
qui n’a d’autre courbure que celle qui lui eft né-
ceffaire pour embraffer la chauffure entre Ton talon
& la femelle d’une part, & le quartier de l’empeigne
de l’autre , dans le creux de la couture qui
les unit. Le collet eft relevé perpendiculairement
jufqu’à l’appui des éperons ordinaires., & recourbé
enluite contre le flanc du cheval. Ces éperons
n’étant maintenus par aucune efpèce d’attache,
peuvent fe perdre très - aifément , quelque force
qu’aient les refforts , à moins que la femelle ne
foit des plus groflières. Nous les laiffons aux médecins
, aux barbiers, aux curés de village, & aux
moines. Ils font connus dans quelques provinces &
chez quelques éperonniers, par le nom d'éperons à
la chartreufe.
Au furplus, dans la conftruâion de l’éperon en
général, la forme de la molette eft ce qui mérite
le plus d’attention. Il ne s’agit pas d’eftropier, de
faire des plaies au cheval, d’en enlever le poil ;
il fuffit qu’il puiffe être fenfible à l’aide & au châtiment
, & que l’inftrument prépofé à cet effet foit
te l, que par lui nous puiflions remplir notre objet.
Une molette refendue en un grand nombre de
petites dents, devient une fcie, fouvent aufli dan-
gereufe que l’éperon à couronne. Une molette à
quatre pointes eft défeêhieufe, en ce que l’une de
ces pointes peut entrer jufqu’à ce que les côtés des
deux autres , en portant fur la peau, l’arrêtent ; fi
elle eft longue, elle atteindra jufqu’au v if; fi elle
eft courte, il faut que les trois autres le foient aufli ;
& dès-lors fi elles fe préfentent deux enfemble ,
elles ne font qu’une impreflion qui eft trop légère.
La molette à cinq pointes paroît plus convenable^,
pourvu que leur longueur n’excède pas deux lignes.
La molette à fix pointes eft moins vive ; à lept,
elle retombe dans les inconvéniens de la multiplicité.
Il n’eft pas à propos encore que ces pointes
ïbient exactement aiguës. La molette angloife eft
cruelle par cette ràifon, & par celle de la pofition
horizontale , que quelques éperonniers lui ont nouvellement
donnée, au lieu de la placer verticalement.
Du refte ces ouvriers, par la délicateffe & par la
fimplicité de leur travail , font honte à nos éperonniers
. françois. Il faut enfin que cette même
pièce de l’éperon puiffe rouler fans obftacle, & être
affez épaiffe & percée affez jufte pour qu’elle ne fe
déverfe point fur la goupille qui la traverfe.
L’éperon peut être fait de toute forte de métal. Je
voudrois du moins que la molette fût en argent;
les bleffures qu’elle peut faire feroient moins à
craindre. Il doit être ébauché de près à la forge,
fini à la lime douce, s’il eft de fe r , & enfuite doré,
argenté ou étamé, & bruni ; s’il eft d’autre métal,
on le mettra en couleur, & on le brunira de même ;
c’eft le moyen de le défendre plus long - temps
contre les impreflions qui peuvent en ternir l’éclat
& hâter fa deftruftion. Voye^, quant à la figure de
l’éperon, nos planches de l'Éperonnier, tome I I des
gravures.
Anciennement on s’cft fervi dans les manèges
d’une longue perche , ferrée par un bout d’une
molette d’éperon, ou d’un aiguillon, à l’effet de
hauffer le derrière du cheval dans les fauts. Un
écuyer à pied fuivoit l’animal , & lui appliquoit
çette perche fur la croupe ou dans les feffes, dans
le même temps que le cavalier qui le montoit en
élevoit le devant. On regardok comme un habile
h o m m e l ’on admiroit la pratique de celui qui
faififfoit parfaitement le temps, & qui choififfoit
avec jugement l’endroit où il de voit piquer le cheval
avec cet infiniment. Il arrivoit fouvent que le derrière
de l’animal qui dêtachoit, alloit au devant de
la perche ; il fe bleffoit vivement , & renverfoit
l’écuyer ainfi armé e.n la repouffant avec force. On
s’apperçut encore que cette méthode tendoit à décourager
certains chevaux, & à en rendre d’autres
rétifs ou vicieux ; on l’abandonna , & l’on confia
au cavalier une molette énorme , placée au bout
d’un manche de bois d’environ deux pieds & demi
de longueur. Le collet de ce nouveau genre d’éperon
étoit replié d’équerre, & entroit à vis dans
le manche, dont une des extrémités étoit terminée
par une virole-à écrou. Enfuite de cette grande &
heureufe découverte , l’écuyer étant à cheval, tra-
vailloit feul & fans le fecours d’un aide ; fans
doute que les avantages & les fuccès de pareils
moyens ont été tels , que nous avons cru devoir les
abandonner.
Étrier, Étriviéres, Étrier e.
L'étrier eft une efpèce de grand anneau de fer
ou d’autre métal, forgé & figuré par l’éperonnier,
pour être fufpendu par paire à chaque felle , au
moyen de deux étriviéres ; & pour lervir, l’un à
préfenter un appui au pied gauche du cavalier lorf-
qu’il monte en felle & qu’il met pied à terre, &
tous les deux enfemblê à foutenir (es pieds ; ce qui
non - feulement, l’affermit , mais le foulage d’une
partie du poids de fes jambes quand il eft à cheval.
On ne voit des vefiiges d’aucune forte d’appui
pour les pieds du cavalier, ni dans les colonnes,
ni dans les arcs, ni dans les autres monumens de
l’antiquité , fur lefquels font repréfentés nombre
de chevaux , dont toutes les parties des harnois
font néanmoins parfaitement diftinâes. Nous ne
trouvons encore ni dans les auteurs grecs & latins,
ni dans les auteurs anciens des di&ionnaires & des
vocabulaires, aucun terme qui défigne l’inftrument
dont nous nous fervons à cet égard , & qui fait
parmi nous une portion de l’équipage du cheval ;
or , le filence de ces mêmes auteurs , ainfi que
celui des marbres & des bronzes , nous a porté à
conclure que les étriers étoient totalement inconnus
dans les fiècles reculés , & que les mots Jlapes ,
flapia , flapeda , biftapia, n’ont été imaginés que
depuis que l’on en a fait ufage.
Xénophoii , dans les leçons qu’il donne pour
monter à cheval , nous en offre une preuve. Il
confeille au cavalier de prendre de la main droite
la crinière & les ’ rênes , de peur qu’en fautant il
ne
les tire avec rudeffe & telle eft la méthode ;
de nos piqueurs lorfqu’ils fautent fur le cheval.
Oitand le cavalier, dit-il, eft appefanti par 1 âge,
fon écuver doit le mettre à cheval à la mode des
Perfes. Enfin, il nous fait entendre dans le meme
Biffage,'qu’il y avoit de fon temps des écuyers;
mii dreffoient les chevaux, de maniéré quils le: ;
baiffoient devant leurs maîtres pour-leur faciliter
l’aflion de les monter. Cette marque de leur habileté
, qu’il vante beaucoup, trouveroit de nos jours j
plus’ d’admirateurs dans nos foires que dans nos,
manèges. , ,
Raphaël Volateran, dans fon epitre a Xenophon
in reequejlri, nous développe la manière des écuyers
des Perfes, & les fecours qu’ils donnoient à leurs
maîtres; ils en foutenoient,-dit-il, les,pieds avec
leurs dos. ■ .
Pollux & Vegece confirment encore notre idee.
Si quelqu’un, félon le premier, veut monter à cheval,.
il faut qu’il y monte ou plutôt qu’il y defeende
de deffus un lieu élevé, afin qu’il ne fe bleffe point
lui-même en montant ; & il doit faire attention de
ne point étonner & gendarmer le cheval par l’effort
de fon poids & par fa chute r.fiir quoi Camérarius
a prétendu que, ’le cheval nud ou harnaché, devoir
être accoutumé à s’approcher du montoir,
foit qu’il fût de pierre 3 de bois, ou de quelqu’autré
matière folide. Quant à Vegece (lib.j de re militari),
il nous fait une defeription de l’ufage que les
anciens faifoient des chevaux de bois qu’ils pla-
eoient.en été dans les champs, & en hiver dans
les maifons. Ces chevaux fervoient à exercer les
jeunes gens à monter à cheval ; ils y fautoient d’abord
fans armes , tantôt à droite , tantôt à gauche,
& ils s’accoutumoient enfuite infenfiblement à y
fauter étant armés. - -
Les Romains imitèrent les Grecs dans l’un &
l’autre de ces .points. De femblables chevaux de
bois étoient propofés à la jeuneffe qui s’exerçoit
par les mêmes moyens, & qui parvenoit enfin à
fauter avec autant d’adreffe que de légéreté fur
toutes fortes „de chevaux. A l’égard des montoirs ,
•il y en avoit à quantité de portes.. Porchachi, dans
fon livre intitulé funçrali antichi, rapporte une inf-
cription dans laquelle le montoir eft appelé fuppe-
dtvieùm qu’il trouva gravée fur un monument
très-endommagé. en allant de Rome à Tivoli.
La précaution de CQnftruire : des montoirs aux
différentes portes-, & même,-fi l’on veut, d’efpaces
en efpaces fur les chemins, n’obvioit pas cependant
à l'inconvénient qui réfultoit de l’obligation
de defeendre & de remonter fouvent à cheval en
voyage où à l’armée ; fans doute que cette aélion
étoit moins difficile pour les Romains qui étoient
en état d’avoir .çles^écuyers : mais comment ceux
qui n’en avoient point, & que l’âge ou des infirmités'
empêchoient d’y fauter, pouvoient-ils, fans aucune
al4ê , parvenir jufque fur leurs chevaux ?
Ménage , en s’étayant de l’autorité'de Voffius , a
foutenu que S. Jérôme eft le premier auteur qui ait
Arts' & Métiers. Tome II. Partie IL
parlé des étriers. Il fait dire à ce faint, que.lorfqu’il
reçut quelques lettres, il alloit monter à cheval Sc
qu’il avoit déjà le pied dans l’étrier, in bïjlspia : mais
ce paffage ne fe trouve dans aucune de fes épîtres.
Le P. de Montfaucon en contefte la réalité, ainfi
que celle de l’épitaphe d’un Romain, dont le pied
s’étant engagé dans l’étrier,; fut traîné fi long-temps
par fon cheval, qu’il en mourut.
.. . Le même P. de Montfaucon, après avoir témoigné
fa furprife de ce que des fiècles fi renommés
& fi vantés ont été privés d’un feepurs aufli utile,
aufli néceffaire & aufli facile à imaginer, fe flatte
d’en avoir découvert la^raifon. » La felle n’étoit
» alors, dit-il, qu’une pièce d’étoffe qui pendoit
» quelquefois des deux côtés prefque jufqu’à. terre.
» Elle étoit doublée & fouvent bourrée. Il étoit
» difficile d’y'attacher des étriers qui tinffent bien,
» foit pour monter à cheval, foit pour s’y tenir
» ferme & commodément. On n’avoit pas encore
» l’art de, faire entrer du bois dans la conftruclion
» des felles : cela paroît dans toutes celles que nous
» voyons dans les monumens. Ce n’eft que du
» temps' de Théodofe que l’on remarque que les
» felles ont un pommeau, & que félon toutes les
». apparences, le fond en étoit une petite machine
» de bois. C ’eft depuis ce temps-là qu’on a inventé
» les étriers , quoiqu’on ne. fâche pas précifément
» le temps de leur origine. «
Il eft certain que l’époque ne nous en eft pas
connue ; mais j’ôbferverai que leur forme varia
fans doute, félon le goût des fiècles & des pays
où ils furent fabriqués. L’avidité de nos aïeux pour
les ornemens , leur fit bientôt perdre de vue la
véritable déftïnation de ces parties du harnois de
monture. Une rofe en filigramme, qu’on pouvoit
à peine difeerner de deux pas, & que la moindre
èclabouffureenfouiffoit; des nervures d’une groffeur
difproportionnée pour porter fur un étrier la décoration
d’un édifice gothique que l’on admiroit, une
multitude d’angles aigus , de tranchans , d enrou-
lemens entaffés ,-formoient-à leurs yeux une.com-
pofition élégante qui leur dèroboit les défeéluofités
les plus fenfibles.
La moins confidèrable étoit un poids fuperflu ;
elle frappa nos prédécefleurs : mais en élaguant
pour y remédier, ils confervèrent quelques ornemens
, & ils l'opprimèrent des parties d’où dépendait
la sûreté du cavalier. Nous les avons rétablies :
on découvre néanmoins encore dans nos ouvrages
de ce genre des reftes & des traces de ce mauvais
- goût. Nous employons , par exemple, beaucoup de
temps à; former des moulures qui difparoiffent arx
yeux , ou que nous n appercevons qu a 1 aide de la
boue , qui en remplit & qui en garnit les creux ;
nous creufons les angles rentrans quelquefois même
: aux dépens de la folidité ; nous pratiquons enfin
des’ arêtes vives’, aufli déplacées que nuiûbles à
la propreté.
Quoi qu’il en fo it, on doit diftinguer dans le -
trier , l'a il, le corps, la planche, & la grille.
lu