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la menuiferîe ordinaire ; & la troisième", la con-
noiflance des ouvrages qui ont rapport à cet art.
Des Bois propres à la Marqueterie.
Prefque toutes les fortes de bois font propres à
la marqueterie : les, uns font tendres, & les autres
fermes. Les premiers fe vendent à la pièce, & les
féconds à la livre à caufe de leur rareté.
Les bois tendres qu’on appelle ordinairement bois
françois, ne font pas les meilleurs ni les plus beaux,
mais aufli font-ils les plus faciles à travailler, raifon
pour laquelle on en fait les fonds des ouvrages.
Les fonds des ouvrages de marqueterie font les
ouvrages mêmes non plaqués.
Les bois tendres ou françois que l’on emploie
le plus fouvent à cet ufage font, le fapin, le châtaignier
, le tilleul, le frêne, le hêtre, & quelques
autres très-légers : les bois de noyer blanc & brun,
de charme, de cormier, de buis, de poirier, de
pommier, d’alizier, de msrizier, d’acacia, de pfalm,
& quantité d’autres, s’emploient refendus avec les
bois des Indes aux compartimens de placage; mais
il faut avoir grand foin d’employer cette forte de
bois bien fecs ; car, comme ils fe tourmentent beaucoup
lorfqu’ils ne font pas parfaitement fecs , quels
mauvais effets ne feroient-ils pas, f i , lorfqu’étant
plaqués, ils venoient à fe tourmenter ?
Les bois fermes, appellés bois des Indes, parce
que la plupart viennent de ces pays , font d’une
infinité d’efpèces plus rares & plus prècieufes les
unes que les autres ; leurs pores font fort ferrés,
ce qui les rend très-fermes & capables d’être refendus
très-minces. Plufieurs les appellent tous indifféremment
bois d'ébène, quoique l’ébène proprement
dit, foit prefque feul de couleur noire, les
autres ayant chacun leur nom particulier. On en
comprend néanmoins , fous ce nom , de noir, de
rouge, de v e r t, de v iolet, de jaune, & d’une infinité
d’autres couleurs nuancées de ces dernières.
L’ébène noir eft de deux efpèces; l’une qui vient
de Portugal, eft parfemée de taches blanches ; l’autre
qui vient de l’île Maurice, eft plus noire & beaucoup
plus belle.
Le grenadil eft. une efpèce d’ébène que quelques-
uns appellent ébène rouge, parce que fon fruit eft de
cette couleur ; mais le bois eft d’un brun foncé
tirant fur le noir veiné de blanc. Ceux qui font
vraiment rouges font le bois ro fe , & après lui
le mayenbeau, le chacaranda, le bois de la Chine
qui eft veiné de noir, & quelques autres ; le bois
de fer approche beaucoup du rouge, mais plus encore
du brun.
Les ébènes verts font le calembour, le gaïac,
& autres, mais cette dernière efpèce beaucoup plus
foncée, dure & pefante, eft mêlée de petites taches
brillantes.
Les ébènes violets font l’amarante, l’ébène pâ-
liffante, celui qu’on appelle violette , & autres ;
mais le premier eft le plus beau, les autres approchant
beaucoup de la 'couleur brune.
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Les ébènes jaunes font le clairembourg, dont la
couleur approche beaucoup de celle de l’o r , le cèdre
, différens acajous, & l’olivier dont la couleur
tire fur le blanc.
Il eft encore une infinité d’autres ébènes de différentes
couleurs nuancées plus ou moins de ces dernières.
Des AJfemblages.
On entend par affemblages de marqueterie, non-
feulement l’art de réunir & de joindre enfemble plu«
fieurs morceaux de, bois pour ne faire qu’iïn corps
mais encore celui de les couvrir par compartimens
de pièces de rapport. Les uns fe font carrément à
queue d’aronde, en onglet, en fauffe coupe , &c.
Les autres fe font avec des petites pièces de bois
refendues très-minces, découpées de différente manière
félon le deflin des compartimens, & collées
enfuite les unes contre les autres.
Cette dernière forte d’affemblage en laquelle con*
fifte principalement fart de marqueterie, fe fait de
deux maniérés : l’une eft lorfque l’on joint enfemble
des bois, ivoire ou écailles de différente couleur;
1 autre, lorfque l’on joint ces mêmes bois , ivoires
ou écailles, avec des compartimens ou filets d’étain,
de cuivre, & autres.
La première fe divife en deux efpèces : l’une}
lorfque les bois divifés par compartimens , repré-
fentent Amplement des cadres , des panneaux, &
quelquefois des fleurs d’une même couleur ; l’autre
, lorfqu’indépendamment des cadres & des panneaux
d’une ou plufieurs couleurs, ces derniers re-
préfentent des fleurs , des fruits , & même des
figures qui imitent les tableaux.
L’une & l’autre confiftent premièrement à teindre
une partie des bois que l’on veut employer &
qui ont befoin de l’être , pour leur donner des
couleurs qu’ils n’ont pas naturellement ; les uns, en
les brûlant, leur donnent une couleur noirâtre qui
imite les ombres ; les autres les mettent pour cet
effet dans du fable extrêmement chauffé au feu;
d’autres fe fervent d’eau-de-chaux & de fublimé;
d’autres encore d’huile de foufre : cependant chaque
ouvrier a fa manière & les drogues particulières
pour la teinte de fes bois, dont il fait un
grand myftère. Deuxièmement, à réduire en feuilles
d’environ une ligne d’épaiffeur tous les bois que l’on
veut employer dans un placage. Troifièmement,
ce qui eft le plus difficile & qui demande le plus
de patience & d’atténtion, à contourner ces feuilles
avec la fc ie , fuivant la partie du deflin qu’elles
doivent occuper en les ferrant dans différens étaux,
que l’on appelle aufli âne }fig. z ? q & 4 de la PL V f
Ebénijle , tome II.
Cela fe fait en pratiquant d’abord fur l’ouvrage
même un placage de bois de la couleur du fond
du deflin. On y trace enfuite le deflin dont on
fupprime les parties qui doivent recevoir des bois
d’une autre couleur, que l’on ajufte alors à force,
pour les faire joindre parfaitement.
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Quatrièmement enfin, à les plaquer les unes con- j
entres avec de là colle forte, en fe fervant
^marteau à plaquer, fig. 3 i . I* Pk VU.
La feconcle maniéré avec compartimens d etain,
, cuiyre ou autres métaux , eft de deux fortes ;
Vune eft'celle dorit le bois forme les fleurs &
autres ornemens auxquels l’étain ou le cuivre fert
de fond. L’autre*, eft au contraire celle dont le
cuivre ou l’étain font les fleurs & autres ornemens
auxquels le bois , l’écaille ou l’ivoire fert de fond;
l’une & l’autre s’ajuftent de la même manière que.
celle en bois, mais ne fe peut coller comme le
bois avec de la colle forte, qui. ne prend point fur
les métaux, mais bien avec du maftic.
Des Ouvrages dé Marqueterie.
La marqueterie étoit fort en ufage chez les anciens.
La plus grande richeffe de leurs appartenons
ne confiftoit qu’en meubles de cette efpèce; ils ne
fe contenaient pas d’en faire des meubles, ils en
faifoient des lambris, des parquets,' des plafonds;
ils en revêtiflbient leurs pièces de curiofité ; ils
en faifoient même des vafes & des bijoux de toute
efpèce, qu’ils çonfidéroient comme autant d’orne-
mens agréables à la vue. Mais depuis que les .porcelaines
& les émaux les plus précieux ont fuc-
cédé à toutes ces chofes, la marqueterie a beaucoup
diminué de fon luxe. Néanmoins on voit encore
dans les appartenons des'châteaux de Saint-Cloud
& de Meudon , des cabinets de curiofité , & dans
beaucoup de maifons d’importance, quantité de
meubles & bijoux revêtus de ces fortes d’ouvrages.
Voyez tome I I des gravures, PI. I de VEbenïfie,
la vignette repréfentant un atelier de marqueterie
compofè d’établis a q ; commodes b; fecrétaire c ; i
armoire en bibliothèque d ; étaux ou ânes e ; preffe
f y auprès de laquelle font deux hommes occupés
à refendre, tandis qu’un autre g corroyé du bois.
De tous les meubles faits de marqueterie, ceux
dont on fait le plus d’ufage font les commodes,
d’une infinité de formes & grandeurs, fig. 1, 2,
S & 4, PI. I. Ce meuble fe place ordinairement
dans les grandes pièces entre deux croifées, adoflfé
aux trumeaux, & eft compofè de plufieurs tiroirs,
plus grands ou plus petits les uns que les autres,
félon l’ufage que l’on en veut faire, divifés extérieurement
de cadres & de panneaux de bois de
placage de differentes couleurs : ces commodes
font lurmontées de tables de marqueterie, fubdi-
vifées par compartimens de différens deflins, &
plus ordinairement de tables de marbre, beaucoup
moins fùjettes aux taches.
Après les commodes font les armoires à l’ufage
des lingeries, ou bas d’armoires, à l’ufage des antichambres
, falies à manger, fig. q & 6, Pl. I I , &c.
On les fait, comme tous les autres meubles, en
noyer Amplement, avec portes A , carrées Du cein-
trées par le haut, & pilaftres B , fubdivifés de pan-
fléaux A & B , & de cadres C , ou par compartimens
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de placage “ avec portes & pilaftres ornés de bafes
& corniches. .
La fig. 8 eft l’élévation d’un châflis d’écran, dont
îa fig. p (même Pl. I I ) , eft le plan, compofè de
deux traverfes A , de deux montans B , appuyés
fur deux pieds C ; le tout quelquefois en bois de
noyer orné de moulures, & quelquefois en bois
couvert de, marqueterie.
La fig. 10 eft l’élévation, & la fig. 11 le plan d’une
table dite table de nuit., que l’on place ordinairement
près des lits pendant la nuit. Cette table eft
compofée d’une tablette inférieure A , d’une fupé- „
rieure B , fouvent en marbre , pour placer une lumière
, un livre, & autres femblables commodités
pendant la nuit, montées enfemble fur quatre
pieds C. Ce meuble eft-, .comme les autres , quelquefois
en noyer, & quelquefois en marqueterie.
La fig. 12 eft l’élévation, & la fig. iq le plan d’une
petite table appellée chijfonière, dont fe fervent ordinairement
les femmes pour le dépôt de leurs ouvrages
ou chiffons, d’où elle tire ton nom. Cette
. table, montée fur quatre pieds A , eft compofée
de plufieurs tiroirs B , divifés de cadres & de pan-
. neaux, dont le fupérieur B contient ordinairement
une écritoire. Le deffus C de cette table, eft quelquefois
couvert d’un maroquin.
La fig. 14 eft l’élévation extérieure d’une bibliothèque
à l’ufage des cabinets , avec portes de treil-
. lage A , bafe B , & corniches C , ornées de différens
; compartimens.de marqueterie en bois.
La fig. i f eft aufli une bibliothèque fervant aux
mêmes ufages que la précédente, mais differente,
en ce* qu’elle forme une efpèce de; lambris de hauteur
& d’appui, orné.e de pilaftres, ayant aufli des
portes de treillage A , bafe B , & corniches C , couverte
par compartimens de marqueterie en bois.
Là fig. 16 y Pl. I I I , eft l’élévation d’un fecrétaire,
meuble afféz commun dans les cabinets, compofè
de plufieurs. tiroirs extérieurs A , grands ou petits, '
de plufieurs autres intérieurs B , avec tablettes C
en forme de ferre-papier, & une efpèce de cave D
fervant de coffre-fort : les tiroirs B , tablettes C &
coffre D , fe trouvent enfermés fûrement par une
table E , garnie intérieurement de maroquin, qui
étant couverte, fert à écrire, defliner, &c. L’extérieur
& l’intérieur font plaqués de marqueterie en
bois ,. monté le tout enfemble fur quatre pieds F.
La fig. 17 eff un fecrétaire en forme d’armoire,
aufli à l’ufage des cabinets, dont l’intérieur de la
partie fupérieure A eft garni, comme le précédent,
de petits tiroirs & tablettes en forme de ferre-papier,
enfermés par une table garnie intérieurement de
i maroquin, fervant à écrire ; & la partie inférieure
B s’ouvrant en deux parties, forme intérieurement
une armoire contenant des tablettes, tiroirs & coffre
fort. L’extérieur de ce meuble couronné d’une
table de marqueterie ou de marbre, eft décoré de'
cadres de différens compartimens de marqueterie
en bois , & de panneaux repréfentant des fleurs &
des fruits.