
La corne doit refter couverte de cette pâte jufqu’à
ce qu’elle foit tout-àrfait sèche ; alors on b rafle le
tou t, & on trouve la' corne en partie opaque & en
partie tranfparente , de forte qu’on peut la prendre
aifément pour de l’écaille , fur-tout fi on la met fur
une feuille de laiton, & qu’on la pare par deffous.
Tl faut de l’rnduftrie & du jugement de la part
de i ’artifte pour clifpofer la pâte de manière à former
une variété de parties tranfparentes de différentes
figures & grandeur, femblabies à ces jeux
de la nature , qu’on rencontre affez fouvent dans
Il ferait encore mieux d’y pouvoir ajouter des
parties à demi tranfparentes ; ce qui fe fera en
mêlant avec un peu de pâte quelque matière qui
aiioiblifle fa vertu , & en en répandant dans quelques
endroits de la corne qu’on veut teindre : par
ce moyen , on produira des taches rougeâtres ,
q u i, fi qlles font entre-mêlées à propos , principalement
fur les bords des parties obfcures, augmenteront
beaucoup la beauté de l’ouvrage , &-fa ref-
femblance à la véritable écaille de tortue.
* Autre manière de teindre la Corne en Écaille.
Prenez une once de litharge d’or , demi-once de
chaux vive ; mêlez & broyez bien le tout enfemble
avec de Turine,- tant que le mélange ne foit ni mou
ni dur , mais en forme de bouillie ; vous en appliquerez
fur la corne , & trois ou quatre heures
après la .corne fera colorée.
Il ne faut cirer ni la corne , ni l’écaille ; mais on
les polit en les frottant d’abord avec de la ponce
broyée à l’eau, enfuite avec un morceau de peau
de buffle & un peu d’huile d’olive , & de tripoli en
poudre très-fine.
Manière d’amollir & de mouler la Corne.
On fait grand ufage de la corne dans les arts.
On s’en fert pour des manches de différens inftru-
mens. On tire de l’extrémité, qui eft folide, des
cornets d’écritoire. On la drefle au feu ; on l’amollit ;
on la lime & polit ; alors on y remarque des marbrures
très-agréables.
Pour l’amollir , la mouler, & lui donner telle
forme qu’on voudra, il faut avoir de l’urine
d’homme, gardée pendant un mois';, on y met de
la chaux vive & de la cendre gravelée, ou de la
lie de vin , le double de chaux, la moitié de cendres.
Ajoutez fur une livre de chaux & une demi-
livre de cendres , quatre onces de tartre & autant
de fel ; mêlez bien le tout ; laiffez bouillir & réduire
un peu le mélange ; paffez-le ; gardez cette leffive
bien couverte. Quand vous voudrez amollir la
corne, laiffez-la repofer dedans, pendant une huitaine
de jours.
Autrement. Ayez des cendres de tiges & têtes de
pavots ; faites-en une leflive, & faites-y bouillir la
corne.
Ou ayez de la cendre de fougère , autant de
chaux v ive ; arrofez le tout d’eau ; faites bouillir;
réduifezun peu le mélange; laiflez-le fe repofer &
fe clarifier; tranfvafez : ayez enfuite des raclures
de cornes ; jetez-les dans cette leflive ; laiffez-les v
pendant trlfis à quatre jours ; oignez-vous les mains
d’huile, pétrifiez la corne & la moulez.
Autrement. Ayez jus de marriibe blanc , d’aclie
de millefeuille, de raifort , de chélidoine, avec
fort vinaigre; mettez la corne tremper là-dedans
& l’y laifl'ez pendant huit jours.
Autrement. Ayez cendre gravelée & chaux vive *
faites comme une leflive ; mettez-y de la raclure
de corne ; faites bouillir la raclure dans la leflive-
elle fe mettra en pâte facile à mouler. On pourra
même, en ajoutant de la couleur, teindre la pâte.
M. Papillon, célèbre graveur en bois, qui en-
feigne ces divers procédés , prétend qu’ils réufliront
non-feulement fur la corne, mais même fur l’ivoire.
Manière d’amollir les Os & VIvoire.
Il ajoute que pour amollir les os, il faut prendre
les portions creufes de ceux des jambes, avoir du
jus de marrube , d’ache, de millefeuille , de raifort
, avec fort vinaigre, en parties égales ; en remplir
les os, bien boucher les ouvertures , enforte
que la liqueur ne puiffe fortir ; les enterrer en cet
état dans le crottin, & les y laifîer jufqu’à ce qu’ils
foient mous.
Pour l’ivoire & les os , on dit qu’il fuffit de les
faire bouillir dans de fort vinaigre.
Ayez aufli du vitriol romain, du fel réduit en
poudre ; arrofez le tout de fort vinaigre ; diflillez.
Le réfultat de cette diflillation , fera l’amolliffe-
ment des os & de l’ivoire qu’on y laiflera féjourner.
Et fi on fait paffer delà ces fubftantes dans le fuc
de bettes, elles s’attendriront tellement, qu’elles
prendront des empreintes de médailles , qu’on rendra
durables en mettant d’abord les pièces imprimées
dans le vinaigre blanc, & enfuite dans de'
l’eau de puits fraîche.
Au refte , ces effets rapportés dans l’ancienne
Encyclopédie & dans différens autres ouvrages,
doivent être affurés par l’expérience.
Autre manière de rendre la Corne flexible & de l’amollir.
Non-feulement la corne & l’écaille deviennent
flexibles, mais elles peuvent être amollies au point
de fe mouler & de fe fouder. Il eft aifé d’employer
ces matières pour des montures de microfcopes,
ou pour quelque autre ufage ; d’en faire des tuyaux
ou d’autres , pièces creufes , en procédant de la
manière fuivante.
Pour faire un canon ou tuyau, coupez la feuille
de corne ou d’écaille de la grandeur convenable a
votre defiêin ; aminciffez avec la lime les deux bords
qui doivent fe joindre, afin qu’étant l’un fur l’autre,
il n’en réfulte qu’une épaifleur égale à celle de la
pièce. ‘
Amolliffez dans l’eâu bouillante cette pièce ainfi
préparée ; & lorfqu’elle fera fuflifamment fouple,
tournez-la promptement fur un cylindre de fer,
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üUliietti par un bout dans un étau, & échauffé au
point de commencer à fondre l’écaille ou la corne.
Couvrez la jonélion des deux bords avec un autre
fer également chaud & un peu creufé en gouttière ;
ferrez ces deux fers en les liant enfemble par les
deux bouts avec dit fil de fer recuit, dont vous tordrez
les deux bouts.réunis avec une pince ; & laiffez
le tou t- fe refroidir. Il: en rèfultera une foudure
qui ne s’appercevra point quand la pièce fera tra-
vailléé.
Les ouvriers qui ont fouvent de ces fortes de
foudures à faire ,. ont de greffes pinces de différentes
formes & grandeurs-, qu’ils font chauffer | &
avec lefquelles ils ferrent les parties qu’ils ont intention
de fouder.
Si vous voulez faire une pièce creufe comme un
cul-de-lampe, un couvercle, une cuvette-, &e. il
faut avoir, un moule de cuivre de la grandeur convenable,
& qui fera en dépouille ou évidécomme
un poids de marc ; il- faut aufli. a voir une autre pièce
mafliye de cuivre qui ait extérieurement la. même
forme ,, mais, plus, petite, afin qu’il y ait un intervalle
entre elle- & la pièce creufe.
Vous arrondirez circulairement: une feuille de
corne ou d’écaille , vous, la placerez fur le moule
creux, & par- d.efliis vous mettrez la deuxième pièce
de cuivre, & le tout fpus.une petite preffe.de fer ;
vous plongerez, cette preffe, avec ce qu’elle contient,
dans l’eau bouillante; & à meîiire que 1^
corne ou l’écaille S’amollira , vous ferez agir la preffe
pour l’enfoncer dans le moule ; après quoi vous
ferez refroidir le tout hors de l’e.au fans defferrer
la preffe.
Si vous n’avez qùe quelques petites ' pièces à
mouler ainfi, vous pourrez vous difpenfer d’avoir
une preffe ; il fuffira de tenir pendant quelques
minutes la corne ou récaille dans l’eau bouillante
pour l’amollir, de faire chauffer les deux pièces du
moule,. & de la prefler dans l’étau du laboratoire.
D e l’ I v o i k e ' & d e s Os.
L’ivoire eft une fubftançe offeufe qu’on tire des
dents, ou pour mieux dire , des défenfes de l’éléphant
: on les nomme mçrfils. lorfqu’elles font en
piece , & on ne leur donne, le nom d'ivoire que
lorfqu’elles font débitées.
Les défenfes d’éléphant viennent d’Afie & d'Afrique;,
ces dernières font les plus petites , & n’ont
qu environ quatre, pieds, de long ; au lieu que les
premières en ont jufqu’à. dix.. Les plus petites fe
tirent de la côte d’Afrique , fur-tout de Riofrefca ,
de k riviere de Gambie, du Sénégal, &, de la côte
des Dents. .
Celles d’Afie fe tirent de file de Ceylan, & des
royaumes de Chine , de P égu, de Siam , & d’Ora-
can. On dit que les ivoires de Ceylan. ne j auniflent
j ^ ais j c’eft pourquoi on. les vend plus cher que
Quoique l’ivoire foit du genre des os , il eft
eaucoup plus, compare & plus pefant que ces derÉ
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niers ; fes pores étant très-ferrés, le rendent capable
de recevoir un très-beau poli qui fe conferve longtemps.
On diftingue deux fortes d’ivoire ; fa voir , le verd
& le blanc. On peut les diftinguer tous deux à la
couleur de leur écorce. L’ivoire verd a l’écorce
brune & noirâtre, & un peu claire. L’ivoire blanc
a l’écorce blanche ou citron un peu fombre.
Cependant ces marques ne {ont pas bien certaines
; & il eft bon de couper le bout de la défenfe
pour juger de la véritable couleur de fon intérieur.
On préfère l’ivoire verd au blanc , parce qu’il a
les grains plus fins , & qu’il eft par conféquent
moins poreux que le blanc, qui a fouvent des-grains
défagréables à v oir , & qui a le défaut de devenir
jaune avec le temps ; au lieu que dans l’ivoire verdc,
les grains ne font pas , ou du moins très-peu vifi-
bles , & que la-petite teinte de verd fe paffe en très-
peu de temps , pour faire place à un très - beau
blanc de. la it, qui a l’avantage de ne point jaunir.
L’ivoire verd a le défaut d’être plus fragile que
le blanc., & il fe retire davantage que ce dernier.
On ne peut pas redrefler l’ivoire au feu ainfi que
l’écaille. Il faut le débiter à la feie ; puis le drefler
à la lime comme un morceau de cuivre ou d’autre
métal.
Les morfils ou défenfes d’éléphans , font un peu
courbes fur leur longueur , & fe terminent en
pointe. ;. ils ne font pas pleins dans toute leur
étendue ; & en les, débitant , il faut avoir grand
foin de prendre intérieurement la profondeur de la
cavité pour les feier à cet endroit, afin de le ménager
davantage.
Manière de travailler l’Ivoire.
L’ivoire étant, comme on l’a dit plus haut, une
fubftançe ofleufe , on ne peut la fendre ni la re-
dreffer, de forte qu’on ne peut la mettre en état
d’être employée qu’en la débitant à la feie, tant fur
la longueur que fur l’épaiflèur , & toujours aux
dépens de cette dernière ; ce qui ne produit cependant
pas beaucoup de perte , parce que, pour peu
qu’on ait d’ufage & d’adrefle, on peut la refendre
en lames très- minces, fans en cafler beaucoup;
avantage qu’on n’a pas avec l’écaille , puifqu’il faut,
pour la mettre d’épaifleur, en perdre une partie,
ce qui eft quelquerois très-confidérable.
On feie l’ivoire avec une feie à dépecer.
La lame de là feie avec laquelle on débite l’ivoire ,
doit être trempée un peu mince, & avoir des dents
d’une moyenne grandeur , & parfaitement égales
entre elles, afin qu’elles ne dévoyent pas , & qu’elles
ne s’engagent pas dans l’ivoire ; ce qui le feroit
éclater.
On feie l’ivoire de deux manières , favoir , à {ec
& à l’eau. Cette dernière manière eft la plus ufitée
& la plus avantageufe , fur-tout pour l’ivoire vert,
qui s’échauffe aifément par le frottement de la feie,
& qui non-feulement le fait éclater, mais encore
en gâte la couleur , qui devient rouffe par l’effet