
font anciennes & prefque effacées. Ce moyen con-
fifte dans une eau de noix de galles broyées dans
du vin blanc & enfuite diftillée, dont on frotte
le papier.
Enfin , le même auteur indique les artifices dont
les fauffaires fe fervent pour contrefaire les écritures
; non content d’en inftruire le public, il mit
la pratique en ufage , & fe fervit lui-même fi bien
ou fi mal de fon fecret, qu’il fut arrêté prifonnier
en 1682 , & condamné à une prifon perpétuelle.
On défendit le débit de fon liv re , parce qu’on le
regarda comme pernicieux pour ceux qui en vou-
droient faire un mauvais üfage , & cette défenfe
étoit jufte.
Cependant, puifque le livre, l’art & les fauffaires
fubfiftent toujours , il faut, pour ne point rifquer
de s’abufer dans une queftion délicate, remonter
au principe. En voici un inconteftable. L’écriture
n’eft autre chofe qu’une peinture, c’eft-à-dire, une
imitation de traits & de cara&ères : conféquem-
ment il eft certain qu’un grand peintre en ce genre
peut fi bien imiter les traits & les caraâères d’un
autre, qu’il en impofera aux plus habiles. Concluons
que l’on ne fauroit être trop refervé dans les juge-
mens fur la preuve par comparaifon d’ écriture, foit
en matière civile , foit encore plus en matière criminelle
, où il n’eft pas permis de s’abandonner à
la foi trompeufe des conjeéhires & des vraifem-
blances. Article de M. le Chev. de Jaucourt.
E x p l ica t ion fuivie & raifonnée des feiçe planches
de VEcriture, par M. P aillasson.
Il eft à propos de dire un mot fur l’efprit qui a
fait compoîer les planches qui concernent les écritures.
L ’auteur voulant rendre fon ouvrage utile & à
la portée de toutes les perfonnes , il ne s’eft point
écarté du fimple & du naturel. En raffemblant le
tout à peu de démonftrations & de mots, il a rejeté
tous les principes introduits par la nouveauté,
& confacrés par un faux goût.
Toute fimple que foit l’écriture , elle eft déjà
affez difficile par elle-même , fans encore chercher
à l’embaraffer par des proportions fuperflues & multipliées,
& à la démontrer avec des termes peu
connus & qui chargent la mémoire fans aucun fruit.
Le titre forme la P l a n c h e I re.
P L A N C H E I I .
'De la pojition du corps pour écrire , & de la tenue
de ta plume.
Avant de démontrer les principes de l’écriture,
al eft néceffaire d’expliquer la manière dont on doit
fe placer pour écrire, & comment l’on doit tenir
la plume. Ces deux objets font impôrtans ; l’un
confifte dans Pattitude gracieufe du corps , & l’autre
dans la facilité de l’exécution. Il eft une pofi-
tion convenable à chaque fexe, quoique la plupart
des maîtres n’en reconnoiffent encore qu’une.
Je ne m’étendrai ici que fur la pofition qui eft propre
aux hommes, me réfervant de parler dans la
feuille fuivante de celle qui regarde les demoi-
felles, que je ne crois pas moins effentielle que
la première.
Sur la pojition dit corps.
Trois chofes font néceffaires pour écrire ; un
beau jour, une table folide , & un liège commode.
La lumière, que l’on reçoit du côté gauche, eft
toujours favorable , lorfque , de l’endroit où l’on
écrit, on peut voir le ciel. La table & le liège
doivent être en telle proportion, que la perfonne
affife puiffe couler aiiément les coudes deffus la
tablé lans fe bailler. Cette attitude étant la plus
naturelle , on doit la préférer à toute autre. Une
table trop haute pour le fiège, empêche le bras
d’agir, & rend l’écriture pefante ; une table trop
balle fait regarder de près, fatigue le corps & force
les effets de la plume. Il faut donc, autant qu’il
eft poflible , fe procurer toutes fes commodités,
afin que l’écriture acquière plus de hardieffe & de
légéreté.
Quoiqu’on recommande aux jeunes gens de te*
nir lé corps droit vis-à-vis la table, le bras dont
ils écrivent rt’agiroit pas avec affez de liberté, s’ils
fuivoient ce précepte avec trop de rigueur. Pour
que rien n’en gêne le mouvement, il faut qu’ils
approchent la partie gauche du corps de la table
fans s’y appuyer, ni même y toucher, & qu’ils en
éloignent la partie droite à une diftance de quatre
à cinq doigts.
Le bras gauche doit avancer fur le devant de la
table, & y pofer depuis lé coude jufqu’à la main,
dont les doigts feuls doivent tenir lé papier dans
une dire&iôn toujours verticale, le faifant monter
ou defcendre , & le conduifant à droite ou à gauche
, félon les circonftanq.es.
Les différens genres d’écritures règlent l’éloignement
que le bras doit avoir du corps ; la ronde en
exige plus que la bâtarde & la coulée. En divifant
l’avant-bras en trois parties, les deux tiers feulement
poferont fur la table , & l’autre tiers, terminé
par le coude, la furpaffera. La tenue de la
plume donne naturellement à la main une forme
circulaire ; cette main qui n’a d’appui fur le papier
que par le deffous du poignet & par l’extrémité des
deux derniers doigts,, n’en doit plus recevoir que
du bec de la plume. Il faut îàiffer un vide raifort-
nable entre cè poignet 8t les deux derniers doigts,
afin que la plume-ne renverfe. point en? dehors,
ce qu’il eft important de ne point négliger.
Le corps doit être baiffé un peu en devant, &
la tête obéir à cette inclinaifon fans pencher abfo-
lument ■ fur aucune épaule. Les yeux doivent fe
fixer fur fe bec de la plume, & les jambes fe pofer
à terre ; il faut que la gauche fe mette vis-à-vis
le corps en obliquité, & que l’autre s’en éloigne
en fe portant fur la droite.
C ’eft de l’obfervation de toutes ces règles qne
réfulte une manière àifée d’écrire. Pour rendre cettf
pofition plus fenfible , on l’a repréfentée dans la
fécondé planche. La figure eft entre les quatre
lignes perpendiculaires A , B. Un léger examen de
cette attitude, comparée à l’explication, fuffira pour
en donner l’intelligence.
Sur la tenue de la plume.
On tient la plume avec trois doigts , qui font le
pouce, l’index & le major. L’extrémité du major
à côté de l’ongle la foutient par en bas & au nfo
lieu de fa grande ouverture. Le pouce la conduit
perpétuellement en la loutenant fans la couvrir entre
la première jointure du doigt index & l’extrémité
de ce même doigt, & par le haut elle doit
paffer entre la deuxième & la troifième jointure
du même doigt index. On doit éviter le jour entre
la plume & les doigts index & major. Les doigts
ne doivent encore ni trop ferrer la plume, ni être
alongés avec trop de roideur. Les deux de deffous,
qui font l’annulaire & l’auriculaire, doivent s’éloigner
un peu du major, pour ne point gêner les
autres dans leurs flexions. Le poignet doit être
placé vis-à-vis l’épaule droite, & dans la même
ligne oblique du bras, ne pofant que foiblement
fur la table ou fur le papier.
Comme dans le bas de la deuxième planche on
a placé quelques-uns des inftrumens qui fervent à
l’art d’écrire, on trouvera, au bas de la troifième
& dans une forme étendue, une main tenant une
plume fuivant les règles que l’on vient d’établir.
Pour l’inftruélion de ceux qui auront recours à ce s
principes, cette main fera remplie de numéros dont
les explications feront à côté.
Il faut obferver que l’on tient la plume plus
courte dans les doigts pour les écritures que l’on
veut peindre, que pour celles qui font expédiées,
& que les doigts concourent à la formation de'
récriture. Le pouce en eft le principal ; c’eft lui
qui fait mouvoir la plume & qui lui fait opérer
tous fes effets. L’index, quoique la couvrant par
deffus, aide infiniment à donner les coups de force
de concert avec le pouce ; celui-ci les produit en
montant, & celui-là en defeendant. Le major foutient
la plume, & fait que la main peut écrire longtemps
fans fe fatiguer. Les deux autres doigts portent
la mafii en la conduifant de la 'gauche à la
droite par le moyen du dégagement dont je parlerai
à la fuite de cette explication.
Sur la difpojîtion en général.
Il eft des fujets en qui le talent pour l’écriture
femble né : avec de la bonne volonté & un travail
taivi, on leur voit faire , en peu de temps , des
progrès fenfibles dans cet art. Il en eft d’autres,
au eontraire, en qui il ne fe trouve aucune dif-
pofition. Ceux-ci, ayant à combattre leur nature
retive, ne parviennent à la réduire que par l’exer-
Cicf & ta pratique. Il leur faut plus de temps pour
arriver au même but que les premiers, Mais n’eu I
font-ils pas bien récompenfés par l’avantage qu’ils
en retirent?
P L A N C H E I I I .
Sur la pojition des jeunes demoifelles pour écrire.
Après avoir parlé de 1a pofition qui convient
aux hommes pour écrire avec grâce, il eft à propos
de rendre compte de celle qui eft propre aux de-
moifelles. Elle eft de la plus grande importance,
puifque fon exaâe obfervation conferve la taille
& maintient les épaules dans une jufteffe égale.
La voici. Lorfqu’elles font aflifes fur un fiège proportionné
à leur grandeur naturelle & à la table,
ainfi qu’il a été dit ci-deffus, il faut qu’elles tiennent
le corps droit, & que les épaules foient élevées
à la même hauteur. Que leurs bras, à une
égale diftance du corps, n’avancent fur la table
que des deux tiers de l’avant-bras, & que l’autre
tiers la déborde. Q u e ie corps ne la touche point,
& en foit éloigné d’un travers de doigt. Que leur
tête, qui ne doit incliner d’aucun côté, foit un peu
baiffée fur le devant, de manière que les yeux fe
fixent fur le bec de la plume pour conduire tous
les mouvemens qu’elle fera fur le papier, lequel
doit être pofitivement en face dé la tête , & que
les, doigts de la main gauche dirigent en le tenant
par en bas. Que les jambes pofent toutes deux à
terre vis-à-vis le corps ; qu’elles foient peu éloignées
l’une de l’autre, & que leurs piés foient tournés
en dehors. Je ne répéterai point ce que j’ai dit
dans les obfervations précédentes fur la tenue de
la plume, qui eft la même pour les perfonnes du
fexe que pour les hommes ; j’obferverai feulement
qu’elle doit .être placée dans les . doigts de façon
qu’elle fe trouve dans la même ligne du bras. Dans
le cas qu’une demoifelle écrivît de l’écriture fran-
çoife, comme il s’en voit plufieurs, elle àuroit
attention d’écarter plus fes bras du corps que ne
le demandent les autres écritures. On fentira mieux
l’efprit de cette pofition en examinant l’attitude de
la planche troifième, où la figure fe trouve me-
furée par les lignes perpendiculaires A , B.
Mon intention n’eft pas , en donnant cette nouvelle
méthode, de décréditer celle dont on s’eft
prefque toujours fervi ; mais on conviendra qu’elle
eft beaucoup meilleure pour les hommes dont rien
ne gêne les mouvemens, que pour les demôifelles
que l’on affujettit dès. le bas âge à des corps de
baleine ou d’autre matière aufli peu flexible, &
pour lefquelles il faut chercher une pofition qui
n’ajoute point à la contrainte où elles font déjà.
T ai éprouvé plufieurs foks celle que j’annonce ici ,
& le fuccès a toujours répondu à mon attente*
Ainfi les mères, qui, pour conferver la taille de
leurs, filles, les privent la plupart d’une connoif-
fance utile dans quelque état qu’elles fe trouvent
n’auront à craindre aucun accident, fi le maître
chargé de la leur donner, la met en ufage. On
f peut l’employer aufli pour les perforées de dif