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avoit en l’honneur d’enfeigner à écrire au roi
Louis XIV.
Ces deux écrivains préfentèrent au parlement
le s pièces qu’ils avoient exécutées ; cette cour»,
après en avoir fait l’examen , décida par un arrêt
du 2.6 février 1633 , » qu’à l’avenir on ne fuivroit
» pas d’autres alphabets , caraélères , lettres &
>♦ forme d’écrire , que ceux qui étoient figurés &
»»expliqués dans les. deux exemplaires ;.que ces
»> exemplaires féroient gravés, burinés & imprimés
» au nom de la »mmunauté des maîtres écrivains
» vérificateurs ; enfin , que ces exemplaires refte-
» roient à perpétuité au greffe de la cour, & que
»> les pièces qui fe tireroient des gravures, feroient
»> diftribuées par tout le royaume, « pour feryir fans
doute* de modèle aux particuliers & de règle aux
maîtres pour enfeigner la jeunefle.
Il eft aifé de fentir que le but de cet arrêt étoit
de finiplifier l’écriture , & empêcher toute innovation
dans la forme des çaraâères & dans leurs
"principes.
Les deux fecrêtaires de la chambre du ro i, dont
les fondions confifloient à écrire & à lire les ouvrages
d’écritures adreffées aux rois , devenant
inutiles par les réglemens diftés par cet arrêt du
parlement , on jugea à propos de les fupprimer.
' Mais, quoique les maîtres écrivains n’euffent
plus l’honneur d’être de la fuite du roi, ils ne per- -
dirent pas pour cela le droit d’avoir toujours dans
leur compagnie deux fecrêtaires de fa majefté.
Parmi ceux qui ont joui de ce titre , on remarque
Gabriel Alexandre en 1658 , Nicolas Duval en
1677 , Nicolas Lefgret en 1694, & Robert Jacquef-
.fon en 172.7.
Après avoir parlé d’un titre honorable qui fit
autrefois diftinguer les maîtres écrivains , je laiffe-
rcis quelque chofe à defirer fi je négligeois d’inf-
truiré des privilèges qui leur ont été accordés par
les rois fucceffeurs de Charles IX. Cette efpèce
d’inftruéfion efi importante : elle fera connoître
que les fouverains n’ont pas oublié un corps qui
depuis fon infiitution a pCrfe&ionné l’écriture ,
abrégé le déveiôpement des principes , fimolifié
les opérations de l’arithmétique , découvert les
trompeufes manoeuvres des rauffaires , & cherché
continuellement à être utile à leurs concitoyens.
Henri IV, dont la bonté pour fes peuples ne s’effacera
jamais de la mémoire, leur a donné des lettres-
patentes qui font datées deFolembrai le 2.2, décembre
159 5, parlefquelles ils font difpenfés de toutes com-
mijjîôns abje&es & de toutes chargés viles, à Vexemple
de tous les régens & maîtres-ès-arts de Vuniversité de
Paris.
C ’eft fur ce fujet que le 13 o&obre 1657 le
châtelet a rendu un jugement où cette jurifdiciion
s’exprime en termes bien honorables pour l’état
de maître écrivain. Il y eft dit que T excellence de
Tart d écrire mérite cette exemption ; & plus bas , que
Us charges'viles & abjeéles de police f font incompaÉ
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, iibles avec la pureté & la noblejfe de leur art, reconnu
fans contredit pour le père <S* le principe des fciences
Louis XIII ne perdit point de vue les maîtres
écrivains. Dans des lettres-patentes qu’il donna en
leur faveur le 30 mars 16 16 , il déclare qu’il n’a
! point entendu comprendre » en l’édit de création
» de deux maîtres en chacun métier, ladite mai»
» trife d’écrivain juré, qu’elle auroit exceptée &
” réfervéè, déclarant nulles toutes lettres & provi-
” fions qui en pourroient avoir été ou être ex-
» pédiées. «
Louis X IV , par un arrêt de fon confeil privé ’
du 10 novembre 1672 , ordonne » que la-com-
”• munauté des maîtres écrivains feroit exceptée de
” la création de deux lettres de maîtrife de tous
” arts & métiers , créés par fon édit du mois de
” juin 1660, en faveur de M. le duc de Choifeul. «
C ’eft par ce dernier titre que les maîtres écrivains
ont fait évanouir, il y a quelque temps, toutes les
efpérances d’un particulier qui étoit revêtu d’un
privilège de Monfeigneur le duc de Bourgogne,
pour enfeigner l’art d’écrire & tenir clafie ouverte!
Louis XV n’a pas été moins favorable aux écrivains
que fes prédéceffeurs’, dans une o.ccafion
d’où dépendoit toute leur fortune.
Les maîtres des petites écoles avoient obtenu un
arrêt du confeil, du 9 mai 1710 , qui leur donnoit
- » le droit d’enfeigner l’écriture , l’orthographe ,
» l’arithmétique , & tout ce qui en eft émané \
” comme les comptes à parties doubles & fimples,
” &les changes étrangers. « Un arrêt de cette con-
féquence , à qui l’autorité fuprême donnoit un
poids qu’il n’étoit pas poffible de renverfer, éteit
un coup de foudre pour les maîtres écrivains. En
effet , il les dépoïiillotï du plus folide de leurs
avantages. J’ignore les moyens dont fe fervirent
les maîtres des petites écoles pour furprendre la
cour & parvenir à le poffècler; mais il eft certain
que lé roi ayant été fidèlement inftruit des incon-
veniens de cet arrêt, l’annulla & le eàffa par un
autre du 4 avril 1724.
Je ne m’étendrai pas davantage fur les titres &
privilèges des maîtres écrivains ; mais, avant d’entrer
dans un détail fommaire de leurs.ftatuts, qu’il
me foit permis de parler des grands riiaîtres qui
ont illuftré cette compagnie.
Les Grecs & les Romains élevoient des ftatues
aux grands hommes qui s’étoient diftingués dans les
arts & dans les fciencês. Cet ufage n’a point lieu
parmi nous ; mais on doit confacrer leurs noms
dans, l’hiftoire, & fingulièrement dans un ouvrage
confacré aux arts , & à la mémoire des hommes
qui ont employé leurs travaux &; leurs talçris pour
fe rendre utiles à la fociété.
Je pourrois palier fous filence le temps qui s’eft
écoulé depuis l’établiffement des maîtres écrivains
vérificateurs, jufqu’à l’arrêt du parlement de 1633,
dont j’ai parlé plus haut ; mais clans cet intervalle,
il a paru des écrivains refpeélables , que les amateurs
feront bien aife de connoître. Les Limer dans
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l’oubli, feroit une injuftice & une ingratitude. Les
V<Jean àe Beauchéne fe fit. de la réputation par
une méthode fur l’art d’écrire , qui parut en 1580.
Jean de 'Beaugrand , reçu profefleur en 1594 ,
étoit un habile homme, écrivain du roi & de fes
bibliothèques , & fecrétaire ordinaire de la chambre.
Il fut choifi pour enfeigner à écrire au roi
Louis XIII, lorfqu’il étoit dauphin, & pour lequel
il a fait un livre gravé par Firens , où l’on trouve
des cadeaux, fur-tout aux deux premières pièces ,
ingénieufement compofês & d’un foui trait.
Guillaume le Gangneur, natif d Angers, & fecrétaire
ordinaire de la chambre du roi , fut un
artifte célèbre dans fon temps. Ses oeuvres, fur
l’écriture parurent en 1599 ; ils furent gravés fa-
vamment par Frifius , qui étoit pour lors le plus
expert graveur en lettres , & contiennent les écritures
françoife, italienne & grecque. Chaque morceau
traite des dimenfions qui conviennent à chaque
lettre & à chaque écriture , avec clémonftrations.
M. l’abbé Joly, grand-chantre de l’églife de Paris ,
en fait f éloge dans fon Traité des écoles épifeopales,
page 466 : il dit que. les cara&ères grecs de cet
écrivain furpaffent ceux du Nouveau Teftament
grec, imprimé par Robert Etienne en 155°- Cet
artifte, qui avoit une réputation étonnante, & que
tous lés poètes de fon fiècle ont chanté, mourut
vers l’an 1624.
Nicolas Quittrée, reçu profefleur en 1589, étoit
élève de Gangneur, & fut commedui un très-habile
homme. Il n’a point fait graver ; & j’ai entre mes
mains, dit M. Paillaffon, quelques morceaux de
fes ouvrages qui prouvent fon génie & fon adrefle
dans l’art. r„
De Beaulieu, gentilhomme de Montpellier , a
été fort connu , & a fait un livre fur l’écriture en
1624, gravéipar Matthieu Grenter, allemand.
Defperrois , en 1628, donna au public un ouvrage
fur l’art d’écrire , qui fut goûté.
Ces maîtres ont vécu dans les premiers temps
de l’établiffement de la communauté des maîtres
écrivains jurés. Je vais parcourir un champ 'plus
vafte, c’eft- à - dire , depuis la correction arrivée
aux caraétères en 1633 , jufqu’à ce jour. Je pafferai
rapidement fur une p a r t i e & m’arrêterai davantage
fur les artiftes en écriture qui paroiffent plus
le mériter.
Geoffroi Tory , natif de Bourges , ancien pro-
feffeur de l’univerfité de cette v ille , & imprimeur à
Paris , fe diftingua dans l’écriture & publia en
15 29 un ouvrage intitulé : Champ fleuri, auquel eft
contenu Tan & fcience de la due 6* vraie proportion des
lettres antiques , quon dit autrement lettres attiques x
é* vulgairement lettres romaines proportionnées félon
le corps & le v if âge humain.
En 1565 , Jacques de la Rue ,. écrivain de l’uni-
verfité de. Paris dédia à M. le duc d’Anjou un livre
fur l’écriture, qu’il avoit gravé lui-même.
Sur là fin du x v i" fiècle ,. naquit en Bourgogne
Lucas Materot, q u i, par fes talens peu communs ,
s’acquit le titre de citoyen d’Avignon. Il préfenta à
la France les premiers modèles de la bâtarde coulée y
dans un livre qu’il dédia à la reine Marguerite.
La ville de Dijon vit naître dans le même temps
Nicolas Gougenot, écrivain d’un rare mérite : ibpu-»
blia un ouvrage fur l’art d’écrire, orné d’uiï très-
grand nombre de cara&ères. Son épître dédicatoire
eft fingulièrement remarquable par une belle coulée
qu’il femble avoir perfectionnée.
Entre ceux qui fe font diftingués dans cet efpace
de temps , on peut citer Lebé & Barbedor dont j’ai
déjà parlé | auxquels il faut ajouter Robert Vignon „
Moreau , Petré , Philippe Limofin, Raveneau, Nicolas
Duval, Etienne de Blegny , de Heman , Leroy
& Baillet : tous, excepté les trois derniers , qui n’ont
donné que des ouvrages feulement à la main , ont
produit de bons livres gravés en l’art d’écrire, il en
eft encore d’autres, dont la réputation & le talent
femblent l’emporter.
Le premier eft Senault, qui etoit un homme habile
, non-feulement dans l’écriture , mais encore
dans l’art de graver fes modèles. Il a donné au public
beaucoup d’ouvrages où la fécondité du génie
& l’adrefie de la main paroiffent avec éclat. C ’étoit
un travailleur infatigable, & qui, dès l’âge de vingt-
quatre ans, étonna par les productions qui fortoieat
| de fa plume & de fon burin. M. Colbert à qui il a pré-
** fenté' plufieurs de fes livres , l’eftimoit beaucoup»
Cet artifte habile en deux genres, & qui étoit fecrétaire
ordinaire de la chambre du ro i, fut reçu pro-
feffeur en 1675.
Le fécond eft Laurent Fontaine ; il mit au jour
en 1677 fon art d’écrire expliqué en trois tables, &
gravé par Senault. Le génie particulier de ce maître,
étoit la fimplicité ; tout, dans fon ouvrage , refpire-
le naturel, le clair , le précis & l’iiiftruCiif.
Le troifième eft Jean-Bapùfte Allais de Beaulieu ,
qui, en 1680 , fit parpître un livre fur l’écriture r
! gravé par Senault, qui eut un fuccès étonnant. Il
médita fur fon art en homme profond & qui veut
percer; suffi fon ouvrage eft un des meilleurs fur
cette matière : tout s’y trouve détaillé fans, cpnfu-
fionni fuperfluité : fe.ç démonftratâons ont pour bafe
la vérité & la jufteffe. Ce grand maître ne s’etoit point
deftiné d’abord pour l’art d’écrire , mais pour le barreau.
Il étoit avocat ,.lorfque fon père, habile maître
écrivain de la ville de Rennes mourut à Paris des
chagrins que lui caufèrent des envieux de fon mérite
& de fon talent. Cette mort changea fes deffeins.
I lfe vit forcé, vers l’an 1648 , a travailler à un art
qui ne lui avoit fervi jufqu’alors qu’à écrire des
plaidoyers ; mais x comme il vouloit fe faire eon-
noître par une capacité fùpérieure ,.. il refta, pour
ainfi dire,, enfeveli dans le travail pendant douze
années , & j.ufqu’au moment où il fe' fir recevoir
profeffeur , ce qui fut en r66i. Cet habile écrivain
jouiffoit d’une fi grande réputation , & étoit fi re-
; cherché pour fon écriture , que M. le marquis de
I Louvois lui- offrit une glace de dix mille livres, qu’à.