
grainées varient par leurs grainures ; quelques-unes,,
ont de gros grains , pendant que'd’autres en ont de
fins. Les raifons de préférence d’une fonte fur une
autre, doivent être prifes , & de fa couleur & de
fa tiffure. Du côté de la tiffure, celles qui ont le
grain le plus fin, le plus diftinft, le mieux démêlé
, le mieux arrondi , le plus approchant de
celui d’un acier trempé peu chaud , l’emportent fur (
les autres : & du côté de la couleur , celles qui ont
des nuances plus brunes font plus faciles a tenir
douces. Les meilleures de toutes, ou au moins
celles qu’on peut fondre avec le moins de précautions
, fans craindre de les rendurcir, font donc
celles q u i, étant noires, ont un grain très-fin &
très-diftinâ. Mais de depx différentes fontes, dont
l’une aura un gris plus clair & fera mieux grainée,
& dont l’aütre fera plus noire avec des grains plus
gros & moins démêlés, on préférera celle de la plus
parfaite grainure : généralement parlant, on pe,ut
beaucoup plus compter fur le grain que fur la cou-
leur. - • S A
Celles q u i, bien confidérées, femblent plutôt
compofées de lames que de grains , font inférieures
aux grainées ; mais entre celles-là, les meilleures
ont les lames plus fines, plus petites , plus détachées
les unes des autres ; & les plus mauvaifes de
toutes ont des amas de lames qui forment comme
de gros grains applatis. '
Si celles qui n’ont que te s lames ne font pas
d’un gris foncé ou très-brun , il fera toujours très-
difficile d’en couler des ouvrages limables.
Qu’on efpère peu de celles qui, quoique extrêmement
noires , paroiffent parfeinées de brillans :
en général, ces brillans dans les fontes grifes, font
de mauvais indices. Si de pins les fontes noires
font compofées de gros grains applatis, elles font
les plus mauvaifes de toutes : des fontes d’un gris
prefque blanc vaudroient fouvent mieux.
Il y a des fourneaux qui, tant qu’ils font au feu,
donnent des fontes des qualités que nous avons indiquées
pour bonnes. Mais un avis très-important
pour les établiffemens où l’on travaillera en grand
aux ouvrages de fer fondu, c’eft qu’il n’y a prefque
point de fourneau où il ne puiffe fe fournir de fontes
convenables': il ne faut que faifir le temps où ils en
çouieront de telles. Les premières .gueufes qui for-
tent d’un fourneau nouvellement mis au feu , font
trèsr-noires, & ordinairement de celles que nous
avons rejetées par le défaut de leurs grainures ;
mais de jour en jour les gueufes viennent d’une
meilleure grainure. Leur couleur aufli va en s’éclair-
ciffant ; & enfin leurs couleurs deviennent blanches
en quelques fourneaux. Le temps ou on fera pro-
vifion de leur fonte fera entre celui où il ont donné
des gueufes trop noires , & celui où ils font près
d’en donner de trop blanches. Ce temps favorable
n’eft pas pourtant difficile à faifir, il vient ordinairement
peu de femaines apr.es que le fourneau a ete
mis en feu. Il y en a où il ne dure pas quinze jours ;
d’autres où il dure plufieurs mois ; car ils paffent
tous du gris au blanc très-inégalement. Une infinité
de caufes peuvent contribuer à cette inégalité, la
conftruétion même du fourneau, la difpofition des
feuillets, la qualité des charbons, & celle des mines.
Mais il ne feroit pas difficile de remettre au gris
un foürneau qui feroit venu au blanc. On a quelquefois
vu ce retour*, fans avoir cherché à le procurer;
ce qui l’occafionne donnera par la fuite idée
de la vraie caufe des différences qui font entre les
fontes de différentes couleurs. Quand les- courans
d’eau qui font mouvoir des fouffiets s’affoibliffent
par la féchereffe , le fourneau d’où la fonte fortoit
blanche, n’en fait plus voir que de grife ; delà il
eft clair que la fonte devient blanche dans les fourneaux
où l’a&ion du feu eft plus violente. Un expédient
pour fe procurer de la fonte grife , eft donc
de diminuer le cours de l’eau qui fait tourner les
fouffiets ; mais cettp diminution ne devroit fe faire
qu’imperceptiblement : qui diminuerôit trop vite la
chaleur, courroit rifque de ne pas fondre la mine,
& de faire ramaffer de ces maffesnon fondues,
qu’on appelle des renards, & qui obligent a eteindre
totalement le feu pour les retirer;
On ne fauroit refondre notre métal fans trouver
un déchet. Un avantage des fontes que nous avons
caraâérifées pour les meilleures , c’eft que dans îa
fufion elles diminuent confidérablement moins que
les autres. Les mauvaifes noires diminuent plus
qu’aucune des autres; on les trouve couvertes d’une
quantité très-confidérable de laitier ou.de matière
vitrifiée ; elles font mêlées apparemment avec beaucoup
de terre de la mine» ‘
Nous avons confeillé de ne faire aucun ufage des
fontes blanches. Aufii toutes celles qui font blanches,
quoiqu’elles aient été coulées en groffes gueufes,
ne peuvent être refondues, pour être coulées en
ouvrages limables ; mais il ne feroit pas aufli jufte
de condamner les fontes blanches qui ont été coulées
en plaques minces. Il peut y avoir de celles-ci
qui font de très-bonne qualité , & qui, malgré les
apparences , font de là nature des grifes. Ces remarques
ne font guère néceffaires pour des manufactures
; mais elles le font pour la phyfique dé
notre a r t, & peuvent l’être pour les ouvriers ordinaires.
Si ces derniers ont acheté de vieilles marmites
pour les refondre , il leur arrivera de trouver
une portion de la même marmite , qui aura la couleur
& la grainure de la meilleure qualité , pendant
que les autres portions feront blanches & trèsrdures»
Ce qui fera blanc, étant refondu , peut être'coulé
doux & gris comme le refte.
Il peut de même y avoir de grandes plaques de
fonte blanche qui ne tiennent à du gris nulle part,
& qui étant fondues, foit dans,la poudre de charbon,
foit dans le mélange de cette poudre & de celle
d’o s , deviendront douces. Il y a une manière de
reconnoître la qualité de ces fontes blanches, de
les distinguer des autres : il n’y a qu’à effayer jj
Ton petit les radoucir promptement. L’effai en eft
aifé à faire , en les recuifant immédiatement au feu
de la forge. La fonte blanche qui s’adoucira Vite j
peut être fondue douce ; mais celle qui foutiendra
une chaleur plus longue, fans devenir grife &
grainée, fera de nature à fortir dure du creufet où
elle au/a été fondue.
Non-feulement on peut par les recuits juger fi
des fontes blanches font proprès à être coulées
douces ; mais les recuits peuvent donner la difpofition
à l’être à celle à qui il en manque peu. Ces
derniers recuits, pour être bons, ne doivent être?
faits que dans la feule poudre de charbon. Après
tout , il feroit très-inutile de nous arrêter aux manières
de rendre de la fonte propre à être fondue
douce, par des recuits qui coûtent toujours des
foins & des frais, pendant qu’on en peut avoir
qui eft telle naturellement.
Je ne dois pas pourtant me difpenfer de parler
d’une forte de fonte blanche, qui, quelques recuits
que j’aie tentés, quelque chofe que j’aie faite, a
toujours été coulée très-dure. Elle n’a pas de caractère
affez marqué pour fe faire diftinguer de
celles qui réuffiroient tout autrement. C ’eft , &
je lui en donnerai toujours les noms dans la fuite,
de la fonte blanche de plufieurs fufions , ou de
la fonte blanche par art : je veux dire que ce genre
eft compofé des fontes q u i, étant ferries , ou blanches
, ou grifes du fourneau où la mine de fer à
été fondue, ont depuis été refondues une ou plufieurs
fois, ou tenues liquides pendant du temps.
Il n’y a guère que des yeux très-accoutumés, à les
voir, qui puiffent ne les pas confondre avec celles
qui font ferries blanches du fourneau : leur tiffure
paroît pourtant plus compaâe que celle de ces
dernières. Il fera rare de trouver de cette efpèce
de fonte ailleurs que chez les ouvriers mêmes qui
s’occupent actuellement à mouler le fer, & ils n’en
auront que ce qui leur viendra des ouvrages manqués
, ou de ce qui fera refté dans les creufets. La
quantité de cette efpèce de fonte ne fera jamais
comparable à celle des autres. Les ouvriers mêmes
qui chercheront à couler doux, comme on le cherchera
apparemment à l’avenir, n’auront prefque
point de cette fonte. Nous en faifons une clafle à
part, & elle le mérite par la propriété fingulière
qu elle a de ne pouvoir être coulée douce, au moins
par les moyens qui font le mieux réuflir les autres
fontes blanches.
Ce phénomène eft un de ceux qui méritent d’être
remarqués dans notre art. Si je prends une fonte
grife, quelle que foit la qualité de cette fonte ,
& que je la fonde feule dans un creufet, je la rends
blanche, fi je la tiens liquide pendant un certain
temps qui, dans de petits creufets, n’a jamais be-
*°jn d’aller à une demi-heure ; fi après cette première
fufion il lui étoit refté en quelqu’endroit une
nuance de gris, je n’ai qu’à la refondre, & elle
deviendra parfaitement blanche. Cette fonte qui a
été ainfi refondue peut être adoucie, comme nous
lavons expliqué en tant d’endroits. En l’adoucif-
fant, je la fais paffer fucceflivement par différentes
Arts & Métiers. Tome II. Partie II.
nuances de gris : qu’on la prenne lorfqu’elle eft:
venue à la nuance de laquelle que ce foit des fontes
naturellement grifes ; qu’alors on la mette dans
un creufet au milieu des mélanges de poudre d’os
& de charbon, & qu’on l’y fonde : on aura beau
la faire couler dans l’inftant même où elle a été
rendue liquide, elle fera blanche comme elle l’étoit
la première fois. J’ai voulu voir fi ce n’étôit point
que cette efpèce de fonte demandât des dôfes de
charbon ou d’os , différentes de celles que veulent
les autres fontes. Je l’ai donc fondue dans les os
feuls, dans le charbon feul, & dans des mélanges
de ces deux matières faits en différentes proportions
, où tantôt l’une dominoit & tantôt l’autre,
& ç’a toujours été avec le même fuccès.
Ce qu’on peut avoir de fonte de cette efeèce
dans un atelier, ne fera pourtant pas de la fonte
inutile à ceux qui voudront couler doux ; il refte
un moyen d’en faire ufage. Pour cela-, il faut tour
jours commencer par l’adoucir , & la très-bien
adoucir. On mêlera cette fonte adoucie avec de
la fonte naturellement grife qu’on fondra comme
nous l’avons enfeigné ; feulement faut-il prendre
garde à ne pas mêler la fonte blanche de plufieurs
fufions en trop grande proportion avec la fonte
grife. J’ai fondu d’abord trois parties de fonte blanche
adoucie avec une partie de fonte grife naturellement.
Dans la compofition faite des parties
égales, os & charbon, la fonte compofée qui en
eft venue a été très-blanche. La fonte blanche
adoucie & fondue feulement à partie égale avec
la fonte grife , a donné une fonte grife d’un gris
affez blanc , mais aufli médiocrement limable. Mais
deux parties de fonte grife, & une de fonte blanche
adoucie, m’ont paru une dofe fûre qui donne
de belle fonte grife & affez limable.
Afin que le mélange de ces deux fontes fe faffe
plus parfaitement dans le creufet, il faut y mettre
alternativement des lits de fonte blanche, & des
lits de fonte grife. Au refte, c’eft toujours la fonte
blanche adoucie, & très-bien adoucie , que je mêle
avec la grife : car fi c’étoit de la fonte blanche non
adoucie , la fonte grife n’en pourroit porter qu’une
très-petite quantité. Toute fonte blanche par art
n’eft pourtant pas fi peu traitable, lorfqu’elle n’a
fouffert qu’une feule fufion : quand elle eft venue
d’une fonte douce, elle confervé encore quelque
temps de la difpofition à redevenir douce.
J’ai fondu de la fonte grife très-douce ; je l’ai
tenue en fufion jufqu’à ce qu’elle ait eu pris le
blanc. T ai fait adoucir cette fonte blanche dont je
connoiffois l’origine; adoucie, je l’ai fait fondre
dans le mélange d’os & de charbon , & j’en ai eu
une fonte très-grife & très-limable. J’ai fait aufli
la même expérience fur des fontes de fécondé fufion
, dont l’origine ne m’étoit pas connue, mais
qui en avoient apparemment une bonne. Mais fi
cette fonte blanche eût été encore raife en fufion
une ou deux fois, ou fi cette fonte fût venue d’une
fonte naturellement blanche, inutilement tenteroit-
T t t t