
chauffer au point de devenir rouges pendant qu’ils
étoient enterrés dans le fable , fans s’engager à une
dépenfe que les ouvrages ne peuvent guère porter.
J’ai mis le fable dans des efpèces dé caiffes de tôle,
qu’on chauffoit par deffous : mais c’en eft trop d’avoir
à chauffer la maffe de fable avec les moules.
D ’entreprendre de fortifier ces moules avec des
liens ou des frettes de fe r , ne m’a pas paru un expédient
fuffifant ; on ne fauroit en multiplier affez le
nombre ; la chape fe trouveroit trop foible où elles
manqueroient : d’ailleurs ces moules fimples feroient
par-là fort enchéris. Mais un moyen prefque aufli
fimple que de les enterrer, & qui en de peu de
dépenfe, c’eft de les enduire d’une couche de lut
épaiffe d’environ quatre à cinq lignes : ce lut doit
être d’une terre qui ait du corps & qui fe retire
peu. On peut le faire avec de la glaife pétrie avec
du crotin de cheval, mais qui y fera mis en moindre
proportion qu’on n’en met dans la terre des moules.
On n’étendra ce lut que fur des moules bien fecs.
On le laiffera fècher lui-même à fond & peu à peu.
Alors la chape foutenue par le lu t, foutiendra la
fonte ; & il fera plus aife de faire chauffer les moules
en terre ainfi lutés , qu’il ne l’eft de faire chaufferies
moules en fable : l’objet fera d’une bien moindre
dépenfe*
On ne produiroit pas un effet équivalent à celui
du lu t , en donnant aux chapes une épaiffeur égale
à celle qu’elles ont ordinairement & à celle de la
couche du lut, prifes enfemble. La terre du moule
eft plus foible que celle du lut , parce qu’il y entre
plus de crotin de cheval. Je n’aurai garde de con-
feiller d’en diminuer la quantité ; car nous verrons
dans l’article fuivant , qu’il contribue à adoucir
la fonte.
Ces moules ne demandent aucune, conftruâion
particulière dans le fourneau où on les fera recuire;
fon fond fera élevé du terrain de quelques pouces,
pour n’en pas reffentir l’humidité. On y arrangera
deux moules l’un à côté de l’autre, fi l’on veut;
fa longueur n’eff pas moins arbitraire. Tout autour
il y aura un mur de brique qui montera de quelque
chofe moins haut que le col ou le jet des
moules. Ori jettera des charbons fur ces moules ; de
petits jours ménagés dans le fond & dans les côtés
du fourneau, les allumeront. Je dis de petits jours,
parce qu’il ne faut pas un feu violent pour recuire
«es moules qui, malgré leur lut, refient toujours ,
& qui font compofés en partie d’une matière qui
prend feu aifément. On les cuira doucement pendant
quelques heures, & on ne les chauffera vivement
qu’une demi-heure avant d’y couler la fonte :
un feu violent d’une longue durée les affoibliroit
au point que le métal pourroit paffer au travers.
Les couvercles ne font pas moins néceffaires à
ce fourneau qu’à tous les autres ; il yen aura autant
que de moules ; vers le milieu ils feront échancrés i
de chaque côté en demi-ceicle , au moyen de quoi
ils pourront tous fe toucher, & laifferont cependant j
pafler les cols des moules. Mais pour bien faire I
chauffer le bas de chaque moule, le fond du fourneau
fera une grille , au deffous de laquelle il y
en aura une autre qui foutiendra des charbons.
i6°. Moyens de ménager les fables à mouler ; de
raccommoder ceux dont on s’efi fervi ; d’en faire de
convenables dans le pays où le terrain n en donne
pas qui foient naturellement tels. Des moules de
terre & des moules de métal.
Notre nouvelle manière de couler des ouvrages
doux , engage à une dépenfe dont nous n’avons
point encore parlé, & qui pourroit être un objet
affez confidérable à qui là mettrôit en pratique dans
des endroits où le fable propre à mouler feroit aufli
cher qu’il l’eft à Paris. Dans cette grande ville on
fait les moules d’un fable qu’on tire de Fontenay-
aux-rofés ; une charge de cheval, ou plutôt d’un
âne, avec laquelle on ne peut pas remplir beaucoup
de châffis d’une grandeur médiocre, coûte depuis
quarante jufqu’à foixante fous. Les fondeurs ne
fauroient employer feul le fable neuf, le fable qui
n’a jamais fervi ; les- ouvrages qui y feroient jetés,
feroient pleins de foufflures ils le mêlent avec
d’autre qui eft déjà entré dans les moules. Le fable
neuf demande d’être plus échauffé que le vieux,
& ils ne font en ufage de chauffer leurs moules
que très - légèrement ; mais dès que les moules
feront chauffés au point qui convient à notre fonte,
ils peuvent être faits de fable neuf comme de vieux.
Obfervez que les foufflures qui arrivent aux fontes
jetées dans le fable neuf, viennent d’un refie d’humidité
qui s’y trouve. Si le fable eft bien féché, il
a les mêmes avantages que celui qui a déjà fervi.
Au refte , ce fable fin à grains égaux doit être naturellement
mêlé d’un peu d’argile fine.
Nous avons donc de ce cô:é-là un petit avantage;
mais nous avons bien du deffous par une autre
confidération : le fable vieux, pour être employé,
demande toujours une addition de fable neuf ; le
fable neuf lui donne du corps ; fimple ment humefté
par l’eau, il n’en prendroit pas affez. Plus le fable
a été cuit, & plus il perd de fon corps, & par
conféquent plus il demande de fable neuf ; on con-
fommera donc néceffairement plus de fable "neuf
que les fondeurs n’en confomment ordinairement
dans les campagnes. Où il fe trouvera du fable
propre à mouler , il ne coûtera prefque que les
frais du tranfport. On n’y vend point le fable qu’on
emploie à paver -ou à bâtir; & de même on n’y
vendra pas , ou on vendra peu , le fable à mouler;
là on ne fongera pas à l’épargner ; mais on y doit
fonger à Paris & dans bien des villes , & en voilà
les moyens.
Les fables qui ont affez de corps pour bien tenir
dans le moule , ne font pas rares aux environs de
Paris ; mais ils ne font pas tous aufli propres que
celui de Fontenay-aux-rofes à recevoir & à con-
ferver des impreffions délicates. Il n’importe, au
refie, que le fable ait cette difpofition fe laiffer
imprimer parfaitement, que dans la couche qui
touche le modèle ; les moules où l’on imprime des
verres colorés , pour leur faire imiter les plus belles
pierres gravées , font faits de tripoli ordinaire ,
excepté à leurfurface qui eft d’un.tripoli de Venife
paffé à l’eau. On pourroit de même faire le corps
de nos moules d’un fable commun , & ne mettre
que quelques couches du fable de Fontenay-aux-
rofes. Quand on jetteroit comme inutile tout le
fable du moule où de la fonte auroit été coulée,
il n’en auroit peut-être pas plus coûté au fondeur ,
de fable neuf de Fontenay, qu’il ne lui en coûte
ordinairement.
Dans les pays où les fables ne font pas propres
à mouler parfaitement, c’eft qu’ils ont un de ces
trois défauts , ou d’être trop groffiers, ou de n’avoir
pas affez de corps, ou d’en avoir trop. On rendra
le fable le plus groflier aufli fin que celui de Fontenay
aux- rofes, fi on fe donne la peine de le
faire piler ; & cette façon ne fera pas d’une dépenfe
exceffive où l’on pourra établir des pilons mus par
l’eau. Si le fable pèche par le corps , on pourra lui
en donner ; j’ai fait rendre même à du fable de
Fontenay-aux-rofes celui qu’on lui avoit ôté en le
faifant trop cuire. Qu’eft-ce que du fable qui a du
corps? C ’eft un fable qui eft mêlé en une porportion
convenable avec une terre graffe. Ajoutons de cette
terre au fable qui en manque, & nous lui donnerons
du corps. Qu’on prenne donc quelque terre fine,
comme de la glaife, du b o l, ou une terre franche
qui aura été féparée de fon fable par des lotions ;
qu’on la réduife en poudre très - fine , qu’on la
mêle avec le fable qui manque de confiftance, qu’on
arrofe d’eau ce mélange, qu’on le remue, qu’on le
pétrifie ; & l’on en fera un fable gras , ou un fable
qui aura le corps qu’on lui vouloit : on produira
encore le même effet, au moyen d’une terre fine
délayée dans l’eau, dont on arrofera le fable trop
fec. Plus la terre y fera délayée, & mieux le mélange
fe fera ; mais aufli il en faudra arrofer ce fable
à plus de reprifes.
.Dans les mânufaéhires , on pourra ainfi raccommoder
à peu de frais les fables ufés , les fables qui
ont été trop cuits. On aura une cuve où l’on portera
tout le vieux fable des moules : on l’y portera bien
pilé. Auprès de cette cuve on en placera unë autre,
de manière que fon fond ne ibit que quelques
pouces au deffous du, bord fupérieur de la précédente.
On remplira en partie la plus élevée de
quelque terre graffe ; ou fi cette terre manque dans
le pays, on y mettra de la meilleure terre franche.
On achèvera enfuite de remplir d’eau cette cuve ;
alors on remuera bien la terre avec un grand bâton
pareil à celui dont on fe fert pour détremper la
chaux qu’on fait éteindre ; quand l’eau fera devenue
hourbeufe , qu’elle fe fera fuffifamment chargée
de terre, on la laiffera repofer pendant quelques
iaftans , afin que les parties les plus1 grofîières fe
précipitent ; après quoi on ouvrira un robinet, par
lequel l’egu bourbeufe forrira de cette cuve, pour
fe rendre dans celle où eft le fable. On agitera avec
un bâton ce fable, on le délayera bien avec l’eau*
Quand l’eau, après quelques heures de repos , aura
dépofé toute fa terre, on la laiffera fortir par un
robinet, & on mêlera encore avec le fable la terre
qui peut être reftée par deffus. Dans une journée on
rendra propre à mouler une grande quantité de fable
qui eût été inutile.
Où le bon fable manque , on peut donc en faire
de tel, en pilant celui qui eft trop gros , & en ajoutant
de la terre à celui qui manque de corps; & de
même avec une addition de terre, on raccommodera
tout le fable trop brûlé. Les fondeurs, en
maniant le fable ainfi raccommodé, jugeront affez
fûrement fi on lui a fait prendre tout le corps dont
il a befoin, ou fi on ne lui en a pas trop donné, fi
la terre a été ajoutée en trop petite ou en trop grande
quantité. Mais en veut-on une efpèce d’épreuve
parfaitement fûre ? on remplira d’un fable reconnu
pour bon , un châflis. Ce châffis étant foutenu horizontalement
feulement par fes bords , on chargera
le fable fucceffivement de différens poids , jufqu’à
ce que ce fable foit détaché , brifé par le poids qu’il
ne pourra foutenir. On remplira enfuite le même
châflis du fable nouvellement préparé ou raccommodé
, & l’on verra s’il foutient aufli pefant que
l’autre.
Enfin, fi le fable pèche par trop de corps , on
voit qu’il eft aifé d’y apporter remède ; qu’on lui
emportera, par des lotions , ce qu’il a de trop en
terre , ou qu’on lui ajoutera du fable. Nous pourrions
donner quelques règles pour connoître par
une efpèce de décompo’fition du fable, fi la terre y
eft mélangée dans la proportion néceffaire. Mai»
comme toutes les terres ne. font pas elles- mêmes
également graffes, ces règles auroient à embraffer
bien des cas, & elles ne vaudroient jamais, pour
les ouvriers, l’épreuve dont nous venons de parler*
Avant d’avoir découvert que fi la fonte s’endurcir
dans les moules qui ne font pas bien chauds, e’eft
qu’elle s’y trempe , j’avais parafé que fon endür-
ciffement pouvoit être attribué à la qualité du fable
dont les moules étoient compofés. J’ai dit ailleurs y
partie I I I , mémoire I I I , que j’avois tenté diverfes
épreuves propres à apprendre s’il falloit s’en tenir
à cette idée ; qu’au lieu de faire faire les moules de
fable de Fontenay-aux-rofes , j’en avois fait com-
pofer de divers autres fables , & même de matières
fort différentes des fables , dont les fondeurs ne
fe font peut-être jamais fervis , & dont ils ne fe
ferviroient pas commodément ; que j’en avois fait
faire de poudre d’os , de poudre de charbon feul,
de poudre d’os mêlé avec la pondre de charbon,
de chaux & de craie. Le fuccès d’aucune de ces
expériences ne fut complet ; mais plufieurs eurent
une forte de réuffite. Dans tous les moules, ce qui
étoit mince fut trouvé dur ; mais dans plufieurs ,
ce qui n’avoit qu’une épaiffeur médiocre, comme
celle de deux ou trois lignes, fut trouvé doux, &
certainement ne l’eût pas été fi la même fonte eût
été coulée dans nos moules de fable , toutes les