
enfuite on 'retire le pot du feu ; & quaftd il eft refroidi
, on y met le crin * qu’on Jaiffe • dans cette
liqueur jufqu’à ce qu’il ait acquis une couleur verte.
Plus il refte dans la teinture, plus il verdit; & il
faut éviter qu’il ne devienne trop verd.
Quelques-uns cependant défirent que le crin foit
fort verd, pour qu’il imite la .couleur de l’herbe. En.
ce cas , il faut prendre une pinte , mefure de Paris,
de petite bierre, & une demi-livre d’alun ; mettre
l’un & l’autre avec les crins dans un pot de terre,
qu’on fera bouillir doucement pendant une demi-
heure ; après quoi on retirera le crin pour le laiffer
lécher. On mettra enfuite deux poignées de fleurs
de fouci dans deux pintes d’eau , on couvrira le pot,
& on le fera bouillir doucement pendant une demi-
heure : il s’y formera une écume jaune , & alors on
ajoutera une demi-livre de couperofe concaffée,
avec le crin qu’on veut teindre ; on entretiendra la .
liqueur bouillante doucement jufqu’à ce qu’elle foit '
réduite à moitié. Enfin, on ôtera le pot du feu , &
trois à quatre heures après on en retirera le crin,
que -l’on trouvera bien verd. Plus oh met de couperofe
, plus la teinture; eft forte ; mais le verd pâle
eft préférable.
Quelques-uns pouffent l’attention jufqu’à vouloir
que le crin foit jaune , dans la faifon où les herbes
des eaux douces fe fanent & fe defsèchent. Pour lui
donner cette couleur, on augmentera la dofe du
fouci, & l’on diminuera confidérablement celle de
la couperofe.
On apporte des îles de l’Amérique des filamens
qu’on retire d’une efpêce d’aloès ou aloïdes, rap- *
portée par M. Von-Linné au genre qu’il nomme
agave. On appelle ces filamens _/?/ƒ de pite. Il y a-de
ces fils qui font longs & très-fins. Quand ceux-là
font bien préparés , comme nous allons l’expliquer,
ils font préférables aux crins , & on s’en fert principalement
pouf empiler les haims.
On choifit ces fils très-fins. Etant pliés par pièces,
on les met dans un pot , & on verfe deffus de
l’écume d’un pot où l’on a fait bouillir de la viande
fraîche, & non pas falée ; au bout de trois ou quatre
heures , on tire les pièces de pite les unes après les
autres, & on les paffe entre le pouce & l’index
pour ôter la graille qui pourroit y être reliée adhérente
; mais on ne les effuie point autrement. Enfuite
on étend chaque pièce de toute fa longueur ; &
quand ces fils font fecs , on en forme de petits
ècheveaux. Par cette préparation , ils .deviennent
prefque aulfi fins, auffi ronds & plus forts que les
crins lès mieux choifis. Pour les conferver fou pies,
on les roule dans uii morceau de velîie huilé ; &
avant d’en faire des lignes, il faut, ainfi que les
crins, les mettre tremper dans de l’eau environ une
demi-heure.
La grolfeur des lignes doit être proportionnée à
celle du poiffon que l’on pêche ; mais il eft toujours
avantageux- qu’elles foient fines , fur-tout au bout
qui tient à lTiaim. C ’eft pourquoi ceux qui pêchent
avec des infe&qs &des h$ims très-déliés,font Fempilage
avec un feul crin. Mais en ce cas, il faut
être bien adroit pêcheur pour ne pas le, rompre.
Ainfi il eft mieux de faire de deux crins cette partie
de la ligne ; & Gotton , auteur anglois, dit que
celui qui ne peut pas prendre avec deux crins une
truite de vingt pouces de longueur dans une rivière
QÙil n’y a ni bois ni herbes , ne mérite point le nom
de pêcheur. Ainfi il y a beaucoup d’adreffe à ménager
fa ligne, lorfqu’on a pris un poiffon i d’une
groffeur. un peu conlidérable.
Il eft fenfible qu’on ne peut pas trouver de crins
affez longs pour faire une ligne qui doit quelquefois
avoir cinq ou fix brades de longueur. II.faut donc
faire des pièces féparées, qu’on noue les unes au
bout des autres, pour en former une ligne fuffi-
farnment longue. Pour cela, on met deux de ces
pièces de façon qu’elles entament un peu l ’une fur
l’autre. On les unit par un noeud, en faifant faire
deux révolutions aux bouts de crins. Quand on a
ferré le noeud , les crins ne peuvent plus fe féparer:
& l’on coupe alors avec des cifeaux ce qui excède
le noeud. On en réunit ainfi un nombre fuffifant
pour faire une ligne.de la longueur qu’on defire.
Il y a des pêcheurs qui prétendent que , pour la
pièce qui fait le'bout de la ligne du côté de l’haim,
il ne faut pas commettre les crins ; qu’il vaut mieux
fe contenter de les tendre à côté l’un de l’autre ;
difant qu’àlors les crins paroitTent moins dans l’eau,
& qu’ils n’effarouchent pas les poiffons. Mais l'ufage
le plus commun eft de les tordre l’un fur l’autre,
.comme nous l’expliquerons dans un inftant.
Les lignes doivent toujours diminuer de groffeur
depuis l'extrémité de la perche jiifqii’à l’haim ; &
pour certaines pêches , les dernières pièces font
feulement formées par un crin, ou un fil de pite
très-délié, ou même un fimple fil de foie..
Pour les pêches ordinaires, il faut que les deux
pièces les plus près de l’haim foient faites’ feulement
de deux crins ; les trois pièces au deffus, de trois
crins : on en met quatre aux trois fuiyantés , &
ainfi cinq , fix , fept, & même huit, jufqù’aübout
de la ligne qui tient à la perche; de forte que la
ligne diminue uniformément de groffeur depuis là
perche jufqu’à l’hainr.
Quand on veut alonger une ligne, il faut que cé
foit par le gros bout qui tient à la perche. Cependant
, lorfqu’on pêche avec des infe&es, on peut
ajouter une ou deux pièces fines au deffus de celle
qui porte l’haim ; car il eft important que lai ligne
foit fine auprès de l’haim , d’autant qu’un pêcheur
adroit peut avec une ligne bien faite faire tomber
l’haim jufteà l’endroit qu’il defire , fans former fur
J’eau de petites vagues circulaires qui. effkrouche-
roient le poiffon. \
Les pêcheurs qui font des lignes pour leur ufage,
choififfent les brins de; crin les plus longs-,( pour que
leurs pièces aient plus d’étendue , qu’il en faille
moins pour faire la longueur entière, d,ê la ‘ligne. Ils
les mettent tremper quelques heures .dans de l’eau ;
puis en tenant deux, quatre, pu fix.rafîèmblés e a
faifceau, ils les lient d’un fimple rîoeüd auprès d’un
des bouts. Puis les fèparant un à un, deux à deux,
ou trois à trois, ils placent une pointe entre ces fils,
tout auprès du noeud. Enfuite tenant chaque deux
ou chaque trois crins entre le pouce & le doigt index
jle chaque main, ils les tordent fur eux-mêmes. Ces
crins ainfi tortillés étant rapprochés , ils fe roulent
les uns fur les autres, & forment une petite ficelle.
On noue bout à bout ces petites pièces jufqu à ce
qu’il y en ait affez pour .faire la longueur de la ligne.
Puis on met la ligne entière tremper pendant quelques
heures dans de l’eau chaude , & on la tend en
la tirant par les deux bouts , pour qu elle ne faffe
point de plis, & quelle refte droite quand elle fera
sèche.
Ceux qui font des lignes pour les véndre aux
pêcheurs , fie fervent d’une machine dont nous ;
allons donner,la defcription. Elle confifte en une
poulie horizontale, & trois molettes traverfées par
une broche de fer qui porte à un de fes bouts un
crochet. Cette broche, ou axe, eft reçue par deux
platines de cuivre, écartées l’une de l’autre d’environ
un demi-pouce. Les crochets qui terminent
les broches des molettes, excèdent de quelque chofe
la platine Lde deffous.
On fait tourner la grande poulie par une manivelle
placée au deffus de la platine fupérieure ; &
cette poulie communique fon mouvement aux molettes
, ou par un engrenage, ou au moyen d une
courroie, comme dans les rouets des fileufes.
Pour faire le cordonnet, on prend le nombre de
crins qui doivent le former ;o n les partage en deux
ou en trois, faifceaux ; on lie chaque faifceau à un
bout de fil retors , plié en deux, long d environ fix
pouces ; on paffe les crochets dans la duplicature
de ces fils ;„enfuite on réunit par en bas, au moyen
d’un noeud , les faifceaux de crin, & on les attache
à un morceau de plomb qui pefe environ deux j
livres, & qui eft terminé par un crochet. On fait,
avec un bouchon de liège, un petit toupin qui a
autant de rainures qu’il doit y avoir de faifceaux ,
de façon que chaque faifceau entre dans une rainure
du toupin. Quand on tourne la manivelle, les crochets
tordent les faifceaux ; & ceux-ci faifant effort
pour fe détordre, font tourner le plomb, & fe roulent
les uns fur les autres au deiTous du liège. Lorfqu’on
juge que le cordon eft fuflifamment tors , on
remonte le toupin ; lorfqu’il eft arrive auprès des
crochets, la pièce eft commife, & on la termine
par un noeud. Il dépend de l’adreffe de 1 ouvrier
que tous les brins de crin foient également tendus,
& que le cordonnet foit tors régulièrement dans
toute fa longueur. Cette pièce étant finie , on en
fait une autre ; & on a foin de retrancher des brins
à mefure qu’on veut qu’elles foient moins groffes.
On voit que cette machine eft en petit celle décrite
pour faire les empiles de chanvre. Quand les pièces
font treffées, on les met tremper dans l’eau, & on
les tend jufqu’à ce qu’elles foient sèches. Sans cette
précaution, il y auroit des crins qui fe retireroient I
plus que les autres, & la ligne en feroit affaiblie
d’autant. ■>
Il eft fenfible'qu’on peut faire de pareils cordonnets
avec de la foie & du fil ; mais on peut fe
difpenfer de prendre cette peine, parce qu’on trouve
chez les marchands des fils retors •& de petits cordonnets
de foie.
La ligne étant faite , il faut l’attacher au bout, de
la perche. Pour céia, quelques-uns font une entaille
à l’extrémité de la pèrche, & ils y amarrent un bout
de ligne compofé de fix crins, qu’on double pour
former une anfe qui s’attache au bout de la perche
par des révolutions de foie cirée. Cette anfe eft
deftinée à recevoir l’extrémité de la ligne.
Mais par nette entaille, on affoiblit le bout de la
perche , qui doit être menu. Ceft pourquoi nous
penfons que ce n’eft pas à l’extrémité la plus menue
qu’il convient de l’attacher. Enfuite en la roulant en
hélice , on lui fait gagner l’extrémité de la perche ,
où on l’arrête par un noeud coulant.
On trouve deux avantages à attacher ainfi la
ligne : le premier e ft, qu’on peut l’alonger ou la
raccourcir à v o lo n t é e n lui faifant faire plus ou
moins de révolutions autour de la perche ; le fécond
eft , que p?.r cette difpofition de la ligne, non-feulement
le bout dé la perche eft moins expofé à fe
rompre, mais encore les révolutions de la ligne fortifient
la partie menue de cette perche.
Il y a des pêcheurs qui veulent avoir des lignes
fort longues ; d’autres prétendent qu’il ne faut pas
qu’elles excèdent la longueur de la perche , fur-tout
pour pêcher avec des infe&es ; enfin il y en a
qui, fuivant différentes circonftances, tiennent les
lignes tantôt plus longues, Sc tantôt plus courtes.
Quoi qu’il en foit, avant d’attacher la ligne à la
perche, on la fait paffer dans un petit morceau de
plomb. Les uns prennent tout fimplement une chevrotine
fendue, dans laquelle ils paffent la ligne ,
& refferrent la fente pour que le plomb refte à l’endroit
où on l’a placé ; d’autres paffent la ligne dans
une balle de plomb percée ; & d’autres , au lieu
d’une balle affez grofie, en mettent plufieurs petites
qui font arrêtées fur la ligne à un pouce les unes
des autres. Tout cela eft affez indifférent ; mais il
faut que le plomb foit attaché à la ligne à environ
fix pouces au deffus <le l’haim ; & il eft important
que ce poids foit affez précifément ce qu’il faut pour
que la ligne gagne le fond de l’eau , afin que la
moindre force l’en détache; mais il doit être plus
confidérable dans les eaux courantes que dans les
dormantes.
Quelques pêcheurs attachent à la ligne un tuyau
de plume couvert de foie cirée , & bouché par les
deux bouts ; mais plus ordinairement on paffe la
ligne dans un morceau de liège; quelques-uns fc
fervent tout fimplement d’un bouchon de bouteille;
d’autres donnent à ce liège une figure conique ; &
d’autres, ce qui eft un peu mieux, font ce liège
fphérique. De quelque forme que foit le liège , on
le perce pour recevoir la ligne ; & comme il faut Le