
refufa, parce que fa claffe, compofée de tout ce
qu’il y avoit de mieux à Paris , lui rapportoit le
double. L’eioge le plus flatteur que l’on puiffe faire
de ce célèbre écrivain , c’eft qu’il étoit avec juftice
le plus grand maître en écriture du x v n e fiècle.
. Le quatrième eft Nicolas Lefgret, natif de Reims.
Il fe diftingua de bonne heure dans l’art d’écrire,
& j’ai des pièces de ce maître, faites à l’âge de vingt-
quatre ans, où il y a de très-belles chofes. La cour
fut le théâtre où il brilla le plus, étant fecrétaire ordinaire
de la chambre du ro i, & toujours à fa fuite.
Il fut préféré à tout autre pour enfeigner aux jeunes
feigneurs. Cet expert écrivain, reçu profeffeur en,
1659 , donna en 1694 un ouvrage au public, gravé
par Berey , où le corps d’écriture efl: bon & correâ,
& les traits d’une riche compofition.
Le fiècle où nous vivons a produit, ainfl que le
précédent, de très-habiles écrivains. Je ne parlerai
feulement que $ Olivier Sauvage, Alexandre, Rof-
Jîgnol y Michel, Bergerat & Pierre. Adrien de Rouen.
Olivier Sauvage, reçu profeffeur en 1693 * étoit
de Rennes, & neveu du célèbre Allais ; il te forma
fous les yeux de fon oncle : il poffédoit le beau
de l’art, & avoit un feu dans l’exécution t qui le
diftinguera toujours. Cet artifte qui a eu une grande
réputation , & une infinité de bons élèves , efl mort
le 14 o&obre 17 3 7, âgé d’environ foixante &
douze ans.
Alexandre avoit une main des plus brillantes ; il
avoit pofledé de beaux emplois avant d’enfeigner
l’art d’écrire. Dans l’une & l’autre fondion, il a fait
des ouvrages qui méritent d’être coiifervés. Ce qu’on
pourroit pourtant lui reprocher , c’efi d’avoir mis
quelquefois trop de cônrùfion ; mais quel efl l’ar-
tifte exempt de défauts ? Cet écrivain a fait de bons
éjèves , Ôc efl mort au mois de juillet 1738.
Louis RoJJîgnol, natif de Paris, élevé de Sauvage,
a été le peintre de récriture. Cet artifte étoit né avec
un goût décidé pour cet art ; aufli l’a-t-il exécuté
avec la plus grande perfection, fans fortir de la belle
fimplicité. Il a fu , en fuivant le principe d’Allais ,
éviter fes défauts , & donner à tout ce qu’il traçoit
une grâce frappante. Dès l’âge de quinze ans , il
commença à acquérir une réputation qui s’eft beaucoup
accrue par les progrès'rapides qu’il a faits dans
fon art. Sa claffe étoit des plus brillantes.& des plus
nombréufès ; il la conduisit avec un ordre & une
régularité unique. Son habileté lui a mérité l’honneur
d’être çhoifi pour enfeigner à écrire a M. le duc
d’Orléans actuellement vivant. Je m’eftimerai toujours
heureux ( dit M. Paillaflon) , d’avoir été un
de fes difciples, & je conferve avec foin les cor-
, reCtions qu’il m’a* faites en 1733 , & beaucoup de
fes pièces : elles font d’une jufteffe & d’une beauté
de principes dont rien n’approche. On peut dire dé
cet habile maître , reçu profefleur en 1719 , & qui
mourut en 1739 , dans la quarante-cinquième année
de fon âge , ce que M. Lépicié dit de Raphaël,
fameux peintre, » que fon nom feul emporte avec i
» lui l ’idée de la perfection. «
Michel étoit un favant maître, &c peut-être celui
qui a le mieux connu l’effet de la plume ; aufli paf.
foit-il avec raifon pour un grand démonftrateur •
reçu profeffeur en 1698, il mourut il y a quelques
années.
Bergerat, reçu profeffeur en 1739 , écrivoit d’une
manière diftinguée. Il excelloit dans la compofition
des traits , qu’il touchoit avec beaucoup de goût &
de délicateffe ; il réufliffoit aufli dans l’exécution des
états , qu’il rangeoit dans un ordre & avec une élégance
admirables. Ce maître qui mourut le 14 août
17 5 5 , n’avoit pas un grand feu de main, mais beau-
coup d’ordre, de fagefle & de raifonnement.
Pierre Adrien, de Rouen , fut un homme aufli
patient dans fes ouvrages , que v if dans fes autres
aCtions. Ce maître qui a été habile dans l’art d’écrire
ne l’a pas été autant dans la démonftration & dans
l’art d’enfeigner.
• Son goût le portoit à faire des traits artiflement
travaillés , & à écrire extrêmement fin. Tout Paris a
vu avec furprife de fes ouvrages, fur-tout les portraits
du roi & de la reine reffemblans. A l’afpeâ: de
ces deux tableaux, on croyoit voir une belle gravure
; mais , examinés de plus près ,. ce qu’on avoit
cru l’effet du burin , n’étoit autre chofe que de l’écriture
d’une fineffe furprenante. J’ai quelques ouvrages
de cet artifte , fur-tout une grande pièce fur parchemin
, repréfentant un morceau d’architeChire en
1 traits, formant un autel avec deux croix, dont l’une
eft compofée du Miferere, & l’autre • du Vexilla
Regis , &c. Ce chef-d’oeuvre ( car on peut l’appeler
ainfi), eft étonnant, & fait ^oir une patience in-
1 concevable. Cet écrivain adroit préfenta un livre
; Curieux qu’il avoit écrit, à Madame la chancelière,
qui, pour le récompenfer , le fit recevoir profefleur
en 1734. Le long efpace de temps qu’exigeoient des
ouvrages de cette nature , & le peu de,gain qti’il en
retiroit, le réduifirent dans un état de mifère, à laquelle
M. l’abbé d’Hermans d eC lé ry , amateur de
1 écriture , & qui poffède beaucoup de fes ouvrages,
apporta quelques adouciffemens , par un emploi
qü il a cortfervé jufqu’à fa mort, arrivée en 1757, âgé
feulement de quarante-huit ans.
Je me fuis un peu étendu fur les plus grands ar-
tiftès que la communauté des maîtres écrivains a
produits^ J’âi cru ce détail néceflairë pour encourt
ger les jeunes gens, & leur faire comprendre que
par le travail & l’application , on peut parvenir à
tous lès arts.
Obfervations fur l’art d’écrire.
L’écriture , confidérée comme art moderne, confiée
à former les cara&ères de l’alphabet d’une lan-
gue > As lès affemblër , & d’en compofer des mots
tracés d’une manière claire , nette , exa&e, dîftin&e,
élégante & facile ; ce* qui s’exécute communément
fur le papier , avec une plume & de l’ëncre.
Nousobferverons d’abord, continue M. Paillaflon,
qu’on néglige trop dans l’éducation l’art d’écrire. Il
eft'aufli ridicule d’écrire mal, où d’âfteâêr cè défaut,
faut qu’il le feroit ou d’avoir , ou d’affeâer une
maiivaife prononciation ; car l’on ne parle & l’on
n’écrit que pour fe faire entendre*
Il n’eft pas néceffaire qu’un enfant^ qui a de la
fortune, fâché écrire comme un maître d’école,;
niais celui qui a des parens pauvres , & qui trouve
l’occafion de fe perfectionner dans l’écriture , ne
connoît pas toute l’importance de cette reffource,
s’il la néglige. Pour une circonftance où l’on feroit
bien aife d’avoir un homme qui fût defliner, il y
en a cent où l’on a befoin d’un homme qui fâche
écrire. Il n’y a prèfque aucune place fixe deftinée au
deffmateur ; il y en a une infinité pour l’écrivain.
Il n’y a que quelques enfans à qui l’on faffe apprendre
le deffm : on apprend à écrire à tous.
Pour écrire, il faut commencer, i° . par avoir
une plume taillée'.
On taille la plume groffe ou. menue, félon la
forme du cara&ère qu’on fe propofe de former, &
félon la nature de ce caractère.
Pour les écritures ronde, pofée, groffe, moyenne &
petite, il faut que la plume foit fendue d’un peu moins
de deux lignes, évidée à la hauteur de la fente , &
cavée en deffous des deux carnes qui féparent le
grand tail du bec de la plume, de manière que le
bec de la plume foit de la longueur de la fente.
Que la carne du bec qui correfpond au pouce ,
foit plus longue & plus large que l’autre pour toute
écriture pofée ; que le bec de la plume foit coupé
obliquement, & que le grand tail ait deux fois là
longueur du bec.
Pour la bâtarde, que la fente de la plume ait environ
deux lignes, ou l’ait un peu plus longue que
pour la ronde; que les côtés du bec foient moins
cavés ; que le grand tail ait une fois & demie la longueur
du b ec, & que l’extrémité du bec foit aufli
coupée obliquement comme pour la ronde.
Pour l’expédiée groffe, moyenne & petite, & pour
les traits de la ronde & de la bâtarde , que la fente de
la plume ait jufqu’à trois lignes de longueur; que
fes côtés foient prefque droits ; que les angles des
carnes foient égaux, & que le grand tail foit de la
même longueur que le bec ou la fente.
Le petit infiniment d’acier dont on fe fert pour
tailler la plume , s’appelle canif.
, 2-°. Se placer le corps. Les maîtres veulent que le
coté gauche foit plus près de la table que le côté
droit ; que les coudes tombent mollement fur la
table ; que le poids du corps foit foutenu par le bras
gauche ; que la jambe gauche foit plus avancée
fous la table que la jambe droite ; que le bras gauche
porte entièrement fur la table ; que le coude corref-
ponde au bord , & foit éloigné du corps d’environ
cinq doigts ; qu’il y ait quatre à cinq doigt-s de dif-
tance entre le corps & le bras droit ; que la main
gauche fixe & dirige le papier ; que la main droite
porte légèrement fur la table, de forte qu’il y ait
un jour,d’environ le diamètre d’une plume ordinaire,
^ntre l’origine du petit doigt & le plan de la table , 1
pour 1*écriture ronde, & que cet intervalle foit un peu 1
Arts 6* Métiers. Tome IL Partie 1$
moindre pour la bâtarde ; que la main penche un
peu en dehors pour celle-ci ; qu’elle foit un peu
lus droite pour la première; que la pofition du
ras ne varie, qu’autant que la direâion de la ligne
l’exigera ; que des cinq doigts de la main , les trois,
premiers foient employés à embraffer la plume ; que
les deux autres foient couchés fous la main , & fé-
parés des trois premiers d’environ un demi-travers
de doigt ; que le grand doigt foit légèrement fléchi ;
que fon extrémité porte un peu en deffous du
grand tail de la plume ; qu’il y ait entre fon ongle &
la* plume , la diftance d’environ une ligne ; que
l’index mollement alongé, s’étende jufqu’au milieu
de l’ongle du grand doigt ; que l’extrémité du pouce
correfponde au milieu de l’ongle de l’index, & laiffe
entre fon ongle & la plume , l’intervalle d’environ
une ligne ; que la plume ne foit tenue ni trop inclinée
, ni trop droite ; quë le poignet foit très-
légèrement pofé fur la table, & qu’il foit dans la.
dire&ion du bras , fans faire angle ni en dedans ,
ni en dehors.
30. Faire les mouvemens convenables. On n’en distingue
, à proprement parler , que deux , quoiqu’il
y en ait davantage : le mouvement des doigts &
celui du bras ; le premier, pour les lettres mineures
& quelques majufcules ; le fécond , pour les capitales
, les traits , les paffes , les entrelas , & la plus
grande partie des majufcules.
J’ai dit qu’il y en avoit davantage , parpe qu’il y
a des occaftons qui exigent un mouvement mixte
des doigts & du poignet, des doigts & du bras. Le
premier a lieu dans plufieurs majufcules ; & le fécond
, dans la formation des queues des grandes
lettres, telles que l’F & le G.
40. Connoître les effets de la plume. Ils fe réduifent
a deux, les pleins & les déliés.
On appelle en général plein, tout ce qui n’eft
pas produit par le feul tranchant de la plume ; &
délié, le trait produit par ce tranchant ; la dire&ioa
n’y fait rien.
Le délié eft le trait le plus menu que la plume
produife ; tout ce qui n’eft pas ce trait eft plein ;
d’où l’on voit qu’en rigueur il n’y a qu’un délié,
& qu’il y a une infinité de pleins.
50. Diflinguer lés fituations de la plume. Il n’eft pas
poflible que ces fituations ne varient à l’infini ; mais
l’art les réduit à trois principales , & la plume eft
ou de face , ou oblique, ou de travers.
La plume eft de face, lorfqu’en alongeant & pliant
les doigts verticalement, elle produit un plein perpendiculaire
qui a toute la largeur du bec ; il eft
évident qu’alors mue horizontalement, fon tranchant
tracera un délié.
La plume eft oblique dans toutes les fituations
où le jambage qu’elle produit eft moindre que celui
qu’elle donne de face, & plus fort que le délié ; il
faut alors la mouvoir obliquement pour lui faire
tracer un délié.
La plume eft de travers dans la fituation diamétralement
contraire à la fituation de face ; c’eft-à*
m