
grains ; la fonte en liqueur pénètre dans les intervalles
que les grains laiffent entre eux ; elle touche
ces grains de toutes parts. Que A , B , C foient trois
grains de fable du moule ; le grain C ménage un
vide entre les grains A & B. Le morceau d’acie.r D
ne fera prefque touché qu’en deux points , par fes
grains froids A & B , ’ & à peu près de même par
tous les grains du moule. La fonte qui coulera dans
ce moule, pénétrera dans le vide que laiffent entre
eux ces grains ; non-feulement elle touchera le
grain C , mais elle s’appliquera contre la plus grande
partie de la furface de ces trois grains ; elle les
touchera chacun en une infinité de points , au lieu
que le morceau d’acier ne les touchoit prefque
qu’en deux points. A la vérité, le morceau de fonte
aura plus de volume que le morceau d’acier, parce
qu’il occupe des efpaces que l’autre n’occupe point ;
mais le volume n’eft par-là augmenté qu’imper-
ceptiblement, pendant que les attouchemens font
indéfiniment augmentés. C ’eft auffi cette augmentation
des attouchemens qui fait que l’eau trempe
fur le champ un acier rouge qui ne feroit point
ou prefque point trempé, étant enfoncé dans le fable,
quoique le volume d’eau qui entoure l’acier, ait
moins de folidité, de maffe , que celui du fable qui
J’entoure. Si on coule de la fonte dans un creux
au milieu de ce fable, fa fluidité met le fable en
état d’agir fur cette fonte, comme la fluidité de
l’eau met l’eau en état d’agir fur l’acier. Ce corps
qui trempe l’autre doit le refroidir, arrêter le mouvement
de fes parties. Que ce foit le corps chaud
qui aille s’appliquer contre celui qui eft froid, ou
que celui qui eft froid vienne s’appliquer contre
celui qui eft chaud, l’effet n’en doit pas être différent.
Il réfulte des remarques précédentes, que quand
de la fonte en fiifion ne feroit pas plus fufceptible
de la trempe que de l’acier rouge , cette fonte
pourroit être trempée par le fable du moule, quoique
ce fable ne pût faire d’impreffion fenfible fur
l’acier qu’on y feroit pénétrer ; mais nous ayons
v u , outre cela , que la fonte liquide étant confi-
dérablement plus chaude que l’acier, quelque chaud
qu’il foit , peut encore, par cette confidération,
être trempée par un corps ou un fluide qui feroit
trop chaud pour tremper l’acier. C’eft de ces principes
très-clairs , que je crus devoir conclure que
quand je chauffois mes moules autant & même
davantage que les fondeurs ne les chauffent ordinairement
, je ne les chauffois pas encore affez ;
qu’ils dévoient peut-être être extrêmement chauds
pour être hors d’état de tremper la fonte ; que fi je
les faifois rougir, j’en retirerois des ouvrages très-
doux.
Les moules des fondeurs ordinaires en fable, font
maintenus par des châffis de bois ; fi on vouloir ex-
trêment chaufferies moules, on brûleroit les châffis ;
j’en fis faire de fer , & j’avois propefé autrefois d’en
faire de tels par rapport à d’autres avantages. Je pus
hardiment faire entourer les moules de charbons
rouges ; je les fis fécher eux-mêmes jufqu’à ce qu’ils
euffent rougi. Dans ces moules rouges, je fis verfer
de la fonte douce ; je laiffai refroidir le moule avant
de la retirer ; & je trouvai, comme je l’avois efpéré,
des ouvrages très-bien venus & parfaitement li-
mables. Dans toutes les expériences que j’ai répétées,
cette méthode a eu le même fuccès. Elle réuffira
toujours, pourvu que les moules aient le degré de
chaleur que la fonte demande.
Il eft donc certain que la fonte qui eût été douce
& grife , fi elle eût. été coulée dans un moule chaud
à un certain degré, devient de la fonte blanche &
intraitable, fi elle eft coulée dans un moule moins
chaud où elle fe fige plus promptement. Ainfi il pa-
roît qu’en général de la fonte blanche eft de la fonte
trempée; c ’eft une nouvelle idée qui demanderai
à être plus développée. Remarquons encore que la
parfaite analogie qui eft entre nos fontes refroidies
plus ou moins lentement, eft entre les aciers trempés.
Si on trempe le ' même acier fucceffivement
après lui avoir fait prendre différens degrés de chaleur
, il fiera d’autant plus dur & plus blanc qu’il
aura été trempé plus chaud ; il fiera gris, & un peu
limable, s’il avoit peu de chaleur lorfqu’il a été
trempé.
Il nous refte pourtant à lever quelques difficultés
fondées fur des expériences qui fe trouvent au commencement
de ce mémoire. Ces expériences m’ont
d’abord empêché de reconnoître que c’étoit à une
forte de trempe que la fonte jetée en moule devoit
fa dureté ; & elles pourroient encore faire peine à
d’autres , malgré les derniers éclairciffemens. Nous
avons vu que de la fonte verfée dans un creufet
froid, de la fonte jetée fur du fable froid & même
humide, eft reftée grife & douce : là elle ne s’eft
point trempée ; comment arrive - t - il qu’elle fe
trempe dans un moule chaud ? Pour en appereevoir
la caufe , faifons attention que la fonte coulée fur
une couche de fable, fur une plaque de terre, n’eft
touchée par ces matières que d’un côté ; ailleurs
| elle eft environnée d’air, qui, ayant peu de denfité,
n’eft pas capable de faire, une impreffion-affez fubite
fur notre fonte : nous favons que le mercure trempe
bien plus efficacement que l’eau , parce qu’il a plus
i de folidité. L’eau qui a plus de folidité que l’air,
trempe confidérablement , pendant que l’air ne
trempe point : un morceau de fer eft du temps à
perdre la couleur que le feu lui a donnée, fi on le
laiffe refroidir à l’air ; &. il la perd v ite , fi on le
plonge dans l’eau.
La fonte douce qui a été coulée fur une fimple
couche de fable, ayant une partie confidérable de
fa furface qui n’eft touchée que par l’air qui prend
bientôt un degré de chaleur approchant de celui
de la fonte, n’eft donc pas en rifique d’être trempée
au moins de tous les côtés où l’air l’environne ; fi
elle pouvoit l’être, ce feroit feulemeut du côté qui
touche le fable ou la terre : auffi eft-elle plus dure
de ce coté - là que de l’autre , & quelquefois y
eft-elle trempée ; mais il peut arriver, & il arrive
fouvent , qu’elle ne fe trempe pas même de ce
côté-là*
côté - là. Chauffez de l’acier trempé , & vous le
détremperez. La furface de la fonte qui a touché le
fable , fe trouve peut-être trempée dans le premier
inftant ; mais concevons qu’enfuice elle a donné au
fable qui l’a trempée , un certain degré de chaleur
qui le mettroit hors d’état de tremper une fécondé
fois la furface contre laquelle il eft appliqué , fi
cette furface fe trouvoit détrempée fur le champ
par un violent degré de chaleur qui lui feroit communiqué
: l’intérieur de la fonte communique ce
degré de chaleur ; il détrempe cette furface qui a
d’abord été trempée par l’attouchement du fable, *
& elle, refte détrempée, o u , ce qui eft la même
chofe , douce, parce que le fable n’eft plus en état
de la tremper. Pour avoir un exemple très-fenfible
de tout ceci,.on n’a qu’à plonger dans l’eau froide
un morceau de fer tout rouge , & l’en retirer dès
qu’il fera devenu noir , ou peu après : dans Hnftant
qu’il en fera forti, on pourra le toucher fans rifque
de fe brûler; mais bientôt" il n’en fera plus de même :
la chaleur que le centre a confervée fe communique
de proche en proche ; bientôt la furface qui étoit
froide lorfqu’elle a été tirée de l’eau , fe trouve
très- chaude.
Quand nous regardions les fontes blanches comme
plus affinées que les grifes, c’étoit,un phénomène
embarraffant que de voir fortir d’un même moule
des ouvrages dont l’intérieur étoit gris , & dont les
premières couches étoient blanches , de trouver :
conftamment que tout ce qui étoit moulé mince,
que tout ce qui avoit rempli les évents du moule,
étoit de la fonte parfaitement blanche, pendant
qu’il s’en trouvoit de la grife mêlée dans les gros
jets. Pour en rendre raifon ; nous imaginions que la
fonte d’un même creufet étoit inégalement affinée,
ce qui eft très-poffible ; mais quand nous, venions
à faire occuper précifément certaines places à la
fonte blanche ", à la fonte que nous regardions
comme la plus affinée , l’explication de ce fait de-
venoit forcée : nous pouvons lui en fubftituer une
très-naturelle. Quelquefois toute la furface d’une
pièce fe trouve blanche & dure, pendant que l’inférieur
eft gris & doux, parce que la furface extérieure
a feule pu être trempée ; la même chofe .
arriveroit à une barre d’acier épaiffe qui fefoit
trempée médiocrement chaude ; l’intérieur de cette
barre ne prendroit pas de dureté par la trempe ; ce
qui a été moulé mince fera blanc dans toute fon
épaiffeur, parce que la trempe a pénétré jufqu’au
centre de ces pièces minces. Le je t, & fur-tout la
partiè du jet la plus proche de l’ouverture , fera
plus fouvent grife & douce que ne le feroient
des parties de même épaiffeur renfermées dans le
moule, parce que le jet du côté de l’ouverture du
moule n’eft touché que N par l’air qui ne peut pas
autant pour le tremper que peut le fable. De là fe
tire naturellement une conféquence, qui eft une
règle pour la pratique de notre art. A fonte égale,
plus iesqûèces qu’on veut jeter en fer font minces,
& plus elles exigent que le moule foit chaud. Au
Arts 6* Métiers, Tome II, Partie II,
contraire, des pièces épaiffes peuvent fortir douces
d’un moule médiocrement chaud. Cela arrivera à
des pièces qui font très - épaiffes, autant & plus
que ne le font des marteaux de porte.
Les pièces qui feront refroidies dans le moule
même, n’en peuvent être que.plus douces. Je ne
vois pourtant nul inconvénient à les en tirer encore
très-chaudes & même rouges ; l’air ordinaire , qui
ne trempe pas de la fonte pendant qu’elle eft fluide,
la trempera beaucoup quand elle aura pris une
grande confiftance.
Puifque la fonte grife , dès qu’elle eft trempée ,
devient de la fonte blanche , il femble que les
diftinâions que nous avons faites jufqu’ici de ces
fontes doivent s’évanouir ; que le blanc & le gris,
le dur & le doux ne. font que des termes qui expriment
les qualités de la fonte en deux états différens
, tels que ceux de l’acier trempé & de l’acier
non trempé : il fembleroit même que tout ce que
nous avons preferit pour adoucir la fonte avant de
la mettre en fufion, devient inutile ; car la fonce
en fufion eft de la fonte bien détrempée : fi cela
eft, pour la.couler douce , il fuffit de la couler dans
des môules affez chauds. Cependant nos différences
entre les efipèces de fontes n’en fubfiftent pas moins;
le choix des fontes, ou les-adouciffemens de celles
qui ne font pas douces , ne laifferont pas d’être né-
ceffaires. Enfin , quoique les noms de fontes blanches,
ou de fontes grifes , foient devenus un peu
plus équivoques, nous les retiendrons , & nous
devons les retenir pour défigner des efpèces réellement
différentes entre elles. Nos recherches , pour
rendre la fonte propre à être coulée douce, nous
ont fait voir cent & cent fois qu’il y a telle fonte
en bain, qui étant tirée du- creufet dans une cuiller
rouge , ou étant verfée dans un creufet froid , &
même à terre, enfin par-tout ailleurs que dans un
moule , eft grife & douce. Il y a au contraire des
fontes qui dans les mêmes circonftances, font blanches
& dures , & tout le travail des premiers mémoires
de cette partie a eu pour objet de procurer*
des fontes de la première efpèce ; donc il y en a
de réellement différentes par la difpofition qu’elles
ont à devenir plus dures.
Je n’examine point aétuellement la fiource de
cette différence : il nous fuffit de favoir que celles
qui n’auroient pu fortir du creufet que blanches ,
en fortiront grifes lorfqu’elles auront été recuites ;
que les fontes au contraire, qui auront été coulées
grifes, fortiront blanches fi elles font tenues trop
long-temps au feu. Nous ajouterons pourtant qu au
moyen de moules bien chauôes , il y a des fontes
de bonne qualité qui pourront être coulées douces
dans les moules fans avoir befoin même d’être
fondues avec nos poudres de charbon & d’os. Mais
revenons au cara&ère de nos fontes, & à la preuve
de ce que nous venons de dire a 1 avantage de
quelques-unes.
U eft vrai qu’efi général toure fonte qui ne fdra
pas trempée peut être douce ; mais il eft vrai auffi
r Vvv y