
rafler d’autres expédiens , il femble qu’il n’y aurait
qu’à établir des ateliers pour mouler les ouvrages
auprès de ces fourneaux, & couler- leur fonte dans
les moules préparés. Cependant plufieurs inconvé-
niens réels,dont nous avons déjà parlé, s’y oppofent.
i°. Ces fourneaux d’où la fonte coule douce, n’en
donnent pas conftamment de.telle. J’ai fouvent cafle
une marmite, dont une moitié ou à peu près étoit
grife, & dont l’autre moitié étoit blanche : d’un-côté „
elle étoit limable, & de l’autre elle ne l’étoit point.
20. Toutes ces fontes grifes naturellement lima-
blés font communément trop grifes ; elles ne fau-
roient prendre une belle couleur de fer, ^quoique
limées & polies : elles reftent trop ternes & trop ^
brunes. 30. Çes fontes ne peuvent prefque point ’
être traitées avec le cifelet ; elles s’égrènent. 40. Enfin
ces fontes qui peuvent être coulées grifes & douces
hors du fourneau, fouvent ne relieraient pas telles
après être entrées dans les moules. Cette proposition
efl une efpèce d’énigme que nous expliquerons
ailleurs.
Les fontes qui fortent grifes des fourneaux, outre
qu’elles pèchent par la couleur & par le corps , ne
font donc pas douces aflez conftamment. Malgré
les deux premiers défauts, fi en fondant une fécondé
fois celles qui font douces , il eût été pofli-
ble de leur conferver leur douceur ; fi une fécondé
fufion ne la leur enlevoit point, il ferait aifé de ne
mettre dans les creufets que de la fonte douce ;
on la concafleroit par petits morceaux ; on examinerait
la couleur de ces morceaux les uns après les
autres : ainJi on ne rempliroit le creufet que de
fonte convenable. Si en fondant elle s’y coniervoit
telle, ou en pourrait faire des ouvrages auxquels
la couleur & le corps importent peu , fous ceux
qui n’ont befoin que d’être limés & groffiérement
réparés, & auxquels même on donne une couleur
, comme font les balcons & les vafes à fleurs,
& divers autres ouvrages. Mais le noeud qui .a
arrêté, qui a empêché de faire ufage de cette fonte,
c’eft, comme nous l’avons dit, que celles qui ont
été mifes grifes & limables dans le creufet , en
fortent très-blanches & très-dures ; elles y perdent
la propriété de fe laifler limer.
La couleur de ces fontes m’avoit trop prévenu
contre elles, & m’avoit fait négliger de chercher
à en faire ufage. Ayant depuis donné plus d’attention
à un des phénomènes ordinaires de notre art,
favoir, que les fontes les plus blanches qu’on radoucit
deviennent elles-mêmes néceflairement des
fontes grifes , puifqu’il faut abfolument qu’elles
paffent par differentes nuances de gris avant, de
devenir fer à grain blanc , l’avantage que j’avois
attribué aux fontes blanches fur les grifes , me
parut moins fondé , & je crus qu’il y àvoit beaucoup
à. rabattre des idées que j’avais, eues des
blanches ,, que leur couleur m’avoit fait regarder
comme plus affinées \ que L’efprit fyftématique auquel
on s’abandonne „ pour peu qu’on cefle d’être
fur fes gardes x m’avoit fait prendre parti trop vite i
•& qu’en un mot, ce ferait un fecret important que
celui de pouvoir couler douces hors d’un creufet
les fontes qui y avoient été mifes telles.
Une expérience que je ne m’étois pas propofé de
faire, me détermina à lé chercher. J’avois donné
de la fonte grife pour être refondue ; je voulois
même la changer en fonte blanche que je deftinois
à des épreuves d’adouciffement. Contre mon gré,
elle fortit du creufet à peu près aufli grife qu’elle
y étoit entrée, & très-limable en bien des endroits :
elle avoit été jetée feule dans ce creufet ; aucune
circonftance particulière ne fembloit avoir contribué
à lui conferver fa première couleur ; une infinité
d’expériences faites autrefois ne me permet-
toient pourtant pas de douter que cette même
fonte ne fût devenue très-blanche & très-dure, fi
élie eût été tenue en fufion plus long-temps. Si
elle avoit confervé fa couleur grife, je ne pouvois
donc l’attribuer qu’à ce qu’elle avoit été vèrfée
hors du creufet auffitôt qu’elle avoit été en fufion.
Rien n'eût été plus fimple que cet expédient, pour
couler de la fonte douce, pourvu que le temps
pendant lequel elle refte en cet état, ne fût pas
trop court pour 'être facile à faifir.
Pour favoir combien il pouvoit durer, je remis
de la même fonte grife dans un creufet : dès que
je vis" qu’elle étoit fluide, jê retirai un peu de cette
fonte avec une cuiller de fer. Je l’efîayai quand
elle fut refroidie , & je la trouvai limable & de
couleur grife. Un quart d’heure après, je répétai
la même manoeuvre : la fonte tirée cette fécondé
fois cédoit encore à la lime, mais aflez difficilement.
Enfin celle qui fut tirée après un autre quart
d’heure ne fe laiflbit plus du tout limer.
La fonte grife, ou au moins de la fonte grife de
l’efpèce de celle dont je viens de parler, étant tirée
promptement du creufet, pourrait donc relier douce
; mais peut-être feroit-il difficile de faifir l’inf-
tant où cette fonte aurait aflez de fluidité pour
couler, fans avoir aflez long-temps fouffert le feu
pour être devenue blanche & dure au moins en
partie. D ’ailleurs ,, celle qui avoit donné occafion
à ces épreuves, & qui avoit coulé, douce la première
fois ,.fans qu’on fe fût etnbarraffé de lui conferver
cette qualité, pouvoit avoir des difpofitions
favorables, peuf-être difficiles-à retrouver dans les
autres fontes grifes.. J’ai donc cru devoir eflayer
plufieurs de ces. différentes fontes ; je les failois
verfer dès qu’elles me paraifloient fluides.,, mais
c’a été avec des fuccès très-différens.. Il y a eu telle
fonte grife & même noire qui u’a pas été plutôt
fondue , qu’elle a été blanche &. dure. D ’autres
fois, de la. fonte, efl fortie grife. du creufet ; & lorsque
cette expérie&ce a été répétée, elle efl fortie
blanche , & cela quoique les morceaux mis dans
l’un & l’autre creufet fuffent des fragmens d’une
même pièce, 8c que ces fragmens euflent été tous
mêlés enfemble ; cela m’eft même, arrivé enrépétant:
les expériences fur cette même fonte, qui m’avoitcléterminé
à eflayer les autres : j’en ai tiré du creufet
auffitôt qu’elle a été fondue, qui s’eft trouvée dure.
Dès que le fuccès ferait aufli incertain , il n’y
a pas d’apparence que des oiivriers cherchaflent à
jeter ces fontes en moule, dans la vue d’avoir des
ouvrages doux. Tout ce qui efl de pratique doit
être fondé fur des règles non fujettes à varier; mais
pour moi, il me parut que c’étoit beaucoup , que
c’étoit avoir fait un grand pas , que d’avoir appris
que dans quelques circonftances on pouvoit couler
hors du creufet une fonte, entièrement douce &
grife ; dès lors il ne me parut plus impoffible de
trouver des règles pour avoir conftamment cet effet.
Si la fonte vient tantôt dure & tantôt douce, il
y a quelques circonftances qui font varier l’opération
, ,& tout fe réduifoit à les démêler.
J’imaginai que les creufets pouvoient y avoir
part ; ceux dont je me fervis ètoient de nos glaifes
des environs de Paris. On trouve dans ces glaifes
quantité de pyrites qui contiennent de véritable
foufre commun, ce foufre peut entrer dans la com-
pofition du creufet ; il y en a eu tel qui, lorfqu’on
le retiroit du feu , répandoit une véritable odeur
de foufre commun. Il me parut poffible que, félon
que le creufet auroit eu plus ou moins de foufre,
la fonte auroit été endurcie plus promptement ou
plus lentement. J’en fondis qui auroit dû couler
douce dans des creufets qui ne pouvoient pas être
foupçonnés de contenir du foufre dans nos creufets
de Beauvais ; & j’eus de la fonte dure, lorfque
j’en ci:erchois de douce.
Je fiSjfaire d’aùtres creufets avec très-peu de terre
& beaucoup de mine de plomb. Dans quelques-uns
la_mine entrait pour plus des deux tiers, ou des
trois quarts. Ces creufets me firent voir les mêmes
irrégularités que les autres m’avoient montrées.
Tantôt j’en retirai de la fonte blanche , & tantôt de
la fonte grife.
Les expériences que nous avons faites, foit par
rapport à la converfion du fer en acier, foit pour
l’adouciflement des ouvrages de fer fondu, nous
ont conduits à penfer que les foufres endurciffent
le fer & la fonte. Celles que nous faifons à préfent,
nous mettront en état par la fuite de mieux démêler
cette idée : avant qu’elle fût aflez développée
, j’imaginai que les foufres qui étoient néeef-
faires pour donner à la fonte une. parfaite fluidité,
étoient les mêmes qui produifoient fon endurciiie-
ment ; que le feu même qui la rendoit fluide , qui
l’entretenoit en mouvement, lui donnoit fes propres
foufres : d’où il me parut probable qu’en la failant
fondre dans des creufets de fer forgé , on pourrait
l’y conferver douce, & cela parce que le ter beaucoup
plus dénué de foufres, retiendrait ceux qui
pénètrent au travers des creufets de terre , ôc peut-
être même boirait une, partie de ceux.de la fonte..
Je fis donc fondre delà fonte dans des creufets de.
fer forgé. Les premières expériences parurent répondre
à mon attente ; mais elle fut trompée,,
lorfque je les eus répétées autant de fois que je le
croyois néceffaire pour compter fur leur fuccès ; je
trouvai les mêmes variétés que ci-devant, c’eft-
à-dire , tantôt des fontes blanches, & tantôt des
fontes grifes.
Nos recuits , & fur-tout ceux que nous avons
faits ci-devant au feu immédiat, foit avec enduit
foit fans enduit, nous ont fait voir que la fonte
mife dans un creufet pour y être fondue , quelque
blanche, quelque dure qu’elle foit, doit s’y adoucir,
au moins en partie , avant d’être mife en fufion. Car
ces expériences nous ont appris qu’un violent degré
de chaleur y produit un adouciffement certain*
La fonte d’un creufet, avant de devenir fluide , a
fouffert ce violent degré de chaleur ; par la même
raifon, les fontes, déjà douces doivent s’adoucir de
plus en plus avant de devenir coulantes. Il me
parut curieux & même néceffaire pour éclaircir ce
que je cherchois , de favoir fi le temps précifément
où de la fonte commence à s’endurcir, efl celui où
elle efl rendue fluide ; toujours me paroît-il certain
que fi quelques fontes étoient rendurcies dans le
creufet avant l’inflant de fufion, il ne falloit pas
attendre que ces mêmes fontes fuffent limables
après quelles auraient été fondues. Je me propofai
donc d’obferver les fontes depuis l’iriftant où elles
auraient été jetées dans le creufet , jufqu’à celui
où elles y deviendroient liquides ; j’en fis concafter
en petits morceaux , j’en remplis, en partie un
creufet ; je fis chauffer le creufet, & d’inftant en
inftant je. retirais des morceaux de cette fonte*
J’éprouvois les {progrès de l’adouciflement, qui
dévoient aller vite , parce qu’on donnoit un grand
feu au creufet. Ces effais furent faits fur différentes
fontes , fur des fontes blanches , fur des fontes qui
avoient été blanches & que l’adouciflement avoit
rendues grifes, & fur des fontes naturellement grifes*
Après avoir fuivi lés unes &les autres attentivement,
j’obfervai que des fontes blanches & de celles
qui tiennent leur couleur grife de l’adouciflement,
après être devenues de plus douces-en plus douces
redevenoient dures avant d’être fondues. Le temps
précis de ce retour n’étoit pas déterminable ; mais
ce qui étoit certain , c’eft que ce même morceau1
de fonte qui fe fût laiffé limer très-aifément s’il eût
été tiré plus tôt du creufet, ne cédoit plus à la;
lime lorfqu’il en étoit tiré un peu plus tard. Le
degré de chaleur qu’opère ce changement efl toujours
proche de celui qui donne la fluidité ;: car les
angles des morceaux qui étoient devenus durs dans
le creufet, avoient été fondus. Mais ce qui démontre
qu’un degré de chaleur moindre que celui que de-'
mande la fufion, opère ce prompt endurciffement y
c’eft que les endroits qui n’avoient point été fondus,,
avoient toutè la dureté poffible. Les plaques dont
nous avons parlé dans le quatrième mémoire de
la première partie, nous ont donné encore plus eiu
grand l’exemple de Hendurciffement produit avant:
La fufion.
Parmi les fontes naturellement grifes , dans quelques
circonftances, j’en ai obfervé qui fe font fèuK