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trouvoit abrégée ; la mine de plomb, que je croyois
au moins entrer de part dans ce grand effet, me pa-
roiffoit une matière merveilleufe. Je voulus effayer
en quelle qualité elle ètoit néceffaire, proportion-*
nellement à l’épaifleur du fer; je mis par degrés
des enduits moins épais fur les fers que je voulois
adoucir ; quelque minces que fuffent ces enduits, IV
.douciffement n’en fut ni moins parfait, ni moins
prompt. Enfin , je rendis l’enduit aufîi mince qu’il
le pouvoit être; je me contentai de frotter du fer
« avec un morceau de cette mine, comme on en
frotte divers ouvrages de fer qu’on veut faire pa-
roître de couleur ardoifée. Avec cet enduit, le plus
p léger de tous ceux qu’on pouvoit donner, l’adou-
ciffement fe fit aufîi, bien & aufîi vite qu’il s’étoit
toujours fait.
Pour lors l’effet de la mine de plomb me parut
trop admirable ; je commençai même à douter s’il
devoit être admiré", fi jerne faifois point honneur à
cette matière de ce qui étoit uniquemment 1 ouvrage
du feu. J’expo fai donc au feu des''ou vrages
de fer fondu, fans être aucunement recouverts. Je
leur fis prendre un degré de chaleur égal à celui
qu’avoient pris ceux qui avoient été enduits ; la
réuffite fut la même, au moins par rapport à l’adou-
ciffement : iis fortirent du feu aufîi aifés à limer &
aufîi aifés à percer que les autres.
C ’eft donc précifément, ou au moins principalement
le feu, qui adoucit le fer fondu ; & c’eft la
force du degré de feu , qui rend le fuccès de l’ôpér
ration plus prompt, & qui peut le rendre prompt à un point lurprenant : un morceau de certaines
fontes , épais de plus d’un pouce, peut être rendu
limable en moins d’un quart-d’heure , fi on emploie
tme chaleur affez violente. _
Voilà bien du chemin fait pour arriver au fimple
& au très-fimple, pour arriver où nos premiers pas
dévoient, ce me lemble, nous conduire;" les détours
nous font fi naturels, qu’il n’y aüYoit pas de
quoi s’étonner que j’en euffe tant pris ; le fimple
nous fuit, ou peut-être plutôt le fuyons-nous; nous
portons plus volontiers nos regards au loin qü autour
de nous : mais notre phénomène n étoit pas
' réellement auffi fimple à découvrir qu’il l’eft en
apparence; trop de faits concouraient à le cacher.
Le feu feul fuffit pour ôter à la fonte de fer toute fa
dureté ; quelle ifficulté pouvoit-il y avoir à en
faire l’épreuve ? C ’eft qu’il n’y a que certains degrés
d’aftions du feu qui produifent cet effet. Qu’on
ne faffe prendre au fer fondu , immédiatement ex-;
pofé au feu, qu’environ la nuance de couleur dé
cerife : on aura beau.continuer la durée de ce degré
de chaleur, on n’adoucira jamais le fer ; tout au plus
diminüera-t-on foii volume , par les écaillés qüi s’en
détacheront. ' ■ • ‘ \
H y a donc une manière d’adoucir le fer qui
ne demande précifément aucun appareil : c’eft de
l’expofer immédiatement à un feu qui lui donne
un degré de chaleur confîdérable. Au refte, quoique
nous ayons vu qu’un trop grand degré de chaleur
peut produire un effet contraire à celui qu’on veut,
on ne doit pas être inquiet fur la difficulté de faifir
précifément les degrés convenables : l’étendue des
termes entre lefquèls ils fe trouvent compris eft
grande. '
On a peut-être déjà conclu que cet expédient fi
fimple nous débarraffe de ces enduits qui ont été le
but de nos recherches au commencement de ce
mémoire , & des recuits de la première partie.
Pourquoi enduire la.fonte , fi elle peut être adoucie
étant Amplement èxpofée au feu ? Le vrai eft pourtant
, qu’il n’eft que certains ouvrages que l’on
pourra fe difpenfer de recouvrir de compofition.
Expofés nus à l’ardeur du feu, ils courront toujours
rifque de s’écailler ; au lieu que , bien enduits , ils
ne s’écailleront pas. Il s’y formera d’autant plus
d’ecailles , qu’on voudra les adoucir davantage. Si
l ’on ne fe propofe que de ,les rendre limables, fi l’on •
ne fe foucie point qu’ils aient auprès de leur fur-
face un grain de fer ou d’acier, on pourra les adoucir
fans aucune préparation. Une circonftance pourtant
fera encore néceffaire, c’eft qu’ils ne l’oient
pas extrêmement plus épais en certains endroits
que dans d’autres, fans quoi les- endroits minces
feraient en rifque de s’écailler avant que'les endroits
épais fuffent füffifamment doux.
. Mais il eft toujours certain qu’on pourra fe difpenfer
d’enduire les ouvrages unis & maffifs. Les
marmites mêmes, qui feroient forties trop épaiffes
du moule, tireront un avantage des écailles ; elles
en deviendront plus minces. Au contraire, tous les
' 'ouvrages qui veulent être adoucis à fond, & qui
ont des ornemens qui méritent d’être confervés,
exigeront des enduits.
Les ouvrages de fer fondu , recouverts d’un
enduit de nature à téfifter au. feu , ne font point
expofés à s’écailler, lors même que leur première
couche eft parvenue à l’état de fer forgé, pourvu
qu’ils foient pénétrés d’üne chaleur affez violente :
des foufres tirés continuellement des couches intérieures
, font conduits à la couche extérieure, quand
ils la quittent; quand ils ceffent de la pénétrer intimement
, ils hume&ent encore fa furface. L’enduit
fait la fonâion d’un chapiteau d’alambic, contre
lequel la vapeur huifeufe fe raffemble. Otez ce chapiteau
, brifez l’enduit ; auflitôt la vapeur s’évaporera
: le feu , dont elle eft la pâture, l’aura bientôt
abforbée. ■ f
Auffi eft-cê une règle générale, qu’à même degre
de feu, que pendant même durée de temps , tout
fer , tout acier chauffé dans un endroit clos, n’e-
caillera pas en comparaifon de celui qui eft chauffe
dans un endroit où la circulation de l’air & des vapeurs
eft plus libre. Que l’on chauffe le fer fur les
charbons'ou dans un creufet ouvert, & quon le
chauffe dans un creufet bienluté, on verra toujours
cette différence : le fer du creufet luté s’écaillera bien
plus lentement. Les foufres ne s’évaporent point
de dedans ce creufet, comme ils s’évaporent de celui
qui eft ouvert. Il en eft fans doute de ces foufres >
comme
comme de ceux de la poudre de charbon, qui ref-
tent dans les creufets bien bouchés fans fe brûler.
Le fer forgé a moins de foufre que l’acier, &
s’écaille plus aifément, chauffé au même degré de
feu & pendant le même temps; l’acier qui a moins
de foufre que la fonte non adoucie , s’écaille plus
promptement que la fonte. Les contre-coeurs des
cheminées durent pendant des fiècles, & des barres
de fer ou d’acier expofées à une a&ion du feu un ,
peu continue , font bientôt' détruites entièrement
par les écailles qui s’en détachent. Toutes les fois
qu’on forge les barres, foit de fe r , foit d’acier, il
s’en enlève fous le marteau des écailles, quoiqu’elles
n’aient pris que la couleur de cerife.
La fonte la plus dure, la plus rebelle à la lime &
au foret, devient très-vite en état de céder à l’un
& à l’autre outil, fi elle eft expofée à un feu ardent
, foit immédiatement, foit recouverte d’un
léger enduit : bientôt elle paffe par tous les ordres
de grainure grife. Mais fi l’on veut pouffer l’adou-
ciffement.plus loin, fi l’on veut lui faire prendre le
grain du fer forgé, c’eft-à-dire, des lames, alors les
progrès de l’adouciffement ne -font plus fi rapides.
Tel morceau aura été rendu aifé à limer & à percer
dans une heure, qui, avec cinq à fix heures de plus
du même feu, aura peine à prendre le grain du
fer forgé. Plus la fonte eft chargée de foufres & de
fels , plus il eft aifé de lui en enlever une quantité
égale dans le même temps. Quand on commence
à l’expofer au feu , elle eft prefque noyée dans ces
matières. Mais quand elle en a perdu une certaine
quantité, outre qu’elle a moins de quoi fournir à
l’évaporation, les fels & les foufres qui reftent font
plus difficiles à détacher ; ce font ceux qui lui font
le plus intimement liés.
70. Des différentes fortes d." enduits quon peut donner
aux ouvrages de fer fondu, & de la maniéré de les
donner.
Un ouvrage de fer bien enduit eft renfermé dans
une efpèce de creufet, dont les parois font très-^
minces & exactement moulées fur cet ouvrage.
Nous avons remarqué, qu’il ne fuffit pas à cette
forte de creufet, comme il fuffit aux autres, de
bien réfifter au feu ; il faut encore que ce foit fans
diminuer ou fans augmenter plus de volume que
le fer qu’il renferme ; autrement il s’y fera des
fentes , des gerçures qui permettront au feu d’attaquer
le métal, de le faire écailler.
Les gerçures font d’autant plus à craindre qu’elles
font plus grandes; mais les petites mêmes fontdan-
gereufes , ne laiffaffent-elles le fer à découvert que
de la dixième partie d’une ligne. Un défaut qui
auroit fur l’ouvrage fi peu d’étendue, feroit à négliger
: mais cette petite fente produiroit par la fuite
des défauts plus corffidérables. Le fer ne s’écaille
pas feulement à l’endroit découvert ; il commence
à s’écailler par-là ; l’écaille enfuite gagne infenfi-
blement plus loin ; le feu continué la peut faire
aller très-avant. La fente de l’enduit eft une efpèce
4 -rts & Milkrsf J orne. IL Partie II»
de .cheminée ", par laquelle les foufres des parties
voifines s’élèvent avec trop de facilité ; il fe fait
donc une écaille qui occupe bien plus d’efpace que
l’ouverture qui y a donné lieu : deffous cette première
écaille il s’en produit une fécondé. Mais 'ce
n’eft pas feulement en épaiffeur qu’elles fe multiplient;
celle qui eft formée occafianne la naiffance
de quantité d’autres : tantôt c’eft qu’étant un fer
brûlé, elle occupe moins de volume, par confé-
quent elle permet au feu.de s’infinuer plus avant fous
l’enduit : tantôt au contraire, & c’eft même le caà
le plus commun, cette écaille fe gonfle, elle prend
plus de volume que n’en avoit le fer dont elle eft
faite; enfe gonflant, ellebrife l’enduit en d’autres
endroits , ou au moins augmente les ouvertures
déjà faites. Ce phénomène eft remarquable , &
n’eft pas auffi facile à expliquér que le premier : ‘
car les écailles s’éloignent confidérablement de là
maffedefer, donteHes étoient ci-devant des parties^.
Quand on tire cette maffe du feu , elle paraît beaucoup
plus groffe que quand elle y a été mife : que
tout fer brûlé forme des écailles , une maffe dure,
caftante, non forgeable, une efpèce de demi-vitrification
, cela eft aifé à imaginer; il n’en eft pas de
même de l’écartement où fe trouvent ces écailles-
On ne peut l’attribuer qu’à des bouillonnemens qui
fe font faits à la furface du fer; les foufrès ne s’en
échappent pas toujours auffi paifiblement qu’on
pourrait fe l’imaginer; prêts d’abandonner le fe r ,
il fe raréfient beaucoup ; ils produiront des effets
pareils à ceux que produifent l’eau ou l’air, qui
tendent à fortir d’un marron-qui, s’échappant avec
impétuofité, en rompent la coque ; nous avons vu
quelque chofe de pareil dans le fer qui eft converti
en acier : nous avons parlé ailleurs des bulles confi-
dérables qui fe forment fur fa furface, & qui la
rendent raboteufe.
Ajoutons encore une remarque à ce que nous
avons dit des écailles. Celles qui fe forment fur le
fer expofé au feu' immédiat, ou fur lé fer mal recouvert
par les enduits, font bien moins mauvaifès
que celles qui fe forment fur le fer renfermé dans
des creufets avec les os : elles font auffi de deux
efpèces différentes ; celles de la première font dés
lames minces pofées par étages les unes fur les
autres ; celles de la fécondé efpèce né font qu’une
feule écaille compare, qui a l’épaiffeur de plufieurs
réunies. Cette dernière écaille tient quelquefois fi
obftinément au fer, que les coups de marteau ont
peine à l’en détacher, & les autres en font féparées
par des coups légers. La diff érente a&ivité du feu qui
a formé les unes & les autres, eft la caufe de leur
différence : où les foufres s’échappent plus doucement
& plus imperceptiblement, l’écaille eft graduée
infenfiblement & par degrés , dont le dernier eft
prefque fer ; il n’eft donc pas étonnant que la partie
la plus intérieure de cette écaille foit bien attachée
au fer même. La caufe de la liaifon des autres
couches les unes aux autres eft la même : voilà
auffi pourquoi il ne fe fait ordinairement qu’une
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