longueur,
& formant pour le refte un petit canal de demi-
pouce de diamètre. On ajufte la portion la plus
large aux cols des cuines, pour en rendre la jonction
plus facile avec les pots ou récipients.
D ’autres fabricans croient, au contraire , que
l’ufage des goulots eft préférable aux cols longs.
Un chimifte Allemand obferve à cet égard,
d’après fa propre expérience, que les goulots font
très-utiles, fur-tout fi leur capacité intérieure eft
un peu confidérable ; car, i°. ils augmentent celle
de l’appareil, & donnent ainfi plus de jeu aux vapeurs
; i° . ils éloignent le récipient du feu, & empêchent
qu’il ne s’échauffe trop , fur-tout vers la
fin de l’évaporation où le feu eft affez fort.
Cette dernière raifon fuffiroit pour recommander
les goulots. C ’eft le moyen de prévenir les
accidens auxquels expofe l’élafticité des vapeurs ,
dont la force eft augmentée par la chaleur, &
qui ceflé auffitôt que le froid les condenfe ; car en y
appliquant des récipiens d’un col de quelques pieds
de long, on n’a rien à craindre de l’élafticité des
vapeurs, quand même l’appareil auroit peu de capacité
;' & cela, par la feule raifon que le récipient
eft aftez éloigné du feu pour ne pouvoir pas être
réchauffé.
Les cuines qui ont un long col , font fans doute
très-avantageulss ; car, plus le col entre dans le récipiënt,
moins les vapeurs ont d’a&ion fur les luts •
mais ils ne peuvent jamais remplacer les goulots!
Un chimifte François propofe, pour fubvenir à
l’élafticité des vapeurs, de faire une ouverture
dans le récipient qu’on peut ouvrir toutes les fois
que l’on craint la rupture des vaifteaux ; mais cette
méthode ne peut'être approuvée , puifque de i'on
propre aveu, & par l’expérience on perd un fixiéme
de l’eau-forte en vapeurs, ce qui eft confidérable.
Il feroit mieux d’employer des goulots, & de donner
de longs cols aux cuines ou aux récipiens. On
peut aufli augmenter la capacité des ballons en réunifiant
deux récipiens par un tuyau, ou en prenant
pour ballons de grandes cailles garnies intérieurement
de foufre.
L’appareil de Kunckel, dont il fera queftion ci-
après, ; a aufti de grands avantages, d autant qu’il
permet de pouffer le feu fans avoir befoin, pour
ainfi dire, de précautions, qu’il met à l’abri du dan}
ger de lélafticité des vapeurs, & qu’il ne laiffe
rien échapper dans l’opération.
On pare aufti à l’élafticité des vapeurs, & l’on
empêche que les ballons ne fe réchauffent, foit en
interceptant la chaleur par le moyen d’une planche
qu’on place entre le ballon & le fourneau, foit en
appliquant des linges mouillés fur la partie fupé-
rieure du ballon, ce qu’on renouvelle de temps en
temps, afin de faciliter la condenfation des vapeurs
de l’acide nitreux. Lorfqu’on rafraîchit ce vaiffeau,
• il faut obferver qu’il ne foit pas trop chaud : s’il
l’étoit, on courroit rifque de le faire rompre.
Les pots ou récipiens font à peu près de la forme
des cuines , ils font feulement moins ventrus ; mais
au lieu d’un col latéral, ils ont une ouverture ronde
de trois pouces de diamètre. On peut fe difpenfer
de les luter ou de les garnir.
Il faut encore dans un laboratoire d’eaux-fortes,'
des uftenfiles , tels qu’une pelle de forte tôle, large
& plate^, avec un manche de bois ; des étoujfoirs
à braife ; des marmites de fer ; ujie hache à fendre
du bois; des coins ; un maillet; des marteaux; des
ci féaux; une auge à maçon ; une truelle de fer; de
la terre à four ; des paniers & corbeilles d’ofier ferré;
un crible aufti d’ofier, des battes à ciment ou des
billots ronds , garnis de clous fur une de leurs
faces, & emmanchés de biais par l’autre face;-enfin
une autre efpèée de batte qui eft un petit infiniment
de fer de demi-pouce d’écarriffage, finiffant en pied
de biche, & s’aminciffant tant fur fa largeur que
fur fon épaiffeur; infiniment qui fert, foit à réparer
le dôme lorfqu’il vient à fe crevaffer, foit à le percer
lorfqu’on veut lui donner de l’évent, foit à le.
détruire lorfque l’opération eft finie,
Principales matières employées par les dijlillateurs.
d’eaux-fortes.
Les matières principalement employées par les
diftillateurs d’eaux-fortes font les argiles, les vitriols
, Y alun, le falpêtre, Y huile de vitriol, & le boii
ou autre fubftance combuftible.
Vargile, ou la glaife employée par les diftillateurs
d’eaux-fortes , fe tire en partie du village de
Gentilly, près Paris. Elle eft d’un gris blanchâtre,
abondamment marbrée de rouge, & aftez compare.
En voici la préparation.
A la fin du travail d’une galère, qu’on fuppofe
vers cinq heures du foir, après qu’on a retiré toute
la braife, on enfourne les mottes cl’argille coupées
feulement en deux, & on les laifle julqu’au lendemain
matin qu’on achève de dégarnir la galère.
L’argile fe trouve alors fèche pour être brifée, avec
les battes à ciment, en poudre groftière qu’on paffe
au crible d’o fier, pour être mélangée & empotée
dans la journée ; elle perd près d’un tiers de fon
poids par la déification.
Le vitriol eft en général une diflblution du fer ou
du cuivre, ou du zinc par l’acide vitriolique. Lorfque
c’eft une diftolution de fer réduite en criftaux,
elle fe nomme vitriol martial ou verd; celle de cuivre
s’appelle vitriol bleu 911.de Chypre ; celle du zinc,’
vitriol blanc ©u de Gojlar. Ces différentes diffolu-
tions ont dans le commerce la dénomination générale
de couperofes ; mais outre la défignation des
couleurs par lefquelles on diftingue ces couperofes,
on leur donne aufti les noms des pays d’ou on les
tire, les appellant couperofes à' Angleterre, -à'Allemagne.,
de Dantfic, &c.
De ces trois vitriols ‘ou couperofes, \e verd eft
celui dont les diftillateurs d’eaux-fortes font le plus
d’ufage, quoiqu’on pût aufti employer les autres
efpèces.
Le vitriol martial ou couperofe verte eft une
mafle faline verdâtre , tranfparente, compofée de
criftaux plats, & amoncelés les uns fur les autres.
Ce vitriol jaunit à fa furface lorfqu’il devient fec &
vieux. Sa faveur eft acerbe, & d’un goût d’encre
infupportable.
Il eft important pour les diftillateurs d’eaux-fortes
que la couperofe verte qu’ils emploient foit pure ,
& qu’elle ne contienne point de cuivre. On s’en
aflùre en frottant un peu de cette couperofe fur
une lame de fer fraîchement récurée ; elle eft pure
fi elle ne laiffe aucune trace de cuivre. On con-
ferve la couperofe dans- un lieu qui ne foit ni trop
*ec » ni trop humide.
L alun qui eft employé par quelques diftillateurs
d eaux-fortes, eft, comme nous l’avons fuffifamment
décrit dans la première partie de ce Diftionnaire ,
un k l neutre compofé d’acide vitriolique uni à une
terre argileufe. On choifit par préférence celui qu’on
aPPelle dans le commerce alun de roche.
On peut auffi fe fervir , fuivant un chimifte Allemand
, du fel catarêiique amer, nommé le fe l $ Angleterre
, pour la diftillation des eaux-fortes.
Le falpêtre on nitre eft un fel neutre compofé
de 1 acide particulier, appellé acide nitreux, & de. 1 alkali fixe végétal. Ce fel eft plus ou moins pu-
n mais le diftillateur d’eaux-fortes choifit de
preference le falpêtre chargé de fel marin , & qui
• - roux à caufe de fa faunaure, foit à caufe qu’il
coûte moins que le falpêtre purifié, foit parce qu’il
eft plus aifé à dêcompofer.
Les falpêtriers retirent, par la première purification
du nitre, une eau-mère ; aufti nommé eau-
fûre ou aigre, qui contient du fel marin & du nitre
à bafe terreufe ; les diftillateurs achètent à vil prix
cette eau de rebut, & en arrofent leur mélange
pour la diftillation des eaux-fortes.
Quant au bois propre à chauffer les galères, on
préfère ordinairement le bois de gravier, parce que
dans fa combuftion, il n’a, pas la lenteur du bois
neuf, ni la trop grande activité du bois flotté. Il
faut le fendre dans fa longueur en morceaux de
trois à cinq pouces de diamètre ; & avant de l’employer
on lui fait paffer la nuit le long de la galère
qui a travaillé la journée précédente. Lorlqu’on
donne le dernier feu, on peut fe fervir de bûches
coupées en deux.
Dans le pays de Liège on chauffe les fourneaux
avec du charbon de houille; & dans la Picardie on
les chauffe avec de la tourbe..
Enfin, il y a quelques opérations pour lefquelles
on emploie le charbon ordinaire.
Gouvernement d'une galère.
Les diftillateurs d’eaux-fortes retirent leur adde;
foit,, i°. à l’aide d’une argile; foit, 20. par l’intermède
du vitriol de mars ; foit, 30. par celui de
Y huile ou acide de vitriol. Ainfi, voilà trois procès
dés différens pour la diftillation des eaux-fortes,
que nous devons examiner fucceffivement.
Premier procédé par l'argile.
Lorfque l’artifte s’eft précautionné de cuines lii-
tées, garnies & féchées ; lorfqu’il a une fuffifante
quantité d’argile fèche, réduite en poudre grof-
fière ; en fuppofant fa galère montée de trente-
deux cuines ; il doit pefer foixante & quatre livres
de falpêtre de la première cuite ; & cent quatre-
vingt douze livres d’argile defféchée & criblée,
qui doivent former, dans l’ufage ordinaire, cinq
corbeilles.
On affemble l’argile en tas fur le fol & contre le
mur du laboratoire : on range le falpêtre à côté ;
on l’écrafe avec la batte à ciment ; puis on le paffe
au crible d’ofier fur le tas d’argile.
On répand enfuite fur tout le tas ainfi mêlé
feize livres ou de Y eau-mère, autrement eau-fûre ou
aigre du nitre, dont nous avons parlé ci-devant,
ou du premier phlegme des eaux-fortes déphle-
gmées, ou à leur défaut d’eau de puits. Alors deux
ouvriers armés chacun d’une pelle de bois étroite,
fe plaçant de droite & de gauche du tas, le renyer-
fent par pellée où étoit le falpêtre ; ils reprennent
ce nouveau tas en le chaffant de la même manière
contre le mur, ce qu’ils répètent jufqu’à trois fois.
Le mélange ainfi fait, ils le prennent par portions
dans une mefure de fer faite en boiffeau, qui tient
à peu près huit livres , & ils introduifent chaque
mefure dans une cuine, à l’aide d’un entonnoir de