
ces nuances de feu fe fuccéder, mettez une lame
d’acier bien poli fur des charbons de bois ardens ;
en examinant avec attention, vous appercevrez que
toutes ces couleurs paroiffent fucceffivement dans
l’ordre que nous venons de les nommer.
11 y a des outils qui n’ont pas befoin de recuit ;
comme les grattoirs, lesbrunifloirs, les fulils adonner
le fil aux inftrumens tranchans.
Le rafoir eft de tous les inftrumens d’acier celui
qui demande le plus de ménagement dans le recuit.
Par conféquent, la couleur de paille, comme la plus
foible*4ui convient le mieux.
Les canifs , les cifeaux, les outils tranchans de
chirurgie , ceux deftinés à couper le cuir ou le bois,
réclament un recuit de couleur d’or.
La couleur du cuivre rouge étant plus propre à fortifier
le corps de l’acier, elle eft applicable au recuit
des lames de couteaux & des inftrumens du jardinage.
C ’eft aufli la dernière couleur & la plus forte
qui convienne aux tranchans.
La couleur violette eft’- recherchée pour le recuit
des refforts d’acier , qui deviennent très - vifs &
très-élaftiques, mais fujets à cafter ; c’eft pourquoi
ils doivent être minces & bien déliés.
La couleur bleue du recuit, fend un reffort capable
de réfifter à un effort confidérable fans cafter, &
de reprendre fa direction lorfqu’il a été plié avec
force.
La couleur dyeau donne trop de roideur à un
reffort qui obéit difficilement, & perd fon élafticité.
On voit combien il faut être attentif à la couleur
du recuit ; lorfqu’on appçrçoit celle qu’on defire,
ceffez de foufller le feu , & laiffez venir la couleur
lentement jufqu’à ce qu’elle foit par- tout égale.
Alors enlevez la pièce & plongez-la dans l’eaû pour
la faire refroidir très - promptement : on doit ufer
de célérité ; car la couleur du recuit prendroit à
l’air de la force & de l’intenfité.
Il faut même être fi exaél à cet égard pour certains
ouvrages délicats, tels que les canifs , les grattoirs
& autres outils femblables, qu’on place un morceau
de laiton ou de fer-blanc percé de plufieurs trous,
fur de la petite braife , & on y arrange les ouvrages,
pour qu’ils ne chauffent pas plus dans une partie que
dans l’autre, épiant la couleur propre au recuit ; &
quand elle eft à fon point, on plonge auffitôt dans
l’eau. Les lancettes & les fcalpels fe recuifent avec
la même précaution. On va plus loin ; car on fajt
recuire une lancette de telle manière que la partie
du trou foit à la couleur bleue, que jùfqu’à la marque
elle foit violette, qu’un peu au deffus elle foit
comme le cuivre rouge, & que le refte, jufqu’a la
pointe , foit de la couleur d’or.
Quant aux grandes pièces, telles que de forts couteaux
de cuiline, de grands cifeaux de tailleur, &c.
on les recuit à la forge fur des charbons de petite
braife bien allumée. Un ferre la pièce' dans dés tenailles
; on la pofe par le dos fur le feu ; on la promène
lentement & continuellement; en agitant un
peu le feu à petits coups de foufîlets ; qüand la
couleur de paille paroît, on paffe plus vite fur lé
feu, jufqu’àce-que la vraie nuance du recuit annonce
l’inftant de plonger dans l’eau.
Si la couleur du recuit étoit trop foible dans
quelques parties d’une pièce, on pourroit y remédier
en faifant rougir une paire de tenailles très-
fortes ; on pince l’endroit de la pièce qui n’eft point
affez recuit, & cette chaleur donne à là pièce le ton
qui lui manquoit.
Par cette méthode ingénieufe de recuire , qui eft
familière à M. Perret, on peut donner à telles lames
de couteaux un recuit couleur d’eau tout le long
du dos, une de couleur de violet au milieu , & à
tout le tranchant, à quatre ou cinq lignes de large,
la couleur du cuivre rouge. C ’eft le moyen de diftri-
buer la force convenable à chaque partie de la lame
d’un couteau. M. Perret à même fait faire pour cet
ufage des tenaillés très-fortes, qui font faites comme
un gaufrier; lefquelles embraffentv trois pouces de
longueur, & à raifon de leur épaiffeur , gardent
long-temps leur chaleur , & peuvent recuire trois
ou quatre lames de fuite fans les chauffer plus d’une
fois.
Maniéré de fonder & de brafer plufieurs pièces enfemble.
Le coutelier eft fouvent obligé de fouder une
pièce de rapport, ou de brafer une partie de fer ou
d’acier qui a été endommagée.
Souder ; c’eft joindre enfemble deux morceaux
d’or ou d’argent par l'intermède d’un métal plus
fufible qui s’unit avec eux , & qu’on appelle la
foudure.
Brafer ; ç’eft ajufter deux pièces de fer ou d’acier
pour n’en faire qu’une au moyen du cuivre jaune ,
qui fait la fonction de la foudure.
Ainfi, lôrfqu’on veut fouder deux morceaux de
métal, il faut bien difpofer les parties qu’on veut
amalgamer ; on met deffus des paillettes de foudure
faites d’un métal plus fufible que celui qu’il faut
fouder ; on met le tout entre les charbons ; on y
répand un peu de borax ; on anime le feu : les pièces
s’échauffent ; la foudure fond & s’attache : quand le
tout eft refroidi, les pièces qu’on a foudées ne forment
plus qu’un feul corps.
Pour faire la foudure de cuivre, on prend neuf parties
de cuivre rouge, qui eft la rofette ; on les fait
fondre dans un creufet, & lorfqu’il eft en bain, on
y jette trois parties de zinc. On coule le mélange
dans une lingotière ; on applatit enfuité le lingot
quand il eft froid ; on le réduit en lames minces. Il
faut que la pièce que l’on veut fouder forte de
l’eau.
La foudure d*argent , bien préférable à celle du
cuivre, fe fait avec trois parties de bon argent &
une partie de cuivre jaune, que l’on fait fondre enfemble
dans un creufet. On met le mélange dans
une lingotière ; on bat le lingot à froid, on le réduit
, a l’épaiffeur d’une carte.
La foudure d'or fe fait avec une partie d’o r , deux
parties d’argent une partie dé cuivre rouge
[ Voilà les principales foudures dont les dofes peuvent
varier fuivant la couleur qu’on veut faire dominer
, ou l’emploi qu’on leur deftine. M
On affujettit avec du fil de fer les pièces que 1 on
[veut fouder ou brafer ; on coupe da la foudure par
paillons étroits, & longs proportionnellement aux
jion&ions qu’on veut faire. On fe fert pour les petits
[ouvrages d’un chalumeau pour fouder a la lampe,
& en diriger la flamme fur l’endroit qu on veut
[ajufter ; ou fi 'les pièces font fortes, on peut fouder
fur une poêle de fer, au moyen dun morceau de ;
[canon de fufil coudé , dont le bout s ajufte dans le
[trou de la tuyère de la forge.
I Si l’on veut, par-exemple , fouder une virole^ de
[couteau, on ajufte les deux bouts de la virole d ar-
[gent l’un contre l’autre ; on la trempe dans 1 eau ;
[on applique un paillon de foudure fur la jointure ;
[ on y met du borax ; l’on pofe la virole fur un charbon
[ qu’on préfente à une lampe allumée, dont on dirige
la flamme deffus, en fouillant dans' un chalumeau;
| on fait rougir la virole ; on fouille fur la foudure
qui fond & coule ; auffitôt on celle de fouiller.
[ On ajufte de même une cuvette, 8t d’autres or-
nemens.
| Si l’on veut fouder une mitre de couteau à gaine
K ou de table, on place un fort paillon de foudure de
Ithaque côté. Lorfqu’il y en a un fui1 chaque mitre,
Ion place le couteau fort droit dans le feu, là queue
lien bas, parce qu’étant d’acier, elle ne rifque point
1;rd’être altérée ; la forte chaleur qu’elle prend accéléré
fmême la fufion de la foudure.'1
| Si l’on éprouve de la difficulté d’unir de l’or à
placier , il faut prendre du cuivre rofette , l’étirer
laffez mince au marteau , l’appliquer fur la lame
I d’acier , le lier , lé fouder ; enfuite délier le fil ;
[ blanchir la lame d’acier ; amincir le cuivre qui a été
[ foüdé- à Tépaiffeur d'un parchemin ; ajufter 1 or fur
| le dos couvert de cuivre ; & l’y fouder avec de la
[ foudure d’or.
Avant de tremper une pièce d’acier qui eft garnie
d’argent ou d’o r , il faut délayer du blanc d’Elpagne
dans de l’eau, en faire comme une pâte, en couvrir
| toute la garniture ; moyennant cette précaution, ni
la garniture , ni même la foudure , ne font point
endommagées par la chaleur néceffaire pour durcir
l’acier.
Voici la manière dont on s’y prend pour brafer
[ ou réparer un défaut dans l’acier. Suppofons avec
| M. Perret une lame de cifeaux qui a été ’caffée ; il
| faut racourcir le bout de la lame caffée jufqu’à deux
, lignes ou environ du trou, enfuite amincir l’enta-
I blure .tout le long de l’écuffon.
Alors on y affujettit le morceau qu’on veut brafer;
1 on perce le trou qui doit porter la vis ou le clou
I dont on fe fert pour joindrêles deux lames de cifeau ;
I on rend la lame ajoutée toute pareille à l’autre, &
I on la travaille prête à tremper.
Enfuite on arrangé un morceau de fil de cuivre
K fur la jon&ion du côté du dos ; on le lie avec un fil K d’archal; on trempé le tout dans l’eau; on met d»
borax autour de la jon&ion & fur la foudure; enfin ;
on porte la pièce au feu pour la fouder, tenant le
tranchant en en bas , & le dos en en haut. Une
flamme bleue qui paroît à l’inftant que le cuivre
entre en fufion, indique que la pièce eft brafée. On
retire auffitôt la lame du feu ; on la laiffe refroidir ;
on la bat un peu à froid ; puis on la remet au feu
pour la tremper & la recuire; Enfin, on finit la lame
à la meule & à la poli flaire. On repaffei la branche
& l’anneau avec la lime douce ; on la polit , & on
Ig brunit.
Des modèles.
Les coutelier^ bien employés ont ordinairement
des modèles ou patrons des ouvrages qu’ils font en
nombre.
Chaque modèle eft d’acier,forgé, mince , trempé
& recuit, afin que la lime en‘s’échappant ne puiffe
l’entamer facilement.
On peut limer deux pièces à-la-fois , ,en affujet-
tiffant le modèle entre elles. Il eft inutile’de dire qu’il
faut que le modèle foit parfaitement femblable à la
pièce qu’on veut exécuter. Il doit donc y avoir
autant de modèles que de pièces différentes à fabriquer,
foit pour les lames , foit pour les manches.
C ’eft au lurplus un bon-moyen,de rendre les ouvrages
réguliers &. d’en accélérer l'exécution. :
Des couteaux à gaine.
On appelle couteaux à gaine, ceux qui ne fe ferment
pas dans leurs manches ; mais qui fe renferment
dans une gaîne. Il y en a de plufieurs fortes,
dont nous, allons parler ; auparavant donnons-en
une idée générale.
?Pour faire cette efpèce de couteau, on commence
par la queue s ou la foie; cette partie longue & «déliée
qui doit entrer dans le manche & retenir la lame.
On forge enfuite la lame, que l’on fait d’aeier pur ,
& quelquefois on y ajoute un peu de fer pour Ja
rendre moins caftante. La lame étant dégroffie, on
la met dans un feu de charbon de bois , qu’on laiffe
éteindre deffus, pour rendre l’étoffe plus molle &
plus facile à limer.
Cela fait, on ébauche la lame,.c'eft-à-dire, qu’on
lui donne quelques coups de lime ; après quoi on
perce le manche ; on ajufte deffus une virole, on
met la foie dans le trou qui a été pratiqué, Alors on
continue de limer la lame jufqu’à ce quelle foit en
état d’être trempée.
Après que la lame a été trempée, on la blanchie;
opération qui confifte à la frotter légèrement avec
du grès ; il faut faire attention qu’en cet état l’acier
eft extrêmement fragile.
La lame étant blanchie, on lui donne le recuit;
quand le recuit a. la couleur qu’on demande , on
trempe la lame dans l’eau.
Après, il faul cimenter le couteau, c’eft-à-dire
qu’on fait rougir la foie , & qu’on l’infinue dans le
trou du manche , qü’on a auparavant rempli de
ciment»