
dire , qu’alors mue horizontalement, elle produit
un trait qui a toute la largeur du bec , & que, mue
perpendiculairement, elle trace un délié.
6°. Appliquer convenablement fes Situations de
plume. On n’a la plume de face que pour quelques
lettres majeures ou terminées par un délié , quelques
lettres mineures , telles que l’S & le T. 11 en
eft de même de la fituation de travers ; d’où l’on
voit que la fituation oblique , qui eft toujours
moyenne entre.les deux autres, qu’on peut regarder
comme fes limites , eft la génératrice de
toutes les écritures. ' *
7°. Ecrire. Pour cet effet, il faut s’exercer longtemps
à pratiquer les préceptes en grand, avant
que de paffer au petit ; commencer par les traits
les plus fimples & les plus élémentaires, & s’y arrêter
jufqu’à ce qu’on les exécute très-parfaitement ;
former des déliés & des pleins ou jambages ; tracer
un délié horizontal de gauche à droite , & le terminer
par un jambage perpendiculaire ; tracer un
délié horizontal de droite à gauche , & lui affocier
un jambage perpendiculaire ; former des lignes
entières de déliés & de jambages tracés alternativement
& de fuite ; former des efpaces carrés de
deux pleins parallèles, & de deux déliés parallèles ;
paffer enfuite aux rondeurs , ou apprendre à placer
les déliés & les pleins; exécuter des lettres, s’inf-
truire de leur forme générale , de la proportion de
leurs différentes parties,. de leurs déliés , de leurs
pleins , &c. affembler les lettres, former des. mots ,
tracer des lignes.
On rapporte la formation de toutes les lettres à
celle de l’I & de l’O . On appelle ces deux voyelles
lettres radicales.
On diftingue phifieurs fortes. d?écritures , qu’on
appelle ou ronde , ou bâtarde , ou coulée..
Je crois, dit M; Dubois * , dansfbn Histoire de
VEcriture , qu’on ne peut mieux, perfectionner la
coulée , que par l’égalité des éloignemens ; & que
I on ne peut parvenir à accoutumer, comme on le
defire , un élève à cette uniformité, que par le
moyen des parallélogrammes : en.effet, j’ai remar-
que, continue cet habile maître , que l’éloignement
inégal, jufqu’à préfent en ufage pour cette écriture,
expofe à la rendre, illifible, lOrfqu’on veut
écrire un peu plus vite ; car, dè cet éloignement,
fuit prefque nécéffairement la rondeur des liaifons,
qui fait que quand on l’écrit en, petit; caractère, il
eft fouvent difficile de diftinguer un u d’avec un n ,
& que cette écriture a un air de lourdeur qui déplaît
aux yeux. O r , des éloignemens égaux redonneront
à l’écriture cet air d’embonpoint qui la fait voir &
lire avec plaifir, & qui d’ailleurs a befoin de très-peu
d’ornemens.
Il en donne un exemple ou un modèle qui prouve
enl faveur de fon fentiment, à la fuite de fon Hif-
toire abrégée de récriture ;, ouvrage inftru&if &
curieux, dédié en. 1772 à MM. de l’académie royale
Dl>bois, expert juré écrivain de la ville de Dijon,,
affocié. de l’académie royale d’écriture.de Paris».
d’écriture à Paris , qui l’ont adopté pour affocié.
Mais nous devons réferver cette inftru&ion fur
toutes les parties de l’art de l’écriture, à un maître
célèbre ; & nous ne pouvons mieux faire que de
nous en rapporter entièrement à cet égard à M.
Paillaffon, expert écrivain juré , qui. ne laiffe rien
à defirer dans la defcription détaillée & raifonnée
de l’efprit, des principes & des procédés de 1 art
qu’il profeffe & qu’il enfeigne avec fuccès. Ceft
donc cet habile écrivain académicien , qui termi-
minera heureufement cet article , par l’expofition
de fa doctrine , & par l’explication de fes beaux modèles
d’écritures , que l’on trouvera dans le fécond
volume des, planches gravées.
Cependant nous allons auparavantparcourir encore
quelques articles relatifs.à l’art de l’écriture,
qu’il eff intéreffant ou curieux de connoître.
L’écrivain eff une éfpèce de peintre qui, avec
la plume & l’encre, peut tracer lur le papier tou-
! tes fortes de beaux traits & de cara&ères.
Comme l’Encyclopédie doit tout aux talens, &
que' l’hiftoire parle de gens fingulièrement habiles
dans l’art d’écrire, il eff jufte de ne pas fupprimer
les noms de quelques-uns de ceux qui fe font dif-
tingués dans cet art .admirable, & qui font parvenus,
à notre connoiffance.
On rapporte que Rocco (G iro lom o ), Vénitien
qui vivoit au commencement du X VIIe. fiècle, étoit
un homme fupérieur en ce genre ; il dédia un livre
manufcrit, gravé fur l’airain,, au duc de Savoie,
l’an 1.603 > orné d’im fi grand nombre de caractères
& tirades de fa main fi'excellemment faites,,
dit Jean Marcel,. que le prince admirant l’induf-
trie de cet homme, lui mit fur le champ au. cou
une chaîne d’or du prix de 1,25 écus.
Nous avons eu ,. ajoute le même auteur, beaucoup
de braves écrivains qui ont fait à: la plume
des livres étonnans dè toutes fortes de caractères,,
comme en France, le Gangneur, Lucas, Jôfferand;
en Italie, D. Augufiin de Sienne ,.M ..Martin de
Romagne,. Camille Buonadio de Plaifance , Creci
Milanois, le Curion Romain ,.le Palatin,, le Sr. M.
Antoine,. Génois..
Il y avoir un peintre Anglois ,. nommé (Eillard,.
lequel faifoit, avec un pinceau , de pareils ouvrages,
que les autres à là plume , .& même pour les-
caractères extrêmement fins & déliés ; ce qui 'eff
encore, plus difficile , car le pinceau ne fe foutient
pas comme une plume à écrire-,
Sinibaldo Scorza, né à Gènes en 1591: & mort
à: l’âge de 41 ans,.. mérite un éloge particulier pour
l’adreffe dè fa main ;. entre, autres preuves de fês
talens,.il copioit.à la plume les effampes d’Albert
Durer ,. de manière à tromper les eounoiffeurs*
d’Italie qui les croyoient gravées , ou qui les pre-
noient pour les originaux mêmes.
Enfin il eff certain que ,, quelque belle que foit'
l’impreffion , les traits d’une main exercée font:
encdre au deffus. Nous avons des manufcrits qu’on-
ne. felaffe pas de confidérer par cette, raifon*~
La fonderie ne peut rien exécuter de plus menu ■
une le caractère qu’on nomme la perle; mais l’adreffe
de la main furpaffe la fonderie. Il y a , dans tous
les pays , des perfonnes qui favent peindre des
caractères encore plus fins, auffi nets , aufli égaux,
& auffi bien formés.
Dans le X V I e. fièçle , un religieux italien, lur-
nommé frere Alumno, renferma tout le fymbole
des apôtres, avec le commencement de l’évangile de
S. Jean, que l’on appelle Yinprinçipio, dans un efpace
grand comme un denier; cet ouvrage fut vu de
fempereur Charles V & du pape Clément V I I ,
qui ne purent s’empêcher de l’admirer.
Spanunchie , gentilhomme Siennois, qui vivoit
fur la fin du xVne. fiècle , tenta la même entre-
prife , & l’exécuta, dit-on , tout auffi parfaitement.
M. de J. rapporte, qu’un gendarme ( le fieur Vincent)
met le pàter en françois fur un papier de là
forme & de la grandeur de l’ongle ; & cette écriture
, vue à la loupé , préfente une netteté charmante
de lettres égales, diftin&es, bien liées, avec
les intervalles entre chaque mot,.les accents, les
points & les virgules.
Avis à ceux qui écrivent.
Un bon avis à donner aux gens qui écrivent
long-temps de fuite, c’eft d’éviter de travailler à
une lumière trop forte; il vaut beaucoup mieux,
à choix égal, faire ufage d’une lumière trop foi-
ble ; l’oeil s’y accoutume bientôt ; on ne peut tout
au plus que le fatiguer en diminuant la quantité
de lumière, & on ne peut manquer de le bleffer :
en la multipliant.
Comparaison d’Ecriture.
On demande f i, parla comparaifon d’écritures *
on peut connoître & convaincre le véritable auteur
d’une écriture conteftée.
L’opinion la plus faine & la plus commune, eff
que rionbbffânt tous les moyens des plus habiles
experts écrivains pour difcerner les écritures, leur
art eff abfolument fautif à cet égard.
L’incertitude de cet art, pour la vérification des
écritures , eff même fi grande, que les nations plus •
jaloufes de protéger l’innocence que de punir le
crime, défendent à leufs. tribunaux d’admettre la
preuve par comparaifon d'écritures dans les procès
criminels i‘ [ ;
Ajoutons rque dans les1 paÿs' où cëtte preuve eff
reçue, les jugés en dernier reffort ne doivent
jamais-la regarder que comme Un indice. j
En vain dit-on que les traits de l’écriture ,
auffi bien que ceux du vifageI portent avec eux
un certain air qui leur eff propre, & que la vue
faifit d’abord.
Je réponds qu’on peut, par l’art & l’habitude,
contrefaire & imiter parfaitement cet air & ces
traits. Les experts qui affurent que telles & telles
écritures font femblables & partent d’une même
ne peuvent jamais fe -fonder que fur une
apparence, un indicé; o r , la vraifemblance de
l ’écriture n’eft pas moins trompeufe que celle du
vifage.- On a vü des fauffaires abufer les juges, les
particuliers, & les experts mêmes, par la conformité
des écritures. On n’en citera ici que quelques
exemples.
L’écriture & la fignature du faux Sébafiien , qui
parutà Venife en 1598, ne furent-elles pas trouvées
conformes à celles que le roi Sébaftien de Portugal
avoient faites , en 1578, lorfqu’il paffa en Afrique
contre les Maures'?
En l’année 1608, un nommé François Fava,'
médecin , reçut la fomme de 10,000 ducats à Ve-
nife, fur de fauffes lettres de change d’Alexandre
Boffa , banquier à Naples , neveu & correfpondant
de celui à qui elles étoient adreffées.
En 1728 , un François reçut à Londres, du banquier
du fieur Charters , une fomme de trois à quatre
mille livres fferling, fur de fauffes lettres de
change que le François avoit faites dé Spa à ce banquier
au nom dudit Charters , après d’autres lettres
d’avis très-détaillées ; & quand Charters vint
en Angleterre, peu de temps après, il refufa de
les acquitter, fachant bien ne les avoir pas écrites
: & cependant il fe trompa à la préfentation
que le banquier lui fit defdites fauffes lettres de
change ; il les prit pour être de fon écriture, quoiqu’elles
fuffent en réalité du frippon qui avoit
fi bien fu l’imiter.
Mais nous ayons un exemple célèbre & plus
ancien que tous les précédens. Nous lifons dans
rhiffoire fecrette de Procopë., une chofe furpre-
nante d’un nommé Prïfcus. Il avoit contrefait
avec tant d’art l’écriture de tout ce qu’il y avoit
de perfonnes de qualité dans la ville qu’il habitoit,
& l’écriturè même des plus célèbres notaires , que
perfonne n’y reconnut rien jufqu’à ce qu’il l’a vouât.
L’hjftoire remarque que la foi qu’on àjoutoit
aux contrats de, ce fauffaire , fut le fujet d’une
conftitution de Juftînien. Auffi cet empereur dé-
" clare, dans la novelle 7 3 , qu’il avoit étê cenvaincû
par fes yeux des inconvéniens de la preuve de la
comparaïfon de l’écriture.
D’ailleurs, cette comparaifon d’écritures ne fait pas
foi par fa propre autorité ; On n’en tire rien que
par indudion, & elle a befoin des çonje&ures des
experts : un juge ne peut trop fe précautionner
contre les apparences trompeufes : il n’eft pas né-
ceffaire qu’il foit un Pyrrhonien qui-doute de tout,
mais il faut qu’il donne une légère créance à tout
ce qui eff de foi-même incertain.
Le fieur Raveneau , écrivain juré à Paris, s’eft
fait connoître dans le dernier fiècle par un livre
très-curieux fur cette matière.
Il compofa, & fit imprimer en 1666, un traité
intitulé : des infcriptions en fa u x , & des reconnoif-
fances d’écriture & de Signatures , dont il déclare
que là comparaifon eff très-incertaine par les règles
de l’art. Il découvre auffi, dans ce livre, le moyen /
d’effacer l ’écriture & de faire revivre celles qui
Z z ij