
ou dans les filons des mines ; mais qui font tendres
quoique pefantes.
Pline donne aufli une defcription de l’émeraude,
qui ne convient qu’au péridot ; c’eft une pierre d’un
verd jaunâtre qu’on tire de Chypre, à laquelle on a
aufli donné le nom d’émeraude bâtarde. Elle eft peu
efiimée à caufe de fon peu de dureté. Cependant
lorsque le jaune n’y eft pas trop dominant, elle
eft d’une couleur gaie & agréable à la vue. On
en trouve d’une groffeur confidérable.
Il y a des péridots d3Orient, qui viennent d’Arabie
& d e Perfe, plus durs que ceux de Chypre, qui prennent
un plus beau poli, & qui font d’un beau verd de
printemps, avec une teinte jaune. Ce font ces fortes
de pierres que Pline & les anciens nommoient
émeraudes. Cet auteur dit qu’on les faifoit fervir
à l’ornement des édifices ; mais ni dans les pierres
gravées des Grecs & des Romains , ni dans les
préfens faits anciennement aux églifes, ni dans les
vieux tréfors des Rois , on ne trouve point de
véritable émeraude. Il faut donc en conclure que
cette pierre précieufe n’êtoit pas connue autrefois,
& qu’elle ne l’a été que depuis la découverte du
nouveau monde.
On diftingue deux efpèces principales d'émeraudes
d’Amérique; celle du Pérou, & celle du>Brèfil.
La criftallifation de la première eft prefque toujours
en prifme hexaèdre, tronqué aux deux bouts.
L’émeraude du Bréfil fe trouve en prifme oblong
à 6 , 8 ,9 , 1 0 & 12, pans inégaux , ftriés , termines
par une pyramide obtufe.
L‘‘émeraude du Pérou fe nomme aufli émeraude'dè
vieille roche ; elle eft d’un beau verd de prairie
dépuré, riche, avivé, velouté, & réfléchit des rayons
éclatants. La plus belle émeraude vient de la mine
de Manta au Pérou, qui e ft, dit-on, épuifée.
U y a d’autres émeraudes d’une couleur légère,
gaie , agréable, amie de l’oeil, que l’on préfère
même aux premières, quoiqu’elles n’aient pas leur
dureté, qu’elles ne rayonnent point de même ,
& que la lime ait prife fur elles.
Les émeraudes du Bréfil font d’un verd foncé,
d’une très-belle eau, avec une teinte rembrunie.
Les émeraudes d’une belle couleur pure & fans
défauts font très-rares. Elles font fouvent remplies
de jardinages, ou fujettes à des nuages qui les obf-
curciflent, qui diminuent, & même qui ôtent totalement
leur jeu : c’eft ce qui rend leur prix très-
inégal. La couleur, la pureté, le plus ou moins
de fond mettent beaucoup de-différence dans leur
valeur.
Les petites émeraudes pures & claires fe vendent
enfemble, fur le pied d’un louis le karat.
Une belle émeraude du poids d’un karat & d em i,
peut valoir 5 louis; celle de deux karats 10 louis.
Mais au-delà de ce poids la valeur de l’émeraude
n’augmente point dans la proportion de fa grandeur
, parce, qu’il eft fort rare qu’elles (oient alors
pures & fans défauts. S’il s’en trouvoit de grandes
& de parfaites, elles feroient alors d’une eftimation
arbitraire. M. d’Augny en a deux parfaitemeat
belles dans fa fuperbe colleétion.
L’émeraude a pour matrice le quartz ou le fpath
fufible coloré en verd. Ce ft>nt ces matrices pier-
rieufes & verdâtres auxquelles on donne les noms
de prafe , de mère & de racine d’émeraude , de
prime d3émeraude ; & quand cette dernière eft très-
belle, on la nomme fnaragdopraf ?. Mais ces pierres
font trop tendres, trop gercées, & trop inégalement
colorées pour être fort eftimées. Nous allons
pourtant en parler.
Racines d*émeraude.
On appelle racines d3émeraude des fpaths qui ont
la couleur d’émeraude. On trouve dans la province
de Derby en Angleterre, & dans le Bourbonnois
& l’Auvergne en France, de ces fpaths vitreux
verdâtres, & d’autres tirant fur le violet. On en
fait des vafes pour l’ornement des tables & des
cheminées.
Le Prafe.
Le prafe tire fon nom du mot grec xpao-d* , qui
lignifie porreau, parce qu’en effet le prafe eft d’un
beau verd de porreau. Cette pierre éft peu diaphane ;
fa teinte eft égale & légère. On croit que ces grandes
émeraudes ou pierres vertes dont Théophrafte &
Pline font mention, n’étoient que des prafes.
La Chryfoprafe.
La pierre qu’on appelle chryfoprafe, tire fon nom
d’un mélange de la couleur d’or & du verd dit
porreau. Elle chatoie des rayons d’un verd jaunâtre
, comme fi elle contenoit des particules ou
points d’or. On en a vu même qui renfermoient,
en effet, des parcelles d’or. Au refte, la chryfoprafe
reflfemble un peu à l’aventurine ; c’eft le chry-
foptere des anciens.
La Smaragdoprafe ou Prime £ émeraude.
La fmaragdoprafe eft d’un verd de pré foncé,
quelquefois avec une légère teinte de jaune. C’eft
proprement la prime d'émeraude. Cette pierre eft
ordinairement peu diaphane & affez tendre; cependant
il s’en trouve aufli d’affez dures, & fufceptibles
d’un beau poli.
On trouve beaucoup de fmaragdoprafes ou primes
d'émeraudes, qui ont été gravées par les anciens.
C ’eft vraifemblablement l’efpèce d’émeraude que
Pline difoit venir de Chypre.
La fmaragdoprafe de Bohême eft un peu opaque;
I celle à!Amérique eft à demi tranfparente, comme
i le vitriol, & elle en a affez la couleur.
L'Améthyfle.
lïaméthyjle orientale eft d’un beau violet, & regardée
comme la plus rare des pierres précieufes.
On ne connoît pas même la forme de-fa criftallifa-
tion. M. d’A ugny, dont nous avons déjà eu occasion
de citer la riche colleétion, eft peut-être le
feul qui poffède une belle & parfaite améthyfte.
Mais elle eft d’un fi beau violet pourpre, d’un poli
fi vif & fi brillant, d’une limpidité & d’une richeffe
de couleur fi extraordinaires, que M. Dutens eft
tenté de la cara&èrifer un rubis violet, fur-tout à
caufe de fa grande dureté, qui la doit mettre dans
la claffe des diamans ou rubis colorés.
VAméthyJle occidentale a fa criftallifation feulement,
communément hexagone ; elle paroît formée
d’un, criftal de roche qui a été coloré par
une fubftance métallique. Elle a la configuration
du criftal , elle eft fufceptible d’un beau poli.
Elle eft d’une couleur agréable & affez recherchée.
U y a des améthyftes d’un beau violet bleu colom-
bin ; d’autres d’une belle couleur de gris de lin,
mêlée d’un peu de bleu femblable à la fleur de
pêcher.
La couleur la plus ordinaire de l’amèthyfte eft
le violet. Celles d’un violet pourpré, font les plus
rares ; ces dernières viennent de Carthagène d’A mérique.
On trouve aufli des améthyftes en Europe, fur-
tout en Allemagne, en Bohême, en Efpagne, en
Auvergne. Elles font ordinairement dans une forte
de quartz.
On ne peut guère établir le prix de l’améthyfte
orientale, à caufe de fon extrême rareté ; & lès
améthyftes occidentales fe vendent par eftimation ,
félon leur grandeur, leur beauté, leur richeffe, &
la pureté de leur couleur.
Au refte, il faut bien prendre garde de confondre
î ’améthifte avec le grenat Syrien, ce qui arrive affez
fouvent..
L’Aigue-marine ou Béryl.
L’aigue-marine a fa criftallifation d’une forme polygone;
elle eft tranfparente, d’un bleu mêlé de
verd, & quelquefois d’un verd de mer céladon. C ’eft
vraifemblablement la pierre que les -anciens nommoient
béryl.
On peut diftinguer deux fortes d’aigue-marines
ou béryls, l’une orientale, l’autre occidentale.
L’aigue-marine orientale eft d’une belle tranfpa-
rence, & d’un grand éclat; elle a une couleur fine,
mêlée de verd & de bleu en différentes proportions
, & elle eft très-dure.’ Ce qui diftingue cette
pierre précieufe des émeraudes & de-» faphirs, c’eft
que l’émeraude eft purement verte, fans mélange
de bleu, & le faphir purement bleu , fans aucune
teinte de verd : au lieu que l’aigue-marine participe
des deux par ce mélange de bleu & de verd, mais
avec un grand nombre de nuances. Cependant les
aigues-marines orientales ont un mélange plus égal
& plus fixe; elles ont plus de d u r e t é f o n t fufceptibles
d’un plus beau poli que les occidentales.
Ces dernières préfentent aufli un mélange de
Verd de mer & de bleu qui. eft fort agréable. Elles
font diaphanes, & fouffrent un beau poli.
Les aigues-marines orientales viennent des
grandes Indes , de Ceylan, des bords de l’Euphrate,
au pied du' mont T auras ; on trouve les
occidentales en Saxe, en Bohême, & dans beaucoup
d’autres pays de l’Europe.
Une belle aigue-marine orientale s’évalue comme
le faphir, & quant à l’occidentale ; on la prife à la
v u e , félon3 fon éclat & fa pureté.
La Chryfolite.
La chryfolite orientale eft une pierre précieufe
qui eriftallife en prifme oblong hexaèdre , à côtés
inégaux, terminé par deux pyramides tétraèdres,
d’un beau verd pomme clair ol v if, fufceptible d’un
très-beau poli. Elle eft rare. On la trouve dans
l’île de Ceylan.
On diftingue deux fortes de chryfolite du Bréfil.
L’une dont la couleur eft à peu près femblable à
celle du péridot oriental, excepté que fa couleur
refte mêlée de jaune & un peu plus foncée. Cette
pierre étant moins dure , prend aufli un poli
moins vif.
L’autre efpèce de chryfolite du Bréfil eft d’une
couleur de paille , chargée d’une belle teinte de
v erd , de l’effet le plus agréable.* Cette chryfolite
eft fort dure, & fufceptible d’un beau poli.
On peut évaluer fur le pied d’une belle émeraude,
la chryfolites orientale ou le péridot oriental,
d’un verd de pomme clair, brillant & vif.
Quant aux belles chryfolites du Bréfil , d’un verd
de pomme ou d’un jaune de paille, avec une légère
teinte de verd, elles peuvent s’évaluer à 1 louis le
karat, 2 louis celles de deux karats, 3 louis celles
qui pèfent trois karats , comptant ainfi leur valeur
en louis par le nombre des karats qu’elles pèfent.
D u G r e n a t .
Il n’y a point de pierre précieufe qui varie autant
que le grenatfoit pour la diverfité & l’intenfité de
couleur, foit pour la variété de fa configuration &
de fa criftallifation.
Il y a des grenats d’un rouge obfcur, d’autres
font jaunâtres, d’autres d’un brun foncé, ou tirant
fur le fang de boeuf.
Les grenats n’ont, en général, ni le brillant, ni la
tranfparence des autres pierres précieufes. Il faut
cependant en excepter le grenat Syrien , qui eft
proprement le- grenat oriental, dont la couleur eft
riche, v ive, & agréable en même temps.
Le grenat oriental fe diftingue à un rouge tendre,
mêlé de pourpre & de violet, extrêmement doux
à la vue ; ce qui, comme nous l’avons dit, peut le
faire confondre d’abord avec l’améthyfte orientale ;
mais il n’en a , ni le poids, ni le poli. On tire les
plus beaux grenats de Syrie, de Calicut, de Canà-
baye, de Cananor.
Il y a un autre grenat oriental d’un rouge orangé,
, tirant fur le jaune d’hyacinte, très-dur & très-riche
en couleur. On le tire de Sorian ou Surian, ville
capitale de Pègw ; ce qui a fait nommer cette pierre
for-anus par les anciens»