
effet de fable , d’eau, de liège, & d’un chiffon : cela
s’appelle blanchir, & les ouvriers & ouvrières occupés
à ce travail, blanchijfeurs.
Après l’écurage ou blanchiment des feuilles, on
les jette à l’eau pour les préferver de la groffe rouille
; la rouille fine qui s’y forme, tombe d’elle-même :
c’eft de-là qu’elles panent à l’étamage.
L’atelier d’étamage E „ confifte en une chaudière
de fer fondu, E , placée dans le milieu d’une efpèce
de table de plaques de fer inclinées légèrement vers
la chaudière qu’elles continuent proprement. Cette
chaudière a beaucoup plus de profondeur que n’a dé
hauteur la feuille qui s’y plonge toujours verticalement
, & jamais à plat ; elle contient 1500 à 2000
d’étain. Dans le maflif qui foutient ceci, eft pratiqué
un four, comme de boulanger, dont la cheminée
eft fur la gueule , & qui n’a d’autre ouverture
que cette gueule, qui eft oppofée au côté de l’éta-
meur. Ce four fe chauffe avec du bois.
L’étamage doit commencer àfix heures du matin.
La veille de ce jour, l’étameur met fon étain à
fondre en F même Pl. ƒ / , à dix heures du foir ; il
fait feu , fon étain eft bientôt fondu : il le laiffe fix
heures en fufion, puis il y introduit Yarcane, qu’on
ignore ; il eft à préfumer que c’eft du cuivre , & ce
foupçon eft fondé fur ce que la chofe qu’on ajoute jj
doit fervir à la foudure : or le cuivre peut avoir
cette qualité, puifqu’il eft d’une fufibilité moyenne
entre le fer & l’étain. Peut-être faudroit-il employer
celui qui a été enlevé des vaiffeaux de cuivre éta-
més , & qui a déjà avec lui une partie d’étain.
Il ne faut ni trop ni trop peu d’arcane.
L’arcane eft en -fi petite quantité dans l’étain,
qu’en enlevant l’étamagê d’un grand nombre de
plaques de fer étamées, & faifant l’effai de cet étain,
on ne peut rendre l’addition fenfible : il faut donc
très-peu d’addition. Nous pouvons affurer que c’eft
un alliage ; mais s’il en faut peu, il ne faut non plus
ni trop ni trop peu de feu. Mais ces chofes ne fe
décrivent point, & font l’ouvrier; elles confiftent
dans un degré qui ne s’apprécie que par l’ufage.
On fait fondre l’étain fous un teEtum de fuif de
quatre à cinq pouces d’épaiffeur, parce que l’étain
fondu fe calcine facilement quand il eft en fufion, &
qu’il a communication avec l’air. Cette précaution
empêohe la communication , & peut même réduire
quelque petite portion d’étain qui pourroit fe calciner;
fecret que n’ignorent point les fondeurs de
cuillers d’étain. Ils favent bien que la prétendue
craffe qui fe forme à la furface de l’étain qu’ils fondent,
eft une véritable chaux d’étain qu’ils pourront
réduire en la fondant avec du fuif ou autre
matière graffe. Ce tectum, de fuif eft de fuif brûlé , &
c’eft là ce qui lui donne fa couleur noire.
Dès les fix heures du matin, lorfque l’étain a le
degré de chaleur convenable ( car s’il n’eft pas affez
chaud , il ne s’attache point au fer ; trop chaud, l’étamage
eft trop mince & inégal ) , on commence à
travailler. On trempe dans l’étain, les feuilles retirées
de l’eai} ; l’ouvrier les jette enfuite à côté,
fans s*embarraffer de les féparer les unes des autres,
& en effet elles font prefque toutes prifes enfemble.
Ce premier travail fait fur toutes les feuilles, l’ouvrier
en reprend une partie qu’il trempe toutes enfemble
dans fon étain fondu.: il les y tourne, retourne
en tout fens , divifant, foudivifant fon paquet
fans le fortir de la chaudière ; puis il les prend
une à une, & les trempe féparément dans un efpace
féparé par une plaque de fer qui forme dans la chaudière
même un retranchement. Il les tire donc de
la grande partie de la chaudière, pour les plonger
une à une dans ce retranchement.
Cela fait, il les mèt à égoutter fur deux petites
barres de fer affemblées parallèlement, & hériffées
d’autres petites barres de fer fixées perpendiculairement
fur chacune, comme en n , même Pl. II. Les
feuilles font placées fur les barres de fer parallèles
qui les foutiennent, & entre les barres verticales qui
les confervent verticales.
Une petite fille 0 , prend chaque feuille de deffus
l’égouttoir ; & s’il y a de petites places qui n’ayent
pas pris l’étain , elle les racle fortement avec une efpèce
de grattoir, & les remet à côté de l’atelier,
d’où elles retourneront à l’étamage. Quant à celles
qui font parfaites , elles font diftribuées à des filles
qui avec de la fciûre de bois & de la moufle, les
frottent long-temps pour les dégraiffer ; après quoi
il ne s’agit plus que d’emporter une efpèce de li-
fière ou rebord qui s’eft formé à l’iin des côtés de
la feuille tandis qu’on les mettoit à égoutter. Pour
cet effet on trempe exa&ement ce rebord dans l’étain
fondu, en q. Il y a un point à obferver , c’eft
qu’il ne faut tremper ni trop ni trop peu long-temps,
fans quoi un des étains , en coulant, feroit couler
l’autre , & la plaque refteroit noire & imparfaite.
Les défauts principaux de cette lifière font de fe
calciner, ronger, détruire , fur-tout dans les ouvrages
qui doivent fouffrir le feu , où elle ne devroit
jamais fe trouver. Après cette immerfion , un ouvrier
frotte fortement des deux côtés l’endroit
trem p é a ve c dé la moufle, emporte l’étain fu-
perflu, & les feuilles font faites.
On fait des plaques de différentes largeur , longueur
& épaiffeur : les ouvriers difent que le profit
eft immenfe. La fabrique eft à Manfvaux en Alface.
p , chaudière où l’on fait fondre le fuif. q , fourneau
d’étain fondu pour les rebords.
Travail du fer blanc.
Nous allons reprendre, d’après l’Encyclopédie
les opérations d’une fabrique de fer blanc , dont
ou vient de donner un apperçu qui mettra en état
d’entrer dans les détails luivan$.
Première inflruEtion,
Pour une manufacture de fer blanc, il faut un martinet
à queue, un à drofme , le premier pour monter
un marteau de trois à quatre cents ; le fécond pour
un marteau de fept à huit cents , le tout de fer fur
des enclumes de fonte plates , & d’environ un pied
& demi efi carré ; le marteau du martinet de quatre
pouces, dérive fur un pied , & le gros marteau de
quinze pouces , dérive fur quatre pouces , arrondi
d’environ un pouce de retraite fur les bords, les
aires bien aciérées -, le manche-du marteau monté
prefque tout droit;/
On prend du fer en barres , qu’on chauffe dans
une chaufferie haute, à un fouffiet de cuir, pour être
battu d’abord fur le martinet à queue & élargi d’un
pouce ; on replie & laiffe cette bavure : cette première
opération s’appelle languette, & doit faire
deux feuilles. Les languettes yéparées , on en porte
deux à un fécond feu auffi a vent & charbon ; &
quand elles ont le degré de chaleur pour être battues
, on prend deux languettes à la fois pour être
battues fous le gros marteau, ce qui les élargit d’environ
un demi-pied , & leur donne le nom de fe melle;
l’ouvrier, pour empêcher qu’elles ne fondent,
les trempe dans les cendres du foyer.
Quand on a cinquante femelles , ce qu’on appelle
une troujfe , pour le petit modèle , & vingt-cinq ou
trente pour le grand, un goujard les trempe dans
une eau d’argile , & on les porte dans un four de
réverbère , fur deux chenets de fonte : on y met
quatre à cinq trouffes à la fois. Les trouffes font
tenues par les bouts par des liens de fe r , & fe
chauffent fur le côté : quand elles font au degré de
chaleur convenable ,on enfaifitune avec une groffe
tenaille, pour être portée fous le gros marteau,
où les feuilles font amincies , & de-là portées au
four : la fécondé fois qu’elle fort du marteau, l’ouvrier
examine les feuilles, & les arrange fuivant
qu’elles le demandent, mettant à l’extérieur celles
qui étaient au milieu ; de-là les porte au four pour
la troifième fois, & achève de les battre.
Les feuilles battues fe coupent chaudes à la ci-
faille ; elles font de-là portées à la blancherie où il
y a d’autres cifailleurs qui choififfent ce qui eft bon à
être blanchi, & lui donnent les proportions convenables.
Cela fait, on porte les feuilles dans une cave
voûtée où il n’y entre point d’air ; on laiffe feulement
la porte ouverte pour travailler : il y a toujours
un brafier allumé , & des tonneaux tout-autour
de la cave , remplis d’eau chaude & de feigle
concaffé, auquel on donne un levain avec du verjus
pour aigrir : on met de cet aigre dans chaque tonneau
, oc dans chaque tonneau une quantité de
feuilles qu’on place debout ; cet aigre doit durer
quinze jours , en rafraîchiffant néanmoins.
Chaque ouvrier a cinq tonneaux à gouverner.
Dans le premier il met la tôle le matin , & le foir il
retourne les feuilles de haut en bas ; au bout de vingt-
quatre heures , les feuilles du premier tonneau fe
mettent dans le fécond, du fécond dans le troifième,
& on remet de nouvelles feuilles dans le premier ,*
& ainfi tous les jours jufqu’au cinquième tonneau.
Au bout de vingt-quatre heures de féjour dans le
cinquième tonneau, on porte les feuilles au récurage
: d’abord on les place dans des tonneaux d’eau
fraîche à portée des ouvriers.
L’atelier du récurage eft une chambre bien fermée
, garnie d’auges de bois ; fur le rebord des
auges, on rince les feuilles avec fable & guenilles :
on prend foin, crainte de la rouille, de laiffer le
fer toujours dans des tonneaux pleins d’eau ; quand
elles font récurées, on les met dans des tonneaux
remplis d’eau fraîche ; tant que le fer eft dans l’eau,
il ne fe rouille point : une bonne ouvrière peut récurer
cinq ou fix cents feuilles par jour.
Du récurage on porte le fer àl’étamage. Le creufet
eft de fonte, & garni avec des rebords , monté fur
un fourneau. Il peut contenir mille à douze cents
livres d’étain avec une partie de cuivre rouge.
Quand le mélange a le degré de chaleur convenable
, on y jette du fuif noir qui refte & bouillonne
deffus, à travers lequel paffent les feuilles toutes
mouillées, & on trempe à la fois trente feuilles
tenues par une tenaille ; au fôrtir du creufet , on
pofe les feuilles dans des caffes féparées pour
égoutter; on les remet toutes chaudes à des frot-
teufes au fon. Elles font examinées par unouvrier ;
celles qu’on trouve bien fe trempent par bord dans
un creufet rond où il y a de l’étamage en bain &
fans fuif, pour leur faire la lifière: on comprime &
enlève l’excédent de l’étamage, en frottant la li-
zière avec de la moufle. De-là on paffe les feuilles
dans une chambre garnie d’un poêle chauffé avec du
bois ; il y a des frotteufes qui dégraiffent les feuilles
avec du fon qui a déjà ferv i, ce qui fe fait deux
fois ; la troifième fois, on emploie du fon neuf : on
ôte le fon avec un morceau d’étoffe de laine ; on
met enfemble plufieurs feuilles , & on les bat fur
un bloc de bois bien uni ; avec un marteau de fer
bien poli ; ce qu’on appelle parer ; enfuite on fait le
triage, & on range les feuilles en quatre claffes ;
les plus minces fe nomment fleurs ; celles qui fui-
v en t, la, fimple croix • ; enfuite , la double croix ;
finalement, la triple croix. Le petit modèle a un
pied , fur neuf pouces ; le grand modèle , quinze
fur douze. Les barils en France font de trois cents
feuilles ; en Allemagne de quatre cents cinquante.
Une feuille de grand modèle pèfe environ une
livre ; le baril du petit modèle pèfe de cent cin-'
quante à cent quatre-vingt livres.
■ Secondes inflruStions.
Manière de monter un creufet propre à étamer
dix-huit cents feuilles de, tôle , petit modèle, tous
les jours de travail fans interruption, & des uften-
files & ingrédiens néceffaires.
Le creufet eft de fonte , & a quatre faces, quinze
pouces de profondeur , fur quinze pouces de la face
du devant à celle de derrière , ^ treize pouces de
la face droite à la face gauche ; dans cette forme,
enchâffé dans un fourneau de briques pour être
chauffé; au-deffus eft un mur vis-à-vis l’étameur;
il eft élevé de cinq pieds & demi en maçonnerie ;