foin d’entourer ces parties de matière, qui puifle
fournir plus de parties huileufes que notre compo-
fition propre à adoucir. Le charbon en poudre fera
cet effet , on en couvrira tout ce qui fera de pur
fer forgé. Qu’on mouille un peu ces pièces , &
qu’après les avoir mouillées on les trèmpe dans la
poudre de charbon, elles en prendront affez pour
le défendre contre l’effet du recuit. Pour mieux leur
conferver même cette poudre, on peut la recouvrir
d’une couche de terre fablonneufe détrempée à conf
ia n c e de pâte ou de fable à mouler. On peut
encore arranger ces pièces comme les autres dans
le fourneau, & lorfqu’elles feront en place, mettre
de la poudre de charbon tout autour de ce qui eft
dé fer forgé. Mais pour revenir à nos ouvrages de
ferrurerie, les cages des ferrures , ou en terme de
l ’art, les palaftres , même dans les plus fuperbes
appartemens, font fimples , unis ; fi on leur veut
quelque beauté , on eft contraint de les faire de
cuivre, quoiqu’il foit toujours défagréable de toucher
ce métal : on fera en fer fondu les palaftres
les plus ornés 8c les plus recherchés.
Platines, targettes , verroux, fiches, en un mot,
toutes les ferrures qui ri’ont point à fatiguer pourront
être du plus grand goût, 8c ne coûteront guère !
davantage que les unies coûtent aujourd’hui. Les
clefs, telles que nous en faifons à préfçnt venir
d’Angleterre, fe feront à peu de frais ; on en jettera
en moule dont les panetons feront pleins , 8c on
.entaillera enfuite ces panetons félon la figure de la
garniture à laquelle on aura envie de les faire fsrvir.
Ce font des ouvrages qui demanderont à être très-
bien adoucis, afin qu’il refte du corps au paneton ,
.& qu’on puifle percer la tige. Je ne puis m’em-
.pècher de parler ici d’une objeâion qui m’a été
•faîte ; elle prouve au moins qu’il n’eft rien qu’on
ne puifle attaquer par quelque endroit, 8c cela
d’autant plus que l’envie de contefter n’a eu aucune
part à cette objeâioia. Des magiftrats , éclairés
d ’ailleurs , ont regardé comme une fort mauvaife
chofe le moyen de jeter .une clé en moule ; que
c e devoit être une invention pernicieufe. Peu au
fait de la pratique des arts , ils avoient. peine à
comprendre qu’ilferoit plus facile, à qui voudrait
faire mauvais ufage d’une clé , d’en faire forger
une, que de la faire mouler en fer ; qu’immédia-
tement après qu’elle feroit forgée , on pourroit y
fendre les rouets ou autres garnitures ; au lieu que
pour faire recuire celles de fer fondu, il faut, du
temps 8c de l’appareil ; qu’en moins d’une demi-
heure on peut forger groffièrement une clé avec fon
paneton : que d’ailleurs jufqu’ici on en a pu fondre
en .cuivre qui ouvriroient bien ; & les. filoux ,.
que je fâche , n’ont pas encore eu recours à. cet
expédient.
Nous placerons encore ici un avertiffement qui
regarde plufieurs puvrages. Quand il fera arrivé
.quelque accident léger à une pièce qu’on aura
moulée avec peine ; ft elle a quelque endroit où
}a /natière n’ait pas fie u rempli le moule, on la
limera, cifelera ; en un mot, on la réparera fans
s’embarraffer de ce défaut ; on y portera remède ,
en faifant enfuite en fer forgé une petite pièce fem-
blable à celle qui aiiroit dû venir en fonte. On
laiflera à cette petite pièce une queue qu’on taillera
en v is , 8c on percera un écrou dans la place où
elle doit être rapportée : fi cela eft exécuté avec
âdreffe, on ne reconnqjtra pas l ’endroÈ où la pièce
a été ajoutée.
Il y a encore une-autre manière de remédier
aux défauts des endroits mal venus dans le moule.
Ils ne pèchent jamais par trop de matières, c’eft
toujours par trop peu ; il y peut refter de? creux à
remplir, des foumures : on coulera dans les creux
quelques gouttes de fer fondu. Mais afin que la
fonte qui aura été coulée s’attache parfaitement au
refte, qu’elle y faffe corps, on chauffera le plus
chaud qu’on pourra les endroits dans lefquels on
veut la jetter : on recouvrira de terre les endroits
qui font proche de ces derniers , ceux où on ne
veut pas quelle s’attache. Les fourbiffeurs feront
jeter en moule des gardes d’épées , 8c pourront
finir en quelques jours des ouvrages qui les tenoient
plufieurs mois : ils ont déjà leurs modèles ; il ne
leur en faudra pas d’autres que ceux qu’ils font
mouler en cuivre ou en argent. A la vérité, ces
épées n’approcheront plus du prix de celles d’or
maflif, comme elles ont fait ci-devant ; mais on en
débitera davantage. On adoucira de refte les gardes
8c les pommeaux ; mais il faudra réitérer les recuits
des branches ', qui, étant longues 8c minces, feroient
plus expofées à fe cafler.
Les boucles de ceintures, de fouliers, les étuis,
les clés de montres, les crochets de montres, &
une infinité de colifichets n’occuperont plus, comme
ils ont fait, dés ouvriers pendant autant de temps
que les plus grands ouvrages ; qu’on en ait les
modèles, 8c l’on fera en état de les faire promptement.
Les roues des diamantaires , les roues à
applatir ou à écacher les fils d’or 8c d’argent, pourront
être faites de fer fondu : ce font des ouvrages
chers. Je crois que l’éperonnerie y trouvera aufli
des avantages ; les branches de la plupart des brides
fatiguent peu , 8c pourront être fondues : ce font
des plus difficiles ouvrages de la forge : j’en ai fait
faire qui ont bien réufli. Si l’on eft tenté d’y faire
jeter des ornemens , on n’aura qu’à les demander ;
on fera (maître d’en placer par - tout : les filets
réuflirant encore mieux.
Un art à qui notre adouciffement du fer doit
épargner bien du temps, 8c qui s’en trouvera en
état de faire lès plus beaux ouvrages , eft l’arque-
buferie. Les platines de fufils feront excellentes
de fer fondu : j’en ait fait fondre plufieurs pour
épreuve. On les laiflera unies ou on les chargera
d’ornement : ce fera à la volonté de l’ouvrier ; mais
fi on les orne, ce ne fera plus ni fi mefquinement,
ni fi chèrement qu’aujourd’hui. Au lieu de quelques
légères figures en creux 'qu’ont à préfént les plus
finies, ou pourra leur donner des orhemens en
r e lie f ,
relief, dans le goût de ceux des plus belles gardes
d’épées ; & fi on y en veut de creux, on les fera
femblables à ceux des plus beaux cachets. Je ne
voudrois pourtant pas que les chiens 8c les batteries
fuffent faites de fer fondu. Mais la plaque de couche,
la pièce qui recouvre le bout de la craffe, peut en être
faite autant qu’aucune autre pièce , 8c de même les
porte-vis, les porte-baguettes, les ornemens qu’on
met auprès des vis qui arrêtent la platine. Si l’on
fait les fous-gachettes de fer fondu , il faudra con-
fidérablement les adoucir, comme toutes les pièces
qui font grandes 8c minces. En un mot, ce peut
être un objet d’épargne bien confidérable pour les
arfenaux de fa majefté. On a propofé une idée très-
ingénieufe 8c très - utile ; c’eft de faire toutes les
pièces des fufils des troupes de même calibre. Un
fufil dont le canon eft crevé devient inutile , parce
que fa platine ou les pièces de fa platine ne peuvent
pas s’ajufter à un autre fufil ; mais dès que toutes
les pièces feront de même calibré, celles des uns
pourront être remifes aux autres ; quelques pièces
caffées ne rendront plus toutes les autres inutiles :
ce qui reftera du fufil le plus délabré fervira à en
raccommoder un autre.
Avec le temps, le roi tirera peut-être un avantage
plus important de ce nouvel art ; c’eft par
rapport à fon artillerie, & fur-tout par rapport à
celle de mer. Je ne rapporterai pas fur ce fujet
autant d’expériences que je fouhaiterois : je n’ai
point été à portée de faire fur les canons celles que
j’aurois voulu, tenter ; mais il ne me paroît pas y
avoir lieu d’appréhender que les expériences démentent
ce que notre art femble promettre fur cet
article. On ne fait que deux fortes de canons : les
11ns font de cuivre rouge avec un mélange d’étain
8c de zinc; c’eft ce qu’on nomme- fimplement des
xanons de fonte ; on les appelle aufli des canons de
bronze, 8c nous les appellerons toujours ainfi, pour
éviter l’équivoque de la fonte' de fer. Les autres
canons font de fer fondu de matière pareille à celle
des contre-coeurs de cheminées de fontes grifes. On
les appelle fimplement des canons de fer. Les uns
8c les autres ont leurs défauts. On a fait bien des
tentatives pour avoir des canons d’une troifième
efpèce, exempte des imperfeâions des deux précédentes.
On a cherché les moyens de les fabriquer
de fer forgé : c’eft de toutes les matières que nous
connoiffons, la plus capable de réfifter aux grands
efforts ; 8c la plus preflante réfiftance n’eft pas trop
forte pour tenir contre l’impétuofité de la poudre.
Le fer forgé eft incomparablement plus en état de
réfifter que ne le font les fontes de cuivre ; des
canons de fer forgé, plus légers, feroient plus forts.
On eft même contraint, par une raifon particulière,
d’affoiblir la force que le cuivre pourroit oppofer
à la dilatation de la poudre : l’ame d’un canon doit
conferver fon diamètre, fa rondeur uniforme ; fi le
cuivre étoit pur, il n’auroit pas aflez de dureté pour
réfifter au traînement du boulet ; on eft donc obligé
de l’alliçr avec l’étain 8c le zinc ; ce qui le rend
Arts 8* Métiers. Tome IL Partie IL
plus dur ï Mais eft même temps plus caffant : on
le met en état de réfifter mieux au traînement du
boulet, 8c moins en état de réfifter à l’effort de la
poudre. D ’ailleurs les lumières s’en agrandiffent plus
aifément : autre inconvénient très-confidérable.
Les canons de bronze font pourtant encore préférables
aux canons de fer fondu. La matière de ces
derniers réfifte plus au traînement dù boulet ; mais
-elle eft caffante , 8c de là naiffent deux inconvéniens
confidérables : i°, pour les rendre aufli forts que les
canons de bronze , on eft obligé de leur donner
plus de poids qu’à des canons de bronze de même
calibre : 2°. quand ces canons crèvent, ils ne s’en-
tr’ouvrent pas fimplement comme les canons de
bronze ; leur matière, plus raide, s’en va en éclats
qui tuent des cânnoniers 8c répandent la terreur
parmi ceux qui reftènt ; un.canon unë fois cre v é ,
on ne charge plus les. autres avec la charge ordinaire
; les coups qu’on tire enfuite ne font plus
d’effets : les combats de mer ont fouyent changé de
face par un pareil accident.
S’il étoit poflible de parvenir, fans de trop grandes
dépenfes, à forger des canons de fe r , ils feroient
fans doute incomparablement meilleurs que les
autres : ils réfifteroient mieux à l’effort de la poudre
8c au traînement du boulet ; étant plus forts, ils ne
demanderaient pas à être fi épais. Oh a fait beaucoup
de tentatives pour y parvenir, qui n’ont pas
encore eu beaucoup de fuccès ; elles ont même
ruiné un homme qui avoit du bien 8c du génie :
on ne laiffe pas d’en faire de nouvelles journellement
; il eft à fouhàiter qu’elles foient plus heu-
reufes ; & après tout, il n’y a pas à défefpérer.
Quoi qu’il en foit, on s’en tient à préfent aux
canons de bronze 8c aux canons de fer. L’artillerie
de terre eft de bronze ; mais la plus grande partie
de l’artillerie de mer, tant celle des vaiffeaux du
roi que celle des vaiffeaux marchands, eft de fer :
il en coûterait des fommes trop confidérables pour
l’avoir de bronze. Les vaiffeaux cependant /ont
accablés fous le poids de leurs canons, 8c c’eft fur-
tout ce qui défoie nos négocians en temps de guerre ;
ils feroient fort contens, s’il pouvoient ne charger
leurs vaiffeaux que de canons de bronze. Ce qu’ils
trouvent de défavantageux dans cette augmentation
de charge , n’eft pas feulement de ce qu’elle tient la
place d’un poids égal de marchandifes : j’ai oui dire
à des négocians fenfés, qu’elle ruine leurs vaiffeaux,
qu’elle contribue beaucoup à les faire entr’ouvrir.
Le vàiffeau. n’en eft pas fatigué tant qu’il va’ vent
arrière ; mais dès qu’il a le. vent de côté , il eft clair
que le poids des canons, porté par une des. moitiés
du vaiffeau, tend à la féparer de l’autre : la po-
fition de ce poids eft caufe que fon. effort eft plus
puiffant qu’il ne le feroit, placé par-tout ailleurs.
Il paroît inconteftable qu’au moyen de notre
nouyel art on rendra les canons de fer fondu meilleurs
qu’ils ne le font aujourd’hui : le fer adouci
fera certainement moins caffant ; mais le grand
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