
Dans une fécondé opération, quand on a retiré, '
par le moyen de la diftillation, l’efprit aromatique
des filamens de fafran comme ci-deffus, on verfe
cet efprit fur le marc qu’on a mis en réferve ; on
agite fortement pendant trois ou quatre jours ; on
laiffe repofer ; on foutire ; on pane à la chauffe
ce qui s’êft précipité au fond du vaiffeau ; puis on
le mêle avec le firop de fafran qni a été préparé pour
la fécondé opération.
Par ces différens procédés, on voit clairement
?;ue l’on a extrait tous les principes de la fleur du
afran, & la liqueur qui en rèfulte eft d’autant
plus agréable , que par le moyen employé à l’effet
d’en retirer la teinture, on fait évaporer le fel volatil
de cette fleur, qui eft d’une àcreté confidérabie.
Eau d?Angélique.
Quoique les femences & les racines d’angélique
fourniffent une plus grande quantité d’huile effen-
tielle .que fes tiges , M. Dubuiffon recommande
avec raifon de préférer celles-ci pour l’ufage des
liqueurs, & en particulier pour la compofition de
l'eau d’angélique , d’autant qu’elles donnent moins
d’huile graffe , & que leur faveur eft moins âcre.
Il faut donc çhoifir des tiges d’angélique qui
foient bien nourries, & bien mûres ; on les monde
de leurs petites branches & des feuilles ; on en
coupe une livre & demie par morceaux , auxquels
on ajoute quatre onces.de baies de genièvre-récentes.
On jette le tout avec neuf pintes d’efprit-de-vin
commun, & fix pintes d-’eau de rivière, dans une
cucurbite d’étâin ; oh la place dans fon bain-marie ;
on la couvre d’un chapiteau aveugle; on lute la
jointure ; on affujettit le thermomètre dans le bain ;_
on échauffe ; on entretient le liquide pendant trois
jours, à raifon de douze heures par jour, au
foixante-dixième degré de chaleur ; & toutes les fois
que la liqueur fe refroidit, on agite fortement avec
une baguette qu’on introduit par le tuyau de co-
hobation. j
On laiffe refroidir pendant vingt-quatre heures :
après ce terme, on démonte la calotte ; on couvre
la cucurbite d’un chapiteau armé de fon réfrigèrent;
on ajufte le ferpentin avec le récipient; on
lute les jointures ; on procède à la diftillation fui- vant les règles de l’art ; & quand la liqueur du
thermomètre eft montée jufqu’au quatre-vingt-
unième degré, on change de récipient, & on laiffe
couler jufqu’au degré de l’eau bouillante.
On met ce dernier produit en réferve, pour
n’en faire ufage qu’après avoir été reélifié dans une
féconde opération ; puis on jette quatre ou cinq
gouttes d’effence d’ambre dans l’efprit d’angélique ;
on agite & an le met en réferve , pour n’en faire-
ufage que trois ou quatre mois après fa diftillation ;
ou bien on verfe cet efprit dans la même cucur-
b ite;'on la couvre d’un chapiteau aveugle; on
lute bien hermétiquement la jointure ; on échauffe
& on entretient ce liquide pendant trois ou quatre
jours dans le même degré de chaleur que pour
l’infufion.
Quand on veut paffer à la. compofition , on fait
clarifier dix-neuf livres de fucre fuivant la méthode
indiquée ; & lorfque l’écume qui monte eft blanche
on retire le vaiffeau du feu. Cette quantité de fucre
doit produire dix ou onze pintes de liquide : lorf-
qu’il eft bien refroidi, on verfe l’efprit aromatique
dans le même vaiffeau ; on agite fortement le mélange
; on le met enfuite dans de groffes bouteilles
de verre , ou dans une cruche qu’on tient bien
bouchée ; on laiffe repofer pendant trois ou quatre
jours, puis on colle avec deux blancs d’oeufs qu’on
fouette dans un demi-feptier d’eau de puits ; on
foutire ; ©ri paffe le dépôt par la chauffe • de drap ;
on met la liqueur en réferve pour s’en fervir au
bèfoin.
Eau d’Angélique. Seconde compofition.
On choifitdes tiges d’angélique comme ci-deffus;
on en coupe une livré & demie par morceaux,
qu’on jette dans Une baffine ou poêle à confiture,
avec fix pintes d’eau de rivière ; ori place le vaiffeau
fur le feu; on échauffe & on entretient le liquide
pendant deux heures , au foixante-dix-hui-
tième degré dé chaleur.
On retire le vaiffeau du feu ; on laiffe refroidir
pendant douze heures; on coule le liquide qu’on
jette comme inutile, puis on laiffe bien reffuyer les
tiges , & on les jette dans une cucurbite avec huit
pintes d’efprit-de-vin rectifié.
On la place dans fon bain ; on la couvre d’un
chapiteau aveuglé, & pn fait infufer pendant trois
jours au même degré de chaleur que ci-dévant.
La liqueur étant bien refroidie , on coule au travers
d’un tamis, & on jette ces morceaux d’angélique;
dans une cucurbite avec quatre pintes d’eau;
on fait diftiller jufqu’au foixante-dix-huitième degré :
on mêle ce dernier produit avec le premier ; on y
ajoute quatre ou cinq gouttes d’effence d’ambre ; &
: pour le furplus ,.on fuit exa&ement les mêmes procédés
que pour la première compofition.
Eau de Genièvre. .
On choifit les baies de genièvre lès plus noires
& les plus fraîches ; ce qui fe diftingue aifémentpar:
' la forme des graines , quand leur épiderme eft bien
tendu.
Lorfqu’on a fait un bon choix de ces baies , on en »
jette deux livres dans l’éau froide ; on les; la vérin
les frottant dans les mains ; on les effuie avec line'
ferviette ; on les écrafe dans un mortier de marbre,
& on délaie cette efpèce de pâte avec deux pintes-
d’eau de rivière ; on jette ce liquide dans une cucurbite
avec quatre onces de tiges d’angélique,
qu’on a coupées par morceaux, & fur lefquelles on,
verfe neuf pintes, d’efprit-de-vin commun.
On couvre la cucùrbitè dé fôn chapiteau aveugle
, & on fait infufer pendant quarante-huit heû-
res , au foixante-dixième degré de chaleur ; pius
. on démonte la calotte ; on couvre la cucurbite duo
chapiteau armé de fon réfrigèrent ; on ajufte le ferpentin
avec lé récipient; on fait diftiller jufqu’au
degré de chaleur de l’eau bouillante; on démonte
l’appareil ; on nettoie le vaiffeau ; on y verfe le
produit avec fix pintes d’eau; on le couvre d’un
chapiteau aveugle, & oiréchauffe comme ci-devant.
On démonte la calotte; on couvre la cucurbite
d’un chapiteau armé de fon réfrigèrent ; on ajufte
le ferpentin avec le récipient ; on lute les jointures;
on affujettit le thermomètre dans le bain ,
& on procède à la rectification.
Quand la liqueur du thermomètre eft montée
jufqu’au quafre-vingt-unième degré, on change le
récipient ; on laiffe couler jufqu’au degré de l’eau
bouillante ; on met ce dernier produit en réferve,
pour ri’en faire ufage qu’après avoir été reétifié
dans une fécondé opération.
Quand on veut jJaffer à la compofition , on fait
clarifier dix-neuf livres de fucre , fuivant la méthode
; lorfque l’écume qui monte eft blanche , on
retire le vaiffeau du feu * cette.quantité de fucre
doit produire onze • pintes de liquide ; & lorfque
ce firop eft bien refroidi, on verfe l’efprit aromatique
dans le même vaiffeau ; on agite fortement
le mélange ; on laiffe repofer pendant trois ou quatre
jours, puis on fait éclaircir cette liqueur.
Quand on a fait un bon choix de la- même
quantité & de la -même qualité de fruits que ci-
deffus , oh les jette dans une baffine avec fix pin-
f tes d’eau de rivière ; on place le vaiffeau fur le feu ;
[ on échauffe & on entretient le liquide pendant
deux heures, au foixante-douzième degré de chaleur.
On retire le vaiffeau du fe u , on laiffe refroidir
pendant vingt-quatre heures; on coule le liquide,
qu on rejette comme inutile ; puis on laiffe reffuyer
le fruit ; on le jette dans une cucurbite avec neuf
. Pmtes d’eau-de-vie re&ifiée; on la place dans le
nain ; on la couvre d’un chapiteau aveugle ; on
F jute la jointure , & on fait infufer pendant trois
jours au foixante-dixième degré.
; On démonte le vaiffeau ; on coule le liquide ,
? °n fflet cette teinture en réferve ; puis on jette
es fruits dans la même cucurbite avec quatre pin-
tes -d êau : on fait diftiller jufqu’au quatre-vingt-
• ttojüeme, degré.; on mêle le produit avec la tein-
tute.qui a été mife en réferve ; pour le furplus on
UIt Çxa&ement les mêmes procédés que pour la
première compofition.
Ratafiat de Genièvre. Troifième compofition.
^Lorfqu’on a fait choix de la même quantité de
geiiievre & d’angélique que ci-deffus , on jette
ces fubftances dans une baffine avec fix pintes
1 e?U ’• j” -met K vaiffeau fur le feu ; on échauffe
e ffuidê jufqu’au foixante-douzième degré ; on
jetire du feu ; on ! laiffe refroidir ; puis on coule
liqueur, & on laiffe bien égoiïtter lé fruit.
On fait clarifier dix-neuf livres de fucre; on
retire du feu le vaiffemi, & on y jette fon fruit.
Ce firop doit être cuit au petit lijfé, & cette
quantité de fucre doit produire douze pintes de
• firop : vingt-quatre heures après, on remet le vaiffeau
fur le feu, on échauffe comme ci-devant :
on répète trois fois cette opération; on laiffe refroidir
; on mêle la liqueur avec neuf pintes d’eau-
de-vie reâifiêe ; on agite le mélange , de manière à
ne pas écrafer le fruit ; on verfe le tout dans de
groffes bouteilles ou cruches , & quatre jours après,
on coule la liqueur au travers d’un tamis ; puis on
fait éclaircir fuivant la méthode ordinaire.
La plupart de Ceux qui fabriquent l’eau ou le
ratafiat de genièvre , écrafent fes baies, ou ils les
font infufer entières dans l’eaû , dans l’eau-de-vie,
& ils y ajoutent le gérofle, la canelle, &c. Quoique
ces efpèces de • ratafiats puiffent avoir des
propriétés particulières , M. Dubuiffon a cru devoir
employer des moyens différens, & fubftituer
l’angélique aux autres ingrédiens qu’on fait ordinairement
entrer dans cette liqueur, étant per-
fuadé qu’ori ne doit affocier aucune fubftance aromatique
dans une liqueur cara&érifée, qu’autant-
que celle qu’on y fait entrer en moindre quantité
, peut lervir à relever l’odeur & la faveur de
celle qui doit dominer, fans préjudicier aux propriétés
attribuées à chacune d’elles.
Du Marafquin. -W
La liqueur appellée marafquin, eft compofée avec
une efpèce de cerifes fauvages, qui "ne croiffent
que dans la Dalmatie. Ce fruit eft aromatique, &
le goût de fon amande eft à peu près femblable à
celui de nos avelines ; c’eft du moins le fentiment
d’un favant Piémontois qui étoit attaché au fervice
de fa majefté le feu roi de Sardaigne, & qui a réfidé
fort long-temps à Venife-& à Zara, où il apprit
que la néceffité avoit d’abord fait naître l’idée de
convertir ce fruit en v in , en eau-de-vie, puis en
la liqueur appellée marafquin.
On ne recueille ces fruits que quand ils ont atteint
la parfaite maturité: on les -monde de leurs
queues; on écrafe fruits & amandes, qu’on jette-
dans une cuve deftinée à les faire fermenter; on
délaye enfuite avec le jus de ce fruit, autant de
livres de miel b la n c q u ’on a écrafé de quintaux
de cerifes, puis on le jette dans la cuve; on foule
& quand le liquide a éprouvé le même degré de
fermentation qu’on fait fubir au raifin , on le verfe
-dans de grands alambics, au fond defquéls on a
préalablement placé une grille conftruite en deux
parties qu’on adapte l’une à côté de l’autre, & dont
les mailles font affez ferrées pour que le marc ne
fie précipite pas au fond du vaiffeau qu’on couvre,
d’un chapiteau armé de fon réfrigèrent, & on procède
à la diftillation fuivant les règles de l’art.
Six mois ou un an apres avoir converti .ce vrn
en eau-de-vie, on re&ifie cette liqueur au bain-
marie ; on répète cétte opération autant de; fois