
dues fans retour à la dureté ; en quelque temps que
je les aie retirées du creufet , je leur ai toujours
trouvé la même douceur : mais dans d’autres circonftances
, j’ai retiré des fontes grifes naturellement
qui étoient devenues blanches, & par con-
féquent non limables , avant d’avoir été fondues.
Cès circonftances ont été celles où la fufion a été
trop Jong-temps à fe faire. A deffein jene la preffois
pas ; j’avois befoin de conferver mes morceaux en
maffes folides , pour les examiner en différens états.
Puifque la fufion par elle-même n’eft pas propre
à adoucir la fonte, pour en avoir de douce après
qu’elle fera fondue , il eft donc au moins absolument
nèceffaire de la conferver telle jufqu’à l’inf*
tant où elle devient fluide. Et il fuit de la dernière
remarque , que l’on y réuflira d’autant mieux,
toutes chofes d’ailleurs égales, qu’on la fondra
plus promptement ; mais on ne fauroit fe promettre
d’exécuter cette opération Ample plufieurs fois de
fuite avec la même vitefle. Une infinité de circonftances
peuvent la retarder ; les creufets , les
qualités des charbons, les foufflets, les épaiffeurs
différentes des morceaux de fonte font des fources
d’irrégularités fans nombre. Auffi , quoique j’aie à
deffein tâché de mettre en fufion de nos fontes
grifes le plus promptement qii’il étoit poflible, il
m’eft arrivé de couler de la même tantôt grife &
tantôt blanche.
Ce n’étoit qu’en petit que je faifois cette expérience
; peut-être que le fuccès en feroit encore plus
incertain en grand , par rapport aux circonftances
dont je viens de parler : mais par rapport à quelques
autres circonftances, il eft aufli plus facile de tirer de
la fonte douce, au moins en partie,en en fondant une
plus grande quantité à la fois. Plus rarement il m’eft
arrivé de couler cette fonte douce du creufet,
quand je n’y en eus mis que quelques onces, &
quand j’y en ai eu .mis une ou plufieurs livres ; &
affez fouvent elle a coulé douce quand la quantité
a été raifonnable : mais, comme je viens de le dire,
douce en partie ; car il y avoit prefque toujours
une portion qui avoit pris la blancheur, ou , ce qui
eft la même chofe , la dureté à l’épreuve de la lime.
Pour revenir à nos obfervations faites fur les
fontes que j’ai tirées des creufets avant qu’elles y
euffent été rendues fluides, & où elles s’étoient ren-
durcies , j’ai cherché à comprendre ce rendurciffe-
ment ; & pour cela j’ai mis de la fonte grife dans
un creufet où elle étoit environnée de toutes parts
de poudre d’os ; elle s’y eft cependant endurcie
avant d’avoir pris de la fluidité ; & qui plus eft,
le feu ayant été trop long-temps à un degré au-
deffous de la violence nèceffaire pour fondre , on a
eu beau enfuite augmenter la force du feu ,1a fonte
n’a jamais pu prendre de fluidité.
Dans une autre expérience., je me fuis contenté
de couvrir la fonte de poudre d’os ; & où le feu
violent a été donné plus tô t, la fonte à coulé : mais
elle a coulé blanche & dure. Les os qui procurent fi
efficacement l’adouciffement dans d’autres circonftances
\ n'avoîent donc rien opéré ici ; ou s’ils
avoient opéré , ç'avoit été l’endurciffement. Ces
dernières expériences, femblent attaquer dire&ement
les principes que nous avons établis fur tant d’autres
expériences & des plus décifives. Nous avons avancé
tant de fois que tout fer , foit forgé ou fondu, s’endurcit.
à proportion qu’il eft plus pénétré de foufres
& de fiels, qu’il s’adoucit à mefure que ces foufres,
ces fels lui font enlevés , que l’a&ion violente du
feu eft nèceffaire pour emporter ces matières de
celui qu’on veut rendre plus traitable , qu’enfin les
os aident à l’aftion du fer; & nous voyons ici au
contraire que le grand feu, avec le fecours des os,
redonne de la dureté à là fonte. Mais ne nous em-
barraffons point encore de chercher f i , quelque
oppoféesque femblent les conféquences qu’on peut
tirer de ces différens effets , il n’y auroit pas de
moyen de les concilier. Allons plutôt ou les expériences
nouvelles nous mènent ; elles nous font
voir que fi on deffèche la fonte jufqu’à un certain
point avant de la mettre en fufion, on lui ote trop
de fes foufres ou de fes fels , qu’on ne peut plus
la fondre, ou que fi on la fond , on la rendurcit :
car la fonte qui a fouftert du temps un violent feu
avant de fe fondre , & fur-tout celle qui a'été entourée
pendant ce temps de poudre d’os , doit être
de la fonte très-defféchée. O r , fi nous entourons
nos morceaux de fonte de poudre de charbon,
nous fommes fûrs par toutes les expériences, foit
de nos recuits , foit de l’art de convertir le fer en
acier, que la furface de notre fer ne fe defféchera
pas, quoique le charbon foit propre, à convertir le
fer en acier, à lui donner une dureté qu’il n’a pas :
j’ai donc penfé qu’il pourroit être propre à conferver
aux fontes grifes, 6c la couleur & la douceur
qu’elles avoient avant d’être mifes dans le creufet:
du moins l’épreuve m’en a-t-elle paru très-indiquee;
je l’ai faite, 8cj’ai trouvé que toute fonte grife de
bonne qualité , fondue dans un creufet où elle étoit
entourée de poudre de charbon, fe fondoit ; &
qu’après y avoir été rendue fluide , celle qui étoit
tirée du creufet étoit limable, comme elle l’étoit
avant d’avoir été refondue.
Ne-cherchons point encore à expliquer pourquoi
la poudre de^ charbon conferve à la fonte douce
fa douceur; un grand nombre de faits que nous
avons à rapporter , aideront à éclaircir ce phénomène
: continuons à préfent de fuivre ce qui regarde
la pratique de notre art. Dès que la fonte fondue
dans le charbon refte douce, j’ai cru'qu’elle le de-
viendroit encore davantage , étant fondue dans un
mélange de poudre de charbon & de poudre d’os ;
qu’au moyen de la poudre de charbon, il n’y auroit
plus à craindre que les os fiffent de mauvais effet ; que
dans cette circonftance ils adouciroient, comme ils
j avoient été en poffeffion de le faire dans tous les recuits.
J’ai donc fait fondre de la fonte grife dans un
mélange de parties égales de poudre d’os & de poudre
de charbon : celle qui a été fondue dans ce mélange
a toujours été douce & extrêmement douce. Cette
Hofe peut fe varier ; on peut augmenter la quantité
d’os : mais j’aime mieux au contraire qu’on la diminue','
parce que le creufet n’étant pas c lo s , le
charbon fe brûle, & il eft effentiel qu’il en refte
toujours une certaine quantité : trop d’os pourroient
même empêcher que la fonte ne pût devenir fluide.
Ce n’eft pas affez que la fonte foit douce, préci-
fément dans l’inftant où elle vient d’être fondue :
dans le travail en grand, la fonte qui a été rendue
liquide la première , refte fouvent pendant plufieurs
heures dans le creufet avant que le refte ait été
fondu; il faut que cette fonte puiffe conferver fa
fluidité fans prendre de dureté, pendant un temps
confidérable ; & c’eft ce qui arrive à celle qui éft
mife en fufion dans le mélange de poudre d’os &
de charbon ; j’en ai tenu de fluide pendant plufieurs
heures dans ce mélange ; elle n’en a pas été coulée
moins douce.
Le mélange de poudre d’os & de charbon," qui
de toutes les compofitions eft celle qui réuflit le
mieux dans les recuits faits dans les caiffes, eft donc
jufqu’ici celle qui eft la plus avantageufe pour fondre
de . la fonte douce. Cette compofition fuffit pour
tenir les fontes douces pendant la fufion , 6c. fera fa
feule qu’on emploiera dans la pratique ordinaire.
Mais fi on lui ajoute une portion de fublimé corrofif,
réduit en poudre fine, elle vaudra encore mieux,
& pourra conferver douces des fontes qu’elle ne
conferveroit pas telles fans cette addition. La dofe
de fublimé ne fera pas confidérable : qu’elle foit un
2,0e. ou même un 40e. du poids total, c’en fera allez.
Mais au lieu que la poudre d’os ne peut être employée
feule ; quand on aura de bonne fonte , on
pourra fe fervir de la feule poudre de charbon.
Tout ce que nous avons tenté au commencement
de ce mémoire , n’a pu nous donner de moyen de
rendre douce de la fonte mife en fufion, qui étoit
auparavant dure ,' ou qui étoit devenue telle en fe
fondant. Nous avons même avoué que nous dé-
fefpérions d’y parvenir; mais nous voilà parvenus,
par une autre v o ie , à pouvoir avoir de la fonte
douce après qu’elle fera refondue, pourvu que celle
qu’on veut fondre foit grife ou de bonne qualité.
La poudre d’os 6c celle de charbon jetées fur de la
fonte actuellement en fufion, ne lui procurent aucun
adouciffement.. La fonte douce qui fe fond étant
environnée de poudre d’os feule , s’endurcit ; mais
la poudre fimple de charbon, ou la poudre com-
pofee d’os 6c de charbon, confervent la douceur à
celle qui eft mife douce dans le creufet, 6c qu’elles
ont toujours entourée. L’expédient eft fimple 6c
commode ; nous expliquerons pourtant dans la fuite
plus au long , toutes les petites attentions qu’il demande
: mais ce dont il nous refte à parler, c’eftl’ex-
plication de ce que nous avons voulu dire, quand
nous ne nous fommes pas contentés de demander
de la fonte grife, que nous avons demandé de la
tonte grife & de bonne qualité.
Une autre remarque , dont il eft important de fe
touvenir, eft que la fonte conferve d’autant mieux
la douceur qu'elle avoit avant d’être mife dans le
creufet, qu’elle eft fondue plus promptement : pour
la conferver douce, un point effentiel eft d’empêcher
fa furface de fe deftecher, de fe brûler.
i i °. Choix des fontes propres à être coulées douces.
Nous avons borné à deffein à certaines efpèces de
fontes le fecret que nous y avons découvert, pour
en couler de douce hors des creufets. On nous a
peut-être déjà prévenu fur l’étendue dont ce fecret
eft fufceptible. Il apprend la manière de conferver
douce , malgré la fufion , la fonte qui f étoit avant
d’être fondue. Nos recuits nous ont enfeigné de fûrs
moyens d’adoucir toute fonte ; il femble donc qu’il
n’y en a aucune qui ne foit dans le cas du mémoire
précédent, & qu’on doive prendre pour règle générale
, que toute fonte naturellement limable oii
rendue telle , étant fondue dans le charbon ou dans
le mélange d’os & de charbon , reftera limable
comme elle l’étoit avant la fufion. On peut aufli
le regarder comme une règle, mais qui eft fujette
à des exceptions : pour les avoir ignorées , j’ai été
jeté dans des incertitudes bien embarraffantes. Le
fuccès des premières expériences a été fouvent démenti
par celui des expériences fuivantes. Après
avoir retiré de la fonte du creufet où elle avoit été
fondue , fouvent cette fonte étoit douce , & plus
douce qu’elle n’y étoit entrée ; d’autre , mife très-
douce dans un autre creufet, en fôrtoit d’une dureté
à toute épreuve ; & quelquefois au contraire il
m ’eft arrivé de mettre de la fonte dure & blanche
dans un autre creufet, & de la verfer très-grife &
très-limable. Non-feulement cela eft arrivé à des
fontes différentes ; la même m’a quelquefois fait
éprouver ces défolantes variétés : ce n’-eft qu’à force
d’expériences tournées & retournées de toutes façons
, que les caufes de ces diverfités ont pu être
démêlées, & que j’ai pu établir des règles fubor-
données à la règle générale : elles feront faciles dans
la pratique , elles préviendront tous les contre-temps
par où j’ai paffé.
Quoiqu’il y ait des fontes blanches qui peuvent
être coulées douces dans un travail réglé , le plus
fûr fera de n’en fondre que de grifes. Nous les con-;
fidérons ici telles qu’elles font forties du fourneau
à mine; nous les avons ailleurs cara&érifées par
leurs nuances de couleur, qui dans différentes efpèces
varient depuis le gris-blanc ou blanchâtre y
jufqu’au gris-noir ou gris de maure , & même juf-
qu’au noir. Elles ne diffèrent pas moins les unes
des autres par leur tiffure, qui en toutes eft fpon-
gieufe , fi on la compare avec celle des fontes
blanches : c’eft à cette tiffure à laquelle nous demandons
à préfent qu’on faffe le plus d’attention.
Quelques-unes femblent compofées de grains ou
de molécules , qui , à la vue fimple, ont un air
arrondi ; & les autres , bien obfsrvées , paroiffent
l’être de lames : on ne trouve point à leurs molécules
la rondeur des molécules des premières. Les