
6®.. Comme la beauté de la dorure à l’huile
dépend principalement de la manière de la vernir,
nous allons indiquer comment on s’y prend.
70. Pendant que vous verniffez , que l’attelier
foit très-chaud ; pofez la couche de vernis bien po-
fément & bien uniment, à mefure que vous verniffez
; ayez foin qu’un autre ouvrier vous fuive par
derrière, réchauffe l’ouvrage avec un réchaud de
doreur, en le promenant plufieurs fois devant la
couche , fans s’arrêter au même endroit, de crainte
de faire bouillonner le vernis. Cette chaleur fait
revenir l’o r , en rendant au vernis toute fa tranfpa-
rénce avant d’être fe c , fans quoi il deviendroit blanc
& louche.
Manière de dorer à 4 'huile vernie-polie > fuivant les
procédés de M. Wdtin.
i° . Broyez très-fin du blanc de cérufe, moitié
©chre jaune , & un peu de litharge, chacun fépa-
rément ; détrempez le tout avec de l’huile grane,
coupée d’effence de térébenthine , & étendez cette
couche d’impreflion uniment & féchement.
2°. La couche sèche, prenez de la teinte dure ,
laquelle fe compofe avec du blanc de cérufe qui
ne foit pas trop calciné , broyé à l’huile graffe &
détrempé a l’effence. Donnez-en plufieurs couches
à un jour de diftance , les laiffant fécher dans un
endroit chaud, ou au foleil ; mettez jufqu’à dix
ou douze couches , autant que l’ouvrage l’exigera :
les fonds unis en demandent davantage. Il faut
qu’ils foient bien garnis, pour mafquer les pores
du bois.
30. Les couches données, & l’ouvrage bien fe e ,
adoucirez d’abord avec une pierre-ponce & de
Feau, enfuite avec une ferge & de la ponce paffée,
& tamiféè au tamis de foie : quand la teinte dure
eft bien adoucie, elle doit être fans rayure & unie
comme une glace.
40. Avec une broffe de poil de blaireau, donnez
bien légèrement, & toujours à une chaleur
douce, dans un endroit expofé au foleil, quatre
à cinq couches d'un beau vernis à la laque : fi ce
font de grands fonds de panneaux unis que vous
avez à dorer en plein , donnez - en jufqu’à dix
couches.
70. Lorfqu’élles font sèches , poliffez avec de la
prêle dans les fonds dé panneaux & dans les fculp-
tures ; enfuite avec de la potée & du tripoli, qu’il
faut détremper dans l’eau, dont vous imbiberez
une ferge, poliflez votre vernis, afin qu’il devienne
comme une glace.
_ 6°. L’ouvrage p oli, portez-le dans un endroit
chaud; prenez garde à la pouflière. Donnez une
couche d’un mordant léger, qu’on appelle mixtion,
avec une broffe très-propre & très-douce, qui ne
jette ni poil, ni ordure. Cette couche doit être donnée
très-légèrement & très-uniment, fans épaifleur, en
adouciffant : le moins qu’on en peut mettre eft le
mieux.
70. Laiffez fécher la mixtion , jufqu’à ce qu’elle
foit bonne à dorer, & qu’elle commence à happer ‘
ce qu’on reconnoît en pofant le dos de la main
dans un petit coin du panneau. Pour dorèr les grandes
parties , en ouvrant un livret d’o r , appuyez le
bord de la feuille, & l’ouvrez à méfure que la
feuille s’étend entière, fans aucun pli ; cela s’appelle
pofer au livret ; rangez les feuilles à côté, les unes des
autres; le moins qu’il fera polfible de mettre de
pièces, fera le meilleur. Pour ce qui eft des fonds
& des fculptures, il faut les dorer , comme on Ta
dit, en appuyant l’or avec du coton.
8°. Epouffetez bien l’or avec un pinceau très-
doux , & laiffez-le fécher plufieurs jours.
90. La partie dorée & époufîetée, avec une broffe
de blaireau carrée, de la largeur de trois doigts,
verniffez l’ouvrage avec un Vernis à l’o r , à l’efprit-
de-vin, pofez-le au réchaud, comme nous venons de
le dire.
io°. L’ouvrage f e c , donnez plufieurs couches
d’un vernis gras blanc, au copal ou karabé, ou d’un
vernis gras a l’o r , laiffant entre chaque couche une
diftance de deux jours : mieux vaut les préfenter
au foleil , & les y laifler expofées ; fa chaleur
fèmble éclairer l’ouvrage, & le durcit davantage.
Les grands fonds de panneaux demandent plus de
vernis que les fculptures : à l’égard des meubles,
on n’en donne que deux ou trois couches.
1 1°. Poliffez les panneaux avec une ferge ou im
morceau de drap, imbibé de tripoli & d’eau, &
luftrez-les avec la paume de la main, que vous aurez
ointe d’un peu d’huile d’o live, ayant foin de n’en
point ufer dans un endroit plus que dans l’autre,
de crainte d’atteindre l’or ; fi ce font des trains de
voitures ou des meubles , qui ne fe poliffent guères,
l’on y donne plus de couches de vernis à l’o r , à l’ef-
prit-de-vin, & deux ou trois couches de vernis gras.
Manière eC imiter V avcnt urine en or.
L’aventurine eft une pierre rougeâtre ou jaunâtre,
belle & agréable à la vue , toute parfemée de
paillettes qui femblent de l’or.
Pour faire l’aventurine dorée, prenez du beau
ftil-de-grain , & du blanc de cérufe-, & glacez avec
une couche de vernis à l’o r , à i’efprit-de-vin, que
vous aurez foin de préfenter au feu pour faire revenir
l’or. Cette façon d’aventurine d’or eft très-belle ;
mais on confeille à ceux qui voudront en faire en
o r , de prendre d<T l’aventurine dorée, qui n’eft pas
fujette à s’éteindre, puifqu’elle porte elle-même fa
couleur.
Cette couleur d’aventurine n’eft que pour des
fonds unis qu’on veut mettre d’une ieule couleur
d’aventurine en plein ; mais l’on en fait de fables,
ce qui fe fait en faupoudrant l’aventurine légèrement
, de façon que le fond deTa couleur paroiffe.
Manière de faire des fonds d’Or ou d’argent glaces.
Lorfqu’on veut peindre quelques riches morceaux
. en or , ou en argent glacé, les préparations font les
mêmes que celles qu’on emploie lorfqu’on veut
dorer à l’or mat à l’huile. Quand l’or ou l’argent eft
pôfé
pofë fur la mixtion, & qu’il eft fec ; on colore le
morceau de fculpture dans la couleur qui lui convient,
avec les matières qui portent leurs glacis ;
comme laque pour les rofes; bleu de Pruffe de.
Berlin pour les bleus ; ftil-de-grain, bleu de Pruffe
& verd-de-gris calciné pour les verdsj ftil-de-grain
d’Angleterre & terre de Cologne pour les refends
& les ombres : toutes ces couleurs n’ayant aucun
corps, glacent l’or ou l’argent, qui paroiflènt tranf-
parens au travers de la liqueur qui en eft imprégnée ;
elles fe broient à l’huile de noix, & s’emploient
avec de très-belle huile de lin graffe , & de l’effence
de térébenthine. Il eft de l’art du peintre de bien
ménager & diftribuer fes couleurs pour faire valoir
la fculpture, & que l’or ou l’argent ne foient
que glacés ; enfuite on met par deffus un beau vernis
à l’efprit-de-vin.
Ces ouvrages font fort ufités ; on les emploie à
des armoiries, oii il entre or & argent, aux décorations
de théâtre, fur'beaucoup de fers blancs éta-
rnés j enfin fur les équipages.
Dorure en détrempe,
Quoique la dorure en détrempe fe faffe avec plus
de préparatifs, & pour ainfi dire avec plus d’art
que la dorure à l’huile , il n’en eft pas moins confiant
qu’elle ne peut être employée en tant d’ôuvrages
que la première, les ouvrages de bois & de ftuc étant
prefque les feuls que l’on dore < à la. colle ; encore
faut-il qu’ils foient à couvert, cette dorure ne pouvant
réfifter , ni à la pliiië , ni aux impreftions de
l’air, qui la gâtent & l’écaillent aifément.
La colle dont onfefc%tpour dorer, doit être faite
de rognures de parchemin ou de gants, 'qu’on fait
‘bouillir dans l’eau, jufqu’à ce qu’elle s’épaifliffe en
confiftance de gelée.
Si c’eft du bols qu’on veut dorer, on y met d’abord
une couche de cette colle toute bouillante , ce
qui s’appelle encoller le bois. Après cette première façon
, -& lorfque la colle eft sèche, on lui donne le
blanc, c’eft-à-dire, qu’on l’imprime à plufieurs repri-
fes d’une couleur blanche détrempée dans cette
colle, qu’on rend plus foible ou plus forte avec de
l’eau, fuivant que l’ouvrage le demande.
Ce blanc eft de plufieurs fortes : quelques doreurs
le font de plâtre bien battu, bien broyé &
bien tamifé; d’autres y emploient le blanc d’Efpagne ‘
ou celui de Rouen. Il y en a qui fe fervent d’une
efpèce de terre blanche, qu’on tire des carrières de
Sève, près Paris, qui n’eft pas mâuvaife quand elle
eft affinée;
On fe fert d’une broffe de poil de fanglier pour
coucher le blanc. La manière de le mettre & le nombre
des couches font différens, fuivant l’efpèce des
ouvrages. A ceux de fculpture, il ne faut que fept
ou huit couches ; aux ouvrages unis, il en faut juf-
qu à douze. A ceux-ci, elles fe mettent en adoucif-
lant, c’eft-à-dire , en traînant la broffe par deffus ;
aux autres, on les donne en tappant, c’eft-à-dire, en
frappant plufieurs coups du bout de la broffe, pour
&& d* M^iers, tome XL fViie X,
faire entrer la couleur dans tous les creux de la
fculpturé.
L’ouvrage étant parfaitement fe c , on l’adoucit ;
ce qui fe tait en le mouillant avec de l’eau nette ,
& en le frottant avec quelques morceaux de groffe
toile , s’il eft uni ; & s’il eft de fculpture , en fe fer-,
vant de légers bâtons de lapin, auxquels font attachés
quelques lambeaux de cette même toile, pour
pouvoir plus aifément fuivre tous les contours , &
pénétrer dans tous les enfoncemens du relief.
Le blanc étant bien adouci, on y met le jaune ;
mais fi c’eft un ouvrage de relief, avant de le jaunir;
on le repare , on le recherche, on le coupe , & on le
bretelle ; toutes façons qui fe donnent avec de petits-
outils de fer, comme les fermoirs, les gougês &
les cifeaux, qui font des inftrumens de fculpteurs *
ou d’autres qui font propres aux doreurs ; tels que
font le fer quarré qui eft plat, & le fer à retirer qui
eft crochu.
Le jaune qu’on emploie eft Amplement de l’ocre
commun, bien broyé & bien tamifé, qu’on détrempe
avec la même colle qui a fervi au blanc *
mais plus foible de la moitié. Cette couleur fe couche
toute chaude ; elle fupplée dans les ouvrages
de fculpture à l’or qu’on ne peut quelquefois p o r ter
jufque dans les creux, & fur les revers des feuillages
& des Qrnemens.
L’affiette fe couche fur le jaune, en obfervanf
de n’en point mettre dans les creux dés ouvrages de
relief. On appelle ajfette, la couleur ou compofi-,
tioïi fur laquelle doit fe pofer & s’affeoir l’or des
doreurs. Elle eft ordinairement compofée de bot
d’Arménie, de fanguine, de mine de plomb, &
d’un peu de fuif : quelques-uns y mettent du favon
& de l’huile d’olive ; & d’autres , du pain brûlé ,
du biftre , de l’antimoine, de l’étain de glace, du
beurre, & dufucre candi.Toutes ces drogues ayant
été broyées' enfemble, on les détrempe dans la colle
de parchemin toüte chaude , & raifonnablement
forte ; & l’on en applique fur le jaune jufqu’à trois
couches, lés dernières ne fe donnant que lorfque
les premières font parfaitement sèches* La broffe
pour coucher l’affiette doit être douce ; mais quand
elle eft couchée, on fe fert d’une autre broffe plus
rude, pour frotter tout l’ouvrage à fe c , ce qui enlève
les petits grains qui pourroient être reftés ,
& facilite beaucoup le bruniffement de l’or.
Lorfqu’on veut dorer, on a trois fortes de pinceaux
; des pinceaux à mouiller, des pinceaux à ra-
mender, & des pinceaux à maîter : il faut aufli un
couflinet de bois, couvert de peau de veau ou de
mouton , & rembourré de crin ou de bourre’ , pour
étendre les feuilles d’or battu au fortir du livre ; un
couteau pour les couper, & une palette ou un bilboquet
pour les placer’ fur l’affiette. Te bilboquet
eft un infiniment de bois plat par deffous, ou eft
attaché un morceau d’étoffe, & rond par deffus pou»
le prendre & manier plus aifément.
On fe fert d’abord des pinceaux à mouiller pour
donner de l’humidité à M e t t e , en l’humeélant
JLÏ