qu’ils nomment toui-kouang ; kouang lignifie brillant,
& toui enlever, comme qui-diroit vernis qui a perdu
Ton luftre; la raifon de cela, c’eft qu’ils poliffoient la
dernière couche de vernis comme les deux premières
, & par - là lui enlevoient fon brillant. Pour y
fuppléer un peu après avoir poli exa&ement cette
troifième couche, ils lui donnoient un dernier poli,
avec un paquet de cheveux qu’ils trempoient dans
Peau oh ils avoient trempé de la poudre bien fine,
énfnite ils effuyoient la pièce avec un morceau d’étoffe
de foie bien douce ; & avec le dedans de la
main, ils frottoient ferme, jufqu’à ce que le vernis
devînt clair. Dans les endroits où la main ne pouvoit
pénétrer, ils inféroient au bout d’un petit morceau
de bois un peu d’étoffe de foie dont le bâton étoit
entouré ; enfin, en dernier lieu, ils frottoient la
pièce de vernis avec un morceau de foie un peu imbibé
dans l’huile claire, n’importe la quelle ; ce qui
rendoit au vernis un peu de brillant, mais non comparable
à celui qu’ils appellent yang-tfi.
Le yang - t j î , à caufe de l’huile de thé qui y
entre & qui loi donne fon brillant, ne peut fouffrir
le poli ; ainfi il faut encore plus de foin pour éviter
la pouflière qu’en faifant des pièces de toui-kouang.
Le feul remède pour cacher les défauts eft, en peignant
les pièces de vernis, de faire enforte que le
deifin cache fes défeélaofités.
Pour faire des pièces de yang-tfi, on n’emploie ce
beau vernis qu’à la dernière couche. Le kouang-tfi
dont on fait le toui-kouang, eft tout aufli bon pour
les deux premières couches , puifqu’elles doivent
être polies. La dernière couche de vernis doit fur-
tout demeurer long-temps fur les étagères d’en haut
du laboratoire, pour le moins une quinzaine de jours,
avant que d’y faire aucune peinture; on rifqueroît
de barbouiller le vernis, l’or s’attacheroit dans les
endroits qui ne feroient pas entièrement fecs.
Remarquez, i° . que lorfqu’on veut faire de belles
boîtes de vernis , délicates comme celles du Japon,
il ne faut pas quelles loient fujettes à s’ouvrir aux
jointures ; il faut couvrir ces jointures de petites
bandes de papier, dit che-tan-tchi. Les Japonois l’emploient
aum bien que les Chinois, pour rendre leurs
ouvrages plus folides; mais en Chine, où l’on ne
s’embarrafîe pas tant de cette grande légéreté des
boîtes, ou autres ouvrages , au lieu de che-tan-chi,
on fefertde kiuen y qui eft une efpèce de canevas de
foie ; alors jamais les boîtes ne fe démontent.
Pour empêcher que lèverais de la première couche
ne pénètre dans le bois, avant d’appliquer cette première
couche, on paffe deffus la pièce une eau gommée
empreinte de craie. Le che-tan-tchi ou le kiuen ,
s’applique avec le vernis pur & non évaporé. Avant
de mettre la première couche , il faut , avec une
pierre un peu moins rude que le grès, bien polir le
che-tan-tchi ou le kiuen : pour les rendre plus unis ,
on eft obligé d’y paffer, après les avoir polis, une
légère couche de compofition de poudre de brique,
dont j’ai parlé ci-deffus, immédiatement avant l’artîcle
de l’application du vernis qu’on mêle avec moitié
de tou-tfi.
Il faut que le tou-tfi* foit paffé au tamis ; le tout
fe délaie avec lèverais non évaporé , quand la compofition
eft bien claire & bien fine. Les Japonois quelquefois
n’emploient pas le che-tan-tchi, & fe contentent
de frotter les pièces avant d’appliquer la première
couche de verni avec de la cire, pour empêcher
que le vernis, ne pénètre dans le bois. Les Chinois
font auffi quelquefois la même chofe , mais ces
fortes de pièces ne font pas folides & ne manquent
guère de s’entr’ouvrir aux jointures, fur-tout à Pé-
king, où l’air fait extraordinairement tourmenter le
bois, quelque vieux qu’il foit.
2°. Le bois dont les Chinois fe fervent pour leurs
boîtes de vernis, eft aufli léger que celui qu’emploient
les Japonois ; & fi les ouvrages de la Chine
lont plus pefans que ceux du Japon, ce n’eft que
parce que les Chinois, qui communément envoyent
leurs belles pièces de vernis à Péking , veulent
qu’elles foient folides , de peur qu’elles ne fe trouvent
pas à l’épreuve de l’air de Péking ; ce qui , malgré
leurs précautions , ne laiffe pas d’arriver, parce
qu’ils ne lés travaillent pas aufli folidement que celles
qui fe font à Péking même.
Le bois que les Chinois emploient s’ap pelle ngou-
tou-mou : mou eft le nom générique du bois, ngou-
tou eft: le nom de l’arbre : fon bois eft très-pliant, &
extraordinairement léger ,• excellent pour les inftru-
mens de mufique ; on prétend qu’il rend un plus
beau fon que les autres efpèces de bois.
3°. Les broffes pour appliquer lèverais, font faites
de cheveux ; celles qui fervent à laver les pièces
font de barbes de chèvres: on peut fe fervir de queue
de vache. La pâte dont dn fe fert pour lier ou affem-
bler le poil qui compofe ces broffes, eft faite avec
le toug-yeou , la litharge & le tou-tfe, lequel fert à
faire fécher plus vite la matière où on l’emploie. A
ce mélange on ajoute un peu plus de la moitié de fang
de cochon préparé avec de l’eau de chaux. Une autre
compofition pourrait fervir de même*, pourvu qu’elle
foit bien liante ; & qu’en travaillant il ne s’en détache
pas de la pouflière, comme il arrive à nos broffes en
£urope.
4°. Si en maniant du vernis, 11 en eft refté aux
mains, on fe frotte avec un peu d’huile, il fe détache
facilement.
• 5°. Il arrive quelquefois que le vernis dans les
temps de pluie ou de grand vent ne sèche pas ; s’il
n’a pas féché dans fon temps, jamais il ne fécherâ.
Le feul remède alors eft de frotter la pièce avec de la
chaux , & de l’expofer dans le laboratoire aux étagères
d’en bas ; il sèche en peu de temps. Avant que de
mettre fécher la pièce, il faut bien effuyer la chaux
avec un morceau d’étoffe de foie. Si la chaux n’a pas
enlevé entièrement tout le vernis qui n’étoit pas fe c ,
il s’élèvera quantité de petits points ; on peut les faire
* Tou lignifie terre , tfi lignifie graine , comme fi l’on
diloit graine de terre, ou plutôt terre qui eft comme de fc»
graine : on en trouve beaucoup dans les montagnes»
iifparoitre en poliffant la pièce , & enfuite y appliquer
une autre couche de vernis.
’ (jo. Pour connoître sûrement la pureté du vernis ,
fi l’on foupçonne de la fraude, on en met , par
exemple, deux onces fur le feu dans une cuiller de
fer ; on la tient.au feu jufqu a çe que l’eau en foit entièrement
évaporée, & enfuite on le repèfe pour
iavoir combien il y avoir d’eau ; cette expérience ne
gâte point le vernis.
«7°. Si en hiver on veut faire évaporer le vernis ,
comme le foleil eft alors peu ardent, & que l’opé?
ration demanderait trop de temps , on y fupplée
ainfi. On roule une natte en forme de manchon , de
la largeur du vaiffeau dans lequel on veut évaporer
le vernis. On dreffe debout la natte ; on met au fond
un réchaud ’avec un peu de feu, & au deffus à un
pied ou un pied & demi, on foutient, par le moyen
d’un trépied, le vaiffeau où eft le vernis; en une
heure & demie, le vernis eft évaporé, ou n’a plus
rien d’aqueux.
8°. En rendant le toug-yeou ficcatif, après l’avoir
tiré du feu, lorfqu’on juge cette huile fuffifamment
ficcative, tandis quelle eft encore chaude, fortant de
deffus le feu', on la tranfvafe plufieurs fois pour en
faire exhaler la fumée qu’elle renferme ; fans cette
précaution, les Chinoisdifentquelle donnerait une
mauvaife couleur au vernis.
Peinture du vernis.
La peinture en vernis ne convient que fur les meubles
, comme tables, chaifes, fauteuils, armoires, & c.
Sûrdegroffes pièces qu’on ne regarde pas de trop près,
elle fait un bon effet ; mais fur de petites pièces qui :
demandent des deflins délicats, elle choque la vue ; ;
de même des fonds de couleur en vernis ne paroif-
fent convenir qu’à des meubles ou à des dedans de
boîtes, fur-tout fi elles font grandes.
Les feuls deflins en or font bien fur les ouvrages
délicats. Quelque finis que foient les deflins en or
qui fe font en Chine, fur les pièces de vernis, ils ne
font pas comparables aux belles pièces de vernis du
Japon. Jufqua préfent les Chinois n’ont pu trouver
le fecret du vernis tranfparent comme de l’eau, que
les Japonois appliquent fur leurs deflins en or. Le
remis tranfparent de la Chine , qu’ils appellent
tchao-tfi, tire fur le jaune, mais un jaune vilain, tellement
qu’ils n’ofent l’employer fur des deflins fins
& délicats ; ils-s’en fervent pour imiter l’aventurine,
comme je l’ai dit au commencement de ce mémoire;
mais cette aventurine n’approche pas de, celle du
Japon. Je ne défefpère pas que dans la fuite nous
ne trouvions en France quelque vernis qui puiffe
s’appliquer fur le vernis de la Chine ; & alors nous
pourrions le difputer, & même l’emporter fur les
_ Japonois, nos deflins d’Europe étant beaucoup plus
finis que ceux du Japon.
Venons au détail de la peinture fur le vernis , telle
qu elle fe fait en Chine. D’abord lè maître ou le chef
des peintres fait fon deffin, dont il jette les premiers
traîts'fur le papier avec un crayon, & enfuite il le
finit avec un pinceau à l’encre. Sur ce deffin fini ,
les élèves du peintre fui vent tous les traits au pinceau
, avec de l’orpiment délayé dans l’eau ; & pour
imprimer le deffin fur la pièce du vernis , ils appliquent
ce deffin, ainfi fraîchement tracé , paffant légèrement
les doigts fur tout'le deffin, afin que tous
les traits s’impriment ou relient tracés fur la pièce.
Ayant retiré leur papier, ils emploient encore l’orpiment
, mais délayé dans de l’eau gommée , ou dans
laquelle ils ont fait fondre un peu décollé (où nous
employons la gomme, les Chinois emploient la
c o l le ) ,& repaflent fur tous.les traits avec le pinceau
: alors le deffin ne peut plus s’effacer de deffus
la pièce.
J’ai déjà dit que le vernis employé par les peintres
en vernis, fe nomme kao-kin-tfi: c’eft. ce vernis qui
fert de mordant pour appliquer l’or : c’eft aufli avec
ce vernis qu’ils délayent toutes leurs couleurs. Pour
rendre le vernis plus liquide , ils y mêlent tant foit
peu de camphre, qu’ils ont auparavant bien ëcrafé
& mêlé avec du vernis : ils en font une pâte , qu’ils
paîtriffent ou mêlent pendant un bon quart-d’heure
avec une fpatule ; c’eft de cette pâte dont ils prennent
un peu pour délayer leurs couleurs. Leur mordant
n’eft autre chofe y çomme on vient de le dire ,
que du vernis hoa-kin-tfi, dans lequel on ajoute de
l’orpiment: quand les couleurs font bien mêlées, oni
les paffe par le che-tan-tfchi : ils en paffent communément
fort peu à la fois, peut-être un gros ou deux ,
ils l’enveloppent dans le che-tan-tfchi fimple, & tordent
les deux bouts avec les doigts , recevant la
couleur , à mefure qu’elle paffe fur un des doigts qui
ne font pas employés à tordre: ils le déchargent fur
leur palette, qui n’eft qu’un morceau de bambou, fendu
en deux par la moitié : avant que l’on foit au fait, le
papier crève fouvent. Il faut, auffitôt que la couleur
commence à tranfpirer, détordre un peu le papier
fans le lâcher des mains , mais avec un des doigts
libres paffer de cette couleur qui commence à fortir
fur tout l’endroit où eft enfermée la couleur, prenant
garde d’ouvrir le papier ; cette attention empêche,
pour l’ordinaire , le papier de crever.
Si l’on veut que l’or qu’on doit appliquer foit plus
haut eh couleur, on mêle du cinabre dans le mordant
: après avoir appliqué le mordant, on met la
pièce Técher au laboratoire : douze heures ou environ
fuffifent, pour que ce mordant foit au point qu’il
faut pour y appliquer l’or.
On a eu foin de préparer l’or en coquille ( j’en don*
nerai la façon chinoife à la fin de ce mémoire ) avec
des tapons de fée-mien, qu’on applique fur l’or en
coquille : pour les*én retirer chargés, on frotte légèrement
toute la place, l’or s’attache aux endroits
du mordant; on effuie la pièce avec ces mêmes tapons,
& l’on trouve l’or appliqué fur tout le deffin. Si l’on
craint que l’or ne s’attache fur quelques endroits hors
du mordant, parce que le vernis ne ferait pas-affez
fec ; on écrafe du bol blanc , & avec un morceau?
d’étoffe de foie, on paffe légèrement fur les endroits