
acier fondu. Cette méthode offre de grandes difficultés
; c’eft que la trempe faifant fouvent courber
les rafoirs comme un tranchet de cordonnier , on
en caffe beaucoup en voulant les redrefTer ; où fi
on veut forcer un peu le recuit pour les rendre plus
durs; alors on n’a point d’aufli bons rafoirs. Au
refie, quand on forge au bout de la barre, on donne
une^petite chaude grade à la pointe de la barre, fi
la qualité le permet ; car l’acier fondu employé pur,
ne fouffre point une chaude fondante. On étire le
bout de l’acier qui doit faire le talon ; on le coupe
enfuite d’un coup de tranche , & le rafoir fera dif-
pofé pour être fait entièrement de pur acier.
Paffons à la fécondé manière, en bobèche, qui eft
préférable & plus ufitée , parce qu’elle n’eft point
lujette aux inconvéniens de la première.
Dans cette fécondé méthode, vous allongez votre
acier en pente, comme fi vous vous propofiez de
lui former un tranchant d’un côté & un dos de l’autre.
Obfervez de mettre la partie faine de l’acier au dos,
parce que c’eft ce dos qui formera dans la fuite du
travail le tranchant du rafoir. Votre barre d’acier
étirée en pente, doit avoir environ une ligne d’é^
paiffeur à l’extrémité de fa pente , &. trois lignes
environ au dos ; quant à la largeur , elle eft de neuf
lignes ou environ dans toute la longueur de la barre.
Vous la féparerez enfuite en petits morceaux d’un
pouce de longueur fur la tranche à queue qui eft
placée dans un trou pratiqué à la bafe dela bigorne
de l’enclume. Quand toutes ces réparations font
faites, ce qui s’exécute en deux ou trois chaudes,
vous trempez la barre ainfi divifée par ces fépara-
tions obliques , dans de l’eau fraîche ; vous frappez
enfuite la barre froide de petits coups de marteau,
& elle fe cafte à toutes les réparations, & fe diftribue
en petits morceaux d’acier en talus , minces d’un
côté, épais de l’autre , qu’on appelle bobèches.
Les bobèches étant faites , comme il n'eft pas
néceffaire que le dos d*un rafoir foit d’un acier aufli
fin que fon tranchant, on prend un morceau d’acier
de Nevers, qu’on allonge, & auquel on donné la
même forme qu’à celui d’Angleterre, dont on a fait
les bobèches ; c’eft-à-dire, qu’on le tient dans toute
fa longueur également large, mince par un côté, &
épais par l’autre ; avec cette différence feule, qu’il
doit être un peu plus fort que pour les bobèches.
Lorfque l’acier eft fous cette forme , on l’appelle
couverture.
Quand la couverture eft prête , vous la faites
chauffer ; & pendant qu’elle eft chaude , vous la
recourbez par le bout à pen près de la longueur
de la bobèche, que vous inférez entre la partie recourbée
&. le refte de la barre , qui lui forment
comme une châfle, dont les deux côtés intérieurs
allant en talus reçoivent avec affez d’exaâitude les
talus de la bobèche, de manière que la partie mince
de la bobèche foit au fond de la châfle, & la partie
épaifle s’élève aü deffus & forte en dehors , débordant
environ d’une ligne & demie. Vous frapperez
quelques coups de marteau fur la bobèche &. fur la
couverture , afin de les appliquer l'uflë & l’autre
affez fortement, pour que la bobèche ne fe fépare
pas de la couverture dans 4e feu. Vous mettrez dans |
le feu cet affemblage ; vous le ferez chauffer doucement
, aflez pour que la bobèche & la couverture
commencent à fe fouder : vous donnerez la fécondé I
chaude un peu plus forte , ainfi de la troifième ;
vous achèverez de fouder ; vous allongerez votre I
morceau d’environ quatre pouces, lui donnant une
forme qui tende à celle du rafoir, & qui vous in- j
diqùe fûrement.de quel côté eft l’acier d’Angleterre, jj
car c’eft ce côté qui doit faire votre tranchant. Vous j
couperez ce morceau & le féparerez entièrement i,
de la couverture , & vous aurez ce qu’on appelle
une enlevure de rafoir. Vous mettrez ainfi toute votre
couverture & toutes vos bobèches en enlevures,
avant que de paffer à une autre manoeuvre.
Quand une bobèche n’a pu être bien foudée, on
apperçoit quelquefois en étirant m rafoir une efpèce
d’ampoule qui s’élève, qu’on appelle moine ; aufffrôt
qu’elle fe manifefte y ceffez de forger l’enlevure &
percez le moine au milieu ; enfuite donnez une chaude
grafle pour le fouder ; fans cette précaution, il ne
Te fouderoit point.
Après que la couverture & les bobèches feront
en enlevures , vous en prendrez une que vous allongerez
d’environ cinq pouces, lur donnant une pente
du côté qui doit former votre tranchant, & un peu
plus de largeur à la tête qu’à la queue. Vous continuerez
d’étendre & de former la lame du rafoir
avec la panne d’un marteau qu’on appelle marteau
à rabattre ; il faut que cette panne ne foit ni trop
ronde ni trop plate ; il faut que la tête foit un peu
alongée par le côté ; qu’elle ait là un pouce & un
quart ; qu’elle n’ait qu’un pouce fur le devant. Quand
on a élargi fuffifamment la lame avec la panne, on
l’unit avec la tête ; & quand il eft dans cet état, le
rafoir eft ce que les ouvriers appellent rabattu ; on
le marqué enfuite. Quand il eft marqué, on le bat
à froid : cette dernière façon de forge ferrant les
pores de l’acier, ne contribue pas peu à la bonté de
l’ouvrage;
Il eft à propos de percer le rafoir avant de le
tremper ; pour cet effet, on prend un vieux talon
de lame de couteau à reffort ; on préfente l’endroit
qu’on veut percer fur le trou de cette lame; & l ’on
frappe fur une pointe pofée perpendiculairement ;
la pièce du trou s’emporte, & le rafoir eft percé.
Quand le rafoir eft parfait de forge , on le lime
pour perfe&ionner fa figure, dans un étau d’environ
trois pieds de haut ; il doit avoir fix pouces du
milieu de l’oeil jufqu’au deffus des mâchoires ; les
mâchoires, quatre pouces de long, la boîte dix-huit
pouces, la vis vingt-quatre pouces , le diamètre de
la vis de feize lignes : il doit pefer en tout environ
foixante livres. 11 y a des pièces de chirurgie quife
forgent fur l’étau ; d’autres étaux fervent à fertir :
ceux-ci doivent être plus petits que celui dont je
viens de donner les dimenfions ; les autres doivent
être plus grands» Quand
I Ouând oh à approché, à la lime , le rafoir de la
qu’il doit avoir , en enlevant toutes les inégalités,
& en le terminant bien exactement, vous
E te s allumer un feu de charbon dans un lieu plutôt
obfcur que trop éclairé ; le grand jour vous empe-
theroit de bien juger de la couleur que le feu donnera
au rafoir. Quand votre feu fera bien allumé,
vous aurez à côté de vous un foufflet moyen , avec
un morceau de fer fendu par le bout, long d’environ
un tiers d’aune : on appelle cet inftrument un faux
^nanche ; le faux manche eft plus commode que des
tenailles. Vous faites entrer* votre rafoir d environ
trois quarts de pouce par le talon dans 1.ouverture
du faux manche ; vous le pofez enfuite fur les char-
lions ; vous le faite chauffer doucement ; vous lui
donnez un peu plus que couleur de cérife, mais non
le blanc. Plus l’acier eft fin, moins il doit être trempé
•èhaud. La trempe trop chaude dilate les pores , &
^jfend les petites dents de la foie qui forment le tranchant
, trop groffes & trop écartées, & par confe-
quent le tranchant rude. On peut ufer pour h trempe,
M’eau de puits ou d’eau de riviere a diforetion , observant
feulement qu’avant de tremper dans 1 eau de
^buits , il faut la dégourdir, en y plongeant un morceau
de fer rouge. On trempe au contraire dans
l’eau de pluie ou de rivière, çomgie elle éft »a moins
que ce ne foit en hiver ; mais quand l’une & 1 autre
commencent à s’échauffer, à force dé recevoir des
-pièces trempées, il faut les changer.
j S Quand le rafoir eft trempé, vous prenez un morceau
de meule, & vous Yécurez & blanchiffez d un
,;|ôté; vous avez enfuite dans une poêle du charbon
bien allumé, ou de la braife de boulanger, que l’on
préfère au charbon. Vous pofez votre^ rafoir fur
Eette braife, le dos fur la braife & incliné, afin que'
jpe tranchant ne s’échauffe pas plus promptement que
le dos, quoiqu’il ait moins d’épaiffeur; vous tenez
,votre rafoir dans cet état jufqu’à ce qu’il prenne la
■ couleur de renard , mais non pas tout-à-fait celle
d’or. Quand il a .cette couleur, nous le trempons
JLdans l’eau ; puis à l’aide d!un manche de bois, que
.nous appelions faux manche , & dans lequel nous
j.encbâffonsle talon, nous nous préparons ài’émoudre.
I L’opératfon précédente s’appelle recuit.
I Nous prenons pour émoudre le rafoir une meule
d’environ quinze pouces » montée fur un arbre de
J fer d’environ un pouce en carré, fur dix-huit pouces
»de long ou environ » félon la commodité des lieux.
llNous émoulons le rafoir ; nous dreffons le tranchant
les bifeaux ; nous formons le dos & -le -talon, &
c’eft ce que nous appelions blanchir.
I A cette première meule on en fait fuccéder une
•i autre d’environ fix pouces de hauteur : il eft évident
sf que celle-ci ayant beaucoup plus de convexité que
£la première, doit évider le milieu du rafoir ; aufli
•fait-e lle , & c’eft ce que nous appelions dégrojjîr.
i A la fécondé meule on en fait fuccéder une tfoi-
fième d’environ dix à douze pouces de diamètre,
K pour donner au tranchant la même force depuis le
» talon jufqu’à la pointe; & c’eft ce que l’on appelle
Arts fr Métiers. Tome IL Partie 1.
meurt i tràncUnt.l't faut laiffer au tranchant ün petit
bifeau , qu’on gagne a ïa poliffoire ; on fait ce petit
bifeau avec la pierre à affiler a 1 eau.
Lorfque le tranchant, les bifeaux & le dos font
bien dreffés, l’on a une polilfoire de bois de noyer
de la hauteur ou environ de la meule a tranenant,
mais de deux tiers plus mince, & l’arbrè d un tiers :
on couche fur cette polilfoire de l’émeri bien broyé ,
qu’on délaye avec un peu d’huile d’olive ; vous en
etendez de temps en temps fur votre lame, & vous
emportez les traits de la meule, & gagnez le bifeau
que vous avez fait en affilant ; vous poliffez partout
, & rendez le rafoîr propre.
Si vous voulez faire un rafoir appelé à talon plein;
il faut y pratiquer une entaille, afin de trouver de
l’épailfeur ainfi que de la largeur au devant du talon.
On appelle un talon plein, celui qui eft forge &
émoulu à plat & fans Vive arete.
En Allemagne on fait des rafoirs fonnans , dont
les tranchans plient fur l’ongle , tellement qu’ils
fonnent en rafant ; ce qui fe pratique en évidant
peu à peu le derrière du tranchant. ^
Cela fait, vous avez une châffe d’écaiHe , de
corne ou de baleine, fur laquelle vous montez 1*
lame du rafoir par le moyen d'un clou & de deux
rpfettes ; quelquefois on contient les côtés de la
châffe en plaçant un clou & deux autres rofettes h
l’extrémite.
Rafoir à rabot.
Cette efpèce de rafoir , de l’invention de M.
Perret, confifte à rapprocher cet inftrument du rabot
du menuifier , en ajuftant utt fût de bois à la lame
du rafoir. Voicf de quelle manière il .enfeigne à les
fabriquer.
Les lames des rafoirs à rabot fe font comme celles
des autres rafoirs ; cependant elles doivent être plus
minces du dos, de forte que leur épaiffeur ne paffe
pas une ligne & demie a la pointe, & tout au plus
une ligne & trois quarts auprès de la marque ; de
plus, le bifeau du dos eft large & tiré bien régulièrement
fur la meule , afin qu’il puiffe couler avec
égalité dans la café de la chape ou du fût. J'ai trouvé ,
dit M. Perret, les moyens de 1 adapter a la chape,
fans v is , fans reffort & fans bafcule, afin que les
plus mal-adroits puffent s’en fervir aifément ; une
échancrure à la pointe du rafoir , & un crochet
réfervé fur le dos, en font tout le mécanifme.
Quand les lames de ces rafoirs font finies, à cela
près de l’affilage, on débite toutes les chapes à la
feie , de trois pouces de longueur , de treize à quatorze
lignes de largeur, & quatre lignes d’épaiffeur;
enfuite avec un feuillet de lcie fait exprès, dont les
dents n’ont qu’une ligne de hauteur & autant d é-
paiffeur, on donne un trait de feie dans le milieu
pour loger le dos de la lame. Après cette opération,
il faut avoir trois ou quatre limes plates & minces ,
dont l’épaiffeur de chacune diffère .d’un quart de
ligne. Alors commençant par la plus mince, on lime
le trop , ou on élargit l’entaille, en préfentant fou-
vent la lame dans la café &. tâchant de l’ajufter ave» ï