
La règle pour la mefure des bois, eft, par l’ordonnance
, fixée à cènt perches de vingt-deux pieds de
roi pour un arpent. Les arpenteurs font joints aux
corps des maitriies, pour travailler dans l’étendue de
leurs reflorts. Je ne puis pafler fous filence un abus
prodigieux : les bois font communément dans de
grandes inégalités, hauteurs & profondeurs : on
traîne la chaîne en montant, on la traîne en defcen-
dant dans une furface convexe ; c’eft la demi-circonférence
, ou autre courbe qui eft mefurée, pendant
que ce devroit être la fafe.
A r t . VIII. De l'air.
L’air, abfolument néceflaire pour là fufion des
imines dans les fourneaux, l’eft de même pour les
forges, fonderies , & c .; il eft fimplement queftion
d ’en proportionner la force 8c la direction fuivant le
■ genre de travail.
On communique l’air à des foyers par le moyen
de l’eau, ou de foufflets, ou d’ouvertures expofées à
l ’air libre.
Le premier moyen veut une chute confidérable ,
quoique d’une petite quantité d’eau. Suppofons deux
ou trois pouces tombant de douze ou quinze pieds ;
vous aurez fur le fol du fourneau ou de la forge, du
côté & au bas de la tuyère, un baflin percé par le
fond d’une ouverture proportionnée à l’eau qui doit
.tomber : le deflus de ce baflin fera encore percé vis-
à-vîs le trou de la tuyère ; à cette Ouverture il faut
adapter un robinet qui, étant ouvert, laifle entrer
l ’air par-la tuyère, & ferme le jet de côté. Aüdefliis
de ce baflin fera adapté 8c fcellé un tuyau perpendiculaire
de la hauteur de la chute, au deflus duquel
i l y a un entonnoir qui reçoit l’eau à l’air libre : cette
eau eft amenée par une conduite, qui ne laifle pafler
qu’une quantité déterminée & exaéte.
L’eau entrant dans le tuyau avec beaucoup d’air,
& tombant perpendiculairement, eft déterminée
par fon poids à s’échapper par l’ouverture d’en bas ;
l ’air moins pefant trouvant une ifliie ouverte du
côté de la tuyère, s’échappe avec une forcé proportionnée
à la hauteur & à la largeur du tuyau. La
difficulté d’avoir de pareilles chûtes & une quantité
régulière d’eau, les gelées 8c autres inconvéniens,
n’ont pas donné à une machine fi fimple tout le
.crédit qu’elle devroit avoir; l’habitude ne laiflant
pas même entrevoir les reflources des différentes
pofitions.
Le fécond moyen a été d’employer des foufflets :
d’abord on les a faits de cuir, plus grands, mais de la
même forme que ceux des petites boutiques, ils
étoient mus par l’eau & rabaiffés par des contrepoids.
Depuis peu on.a trouvé une* manière plus in-
génieufê & fujette à moins d’entretien,. en les fai-
fa nt-de bois.; en voici la- conftruâion, tant pour les
fourneaux que pour les forges ; ils ne différent que
par la grandeur : ceux dès fourneaux ont depuis
quinze jufqu’à vingt pieds de longueur ceux.des
forges, depuis tept jufqu’à neuf pieds, fur la largeur
proportionnée^ M. de Réaufljur a calculé qu’un
foufflet de forge de fept pieds & demi de longueur
jufqu’à la tête, de quarante-deux pouces de largeur,
finiffant à quatorze fur l’élévation de la caiffe, de
quatorze pouces à fa plus grande portion de cercle,
donne 20151 pouces & un tiers en bas, pour le volume
d’air pouffé par chaque coup de foufflet; qu’un
foufflet de fourneau de 14 pieds de longueur donne
98280 pouces en bas.
Les foufflets font compofés du fond & de la caiffe :
lç fond du foufflet de fourneau eft une table de bois
de quinze pieds de longueur jufqu’à la tête, fur cinq
pieds de largeur dans le deflus, finiffant à dix-huit
pouces vers la tête ; prolongée de dix-huit pouces,
finiffant à un pied de largeur , pour faire le fond de
la tête. Sur cette table feront fermement attachés
tout autour , jufqu’à la tête , des rebords de fix
pouces de hauteur fur trois à quatre pouces d’épaif-
feur, bien dreffés: fur ces rebords vous appareillerez
des tringles de bois auffi bien drefflêes, enclavées
par leurs extrémités les unes dans les autres,
par une encoche & un tenon mobile; & dans les
coins, par des encoches fur le plat à mi-bois. Il
faut trois ou quatre tringles de chaque côté, deux
au deflus, deux vers la tête : ces tringles s’appellent
liteaux ; ces liteaux, feront affermis par des men-
tonnets : le mentonnet eft compofé de la racine qui
fe cloue en dedans des rebords » formant un angle
droit avec le menton, & tenus enfemble par un
j tenon & une mortoife : on arrache & place les
mentonnets fuivant le befoin ; il faut que le menton
ferre les liteaux de façon qu’ils puiflent fe
mouvoir fans fe déranger. Entre le mentonnet &
les liteaux, on paffe dans un trait de fcie pratiqué
dans la racine du mentonnet , des reflorts qui
pouffent les liteaux en dehors d’environ un pouce.
On graiffe de bonne huile d’olive le deflus des
rebords, liteaux & mentons ; & on ferre les liteaux
contre les reflorts avec des tourniquets de bois attachés
en dehors des rebords. On décloue ces tourni-,
quets à mefure que la caifle emboîte les liteaux.
Dans le fond, à un pied du deflbus, on fait un
trou carré de quinze pouces de diamètre, pour qu’un
ouvrier puiffé y pafler dans le befoin : on couvre
cette ouverture d’un morceau de bois à charnières,
d’un côté garni en deflbus de peau de mouton en
poil,. & retenu en defluspar une courroie lâche de
cuir, de façon qu’il puiffe lever , baifler & fèrmer
exactement : cela fait l’office d’une foupape , &
s’appelle le venteau.
Le fond du foufflet, depuis le rebord du côté de
la~tê.te, eft alongé, comme nous l’avons dit, de dix-
huit pouces, fiuiflant à douze r cet excédent dans fa
longueur , fert à loger l’épaifleur d’un tuyau- de fer
couché deflus; ce tuyau a quatre pouces de diamètre
, finiffant à deux; & deux pieds & demi de longueur
au-delà de l’alongement : ée tuyau s’appelle
bure ou beufe. La tête eft un morceau de bois ex*
cave pour emboîter la beufé ,, bien attaché à l’albn-
gement- qui fait le fond , finiffant de même à u&
pied d’épaifleur : le tout bien lié en fer»-
Dans le deflus de la tête, à fept ou huit pouces
des liteaux, on fait une encoche terminée en demi-
cercle de deux pouces de profondeur fur un pouce
de diamètre, propre à recevoir une cheville de fer :
vers les liteaux de la tête , vous ôtez affez de bois
pour placer librement te bout de la caifle, contre lequel
ces liteaux doivent frotter.
La caiffe eft un coffre de bois de trois ou quatre
pouces d’épaifleur , de la même figure que le fond :
les côtés qu’on appelle' panne, fervent- à emboîter
le fond, fur le jeu de deux ou trois lignes. Les bouts
des deux côtés de la panne font prolongés d’un
pied, & , à quatre pouces de l’extrémité , traverfés
d’une cheville de fer qui fe place naturellement
dans l’encoche qui lui eft préparée : en dehors de
chaque côté de cette cheville, entre la tête & la
panne, il y a des clés de fer qui la reçoivent pour
être arrêtée en deflbus ; ce qui rend cette cheville
affez ferme pour n’avoir de mouvement que fur
elle-même.
Cette cheville doit être regardée comme le centre
du mouvement de la caifle, dont le. bout d’en haut
doit être taillé en portion de cercle partant du
centre : voilà le grand myftère des fouffletiers.
Quand la caiffe monte & baiffe, elle décrit plus
d’efpace à mefure qu’elle s’éloigne du centre du
mouvement ; c’eft ce qui doit faire la règle pour la
hauteur des côtés, q ui, dans le foufflet que nous
décrivons, pourroient avoir trois pieds & demi
dans le bout d’en haut , finiffant à huit ou dix
pouces.
Pour loger la caifle, vous la placez fur un levier
qui traverfe le milieu du fond , portant fur les
liteaux ; vous placez la cheville ouvrière, & l’ar- j
rêtez : la caiffe commençant à emboîter partie des 1
liteaux, vous éloignez le levier du centre , & à
mefure que la caiffe fe loge , vous arrachez les tourniquets
qui tenoient les liteaux.
Il eft inutile de dire avec quelle exaéfitude les
côtés de la caiffe doivent être joints , polis , 8c
graiffés, puifque tout l’effet de la machine dépend
de la précifion , qui doit être affez grande pour ne
laiffer d’autre fortie à l’air que l’ouverture de la
bure.
Les caiffes des foufflets , ainfi que les fonds , fe
font avec du bois léger & fec, de trois ou quatre
pouces d’épaiffeur. Quand les foufflets ne font plus
le travail néceflaire, par la perte du v ent, on les
relève en defferrant la cheville , ôtant la caifle,
nettoyant & vifitant tous les joints St les liteaux,
& collant fur les endroits qu’on entrevoit donner
paffage à l’air , des bandes de bafane. C’eft une fort
bonne méthode que de garnir le fond du foufflet
proche la tête avec des lames de fer blanc ou fer
battu. Le devant de la tête expofé à gercer , fe
remplit avec colle & coins de bois, 8c s’enduit
de bourre détrempée dans de la colle de farine de
feigle.
Le fond des foufflets , vers le venteau, eft fou-
tenu fur des chey'alets qui y font attachés ; St la tête
porte fur tin banc de pierre, qui eft placé devant 8c
faus la tuyère. On a encore foin de les appuyer
dans le milieu fur des blocs de bois, qu’on place
©u on juge à propos : les foufflets font bandés contre
lesmaraftres par des morceaux de bois qui appuient
fur la tête., afin de rendre le fond imnjobile.
La caifle des foufflets eft armée.par deflus de deux
anneaux de fe r , dans lefquels on paffe un double
crochet de fer plié par le deflus , répondant à un
autre crochet mobile enclàvé dans le fond des
bafcules.
La bafcule eft un levier dont le point d’appui eft
environ aux deux cinquièmes de fa longueur ; un
bout répondant aux crochets du foufflet, & l’autre
chargé de pierre , pour faire le contre-poids. Le
deflus de la caifle eft auffi garni de deux boîtes- de
fer, dans lefquelles paffe oc eft arrêtée une lame1
épaiffe de fe r , débordant le deflus de la caifle de
quatre ou cinq pouces, finiffant en portion de cercle ;
cela s’appelle balijcorne ou baffecon.de.
Pour donner le mouvement aux foufflets , foit de
fourneaux, foit de forges, vous avez un courfier
qui communique à l’empalement du travail, ou une
huche avec rouet & lanterne ; dans l’un & l’autre
cas, l’eau fait mouvoir une roue qui donne le mouvement
à un gros cylindre de bois , paflant &
tournant devant les bàffecondes ; cet arbre eft armé
de fix cames à tiers-point, trois pour chaque foufflet.
Une came eft un morceau de bois debout, enclavé
8c ferré dans des mortaifes pratiquées à cet
effet : les cames doivent être bien évidées du talon ,
& arrondies comme les bàffecondes, afin que quand
elles travaillent, elles tendent à abaiffer la caifle ,
& non à la pouffer. Quand une came a fait baifler
lin foufflet, elle échappe ; 8c le contre-poids le fait
relever péndant que l’autre foufflet baiffe : moyennant
quoi, pour avoir le.vent fans relâche , il faut
deux foufflets ; le foufflet lève , le venteau s’ouvre
8c laifle entrer l’air : quand la came le preffe, le
venteau fe ferme par fon propre poids, 8c4’air eft
! obligé de fortir par la bure.
j ■ Comme les foufflets de forge demandent par leur
étendue moins de force, au lieu de contre-poids ,
leurs crochet ou chaînes répondent aux extrémités
d’un ‘balancier en bois, ou de fer, appelé courbotte :
ce balancier eft attaché par le milieu à une perche
flexible ; l’un par conféquent ne peut baifler que
l’autre ne lève ; 8c la perché, par fon élafticité, fe
prête aux dîfférens mouvemens.
En général, foit fourneau ou forge, le fond des
foufflets doit être mis en ligne parallèle à celle du
fond dé l’ouvrage ; & la véritable dire&ion eft celle
félon laquelle- le fouffle des deux foufflets fe rencontre
au milieu de l’ouvrage.
A r t . IX. Des fourneaux.
Pour fe former une idée utile d’un fourneau à
fondre la mine de fe r , il faut voir les différentes
parties qui le compofent, 8c ne pas oublier qu’il
doit réfifter à trois agens , l’eau, l’air 8c'le feu,
Z z z ij