
feulement de la profondeur d’un demi-pouce ; cette
entaille fert à recevoir les châflis de fer qui retien-
. dr ont ces pierres.
Cette pierre eft une efpéce de grès , d’une qualité
particulière. On n’en a trouvé jufqu’à prêtent
que dans les carrières de Bafanges, vis -à -vis le
Mont-Saint-Michel. Elles ne coûtent fur les lieux
que foixante livres la paire ; mais rendues à Namur,
elles reviennent à cent florins du pays , ou à peu
près à deux cens livres. Il y a du choix à faire,
les plus tendres font les meilleures ; le grain en eft
médiocre. Il ne faut, ni les piquer au fe r , ni les
polir , parce que l’enduit, dont il faut les revêtir ,
n’y tiendrait pas ; elles durent, pour l’ordinaire,
quatre ou cinq ans. Les Namurois ont bien cherché
dans leurs carrières ; mais à l’effai toutes les pierres
qu’ils ont employées, fe caftent ou fe calcinent.
Les pierres du moule font faifies dans un châflis
de fe r , dont les longs côtés fe joignent à des tra-
verfes , où elles font retenues & amijetties par des
clavettes. Chaque barre a des oeillets à divers ufages,
comme de recevoir des grilles qui foutiennent le
plâtrage d’argille, que l’on étend de niveau fur les
pierres, & qui forme les lèvres de la gueule du
moule, ou de porter une bande de fer, qui règne
fur la plus grande longueur de la pierre de deffous,
& q u i, garnie de deux chevilles, eft mife de niveau
avec cette pierre. Cette bande eft contrainte en cette
fituation, par deux courbes placées de bout fur la
barre ; mais il eft. inutile d’entrer dans un plus long
détail fur l’affemblage de ces pierres : la figure en
dit affez. On voit que ces pierres ou moules font
charnières ; on voit trois de ces moules en fitua-
tions différentes,^, p ,
La pierre de deffous eft emboîtée dans un plancher
de grôtïmadriers, cloués fur une traverfe
pofée fur des couffins. Comme les deux extrémités
de cette traverfe"font arrondies en deffus, il eft
facile d’incliner le moule. Les couffins font établis
dans une foffe , de même que la traverfe.
Les deux pierres s’affujettiffent enfemble par
deux barres. Toutes les barres qui font de fer font
boutonnées aux extrémités.
On fait auffi à la pierre de deffus une lèvre en
argifle, q u i, avec celle de deffous, forme une
gueule , dans laquelle fe jette le métal fondu.
Ce qui détermine la largeur & l’épaiffeur de la
table , ce font des barres pofées fur une traverfe,
& tenues par deux crochets, qui entrent dans les
oeillets de la traverfe.
Le plâtrage eft d’argile. On prépare l’argile en la
faifant bien fécher, en féparant le grayier, la ré-
duifant en poudre, la détrempant à la main, & la
faifant paflér à travers une bafline percée de trous
d’une demi-ligne. On en forme de la pâte, dont
on remplit les trous & autres inégalités des pierres ;
on applatit bien le tout avec les mains , mouillant
toujours la pierre à melùre qu’on la répare ; après
quoi on étend un enduit de la même pâte, &
d’une demi-ligne d’épaiffeur fur toute la furface de
la pierre ; on applanit cet enduit avec des bois
durs & polis , en forme de briques , que l’on promène
également par-tout. On donne enfuite le poli
avec une couche d’argile bien claire, que l’on ré- ■
pand également, en commençant par la pierre de
deffus , qui eft fufpendue au treuil. L’ouvrier parcourt
le long côté de cette pierre, en verfant la
coulée uniformément, & tirant à foi le vafe qui la
contient. On en fait autant à la pierre de deffous ;
& comme elle eft horizontalement placée , on ôte le
trop de coulée avec un morceau de feutre ; on paffe
auffi le feutre à la pierre de deffus. C e feutre fert
encore, à emporter le trop d’humidité. Au refte,
on donne à cet enduit le moins d’épaiffeur poffible.
Lorfque les pierres font enduites, on laiffe fécher
l’enduit à l’air. Si l’on eft en hiver, que le temps
foit humide, & que l’on ne puiffe remuer la pierre,
on fait rougir les fourgons & autres inftrumens de
fer ; on les préfente à l’enduit à une certaine distance
, & on l’échauffë ainfi d’une chaleur douce.
Lorfqu’il eft parfaitement fec, on le réunit avec
du charbon allumé, & on y tient le feu' dix à
douze heures , au point qu’il paraît prêt à gercer.
On affujettit la pierre de deffus fur celle de deflous,
afin que la chaleur fe diftribue également. Deux
grandes mannes de charbon fuffifent pour entretenir
la chaleur pendant le temps de la recuite ;
enfuite on nettoie à fec le moule, & cela fe fait
avec foin. On y pofe les laines de fer qui doivent
régler la largeur & l’épaiffeuir de la table , on ferme
le moule & on l’incline.
La gueule du moule fe fait en même temps que
l’enduit, mais d’une argile moins fine, mêlée avec
de la bourre de crin, ce qui forme une efpècede
torchis.
L’enduit recuit devient d’une dureté prefque
égale à celle de la pierre ; on peut couler jufqu’à
vingt tables fur le même plâtre.
Les tables coulées fur des pierres qui n’ont point
fe rv i, ont ordinairement des Tournures ; alors il
faut rompre cet ouvrage, & le mettre à la fonte en
guife de mitraille. On obferve, quand on emploie
de cette mitraille, de mettre avec elle moins de
rofette.
Dans l’intervalle d’une coulée à l’autre, on fépare
le moule, & la pierre qui çeffe de fe tourmenter à
la fécondé coulée qui fe fait l’inftant d’après. La
première , la fécondé & la troifième tables font
bonnes & fe confervent.
Il y a des pierres d’une qualité fi particulière,
que pendant fept à huit jours , il faut toujours fa-
crifier la façon de la première table.
Chaque moule travaille tous les trois jours , & le
même moule fert aux tables que l’on fond pendant
vingt-quatre heures, c’eft-à-dire , à fix tables parfaites,
oit à une table par fourneau toutes les douze
heures; Quand l’enduit' ne peut plus fupporter de
fonte , on le détache de la pierre avec des dragées
de cuivre, que l’on trouve dans l’areot, ou les cendresde
la fonte : cette opération s’appelle aiguifer
la pierre. _ . v .
On aiguife la pierre de la maniéré fuivante. On
fixe une barre de fer coudée dans la mortaife de
l’extrémité du fupport du moule ; un grand levier,
jM f i j pi* H > eft appliqué à cette barre. Il eft mobile
: il eft pareillement percé d’un trou rond, à
l’endroit où paffe une cheville attachée au milieu
de la tenaille. Cette tenaille rejoint au châflis de
fer, & par conféquent à la pierre de deffus, par le
moyen de deux crochets & d’écroux que l’on arrête
fortement.
L’extrémité du levier eft tenue fufpendue par
une chaîne ; elle porte plufieurs pitons où l’on Fait
entrer des crochets. Des hommes appliqués à ces
crochets, pouffent & tirent alternativement le levier.
Ce levier entraîne là pierre qui fiiit fon mouvement
, & les dragées arrachent le plâtré. Cependant
d’autres ouvriers tournent la pierre, lui font faire
des révolutions fur elle-même , enforte que le frottement
a lieu fur toute la furface. .
Lorfque les dragées & le frottement ont pulvé-
rifé le vieux plâtre, on nettoie les pierres , on les
lave, on remet un nouvel enduit, & le travail
reprend.
De la fonte.
C’eft l’habitude du travail qui apprend à con-
noître au fondeur la bonne fufion. Alors la flamme
eft légère , la couleur change , elle devient d’un bleu
clair & vif; il s’en élève une pareille des creufets
quand on les tranfvafe.
Lorfque le métal eft prêt à être jetté, on prépare
le moule , en pofant avec foin les bâfres qui détermineront
la dimenfion de la table. La longueur eft
à diferétion; fon épaiffeur ordinaire eft de trois
lignes, fa largeur de deux pieds un pouce trois
lignes, & fon poids d’environ 85 à 87 livres.
Les lames de fer pofées, on ferme le moule, on le joint avec force, on l’incline; on retire le
creufet du fourneau où on l’a mis quatre à cinq
heures à rougir avant que de fondre ; on a un fécond
creufet, on y tranfvafe la matière , on en
écarte les ordures, les crafles & lés cendres ; on
tire les autres creufets du fourneau , dont on tranfvafe
également la matière dans le même fécond
creufet: on continue jufqu’auhuitième creufet. Lorfque
le creufet du jet contient la matière de ces
nuit creufets de fourneau , on faifit celui-ci avec la
tenaille double, on le porte vers le moule, & l’on
coule une «table.
Au même 1 moment un ouvrier court au treuil,
tourne, relève le moulé, & le met dans'fa fituation
horifontale , après quoi continuant de tourner , &
la pierre de deffous étant arrêtée, il fépare celle
de deffus ? & le fondeur avec une tenaille, tire la
table coulée, qu’il a grand foin d’ébarber.
Le même moule fert, comme on l’a d it, à fondre
les trojs tables que fourniffent les trois fourneaux ;
& dans l’intervalle d’une jettée à. l’autre, on fépare
le moule.
Ainfi il y a trois fourneaux, huit creufets dans
chacun : ces huits creufets fe verfent dans un feul,
& celui-ci fournit une table , ce qui fait trois tables
pour les trois fourneaux, & pour les vingt-quatre
creufets.
En réparant le moule , on le rafraîchit avec de la
fiente de vache : pour cela on en écarte les lames
de fe r , qui déterminoient les dimenfions de la table.
On les remet enfuite en place, on bouche les vuides
qu’elles peuvent laiffer , avec de la fiente de vache.
On abat la pierre de deffus, on referme le moule,
on le rince b ien, & l’on coule.
Quand les trois tables d’une fonte ont été jettées,,
on nettoie & on rafraîchit encore le moule, on
repofe les pierres l’une fur l’autre fans les ferrer ,
& on lés couvre avec trois ou quatre groffes couvertures
de laine , afin de les tenir chaudes pour
la fonte fuivante , qui fe fait douze heures après.
On obferve auffi de tenir les portes & les fenêtres
de la fonderie bien fermées, feulement pendant
qu’on coule; enfuite on ouvre les portes.
S Les ouvriers tiennent le bout de leurs cravattes
entre leurs dents , foit qu’ils tranfvafent, foit qu’ils
coulent; ils amortiflent ainfi la chaleur de l’air qu’ils
refpirent.
Après avoir tranfvafé le cuivre fondu du creufet
de fourneau , dans le creufet de jetée , le fondeur
prend deux bannes jointées , de la composition de
calamine & de charbon , qui remplit un \Bacquet,
les; met dans le creufet qu’il vient de vuider, &
par deffus cela la poupe de mitraille; puis il replace
le creufet au foûrneau , où il refte jufqu’à ce
que les tables foient jetées, c’eft-à-dire, environ
une demi-heure ; on en fait autant à tous les autres
creufets de fourneau, à mefure qu’on les en tire.
Le vieux cuivre, en s’échauffant, devient caftant &
s’affaiffe bien mieux, lorfqu’on travaille à recharger
le creufet, c’eft ce qu’on appelle amollir le cuivre ; le
contraire arrive au cuivre rouge.
Les tables étant fituées, & le moule préparé pour
la fonte fuiyante, on revient aux fourneaux , d’où
l’on retire les creufets les uns après les autres pour
achever de les charger ,^ce qui fe fait en remettant
par deffus le vieux cuivre déjà fort échauffe , beaucoup
de calamine de compofition, que l’on entafie
avec le fourgon ; à quoi l’on ajoute le cuivre rouge,
que l’on enfonce dans la calamine, en frappant
fortement avec la palette. Pour cet effet, on affujettit
& l’on tient droit le creufet, avec la pince coudée
& le bouriquet.
Chaque creufet chargé , on le replace au fourneau
, on l’y arrange, on répare les onze trous ou
regiftres du fond du fourneau , qui fervent de fouf-
flets ; on débouche ceux qui peuvent fe trouver
bouchés, & l’on remet de l’argile à ceux qui font
trop agrandis ; en un mot, on achève comme pour
[ la première fonte. On fait d’abord peu de feu 3 du