
couches que chaque année accumule, & delàfo-
lidité. de la partie neryeufe ? Un bois venu dans
l’arbue, fuivant ce que nous avons dit, ne doit-il
pas être regardé comme un bois nerveux ; celui
venu dans la pierre, la caftine , comme un bois aifé
à féparer ? Notre proportion ne pourroit-elle pas être _
ici appliquée comme dans la mine ? Un bois venu
dans l’arbue, ne pourroit-il pas être deux fois &
demi plus difficile à réduire en cendres , que celui
venu dans la caftine , à pareil degré de ficcité ? Un
pied cube de bois nourri dansTarbue, pèfe au moins
moitié plus qu’un nourri dans la caftinè : donc la contexture
en eft plus ferme ; donc le remplifîage eft de
parties plus tenues & plus ferrées. La chaleur du
charbon venu dans l’arbue , eft fort concentrée ; il
veut être bien foüfflé : celui venu dans la caftine fufe,
s’évapore aifément.'Le coeur & le pied du bois font
plus durs que l’extérieur & le deflus : le coeur eft
ferré par les couches qui l’environnent ; les tuyaux
de l’extérieur font remplis de beaucoup d’eau qui
fert de véhicule aux parties plus lourdes , mais di-
vifées pour êtretranfportées. N’eft-il pas naturel que
les parties plus lourdes & plus embarraffées, reftent
au bas de l’arbre, tandis que les plus légères & les
plus aiguës montent ? Le deftus de l’arbre n’eft-il
pas auffi abreuvé & entretenu par les parties que
l’air dépofe ? Ces parties fublimées font cenfées légères
: de-là nous voyons que le coeur du bois & le
pied tiennent le feu beaucoup plus long-temps que
l ’extérieur & le deflus. On pourroif donc par le poids
fe u l, faire la différence du bois qui réfifte le plus
long-temps, au feu.
Ne pouvant douter que les bois ne foient en relation
exa&e avec le terrain , la première règle pour
l ’achat, doit donc être la connoiflance du terrain,
d’autant que c’eft ce qui règle l’efpèce : les unes par
leur conftitution, veulent des nourritures folides,
d’autres plus légères ; quelques-unes ont de larges
tuyaux, &c. Il fereit à fouhaiter d’avoir l’analyfe
de tous les différens bois : mais en général au poids
on ne fera point trompé.
La fécondé règle eft l’âge du bois ; on le connoît
aux cercles que vous voyez quand le bois eft coupé.
On compte dans un arbre un peu âgé le coeur
pour trois ans ; chaque cercle pour une s è ve , &
l’écorce pour trois ans. Si le coeur & le pied ont des
parties plus folides, comme on n’en peut douter,
quand le bois a atteint un certain âge , cet âge eft
donc d’une extrême cônféquence. Il faut mettre en
compte la hauteur & l’épaiffeur du bois : c’eft ce
qui donne la quantité. Par la traite, j’entends l’éloignement
& la qualité du trajet.
Un manufacturier qui a mis en compte l’entretien,
le cours d’eau , la mine, la main d'oeuvre, l’exploitation
, la traite, voit d’un çouprd’oeil ; ce qu’il
peut donner de la fuperficie d’un bois , & fait
qu’un autre en pareille traite & du même âge, par
k terrain fe u l, peut valoir le double & jufqu’à
trois cinquième , le bénéfice reftant plus grand : la
preuve en réfulte de ce qu’ayant fous un même
volume de bois de quoi faire un plus grand travail,1
l ’exploitation & le tranfport font moins coûteux. Il
feroit à.fouhaiter que les propriétaires & manufacturiers
vouluffent fe rendre à ces vérités ; on n’èn-
tendroit pas les uns fe plaindre de l’inégalité du prix
de bois qui leur femblent de la même valeur, &
les autres expofer leur fortune par des achats* mal
combinés.
De ce que nous avons d it , il ne faut pas inférer
que plus un bois feroit vieux , meilleur il feroit ;
loit taillis , foit futaie, attendez tant qu’ils profitent
beaucoup ; quand vous entrevoyez dé la langueur,
coupez.
Pour l’ufage particulier des forges, il convient
que l’éxploitation du bois foit faite pendant qu’il
eft défeuillé : il faut fe pourvoir d’un nombre d’ouvriers
fuffifant : la méthode la plus ordinaire eft de
couper le bois de deux pieds & demi ; le fendre en
morceaux de trois à quatre pouces de diamètre ; &
le mettre en cordes entre deux piquets, fuivant les
étendues & conventions arbitraires. Veillez aux
coupeurs , qu’ils ne touchent point à ce qui eft ré»
fervé ; laiffant le nombre & la qualité de baliveaux ;
coupant proche de terre ; brûlant -, fi on n’a pas lieu
d’en faire autre ulage , les petites branches inutiles ;
empilant leurs bois fans fraude : il faut fe conformer
aux claufes des marchés, fans jamais anticiper ni
retarder les coupes ; fe fervir des anciennes places à
charbon, des anciens chemins ; & ne jamais traiter
avec les propriétaires qu’on fait être;trop fcrupuleux
& intéreffés : les récollemens alors , avec toute la
bonne foi & le foin qu’on a pu-apporter, deviennent
des fources de procès & de ruine. L’accident
le plus à craindre pour les exploitations , eft le feu.
Si à l’exploitation des taillis on a joint la coupe
de quelque futaie, il fera avantageux de faire travailler
le tout enfemble. Il eft bien entendu que les
corps d’arbres feront débités fuivant leurs qualités,
fente , fciage , charpente , charronnage ; le refle,
qui eft de notre objet prèfent , fera ïcié de deux
pieds quatre pouces dé longueur, fendu en morceaux
de .trois à quatre pouces, & dreflé en cordes,
comme les branches & taillis : ces gros bois, que
nous fuppofons n’être point viciés, doivent naturellement
réfifter au feu, mieux que les taillis : au
mois de mars., il faut avoir foin de faire ramaffer
de la feuille pour faire couvrir les fourneaux dans
le temps. Quand tous les bois feront en cordes, ce
qui doit être fini pour le mois d’avril, on les laine
fécher jufqu’en leptembre ; alors -il ne faut point
perdre de temps à leâ faire dreffer.
Ce n’eft que dans le dernier befçin, qu’il faut
faire de nouvelles places à charbon : cette partie demande
toute l’attention poffible ; où le fond eft arbue
& plein, alors les nettoyer & battre fuffit; où_le
fond eft en coteau, le mieux eft de prendre des
pionniers pour les unir, & de bons bras pour les
battre ; où le fond eft pierraille ou fable , quelquefois
avec des crevaffes, le mieux eft d’y faire conduire
de l’arbue, & de la faire battre. Les aires
préparées,
préparées, les dreflfeurs auront foin de mettre une
partie de petits bois pour commencer, c’eft ce qu’on
appelle X alume; enfuite les plus gros dans le foyer ,
& les plus petits à mefure qu’on s’éloigne du centre :
par ce moyen, tout fe trouve dans la place qui lui
convient. Le grand point eft que le bois ne foit point
trop couché en dedans ni fur les côtés ; fans quoi au
moindre affaiffement, tout fe dérange & caufe un
défordre préjudiciable. ■
Le dreffage doit laiffer une égale liberté au feu de
circuler de tout côté : fi une partie eft trop garnie,
le feu pénètre avec peine : ne l’étant pas affez, il fe
jette tout-d’un-coup où il trouve moins de réfiftancé;
fi le gros bois tient une place féparée du petit, l’un
brûle, l’autre ne cuit pas ; fi la place n’eft pas ferme,
tout le bois qui entre en terre ne deviendra jamais
charbon ; s’il s’y trouve des fentes, fi elles communiquent
à l’air extérieur, elles foufflent ; fi elles ne
communiquent pas, & qu’il y ait beaucoup d’humidité,
la faréfaétion peut faire culebuter une pièce
entière; fi le bois eft mal arrangé & garni, il s’y
forme des entonnoirs , qu’on ne bouche & remplit
jamais fans perte.
Quand les fourneaux font dreffés , on les couvre
defeuilles, d’un peu de terre & fafins, pour concentrer
la chaleur : fi on a affaire à un terrain pierre, je
le répète encore, voiturez de la terre & des fafins,
vous ferez dédommagé de cette dépenfe. La règle
pour l’épaiffeur delà terre qui couvre les fourneaux,
n’eft point arbitraire ; il faut que la fumée & la
flammé ne puiffent pafler que dans les endroits qu’on
le fouhaite. T rop de terre empêchera la cuiffon de la
partie qui lui eft contiguë : il y a des Tels qui s’évaporent
avec les fumées ; ne feroit-ce point ces fels qui
les rendent fi dangereufes ? Quand le feu eft dans un
fourneau, il faut veiller s’il marche également ; s’il
fe jette d’un côté , couvrez-le de fafins, & donnez
jour dans le voifinage. Quand le milieu commence à
s’affaiffer, couvrez-le bien, & piquez dans des environs
& au bas ; fi une partie paroît réfifter au fe u ,
tandis que le refte paffe, ouvrez, & laiffez-la s’enflammer
à l’air libre ; quand le feu y aura bien mordu, *
couvrez. Ne preffez jamais un fourneau : comme il
ne peut aller vite qu’en prenant beaucoup d’air,
outre une grande diminution, le charbon qui refte a
beaucoup perdu de fes parties inflammables, comme
on le voit à fa grande divifion & légèreté.
Le charbon doit naturellement relier pénétré des
qualités du bois. Auffi voyons-nous que celui venu
& cuit dans l’arbue réfifte long-temps au feu ; & celui
venu dans la'caftine s’évapore aifément : lapefanteur
eft une règle auffi aflùrée pour le charbon que pour
le bois. Il eft aifé de le convaincre que deux morceaux
dé bois fec de même dimenfiori, l’un venu
dans l’arbue, l’autre dans la caftine, pèfent, après
leur réduélion bien faite en charbon, dans la même
proportion qu’ils étoient avant : le charbon le plus
lourd tient le feu le plus long-temps.
On fent bien que le bois de pied & du deflus
étant dans les fourneaux, c’eft avoir mélangé le fort
Arts & Métiers. Tome IL Partie JL
& le faible : il eft rare, avec cela, de n’avoir pas,
dans de greffes exploitations, quelques efpèces de
bois léger j en tout cas, quand vous aurez des bois
différens parla nature du fond, le plus expédient eft
de mélanger les charbons dans la proportion du mélange
des mines ; dix parties du charbon venu dans
barbue, quatre de celui venu'dans la caftine, cela
réufiit bien à l’expérience & au travail. Le charbon
vigoureux convient bien àuxfourneaux dans lefquels
on cherche à concentrer la chaleur, & où on emploie
la force de l’air ; il convient encore à la macération
des fontes, &c.
Pour les fours des fonderies qui fe chauffent avec
du bois , je n’ai pas befoin de dire que peux venus
dans la pierraille donnent une flamme plus paffa-
gère, mais plus vive & plus prompte, & conféquem-
ment conviennent mieux. ■ ■
Il eft aifé de conclure qu’ayant befoin pour cuire
le charbon, d’une certaine épaiffeur de terre & de
fafins, foutenuè par la' feuille fur les fourneaux ; les
grandes pluies qui entaffent, bâttent &entraînent j
les gelées qui foulêvent ; les grandes chaleurs qui
raréfient, les vents qui dérangent', -y fout très-préjudiciables
: le plus expédient eft de choifir le temps
qui paroît le moins fujet à ces inconvéniens ; mars,
avril , feptembre & oétobre, paroiffent les plus
propres ; on doit en profiter, pour faire la provifion
néceffaire rpour cet effet, il faut des voituriers, des
releveurs de charbon.
En général, les halles doivent être au vent du
nord des ufines : cette expofition eft moins dange-
reufe pour le feu. Les uns les font bâtir folidement
& à demeure ; les autres ont une carcaffe en bois ,
dont les côtés ont des cbuliffes qu’on garnit de
planches, ainfi que le deffus , à mefure que le charbon
arrive : par ce moyen, on les alonge tant qu on
juge à propos. Le charbon craint fur toutes chofes
l’humidité : ainfi il ne faut point tarder, qtiand il eft
cuit, à le voiturer & le mettre à l’abri; pins il eft
brifé, plus à l’air feul il perd de fes parties inflam-,
niables! Le charbon récent donne de la chaleur,
mais il eft bientôt confumé : la raifon eft qu ayant
tous les pores ouverts, il eft plus difpofé à une
prompte diffolution par une inflammation totale. Il
eft utile que le refroidiffement ait fermé fes pores,
pour ne le prêter qu’à une inflammation fuccefllve :
fur toutes chofes, garantiffez-lé de l ’humidité. 1
La façon de voiturer les charbons n’eft pas égale
par-tout : les uns fe fervent de voitures à quatre
roues , qu’on renverfe; tnauvaife méthode, qui en
écrafe une grande quantité : d autres fe fervent de
bennes fur deux roues, avec des claies par deffous,
qu’on ouvre pour le laiffer couler : d autres fe fervent
de facs qu’ils chargent fur des bêtes de fomme ;
la meilleure manière eft celle qui brife moins. La façon
de meftn-er le charbon eft auffi différente; on
parle de muid, de van, de bafche , &c. Quand nous
aurons befoin d’une dimenfton, nous la déterminerons
par pieds : par exemple, un van de Bourgogne
équivaut à 5 pieds cubes.