
lange afforti des efprits -aromatiques qu’on affocîe,
& auxquels on ajoute une quantité déterminée de lucre clarifié, & de l’eau 4a plus douce & la plus
limpide.
11 faut que le diftillateùr-liquorifte ait dans fon
laboratoire, i° . une certaine quantité de bonne
eau-de-vie, d’efprit-de-vin commun, & d’efprit-de-
vin reôifié.
2°. Les différentes efpèces d’efprits, chargés de
fruits & de teintures aromatiques qu’il ’emploie ,
pour n’en faire ufage que fix mois âpres leurinfu-
fion ou diftillation, afin que la combinaifon en
foit intime ; & li elles n’étoient pas affez anciennes
ou affez parfaites , il fer'oït à propos dé faire circuler
ces efprits & teintures, pendant trois ou
quatre jours , pour leur procurer le degré de coc-
tion néceffaire, avant de les admettre dans aucune
composition.
3°. Il eft effentiel de combiner l’analogie & les
rapports que les odeurs & les faveurs doivent avoir
entre elles, pour ne point faire des affociations
difcordantes.
4°. On doit, autant qu’on peut, ne point filtrer
les liqueurs, parce que cette opération occafionne
la perte réelle d’environ une Seizième partie de
la liqueur, & que d’ailleurs elle occafionne l’évaporation
de la majeure partie de l’efprit reâeur.
Pour éviter même ces inconvénients, il faut les
coller avec le blanc d’oeuf.
Pour cet effet, on fouette deux blancs d’oeufs ;
& lorfqu’ils ont été réduits en moufle, on y ajoute
un demi-feptier d’eau de pluie, par proportion de
douze ou quinze pintes de liqueur ; on agite le
tout, on laiffe repofer.
Si partie du dépôt des liqueurs qu’on colle dans
de groffes bouteilles, fe raffemble fur la Superficie,
on agite le vaiffeau de quinze en quinze
jours , à deux ou trois reprifes différentes ; mais l i ,
après l’avoir ainfi agité, la totalité du dépôt ne s’é-
toitpas encore précipitée , off laifferoit éclaircir la
liqueur, & on la foutireroit avec un fiphon ; puis
on raffembleroit tous les dépôts reflans dans le
même v a fe , on laifferoit repofer, ou foutireroit
de nouveau, on filtreroit ce qui eft refté de trouble
au travers d’une petite chauffe de drap blanc de
Lodève ; enfin on mêleroit la liqueur qui en découle
avec celle qui a été Soutirée.
Quand on fabrique les liqueurs en grande quantité
, on les met dans des tonneaux deftinés à cet
ufage. On laiffe repofer pendant trois ou quatre
jours ; on colle avec des blancs d’oeufs, on laiffe
éclaircir, enfin on filtre le dépôt au travers d’une
chauffe de drap.
Il faut obferver qu’on ne doit point coller les
ratafiats de cerifes , des quatre fruits rouges , de
framboifes & d’oeillets , pour que ces liqueur» s’é-
clairciffent d’elles-mêmes.
Des fubfiances colorantes.
Les couleurs rouges, jaunes, bleues, vertes ,
violettes , qu’on donne aux liqueurs, ne font que
de fantaifie, & ne doivent être employées qu’avec
beaucoup de précaution, & autant qu’elles ne peuvent
être nuiiibles.
Par exemple, avec la teinture de cochenille '
on peut colorer en rouge l’eau de cédrat, que Sol-
mini a appellée parfait amour, à caufe de cette
couleur rouge qu’il s’eftavifé de donner à la liqueur,
Sigogne s’eft fervi de là teinture de fafran, pour
donner la couleur jaune à fon huile de venus.
Garus a employé la même teinture pour fou
élixir.
Le fafran peut également bien colorer en jaune
différentes efpèces de liqueurs de fantaifie ; mais
pour celles compoféés d’une feule efpèce de fruit,
le fafran nuiroit à leur parfum.
On donnera encore le jaune avec une petite
quantité de teinture dé cochenille dans l’huile de
lucre , qui fait partie du mélange de la liqueur.
La teinture qu’on retire de la cochenille, ainfi
. que la première de celles qu’on retire des pierres
de tournefol, par le moyen de l’efprit-de-vin , étant
mêlées proportionnellement , fervent à colorer
l’huile d’anis & Tuile de rofe en rouge ; ce qui ne
pourroit avoir lieu fans le mélange de la couleur
violette, que donne le tournefol, d’autant que la
couleur jaune de l’huile de fucre communiqueroit
une couleur jaunâtre à la cochenille.
La teinture qu’on retire des pierres de/tournefol,
par le moyen de l’eau, fournit une belle coh-
leur de violette.
On confeille de ne point employer d’autres
fubftances colorantes que celles indiquées ci-deffus,
fi Ton ^ne veut pas altérer la qualité & la bonté
des liqueurs. D’ailleurs, la première , la fécondé
& la troifième teinture qu’on retire de la cochenille
& du tournefol, diffèrent affez entre elles
pour varier les nuances, & même pour créer de
nouvelles couleurs , par leurs différentes com-
binaifons.
La fubftance fucrante doit être clarifiée & cuite
en confiftance de firop , pour les liqueurs blanches
; & pour les liqueurs huileufes, il faut que ces
firops foient convertis en huile.
D e s L iq u e u r s p o t a b l e s e t a g r é a b l e s av
GOUT.
Les liqueurs de tables font faites de quatre façons
différentes.
i°. Par infujîon, foit dans l’eau , foit dans le vin»
l’eau-de-vie, ou dans l’efprit-de-vin.
2°. Par diflillation.
3°. Par infujîon & diflillation.
4°. Avec les fucs dépurés des fruits & de certaines
plantes.
Un bon diftillateur peut varier les combinaifon*
des liqueurs à un tel point, que M. le Camus, dans
fon ouvrage intitulé La Médecine de l’Efprit, avoit
penfé qu’il feroit poffible d’établir une mufique
voureufe parfaitement analogue à la mufique acoujtiqM
tique du P. Caftel. D’après cette idée fingulière, Tau- I
teur de la-Chimie du Goût, établit que l’agrément |
des liqueurs dépend du mélange des faveurs dans
une proportion harmonique. Les faveurs, dit-il,
confiftent dans les vibrations plus ou moins fortes
des Tels qui agiffent fur le fens du goût, comme
les fons confiftent dans les vibrations plus ou moins
fortes qui agiffent fur le fens de l’ouie ; il peut donc
y avoir une mufique pour la langue & le palais,
comme il y en a une pour les oreilles.
Sept tons pleins, font la bafe fondamentale de
la mufique fonore ; pareil nombre de faveurs primitives
, feroient la bafe de la mufique favoureufe,
& leur combinaifon harmonique pourroit fe faire
en raifon toute femblable.
Ces faveurs feroient , par exemple , l’acide , ut ;
le fade, re; le doux , mi; l’amer, fa ; l’aigre-doux,
fol ; Tauftère, la ; & le piquant, fi. Enfin , les
accords réfulteroient de la combinaifon ou du jeu
de ces tons : mais on conçoit que cette chimère
eft d’autant plus folle, qu’elle ne peut fe réalifer
dans la pratique. L’organe du goût eft trop lent,
trop pareffeux, pour apprécier avec la même rapidité
que Touie , toutes les imprelîions qui lui viennent;
il retient trop long-temps la même faveur
pour fe prêter rapidement, dans des temps mefurés,
à d’autres fenfadons , foit (impies , foit combinées,
& pour en faifir les rapports & l’harmonie.
Mais , fans nous arrêter à combattre une affer-
tion hafardée, paffons aux détails de l’art qui nous
occupe, en parcourant avec ordre les différentes
compofitions des liqueurs de table.
Oleo-faccharum.
La plus (impie des liqueurs, eft Yoleo-factharum ,
qui eft compofée d’eau, de fucre, & du parfum
de quelques gouttes' d’huile effentielle de gérofle,
de canelle, de citron, &c.
Hippocras.
C’eft le plus ancien comme le plus célèbre médecin
connu, Hippocrate, qui a créé la première
liqueur aromatique, dont l’ufage a été adopté par
prefque toutes les nations, & qu’on a toujours
appellée Hippocras.
? Cette liqueur n’étoit d’abord compofée qu’avec le
vin, la canelle & le miel ; elle fut eniuite per-
fefrionnée par Alexis Piémontois, dont voici la
formule ou recette.
Canelle, une once ;
Gingembre , deux drachmes ;
Clous de gérofle , du poids de deux deniers ;
Mufcade & galanga , du poids d’un denier
chacun.
On réduit le tout en poudre qu’on fait infufer
dans une chopine de vin blanc ou rouge, &.une
chopine de vin de Malvoifie. On fait enfuite réduire
une livre de fucre blanc en poudre, qu’on
ajoute au mélange, après l’avoir fait diffoudre dans
une autre partie de vin. C ’eft la dofe pour faire
Arts & Métiers. Tome II. Partie L
J lin flacon de liqueur : fi l’on en veut davantage,
J on augmente les ingrédiens en proportion.
Compofition de M. de Machy.
Pour faire du bon vin d’Hippocras , il faut prendre
du vin de Baune ou de Mâcon ; on y fait
infufer pour deux pintes de v in , deux gros de
canelle, un fcrupule de gérofle , & un fcrupule de
vanille , trituré avec quatre onces de fucre. Au
bout de cinq ou fix jours d’infufion, on filtre à lar
chauffe, & Ton jette au fond de cette chauffe, une
demi-douzaine d’amandes amères , légèrement con-
caffées. La liqueur étant filtrée clair fin , on y ajoute
par chaque pinte fix gouttes de teinture d’ambre ;
& on la tient bien bouchée.
Crème de fleurs d'orange.
Choififfez quatre livres de fleurs d’orange, fraîchement
cueillies., bien nourries, bien fèches ,
fur-tout de celles qui paroiffent für l’arbre au commencement
de l’été, parce qu’elles ont beaucoup
plus de parfum que celles d’automne.
Détachez avec précaution les feuilles ou pétales
du calice ; pefez-en deux livres , faires-les infufer
pendant deux heures , dans huit pintes d’efprit-de,-
vin reéfifié ; coulez la liqueur au travers d’un tamis ;
mettez-la en réferve dans un vaiffeau que vous
tiendrez bien bouché ; jettez les pétales dans une
cucurbite, avec quatre pintes d’eau de rivière ;
placez la cucurbite dans (on bain-marie , couvrez-la
de fon chapiteau ; ajoutez-y le récipient ; lutez-
en les jointures ; placez le thermomètre d’obfërva-
tion dans le bain , & lorfqu’il eft monté au foixante-
dix-huitième degré, changez de récipient.
On verfe le premier produit dans le vaiffeau qui
contient Tefprit qu’on a mis en réferve, on augmente
le feu , on continue la diftillation jufqu’au degré
de chaleur de l’eau bouillante , & on met ce dernier
produit en réferve, pour être reftifié dans
une fécondé opération.
La diftillation étant finie, on démonte l’appareil
; alors on commence la compofition.
Pour la faire, on met dix-neuf livres de fucre
en pain, dans - cinq pintes d’eau-, dans Tune défi-
quelles on a préalablement fouetté deux blancs
d’oeufs ; ce fucre étant fondu, on le fait clarifier
en ralendffant le feu quand le liquide commence
à bouillir, & obfervant de jetter peu à peu de
l’eau froide fur les bouillons, jufqu’à ce que toute
• l’écume foit montée, & qu’elle foit devenue blanche.
Lorfque le fucre eft cuit au perlé & refroidi ,
il doit produire neuf à dix pintes de firop ; alors
on y ajoute Tefprit aromatique de fleurs d’orange ;
& ces deux liquides étant mêlés enfemble, on
agite fortement le mélange; puis on le verfe dans
de groffes ‘bouteilles de verre qu’on tient bien
bouchées ; on laiffe repofer pendant deux ou trois
jours, &_on colle la liqueur avec deux ou trois
blancs d’oeufs, qu’on fouette dans un demi-feptiej;
d’eau de pluie.
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