
gradation. Un fourneau bien fermé peut attendre
dix ou douze jours, quelquefois vingt à vingt-cinq :
quand vous ne l’arrêtez que pour un jour ou deux,
vous ne faites que trois charges fans mine ; & quand
elles arriveront à l’ouvrage, vous coulez : nettoyez
bien fur-tout le devant, & bouchez.
Quand l’ouvrage eft bien dérangé par le feu, vous
pouvez dans les mêmes parois de pierre calcaire en
faire un autre : pour cela vous tiendrez tous vos matériaux
prêts, nettoierez bien le dedans, ferez fouf-
fler pour rafraîchir ; pendant que vous ouvrirez le
devant & dèbarrafferez, garantirez les parois de
l’humidité; en deux ou trois jours un ouvrage peut
& doit être en état-de travailler. Comme l’humidité
n’attaque pas la brique, il eft avantageux fur-tout
dans ces occafions, que les parois en foient conf-
truites.
Les éruptions font pour les ouvriers & bâtimens
Voifins l’accident le plus terrible ; elles portent la
mort au proche, & le feu au loin. C ’eft une explo-
fion fubite qui jette hors & très-loin toutes les matières
, fondues ou non , qui font dans un fourneau ;
c’eft un volcan qui lance par toutes les ouvertures,
& de toutes fortes de volumes, des morceaux enflammés
: on a vu des charbons voler jufqu’à cinquante
toifes.
L’éruption, ou n’a lieu que dans le bas d’un fourneau
, ou dans le deffus, ou elle eft totale. Des morceaux
attachés tombant tout-à-coup en gros volumes
dans l’ouvrage où il y a déjà des matières en
fufion, font fortir ces matières par le devant de la
tuyère : c’eft ce qu’on appelle cra che r. Des mines
liées d’arbue, attachées au-deffous d e là charge,
ayant laiffé un vide entr’ellès, & les matières qui
defeendent venant à tomber fur les matières inférieures
, la rapidité de l’air qui s’échappe & la pro-
digieufe & fubite expanfibilité de l’humidité, jettent
hors la dernière charge. On connoît la proximité
de ces accidens, par la flamme qui concentrée
fe jettoit fort en -d e v a n t& y manque tout-à-coup
quand il fe.trouve un paffage libre pour la chûte des
matières. Quand les ouvriers s’en apperçoivent, la
fuite eft le plus expédient.
L’éruption "générale ne peut venir que de la raré-
faftion de l’eau, quand les conduits fe trouvent
bouchés. La preuve négative eft que dans les fourneaux
bien voûtés dont on a foin de nettoyer les
conduits & dont le fond eft bien au-deflùs des eaux,
jamais cet accident n’eft arrivé.
Parvenu à acquérir quelques connoiffances fur
,1e mélange le plus avantageux pour la fùfton des
mines, je fuis obligé d’avouer qu’on n’eft point par-
. venu à favoir ce q u i, à travail égal, diftingue.les
fers entr’eux. On fe contente de dire en général
qae les mines font de différentes efpèces , & que
conféquemment leur produit doit être différent.
Je ne croirois rien hafarder de dire que les mines
ont entr’elles une qualité de configuration diftinc-
t iv e , qu’elles ne perdent pas même dans le rafinement
du fer. Un ouvrier , dit-on, fait du fer caf-
fant ; un autre le fait doux : difons de bonne fo i,
qu’un ouvrier ne change point la qualité du fer ;
mais qu’avec un tel degré de chaleur ou de travail,
le fer peut s’épurer ou s’altérer. Travaillez égale-
merft les différentes efpèces de mines ; réduites en
fontes, elles produiront toujours fuivant leur nature
, les unes des grains, les autres des prifmes,
des lames plus ou'moins fines & longues, &c. En
fer les mêmes qualités fe trouvent. Le travail peut
affermir ou appauvrir le nerf, la liaifon , y laiffer
trop ou pas affez de rempliffage , comme nous l’avons
détaillé ; pouffez le feu & le travail trop loin,
vous détruifez. On diroit que ce ne font pas les
particules de mines qui ont été en fufion, mais les
corps qui les raffemblent, ou qui y font meles ; &
que purifier ce métal, n’eft proprement, comme
nous le verrons au travail de la forge, que lui laiffer
les parties convenables de nerf & de rempliffage,
& cela fuivant la qualité de chaque efpece de
minéà.
Des fontes marchandes.
On appelle fontes marchandes, toutes celles qu’on
dilpofe à rendre d’autres fervices, que celui d’être
converties en fer : pour cet effet, au lieu de l;s
forger on fe"fert de leur état de liquidité , dans la
fufion , pour les jetter en moule. Les fervices que
les fontes nous rendent dans cette partie, font d’autant
plus précieux qu’ils font en grand nombre, d’un
ufage ordinaire, & d’un prix médiocre.
La première manière de couler les fontes a été
de faire les moules de terre , la plus induftrieufe de
les faire en fable. Sans entrer dans rémunération
de tous les ouvrages qu’on peut faire en fonte, nous
nous contenterons d’en décrire quelques-uns-, qui
mettront à portée d’imaginer ce qu’on peut faire de
mieux & de nouveau.
Les canons principalement pour la marine, de
petites cloches, des bombes, fe coulent en terre
dans des moules préparés. Nous obferverons qu’on
ne fait point de cloches de fonte au-deffus de deux
cents livres. On s’eft imaginé qu’elle ne vaudrait
rien que pour les groffes pièces, comme les canons.
On a deuxf fourneaux accolés & en travail, pour
ne pas manquer de métal. Les bombes qui peuvent
fe couler en fable , valent beaucoup mieux en terre.
C ’eft encore en terre que fe coulent les gros
mortiers , & de gros tuyaux pour la conduite des
eaux.
Pour faire le moule en terre d’un tuyau ce qui
fervira à faire entendre ceux des. autres pièces , il
faut une table de bois foiide, du deffus de laquelle
partent deux barres de fer entaillées de diftance en
diftance, pour recevoir une broche de fer débordant
la table: cette broche équarrie dans un des
bouts pour recevoir une manivelle, au moyen de.
laquelle , de la corde & du marche-pié , l’ouvrier
peut faire tourner la broche. Pour de groffes pièces
il faut un compagnon. On corroie fortement de l’arbue
mêlée avec de la fiente de cheval, & on en
environne la broche. Cette première couche fé-
chée, on y en met une fécondé , & ainfi jufqu’à
la groffeur néceffaire. Cette partie s’appelle le
noyau , qui doit être de la dimenfion du vuide intérieur
du tuyau. Pour lui donner cette exâ&itude
& la forme néceffaire, l’ouvrier a fon échantillon,
qui n’eft autre chofe qu’un morceau de planche entaillé
, qu’il laiffe frotter contre le noyau. Ce noyau
fait & féché, on le faupoudre par-tout de cendres ,
& on le couvre de terre préparée de l’épaiffeur
que doit être le métal : cette partie dreffée à l’é chantillon,
féchée & faupoudrée de cendres, eft
couverte d’une couche de terre préparée , épaiffe,
relativement à la groffeur du tuyau. Cette partie
s’appelle la chape. La chape pour être enlevée, fe
coupe longitudinalement en deux avec le couteau ;
on caffe & détache la partie que le métal doit occuper,
& ayant refferré & affermi la chape autour
du noyau, on enfable un ou plufieurs moules à
portée de la coulée du fourneau. Dans les groffes
pièces on ménage un évent, dont on caffe la bavure
au fortir du moule.
Pour un moule de marmite à pieds & oreilles, le
noyau fe bâtit fur une planche, tant pour le corps
du pot que lps oreilles ; s’enduit de la partie que le
métal doit occuper, & de la chape. Au deffus du
cul du pot dans la chape, on ménage l’ouverture de
la coulée, & de quoi loger les moules des pieds qui ■
font à part ; on coupe en deux la chape, &c. fi ce
font des pièces auxquelles on veuille joindre quelque
ornement. Ces exemples doivent fuffire pour faire
entendre là fabrique des fontes moulées en terre :
nous ajouterons feulement que pour les groffes
pièces, on tire la fonte dire&ement du fourneau,
& pour les autres on les coule à la poche , comme
celles en fable.
Les moulés en terre demandent beaucoup- de
-temps & de travail; on a imaginé d’y fubftituer le
fable qui, dans peu de temps, eft raffemblé & dé-
funi. Les groffes pièces auxquelles il ne faut qu’une
ouverture, comme Les marteaux pour les forges,
les pièces folides, comme les enclumes, les contre-
coeurs de cheminées , & toutes autres plaques qui
ne demandent des ornemens que d’un côté, fe
moulent à découvert. Pour une enclume , &c.
proche la coulée du fourneau , vous faites une excavation
convenable pour enterrer le moule de la
pièce : ce mo.ule eft de bois ; vous battez en. fond du
fable ; pofez le moule fur ce fable, qui reçoit &
conferve l’empreinte, & battez du fable tout autour.
Le moule ou modèle enlevé, vous débouchez
la coulée du fourneau, & laiffez emplir de fonte
le moule : quand il eft plein, vous arrêtez la fonte
avec un morceau de pâte d’arbue, & la tournez
dans un ou plufieurs moules autant que le fourneau
en peut fournir. Pour faire l’oeil des marteaux :
quand le modèle de bois eft enlevé, vous avez un
châflis monté à crochets, que vous placez où l’oeil
doit être : vous empliffez l’intérieur du châflis de
fable bien battu : vous décrochez, & retirez les
pièces ; le fable refte ; & la fonte tournant autour ,
laiffe le vide de l’oeil.
Pour les pièces autres que les plates ou fondes, il
faut qu’un atelier foit fourni de modèles de toutes
façons, de fable extrêmement fin &. gras ; de tamis
pour le paffer ; de pelles & de rabots pour le remuer ;
de battes, de maillets pour le battre; de râpes poi'-r
le détacher des piècès ; d’un écouvillon pour lhu-
meder ; d’un fac de toile rempli de pouflière ; dé
charbon tendre pour faupoudrer les chapes &
noyaux , pour que la fonte ne s’attache point au
fable ; de plufieurs châflis, fuivant les différens ouvrages
; de la poche, pour couler ; de la manche
pour garnir le bras gauche , pour le garantir du
feu. y .
Un fableur qui veut faire le moule d une marmite
, ayant fur un banc pour travailler a fon aife,
fon fable humedé &tamifé , y pofe une planche,
& fur cette planche un châflis ; ce châflis doit etre
précifément de la hauteur du corps de la marmite
garni de pieds dont les empreintes fe font feparément,
comme nous le dirons ; il renverfe dans le châflis
le corps de marmite, met du fable autour & le con-
folide avec fes battes ; place la monture des pieds ,
les patins, & la partie de la coulée qui eft de la
hauteur du châflis; emplit le tout de fable bien
battu : le total doit fe trouver au niveau du châflis.
L’ouvrier prend & renverfe une partie du châflis ,
mettant les crochets en en-haut ; emplit toute 1 é-
paiffeur du cadre de fable bien battu autour dura
morceau de bois figuré, pour faire le refte de la
coulée ; cette partie pofée fur une planche , on la
faupoudre de blanc ; le blanc eft le fable fans être
humeélé , que les rappes ont détache des pièces
moulées : on renverfe deffus cette partie , aufli fau-
poudrée de blanc ; en la renverfant, la partie de la
coulée & les patins tombent. On poudre les empreintes
de. pouflière de charbon ; cette partie le
rapatronne exaélement par les guides, qui traver-
fent les ouvertures pratiquées dans le corps du.
châflis, pour les loger; & on arrête ces deux pièces
par des crochets.
La monture des pièces & le corps de la marmite
reftant dans le châflis, la marmite fe trouve alors les
pieds en bas ; elle doit bien affleurer le châflis. Ou
emplit l’intérieur de fable bien battu ; on le rafe avec
le réglet au niveau du châflis; & on reverfe le tout
fur la troifième partie du châflis, dont le cadre eft
exa&ement rempli de fable battu : en foulevant les
deux premières parties accrochées enfemble, on
laiffe à découvert le noyau ; on frappe fur.le modèle»
avec une batte pour le defferrer, & on le retire;
le modèle des pieds tombe enfuite. La place des
anfes fe- fait en perçant le fable dans l’endroit qui
leur eft deftiné, y infinuant deux morceaux de bois
recourbés qui fe rencontrent dans le milieu ; le
fable affermi autour de ces morceaux de bois , on
les retire, & le vide refte. On faupoudre tant le
noyau que la chape de pouflière de charbo'n, dont