
eroiflent fans culture dans lès montagnes, on n’en
tire qu’une fois par an , ou fi on en tire trois fois
dans une année, on les laiffe repofer trois ans fans
en tirer.
Pour faire fortir le vernis, on fait avec le couteau
trois entailles dans la (seau de l’arbre jufqu’au v if ,
fans lever cette peau. Ces trois entailles forment Un
triangle': dans la baféde ce triangle, on insère une
petite coquille de moule de rivière, pour recevoir
la liqueur cjui découlé des deux lignes collatérales du
triangle: c e ft-la ce qui fe pratique aux arbres cul-
tïves. Quant aux arbres fauvages, on fait une en-
taille dans l’arbre avec la hache, comme on fait en
Europe pour tirer la réfine du pin; on peut faire
jufqua vingt entailles-æ ces gros arbres; mais aux
arbres cultivés, on place, au plus, quatre coquilles à
« fois. & l’on fait de nouvelles entailles à chaque
fois qu on véut tirer du vernis.
Il arrive quelquefois aux gros arbres fauvages,
C[u après y avoir fait des entailles, le vernis ne coule
pas ; il faut alors humetfter un peu l ’endroit par oh
doit couler le vernis ; pour cela, on fe précautionne
de foies de cochon ; on en prend quelques brins que
Ion mouille, au défaut d’eau, avec de la falive; &
i on paffe ces foies fur l’endroit, lequel en s’humectant
, ouvré les pores de l’arbre & facilite le paffage
au vernis. °
Q “ afld un arbre fauvage paroît épuifé, & qu’on
. efPère plus en tirer de vernis , on en entoure la
cime d une petite botte de paille, on y met le feu,
oc tout ce qui refte de vernis dans l’arbre fe préci-
pite dans les entailles qu’on a faites en quantité au
pied de cet arbre.
Ceux qui vont le recueillir partent avant le jour :
au petit jour ils placent leurs coquilles -, chaque
homme n’en place guère qu’un cent : on laiffe ces
coquilles environ trois heures , après quoi on ra-
»affe le vernis qu’on y trouve , commençant
par les premières plalées. Si on laiflbit ces coquilles
plus long- temps en p k ce , le vernis en vaudroit
mieux , mais il diminiieroit, le foleil évaporant l’aqueux
qui s y trouve ; ce ne feroit pas le profit du
marchand.
Ceux qui recueillent ce vernis, portent pendu à
leur ceinture un petit fe-au de bambou, dans lequel
ils font tomber le vernis ; pour le faire tomber, ils
hume&ent un doigt en le paffant fur la langue , & en
efîuient la coquille-: le doigt étant mouillé , fe vernis
ne s.’y attache point: Il y en a qui fe fervent d’une
petite fpatule de bois qu’ils trempent dans l’eau, ou
quils pafîent fur la langue, pour faire tomber le
vernis des coquilles. Ce que chacun a ramaffé dans
fon petit feau, il le porte chez les marchands, oh
on le renverfb dans des barils. Ces féaux & ces
*>ariJs Jont ^©îgpeufêment couverts d’une feuille dé
papier, comme lès confituriers couvrent les pots de
confitures d’une feuille coupée en rond pour entrer
jufte dans le pot. Ceux qui ramaffènt le vernis rie
- donnent pas la peine de couper ainfi le papier,
mais ils l’appliquent exactement fur tous les bords
du vafe, pour que le vernis fè conferve mieux, &
qu il n y entre point d’ordures. Leurs papiers-qu’ils
nomment Mau-theautchi, eft très - commode pour
cela ; il eft eft fait de chanvre.
Il faut prendre garde , en couvrant & découvrant
les vafes qui contiennent le vernis, de s’expofer à
fa vapeur : on tourne la tête pour l’éviter ; fans cette
attention , l’on courroit rifque de gagner les clous de
vernis ; ils ont allez de rapport avec ceux que caufe
l’herbe à puce en Canada, avec cette différence que
ceux du vernis font beaucoup plus douloureux. Ceux
qui les ont Tentent une chaleur infupportable. On
eft fûr que ce font dés clous de vernis, quand les
bourfes en fle n tc e qui ne manque jamais; on en
eft quitte pour fouffrir, car on n’en meurt pas. Pour
appaifer le grand feu de ces clous, avant qu’ils
foient aboutis, on les lave avec de l’eau fraîche ;
mais quand ils font percés , on les frotte avec le
jaune qui fe trouve dans le corps des crabes, ou,
a fon défaut, avec la chair des coquillages , qui,
par fa grande fraîcheur foulage beaucoup la douleur:
Très-peu de ceux qui travaillent àu vernis, font
exempts d’être attaqués une fois de ces fortes de
clous. Ce qu’il y a de finguliër, c’eft que les gens
vifs & colorés les gagnent plus facilement que Tes
phlegmatiques. Quelques-uns de-ces derniers n’en
ont jamais été attaqués.
Pour conferver le vernis, on place les vafes oh
il eft, dans des caves fraîches, & non trop humides ;
étant bien couvert, il s’y conferve tant qu’on
veut.
Le vernis, quand il fort de l’arbre , reflemble
à la poix liquide : expofé à l’air, fa furfaee prend
d’abord une couleur rouffe; & peu après il devient
noir, mais d’un noir non brillant, à caufe de l’eaü
qu’il contient.
Les Chinois diftinguent trois fortes de vernis
le Nien-tjî, le Si-tji & le Kouang-tjî. Les trois mots-
Nien, Si & Kouang font trois noms de villes principales
, d’oh fe tirent les trois efpèces de vernis
lavoir, Nien-tcheou-fou, Si-tcheeu-fou & Kouang—
tchcQu-fou. Tckeou-fou fignifie ville principale ou du
premier ordre.
Le Nien-tjî & le Si-tjî , font deux efpèces de
vernis qu’on emploie pour faire le vernis noir : le
Nien-tjî feul vaudroit mieux, mais il eft très-difficile
d’en trouver de pur ; les marchands y mettent du
S i- if.
Le canton ou fe recueille le Nien-tjî eft de peu
d’étendue, auffi ne peut-il fuffire à.tous les ouvrages-
qui fe font à la Chine. Le Nien-tjî eft d’un noir plus-
brillant que le Si-tji ; il coûte à Péking environ eent
fols la livre ; le Si-tjî n’y coûte que trois livres. Le
Kouang-tjî tire fur le jaune ; il eft plus pur ou contient
moins d’eau que le Nien-tjî & le Si-tjî: il a un-
autre avantage , c’eft que pour l’employer on y
mêle environ la moitié de Tong-yeou , qui eft un
autre vernis-ou plutôt une huile très-commune en
Chine, qdi, fur les lieux où elle fe recueille, ne-
coûte que deux ou trois fols la livre : j’ai oui dire
•qu’on la vend à Paris fous le nom de vernis de la
Chine : elle reflemble à la térébenthine.
J’ai dit qu’on mêle environ, la moitié de cette huile
dans le vernis nommé Kouatigrtjî, cela dépend de
la pureté du vernis : s’il eft très-pur, on y en mele
plus de la moitié, alors il revient à peu près au prix
du Nien-tjî. . - '• ‘ < ■'
Il faut d’abord le dépouiller de ce quil contient
d’aqueux, en le faifant évaporer au foleil, fans quoi
il ne deviendroit jamais brillant. Voici de quélle
manière les Chinois s’y prennent.
Ils ont exprès de grands vafes plats dont le rebord
n’a pas plus d’un pouce ou d’un pouce & demi de
haut : ces vafes font des efpèces de corbeilles de jonc
©u d’ofier clifle ; ils enduifent cette corbeille d’une
couche de compofition de terre ou de cendre ; par
deflus cette couche , ils appliquent une feule couche
de. vernis commun. Ces fortes de vafes font commodes
pour faire évaporer le vernis, & leramafler
enfuite facilement.
Si le foleil eft un peu ardent , deux ou trois
heures fuffifent pour enlever tout l’aqueux du vernis,
dont on ne met au plus qu’un pouce d’épais dans le
vafe ; tandis qu’il s’évapore, on le remue avec une
fpatule de bois , prefque fans difcontinuer, le tournant
& le retournant ; d’abord il fe forme des bulles
blanches, qui peu à peu diminuent *& deviennent
plus petites ; enfin, elles prennent une couleur violette
, alors le vernis eft fuffifamment évaporé.
Quand de ce vernis, que je fuppofe du Nien-tjî,
auquel on a ajouté environ le quart de Si-tjî, on
veut faire le beau vernis ordinaire de la Chine,
après l’avoir fait évaporer environ à moitié , on mêle
cinq ou fix gros de fiel de porc pour une livre de
vernis ; il faut que ce fiel ait été auparavant évaporé
au foleil jufqu à ce qu’il devienne un peu épais : fans
le fiel de porc, le vernis n’auroit pas de corps, il
feroit trop fluide*.
Après avoir remué pendant un quart d’heure le
fiel de porc avec le vernis , on ajoute quatre gros de
vitriol romain par livre de vernis ; on a fait difloudre
auparavant ce vitriol dans une fuffifante quantité :
on fe fert quelquefois de thé ; on continue de remuer
le vernis jufqu’à ce que, comme je l’ai déjà
dit, les bulles qui fe forment deflus prennent une
couleur violette : ce vernis ainfi préparé fe nomme
en Chine Kouang-tjî^ ou vernis brillant : la lettre
Kouang fignifie brillant.
Depuis peu d’années les Chinois ont imité le
brillant du vernis noir du Japon. Les Chinois le
nomment Yang-tjî. Yang fignifie mer, comme qui
dirait vernis qui vient d’au-delà de la mer, le Japon
étant féparé de la Chine par la mer. C’eft pour la
même raifon qu’ils appellent l’Europe Ta-Jî-Yang,
& l’Inde Siao-Jî-Yang, comme qui diroit le grand
pays , le petit pays à l’occident au-delà de la mer.
Ta fignifie grand; Siao, petit; S i , T occident. Les
Chinois qui ne font pas au fait, crojent que ce nom
de Yang-tjî a été donné au vernis façon du Japon
parce que le fecret en venoit d’Europe.
Le Yang-tjî ne diffère du Kouang - tjt, qu’en ce
que, quand le K o u a n g - t j î tout-à-Fait évaporé, on-
y ajoute fur une livre de vernis, un gros d’os de
cerf Calciné en noir & réduit en poudre fine. ( Les
Chinois prétendent que les os des côtes valent mieux
que les autres os). Nous effayâmes de l’ivoire brûlé
que je calcinai en noir ; l’ouvrier trouva qu’il faifoit
mieux que les ps de cerf.calcinés, & il me pria de
lui en donner. Outre les os de cerf calcinés en noir ,
ils y ajoutent upc once drhuïle de thé , qu’ils rendent
ficcative en la faifant bouillir doucement après avoir
jeté dedans en hiver cinquante grains d’arfenic,
moitié rouge ou réalg^l , & moitié gris ou blanc;
en été fix grains fuffifent : ils remuent continuellement
cet arfenic dans l’huile avec une fpatuig. Pour
voir fi l’huil'e eft fuffifamment ficcative, ils en laiflent
tomber une goutte fur un morceau de fer froid : fi ;
pofant le bout du doigt fur cette huile figée, &
l’élevant doucement elle s’attache au doigt & file un
peu, elle eft à fon point. Cette huile donne le beau
brillant au vernis.
Les Chinois difent que toute autre huile que
l’huile de thé , ne fécheroit point dans le vernis , ÔC
que toujours elle fortiroit au dehors : j’en doute ; 1©
Tong-yeou rendu ficcatif, ne fort point, & je crois
que quelqu’autre huile bien ficcative feroit le même
effet.
Cette huile de thé fe tire des fruits d’un arbre de
thé particulier; il reflemble un peu à nos pruniers:
on ne le cultive quepour feS fruits & non pour fes
feuille,s. Ce fruit reflemble à nos châtaigniers, excepté
que la peau extérieure n’efi point hériffée de
pointes comme celle des châtaignes. Le fruit du
Tong-chou, dont on fait le Tong-yeou, lui reflemble
aflez.
Les Chinois ont encore trois autres préparations
de vernis ; favoir , le Tchao-tji , le Kin-tji & le Hoa-
kin-tji. Le Tchao - tjî eft celui qu’ils jettent fur leur
poudre d’or pour imiter l’aventurine. Tchao fignifie
envelopper, couvrir, comme qui diroit vernis extérieur.
Ce vernis eft d’un jaune tranfparent ; il eft
compofé de moitié Kouang-tji, c’eft - à - dire , qui
vient de Kouang-tcheou-fou , & de moitié Tong-yeou.
rendu ficcatif. Le Kin-tfi tire fon nom de la couleur
d’or ; la lettre Kin fignifie or. En effet , ce vernis eft
d’un jaune doré : il eft compofé avèc le Si-tji le plu*
commun, ou celui qu’on a recueilli à la troifième
récolte, moitié de ce vernis & moitié de Tong-yeou
C ’eft fur une couche de ce vernis qu’ils fement leur
poudre d’o r , fur laquelle ils jettent, comme je l’ai
déjà d it, une couche de Tchao-tji. La poudre d’or
ainfi femée entre ces deux couches de vernis , imite
l’aventurine, mais ce n’eft que long-temps après ;
car elle eft beaucoup plus belle au bout de quelques
années qu’au bout de quelques mois; j’en a il’expé*
rience.
Le Hoar-kin-tfi eft celui dont fe fervent les peintres-
en vernis pour délayer leurs couleurs , d’où lui vient
fon nom de Hoa, qui fignifie peindre ; celui de kitt 0
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