
cte leur qualité rarcotique & ma rfone, qui pour-
roit offenfer la tête.
On les roule encore pour les mieux conferver ,
& afin qu’elles tiennent moins de place ; mais il
faut donner ces façons fur le champ, parce que
fi on les gardoit feulement une nuit, elles fo noir-
riroient, & perdroient beaucoup de leurs vertus.
On doit aum éviter de les laiiTer long-temps en
monceaux : elles s’êchaufferoient d’abord , & fe
corromproient.
On dit qu’à la Chine on commence par jeter les
feuilles de la première récolte, dans l’eau chaude
oïi on les tient l’efpace d’une, demi-minute , & que
cela fert à les dépouiller plus aifément de leur qualité
narcotique.
Ce qui eft certain , e’eft que cette première préparation
demande un très-grand loin. On fait chauffer
d’abord la platine dans une efpèce de four,
où il n’y a qu’un feu très-modéré ; quand elle a le
degré convenable de chaleur, on jette dedans quelques
livres de ces feuilles qu’on remue fans ceffo :
quand elles font fi chaudes , que l’ouvrier a peine
à y tenir la main, il les retire, & les répand fur
une autre platine, pour y être roulées.
. Cette fécondé opération lui coûte beaucoup* Il
fort de ces feuilles rôties un jus de couleur jaune
tirant fur le vert, qui lui brûle la main ; & malgré
la douleur qu’il fen t, il faut qu’il continue ce travail
, jufqu’à ce que les feuilles foient refroidies ,
parce que la frifure ne tiendroit point, fi les feuilles
n’étoient pas chaudes , de forte qu’il efl même obligé
de les remettre deux ou trois rois fur le feu.
U y a des gens délicats qui les y font remettre
jufqu’à fept fois , mais en diminuant toujours par
degré la force du feu ; précaution néceffaire pour
conferver aux feuilles une couleur v iv e , qui fait
une partie de leur prix. Il ne faut pas manquer auffi
de laver à chaque fois la platine avec de l’eau
chaude , parce que le fuc qui s’eft exprimé des
feuilles s’attache à fes bords, & que les feuilles pour-
roient s’en imbiber de nouveau.
Les feuilles ainfi frifées font jetées fur le plancher
qui efl couvert d’une natte, & on fépare celles
qui ne font pas fi bien frifées, ou qui font trop
rôties.
Les feuilles de thé impérial doivent être rôties à
un plus grand degré de féchereffo, pour être plus
aifément moulues & réduites en poudre ; mais quelques
unes de ces feuilles font fi jeunes & fi tendres,
qu’on les met d’abord dans l’eau chaude, enfuite fur
un papier épais , puis on les fait fécher fur le charbon
fans être roulées , à caufe de leur extrême
petiteffe..
Les gens de la campagne ont une méthode plus
courte , & y font bien moins de façon : ils fe contentent
de rôtir les feuilles dans des chaudières de.
terre, fans autre préparation. Leur thé n’en efl; pas
moins efiimé des connoiflfeurs r & il efl: beaucoup
moins cher..
Les laponois tiennent leur provifion de thé dans
de grands pots de terre , dont l’ouverture efl fort
étroite.
Le thé impérial fe conferve ordinairement dans
des vafes de porcelaine & particulièrement dans
ceux qui font très-anciens & d’un fort grand prix.
On croit communément que ces derniers confervent
non-feulement le thé, mais qu’ils én augmentent h
vertu.
L’arbriffeau de la Chine, qui porte le thé , diffère
peu de celui du Japon , & on apporte autant de
foins & d’attentions pour le thé cle l’empereur de
la Chine, que pour celui de l’empereur du Japon.
Le thé roux, que l’on appelle bohea , & en fran-
çois thé bouhie ou boât, efl celui qui a été plus-
troiffé & plus rôti : c’eft de-là- que vient la diverfité
de la couleur & du goût.
Les feuilles de thé ayant été bien fâchées , peuvent
être gardées long-temps dans un lieu fec , fans
être trop chaud , pourvû qu’on ne lui laiflè pas
prendre l’air ; car la chaleur en diffiperoit aifément
les fois volatils , qui font d’une grande fubtilité.
Malgré toutes les précautions qu’on prend pour
transporter le thé en Europe, M. Kempfer allure
qu’il n’y a jamais trouvé , hors du Japon , ni ce
goût agréable, ni cette vertu modérément rafraî-
chiflante qu’on y admire dans le pays.
La majeure partie des thés qu’on récolte au Japon
, pafle en Chine par la voie du commerce,
& à Canton où les Européens vont chercher cette
précieufe denrée.
On eftime que le commerce du thé produit annuellement
à la Chine vingt-un à vingt-deux millions
, & que les Anglois en- conformaient environ
cinq millions de livres par an ; attendu qu’indépen-
damment de ce que la Compagnie des Indes An-
gloifes en apporte ,.les Hollandois , les Danois &
les François tirent encore des Indes environ huit
millions de thé, & qu’ils n’en confomment pas la
moitié, mais qu’ils en font paffor une grande quantité
en Angleterre par la voie de la contrebande.
Les François font ceux à qui ce commerce foit plus
avantageux.
Les Anglois s’occupent férieufement à la culture
de cet arbrifleau, & M. le Chevalier de Janffein
en a tiré un pied d’Angleterre ; mais M. de Bon-
daroy eftime que cette plante réuffiroit beaucoup
mieux dans nos provinces méridionales.
Il feroit difficile de fixer le temps où les Chinois
ont commencé à faire ufage du thé : on fait feulement
que les Hollandois rapportèrent en Europe
dans le commencement du dernier fiècle, & que ce
n’a été que vers les années 1634 ou 163 6 , que les
diftillateurs de Paris ont commencé à diftribuer publiquement
la liqueur du thé.
Quoique nos naturaliftes n’aient reconnu jufqu’à
préfent que trois efpèces d’arbriffeaux qui produi-
fent- les feuilles de thé, notre Compagnie des Indes
nous en a toujours apporté de huit qualités différentes'
, qu’on trouve encore aélueliemént dans le-'
commerce & fous les dénominations fuivantes.;:
ihè heyfven fupérieur, & thé heyfven. fefin, thébouhi
ou bout pecko, thé faot-chaon, campchon, & tombai,
thé bout, thé vert inférieur,,
Les différentes dénominations données à chacune
de ces . différentes efpèces de thé, ne font
pas idéales ; car on. a remarqué que la teinture
qu’on retire de chacune de ces qualités de thé , fe
xnanifefte de manière à ne pas s’y méprendre ; &
cette diverfité doit fe présenter • naturellement à
ceux qui feront attention .que la récolte des feuilles
du thé fe fait non-feulement dans trois temps différais
, mais que le défaut de précaution , tant dans
la manière de cueillir ces. feuilles, que dans celle
de les faire fécher, peut influer confidérablement
fur chacune de leurs qualités fpécifiques.
Comme il y a peu de denrées dans le commerce,
qui foient aufli fufceptiblçs de falfification que
celle du thé , & que les moyens que nous pouvons
indiquer ne font pas affez démonflratifs pour
qu’on puiffe s’affurer de fa bonne ou mauvaifo
qualité par la foule infpeélion, nous avertiflbns qu’on
ne fauroit être trop attentif, lorfqu’on veut s’en pourvoir
; car on doit obforver que les meilleures qualités
de thé font encore fupceptibles de s’altérer en
vieilliffant, fi l’on négligeait de les conferver dans
un lieu bien fec, fans être trop chaud, & d’apporter
la plus fcrupuleufo attention à les tenir renfermés,
de manière à empêcher l’évaporation des fols volatils
odorans , qui font tout le mérite des feuilles
du thq.
On étoit autrefois, pour le choix du thé, dans la
même erreur où l’on efl encore aujourd’hui pour
celui des fraifos; car on choifit toujours la plus groffe
efpèce de ce fruit, comme les charlatans nous ven-
doient autrefois fous le nom de thé impérial, celui
dont les feuilles étoient plus grandes & plus épaiflès.
On a néanmoins dû remarquer par ce qui a été
dit, que les feuilles de celui auquel les Japonois
& les Chinois avoient donné le nom de thé impérial
, étoient minces, fort petites, & qu’ils les rédui-
foient en poudre, avant de les tranfporter à la cour
impériale.
Des négocians particuliers avoient également fait
réduire en poudre les feuilles du thé , d’une qualité
inférieure, qu’ils nous vendoient fort cher fous la
dénomination de fleurs de thé.
On doit encore fe rappellef que les Chinois , ni
les Japonois ne font aucun ufage de ces fleurs;
mais qu’ils appellent fleurs de thé, non-feulement
les feuilles qui font deflinées pour les empereurs &
les grands foigneurs de leur cour , mais encore les
fouilles de la première cueille, qui font préparées
& confervées avec plus de précaution, ainfi que
celles qui proviennent d’une efpèce particulière.
Quoiqu’on laide croître ces feuilles, & qu’elles
foient un peu plus grandes que celles qui ont été
cueillies pour les empereurs,, & que la méthode
*je 1 | préparer foit plus courte , cette efpèce
. e thé nen efl pas moins eftimée des connoif-
eurs * & il y a tout lieu de préfumer que cette qualité
de thé efl la même que nous connoiffons fous
la dénomination de thé heyfven fupèrieur, & que le
le thé hçyfven-fekin, qui m’a paru être un peu inférieur
à celui-ci, a vraifomblablement été récolté
dans un fol & à une température différons.
A l’égard du thé bout, appelle peko, cette efpèce
de thé ' paroît avoir été compofée des deux premiers
thés qui ont été trop rôtis ; & , par la même
raifon, le thé bout de la féconde qualité provient:
également des feuilles de thé inférieur.
On fait encore entrer dans ces deux efpèces de thé’
bout, toutes les feuilles de thé qui ont été froiffées &
qui fe font noircies pendant l’opération : ainfi on ne
peut attribuer aucun autre caraélère diftinélif au thé
bout, que le nom qu’on lui a donné, tant à caufe
des différens degrés d’altération qu’ont fubie les
feuilles qui en forment le çompofé, que par rapport
à leur couleur brune.
On a encore remarqué que dans les dernières
efpèces de thé bout 8f. de thé vert, il s’en trouve
qui donnent une teinture dont l’odeur & la faveur
refiemblent plutôt à celles du foin qu’à celles de la
violette,
A l’égard des thés faot-chaon, campchon 8c ton*
kay, qui viennent après le thé heyfven, ces trois
efpèces for oient encore fufeeptibles d’être divifées
en différentes qualités ; & j’ai remarqué qu’il y avoic
une différence fi fonfibie dans chacune de ces trois
efpèce? de thé, qu’011 aüroit peine à fe perfuader
qu’ils fuflent de la même efpèce.
Il y a encore d’autres feuilles de thé qu’on renferme
dans de petites boîtes d’étain, que les charlatans
appellent thé de Hollande ou d'Angleterre , &
contre lequel on doit être fur fes gardes ; car la
majeure partie de ces boîtes n’eft remplie que de thé
inférieur, auquel on mêle la racine d’iris deFiorence,
qu’on réduit en poudre impalpable, parce que cette
poudre communique la même odeur de violette qui
caraétérifo les thés de la meilleure qualité.
Cette fupercherie ne peut s’appercevoir que par
la couleur & la faveur de la teinture qu’on tire de
ce thé, .qui efl blanchâtre & d’un goût âcre, au lieu-
d’être a un vert clair, jaunâtre, tranfparente, d’une
faveur douce, pénétrante & agréable.
Quelques épiciers détailleurs peu délicats , emploient
cette fupercherie dans le thé qu’ils vendent
en détail. O r , comme il n’y a pas de meilleur
moyen pour s’aflùrer de la bonté du thé, que celui
d’en extraire la teinture, les règles que nous allons-
établir pourront fervir d’exemple.
De la teinture du Thé.-
Les Chinois, dont là plupart des Européens ont
adopté la méthode, verfent de l’eau bouillante fur
les feuilles du; thé , qu’on a préalablement m i fes
dans un vai fléau appelle thèy'ere : ils en tirent la
teinture, & ils la boivent toute chaude.
Le plus fouvent, en buvant cette teinture, ils-
tiennent dans la bouche un morceau de fucre blanc'
ou candi, ( ce que font rarement les Japonois ) 'r