
moment de la paffer au feu; car fi on l’avoit laiffée
refroidir, il faudroit la réchauffer peu-à-peu à l’en-
f é e du fourneau, fans quoi l ’on expoferoit l’émail
à pétiller.
Une précaution à prendre par rapport à la tôle
percée de trous, c’eût de la faire rougir & de la
battre avant que de s’en fervir, afin d’en féparer les
écailles. Il faut qu’elle ait les bords relevés, enforte
que la pièce que l’on place deffus n’y touchant que
par fes extrémités, le contre-émail ne s’y attache
point.
On a des pinces longues & plates, qù’on appelle
relev e-moufiache, dont on fe fert pour enlever la plaque
& la porter au feu.
On pane la pièce au feu dans un fourneau, dont
on trouvera la figure 6* des coupes dans les planches
de Vèmailleur, avec celles d'un pain aTémail, du mortier,
de la molette, du chevalet, de la fipatule , des
tôles, du relev e-moufiache, des moufles, de la pierre à
ufer , & des autres outils de l’atelier du peintre fur
Vémail. Voyez les figures & leur explication , pi. IV
de Vèmailleur y tome I I des planches gravées.
Le fourneau d’émailleur qu’on voit dans Haudic-
quer de Blancourt, eût fans grille. ,11 eût plus que
probable que l’émail qui doit fon origine à la chimie *
lui doit auûii le fourneau qui y eût employé. C ’eût
le fourneau d’effai qu’on à pris, mais le fourneau
d’effai fans grille.
Il faudra fe pourvoir de charbon de bois de hêtre,
& à fon défaut, de charbon de bois de chêne. On
commencera par charger le fond de fon fourneau de
trois lits de branches. Ces branches auront un bon
doigt degroffeur ; on les coupera chacune de la longueur
de l’intérieur du fourneau, jufqu’à fon ouverture
; on les rangera les unes à côté des autres de
manière qu’elles fe touchent. On placera celles du
fécond lit dans les endroits où celles du premier lit
fe touchent, & celles du troifièmelit, où fe touchent
celles du fécond ; enforte que chaque branche du
troifième lit foit portée fur deux branches du fécond,
& chaque branche du fécond fur deux branches du
premier. On choifira les branches fort droites , afin
qu’elles ne laiffent point de vide : un de leurs bouts
touchera le fond du fourneau , & l’autre correfpon-
dra à l’ouverture. On a choifi cette difpofition, afin
que s’il arrivoit à une branche de fe cônfumer trop
promptement, on pût lui en fubfiituer facilement
une autre.
Gela fait, on a une moufle de terre : on la placé
fur ces lits de charbon, l’ouverture tournée du côté
de la bouche du fourneau, & le plus à ras de cette
bouche qu’il eût poûfible.
La moufle placée, il s’agit de garnir fes côtés &
fa partie poftérieure, de charbons de branches. Les
branches des côtés font rangées comme celles des
lits : les poftérieures font mifes tranfverfalement.
Les unes & les autres s’élèvent jufqu’à la hauteur
de la moufle. Au-delà de cette hauteur, les branches
font rangées longitudinalement & parallèlement à
celles des lits. Il n y a qiiùu lit fur la moufle.
Lorfque ce dernier lit eft fait, on prend du petit
charbon delà même efpèce, & l’on en répand deffus
à la hauteur de quatre pouces. C ’eft alors qu’on
couvre le fourneau de fon chapiteau ; qu’on étend
fur le fond de la moufle trois ou cinq branches
qui rempliffeiit fon intérieur en partie, & qu’on
jette par la bouche du fourneau , du charbon qu’on
a eu le foin de faire allumer tandis qu’on chargeoit
le fourneau.
On a une pièce de terre qu’on appelle Ydtré ,* on
la place fur la mentonnière : elle s’élève à la hauteur
du fond_ de la moufle. On a de gros charbons delà
même efpèce que celui des l i tson en bouche toute
l’ouverture de la moufle, puis on laiffe le fourneau
s’allumer de lui-même : on attend que tout en pa-
roiffe également rouge. Le fourneau s’allume par
l’air qui fe porte aux fentes pratiquées tant au fourneau
qu’à fon chapiteau.
Pour .s’affurer fi le fourneau eft affez allumé, on
retire l’âtre, afin de découvrir le charbon rangé en
lits fous la moufle ; & lorfqu’on voit ces lits également
rouges par-tout , on remet l’âtre & les
charbons qui étoient deffus, & l’on avive le feu en
foufflant dans la moufle avec un fouûHet.
Si , en ôtant la porte du chapiteau, l’on s’apperce-
voit que le charbon fe fût foutenu élevé, il faudroit
le faire defcendre avec lapincette, & aviver le feu
dans la moufle avec le fouûHet, après avoir remis la
p 3,rte du chapiteau.
Quand la couleur de la moufle paroîtra d’un rouge*
blanc , il fera temps de porter la pièce au feu ; c’eût
pourquoi l’on nettoiera le fond de la moufle du charbon
qui y eft, & qu’on rejettera dans le fourneau par
le trou du chapiteau. On prendra la pièce avec le
relev e-moufiache& on la placera fur la moufle le
plus avant qu’on pourra. Si elle eût été froide, il eût
fallu, comme nous en avons déjà averti plus haut,
1 expofer d abord fur le devant de la moufle , pour
l’échauffer , & l’avancer fucceûfivement iufau’au
fond.
Pour introduire la pièce dans la mouf lei l a fallu
écarter les charbons qui couvroient fon entrée.
Quand'la. pièce y eft introduite , on la referme avec
deux charbons feulement, à travers defquels on regarde
ce qui fë paffe.
Si l’on s’appef çoit que la fufion foit plus forte vers
le fond clë la moufle que fur le devant ou fur les
côtés, on retourne la pièce jufqu’à ce qu’on ait rendu
la fufion égale par-tout. Il eft bon de; favoir qu’il
n’eft pas néceffaire au premier feu , que la fufion
foit poùffée jufqu’où elle peut aller, & que la furface
de l’émail foit bien unie.
On s’apperçoit au premier feu , que la pièce doit
etre retirée, lorfque fa furfaçej quoique montagneufe
& ondulée, préfente cependant des parties liées &
une furface unie, quoique non plane.
Cela fait, on retire fa pièce ; on prend la tôle fur
laquelle elle etoit pofée,; & on la bat pour en détacher
les écailles : cependant la pièce refroidit.
On rebroie de l’émail , mais on le broie le plus fin
qu’il
<fu’il eft poûfible, fans le mettre en bouillie. L’émail
avoit baillé au premier feu : on en met donc à la fécondé
charge un tant foit peu plus que la hauteur du
filet : cet excès doit être de la quantité que le feu
ôtera a cette nouvelle charge. On charge la pièce.
cette fécondé fois comme on l’a chargée la première :
on prépare le fourneau comme onl’avoit préparé:
on met au feu de la même manière; mais on y
laiffe la pièce en fufion, jufqu’à ce qu’on lui trouve
la furface unie, liffe & plane. Une attention qu’il
faut avoir à tous les feux, c’eft de balancer fa pièce,
l’inclinant de gauche à droite & de droite à gauche,
& de la retourner. Ces mouvemens fervent à com-
pofer entre elles les parties de l’émail, & à diftribuer
également la chaleur.
Si l’on trouvoit à la pièce quelque creux au fortir '
de ce fécond feu , & que le point le plus bas de ce
creux defcendît au deffous du filet, il faudroit la
recharger légèrement & la paffer au feu, comme
nous venons de le prefcrire,.
Voilà ce qu’il faut obferver aux pièces d’or. Quant
à celles de cuivre , il faut les charger jufqu’à trois
fois , & les paffer autant de fois au feu : on s’épargne
parce moyen la peine de les ufer, l’émail en devient
même d’un plus beau poli.
Je ne dis rien des pièces d’argent, car on ne peut
abfolument en émailler des plaques ; cependant tous
les auteurs en font mention, mais je doute qu’aucun
d’eux en ait jamais vu. L’argent ûe bourfoulHe, il fait
bourfouûHer l’émail; il s’y forme des oeillets & des
trous. Si l’on réulfit, c’eft une fois fur vingt; encore
eft-cetrès-imparfaitement, quoiqu’on ait pris la précaution
de donner à la plaque d’argent plus d’une
ligne d’épaiffeur, & qu’on ait foudé une feuille d’or
par deffus. Une pareille plaque foutient à peine un
premier feu fans accident : que feroit-ce donc fi la
peinture exigeoit qu’on lui en donnât deux, trois,
quatre & même cinq ? d’où il s’enfuit, ou qu’on n’a
jamais fu peindre fur des plaques d’argent émaillées,
ou que c’eft-un fecret abfolument perdu. Toutes nos
peintures en émail font fur l’or ou fur le cuivre.
Une çhofe qu’il ne faut point ignorer , c’eft que
toute pièce émaillée en plein du côté que l’on’doit
peindre, doit être contre-émaillée de l’autre côté ,
à moitié moins d’émail, fi elle eft convexe; fi elle
eft plane, il faut que la quantité du contre-émail
foit la même que celle de l’émail. On commence.
par le contre-émail, & l’on opère comme nous
l’avons preferit ci-deûîùs ; il faut ûeulemént laiffer au
contre-émail un peu d’humidité, fans quoi il en
pourroit tomber une partie lorfqu’on viendrait à
frapper avec la fpatule les côtés de la plaque , pour
faire ranger l’émail à fa furface, comme nous l’avons
preferit.
Lorfque les pièces ont été-fuffifamment chargées
oc paffées au feu , on eft obligé de les ufer, fi elles
font plates ; on fe fert pour cela de la pierre à affiler
les tranchets des cordonniers : on l’humeéte, on la
promène fur l’émail avec du grès tamifé. Lorfque
toutes les ondulations auront été atteintes & effa-
Ans 6* Métiers. Tome II, Partie II.
cées, on enlèvera les traits du fable avec l’eau &
la pierre feule. Cela fait, on lavera 'bien la pièce ,
en la fayetant & broffant en pleine eau. S’il s’y eft
formé quelques petits oeillets, & qu’ils foient découverts
, bouchez-lës avec un grain d’émail, &
repaffez votre pièce au feu pour la repolir. S’il en
paroît qui ne foient point percés, faites-y un trou
avec une ônglette ou burin : rempliffez ce trou,
de manière que.l’émail forme au deffus un peu
d’éminence, & remettez au feu ; l’éminence venant
à s’affaiiffer par le feu, la furface de votre plaqué
fera plane & égale.
Lorfque la pièce ou plaque eft préparée,' il s’agit
de la peindre. Il faut d’abord fe pourvoir de couleurs
; elles doivent être broyées au point qu’elles
ne fe Tentent point inégales fous la molette ayez
foin de les avoir en poudré, de la couleur qu’elles
viendront après avoir été parfondues, telles q u e ,
quoiqu’elles aient été couchées fort- épais, elles • ne
croûtent point, ne piquent point l’émail, ou ne
s’enfoncent point,-après plufieurs feux, au deffous
du niveau de la pièce. Les plus dures à fe parfondre
paffènt pour les meilleures ; mais fi on poüvqit les
accorder toutes d’un fondant qui en rendît le parfond
égal, il faut convenir qiie l’artifte en travaillerait
avec beaucoup plus de facilité : c’eft-là un des points
de:perfection que ceux qui s’occupenrdë la préparation
des couleurs pour l’émail, devraient fe propofer.
Il faut avoir grand foin , fur-tout dans les commen-
cemens , de tenir regiftre de leurs qualités, afin dé
s’en fervir avec quelque sûreté ; ! il y aura-beaucoup
à gagner à faire dés notes de tous lès mélanges qu’on
en aura effayés. Il faut tènir fes couleurs renfermées
dans de petites boîtes de buis, qui foient étiquetées
& numérotées.
Pour s’affurer des qualités de fes couleurs, on aura
de petites plaques d’émail qu’on appelle inventaires
on y exécutera au pinceau des traits larges comme
des lentilles ; on numérotera ces traits, & l’on mettra
l’inventaire au feu.. Si l’on a obfervé de coucher
d’abord la couleur inégale & légère, de repaffer
enfuite fur cette première couche de la couleur
qui faffe des épaiïïeurs inégales ; ces inégalités dér
termineront au fortir du feu la foibleffe, la force Sc
les nuances.
.C’eft'ainfi que le peintre en émail formera fa palette';
ainfi la palette d’un émailleur e ft, pour ainfi
dire, une fuite plus ou moins confidérablç d’effais
numérotés'fur desinventaires, auxquels il a reçours
félon le befoïn. Il eft évident'que plus il a. de ces
effais d’une même couleur & de couleurs, diverfes,
plus il complète fa palette ; & ces effais font, ou de
couleurs pures & primitives, ou de couleurs réful-
tantes du mélange de plufieurs autres. Celles-ci fe
forment pour l’émail, comme pour tout autre genre
de peinturé , avec cette différence, que dans les
autres genres de peinture les teintes reftent telles que»
l’artifte les aura appliquées ; au lieu que dans la peinture
en émail, le feu les altérant plus ou moins d’unç
infinité de manières différentes, il faut que l’émail«
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