
on profite peu du charbon qui a été brillé auparavant.
Au lieu de porter le creufet fur les moules
dans notre nouvelle difpofition , on apporte les
moules fous le creufet : on incline le creufet, on
lui fait verfer fa matière fans le déplacer, & fans
ôter la tour. Il fait en quelque forte corps avec la
tour, ou ils font liés enfemble par des barreaux
de fer aufli folidement que s’ils faifoient corps. Pour
incliner le creufet, on prend deux branches de fer
attachées ou enclavées dans un lien qui entoure le
haut de la tour ; un homme fe faifit d’une branche,
& un de l’autre ; en abaiffant le haut de la tour,
ils font pencher le creufet qui verfe la matière dans
des moules ; s’ils font dans une preffe, un ouvrier
avance ou recule, incline ou redrefle la preffe ; à
mefure qu’un des moules eft rempli, il eft attentif,
à bien préfenter l’ouverture d’un autre au métal
qui coule. On peut même placer les moules fur une
efpèce de petit chariot, dont un ouvrier tiendra le
timon : ce qui donne plus de facilité à les mouvoir
& à les incliner de la façon qu’on trouve convenable.
Comme il n’eft pas aufli aifé de verfer la matière
qui fort de ce grand creufet .dans l’ouverture du
moule, qu’il eft aifé de verfer celle d’un petit creufet
qu’on tient avec des tenailles, on trouvera commode
de fe fervir, comme je l’ai fait pratiquer,
d’un petit entonnoir de terre cuite, ou , fi on le
veut plus durable, de fer forgé ,-OU de cuivre fondu.
On place cet entonnoir au deffus de l’ouverture du
moule ; il eft foutenu par une pièce de fer, dont le
milieu forme une efpèce de collier affez grand pour
laiffer entrer partie de l’entonnoir. Cette pièce de
fe r , près de fes deux bouts, eft repliée en équerre,
& à des diftances telles l’une de l’autre, qu’entre les
deux parties repliées il y a précifément une diftance
égale à la largeur des deux châflis dont le moule eft
formé. Ce n’eft pas une dépehfe que d’avoir de ces
pièces de toutes les grandeurs , dont on a des
châflis : mais avec des v is , on peut mettre une pièce
de fer à des châflis de différentes grandeurs. Avant
de pofer l’entonnoir en place, on aura la précaution
de le faire chauffer ; on le placera aufli de façon
qu’il refte quelque diftance entre le bout de fon
tuyau & le trou ou jet du moule, afin de pouvoir
remplir le moule, fans qu’il refte de métal dans
l ’entonnoir.
Quand le creufet eft en terre, il eft placé plus
favorablement pour conferver fa chaleur que lorf-
qu’il eft au milieu de l’air. Pour remédier à ce que
cette dernière difpofition a de défavantageux, on
donnera à l’efpèce de boîte, à l’efpèce de calotte
de tôle, qui forme les parois extérieures du creufet,
plus de profondeur & de diamètre que le creufet ne
le demander oit ; & dans celle-ci, on en mettra une
fécondé moins profonde, & qui n’aura un diamètre
égal à celui de l’extérieure qu’auprès des bords ; ce
fera cette dernière qu’on recouvrira de terre, &
qui formera le creufet. Il reliera un vide entre ces
deux efpèces de calottes de tôle : l’extérieure fera
percée de trois ou quatre ouvertures affez grandes
pour laiffer entrer des charbons allumés qui rempliront
le vide, & ' échaufferont le fond & les parois
extérieures du véritable creufet.
Au lieu de la fécondé calotte, on peut arranger
divers morceaux de fe r , de façon qu’un de leurs
bouts porte contre le bord fupèrieur de la calotte
de tôle, & que l’autre bout de chaque barreau aille
fe réunir autour d’un même point. Ils renfermeront
une. efpèce de cône ; ils formeront une efpèce
de grille conique, qu’on enduira intérieurement de
la couche de terre qui doit former le creufet.
Qu’on ne cherche pas à rendre le creufet trop
folide, en donnant beaucoup d’épaiffeur à la couche
de terre ; il auroit peine à s’échauffer ; la fonte qui
toucheroit le fond , pourroit fe figer : que fon
épaiffeur foit d’un pouce ou peu davantage, &
elle fera fuififante.
On aura foin de réferver une ouverture tout au
| bas de la tour, oppofée à peu près à celle où eft
la tuyère : fon ufage fera juger de la grandeur qui
lui convient. Chaque fois qu’on fera prêt à couler
la fonte,- on fera entrer par cette ouverture un ringard
crochu, quelque efpèce de ; ratiffoire , avec
laquelle on entraînera les charbons, & fur-tout les
craffes & toute la matière vitifiée qui furnagent la
fonte.
Quoique ces derniers fourneaux fourniffent de la
matière pour remplir de plus, grands moules , ou
plus de moules médiocres qu’on n’en pourroit
remplir par le moyen de ceux où l’on fond le fer
dans des creufets de terre, cependant ils ne poudroient
fuffire. qu’au travail de quelque maître fondeur.
Pour des manufaélures confidérables, on les
pourroit; faire plus grands, leur donner de plus
forts foufflets, & même mus par l’eau : car ils font
faits fur le principe de ceux où l’on fond la mine
de fe r , qui ne font réellement que de très-grands
fourneaux à manche. Mais dès qu’on aura la Facilité
de mouvoir des foufflets par l’eau.,, je confeille
d’avoir recours à une autre efjDèce de fourneau plus
fimple, plus expéditif, & propre à donner abondamment
du métal fluide : je veux parler de ces
fourneaux appelés affineries en quelques pays, &
renardières en d’autres. On s’en fert pour fondre
la fonte qu’on veut convertir, foit en acier, foit
en ces fers qu’on nomme quarillans.
Rien n’eft plus fimple que les affineries ou renardières
ordinaires. Deux grands foufflets pouflent
leur vent dans une tuyère pareille à celle qui reçoit
le vent du foufflet de la forge d’un ferrurier.
Au deffus de cette tuyère, dans l’endroit où eft
lé foyer de la forge du ferrurier, eft un trou qui
a la forme d’une pyramide tronquée à quatre faces.
Ce trou eft formé par de folides murs de briques ;
fes parois intérieures font de plus revêtues de
quatre épaiffes plaques de fonte de fer ; une de
ces plaques feulement eft percée près du bas. Le
mur de brique manque aufli en cet endroit ; le cote
où eft cette ouverture eft le devant de raffinerie, &
c’eft par ce côté qu’on donne écoulement hors du
fourneau au métal fondu.
Avant de fonger à y en fondre, on remplit le
trou avec du charbon pilé, ou au moins concaffé
affez menu ; on le bat même à mefure qu’on en
remplit le trou ; il y doit être bien entaffé. Nous
n’infifterons pas davantage -fur cette circonftance,
& fur quelques autres petites particularités , parce
qu’elles ne font rien au but que nous nous propofons.
Ce qui y eft effefltiel, c’eft qu’on pofe au deffus
du trou rempli de charbon le bout des plus groffes
gueufes. On le recouvre de gros charbon; le vent
des foufflets les allume , & enfuite en darde la ■
flamme & la fait circuler fur le bout de cette gueufe :
il fe fond ; la fonte liquidé tombe dans l'affinerie ;
elle force les charbons'qu’elle fouléve à lui faire
place ; de temps en temps on avance la gueufe vers
la tuyère, afin qu’une portion égale à celle qui
vient d’être fondue foit toujours prête à fondre.
C ’eft dans ces mêmes affineries qu’on peut fondre
très - avantageufement le fer qu’on veut jeter en
moule ; mais c’eft pour cela qu’il faut y faire quelques
additions , afin que le métal y foit tenu plus
fluide qu’il n’y eft ordinairement , & afin qu’on
l’en puiffe tirer fans peine pour en remplir les
moules. La principale de ces additions, c’eft de
mettre dans le trou de l’affinerie un grand creufet,
dont le bord eft immédiatement au deffous de la
tuyère. Il reçoit le fer liquide qui fe feroit épanché
dans le trou. Il paroît peut-être étrange que pour
tenir à-la-fois une grande quantité de matière fondue
, j’en revienne à un creufet : mais celui-ci ref-
femble-peu à celui des fondeurs : c’eft plutôt une
chaudière qu’un creufet, dont la profondeur/ ne
doit pas être trop confidérable. Les plus petits de
ceux-ci. contiendront au moins 2,00 livres de métal,
& l’on peut en employer qui en contiendront fix
à fept cents livres. Us doivent être de fer forgé,
comme le font ceux dont on fe.fert aux monnoies,
pour faire à-la-fois des fontes d’argent de 12,00,
1500, & jufqu’à 2,000 marcs. On tire des groffes
forges, des plaques de fer forgé propres à les faire *
& on en fait fabriquer de telles formes & grandeurs
qu’on voudra.
J’ai dit qu’une des vues qui m’a fait recourir à ce
creufet, a été d’entretenir le métal très-fluide; elle
engage à bien chauffer continuellement fon fond
& fes parois extérieures; & c’eft là l’objet des principaux
changemens faits d.ms l’intérieur de l’affi-
nerie. On y met une grifltT élevée de terre de quatre
à cinq pouces ; elle eft deftinée à foutenir des
charbons. Au deffous de" cette grille eft une pièce
de fer roulée circulairement, & élevée un peu au
deffus de la grille, foit par trois pieds qui pofent fur
la grille même, foit par des parties taillantes qui
font fcellées dans les parois du fourneau ; tout cela
importe peu, puifque l’ufage de cette pièce eft uniquement
de foutenir le creufet. Les vides qui reftent
entre fes parois , ceux du fou*neau & la grille,
feront tenus pleins de charbons. Une partie en fera
fournie par ceux même qu’on fcellera autour de la
tuyère ; ils' defcendron't peu à peu jufques à la grille ;
pour achever* de l’en garnir, on en mettra de temps
en temps , par une ouverture qui communique en
dehors du.fourneau,& qui eft peu au deffus de cette
'grille.
On pourroit exciter l’ardeur de tous ces charbons
qui ne doivent fervir qu’à échauffer les dehors du
creufet, & non à fondre le métal, par le moyen
d’un foufflet double, femblable à ceux des fondeurs
ou à ceux dès ferruriers, qui feroit mu à bras ,
ou par l’eau même qui fait agir les deux foufflets
de bois ; mais fans^ce foufflet, les dehors du creufet
feront fuffifamment échauffés , pourvu qu’on perce
les quatre faces du fourneau, ou feulement deux
ou trois de fes faces, à la hauteur du cendrier : le
cours libre de l’ air produira tout l’effet néceffaire.
Nous avons dit que l’intérieur des fourneaux des
affineries, a la figure de pyramide tronquée ; mais ,
nous avons jugé , & l’expérience a juftifié cette
idée, que la figure dont le diamètre furpaffe feulement
de trois à quatre pouces celui du creufet,
vaut mieux.
Avant de mettre ce creufet dans le fourneau
on le revêtira intérieurement d’une couche de lut
épaiffe d’environ un pouce ; fi l’on recouvre fa fur-
face extérieure d’une autre couche de lu t , elle sfer-
vira encore à le rendre plus durable, & le creufet
ne s’en échauffera guère moins vite, pourvu qu’on
tienne mince cette dernière couche.
Quand on n’a à remplir qu’un ou deux grands
moules à-la-fois, on le peut fans retirer le creufet
du fourneau, & nous dirons bientôt ce qu’il faut
alors ajouter tant au fourneau qu’au creufet ; mais
quand on a à remplir de fuite quantité de petits
moules, on eft dans la néceflité de conduire le
creufet fucceflivement fur chacun de ces moules.;
la première difficulté eft de retirer du fourneau ,
d’enlever ce creufet plein' de métal fluide. Il doit
donner une prife commode : pour cela il portera
deux oreilles faites & pofées à peu près comme
celles des chauderons, & folidement rivées : quand
on voudra le retirer du fo u te a u , l’on paffera une
anfe dans ces deux oreilles ; cette anfe qui eft mife
froide, aura fuffifamment de force, quoiqu’elle n’ait
qu’une groffeur médiocre : mais les oreilles font ab-
folument néceffaires ; d’autres parties en apparence
plus folides , & qui auroient de même à refter dans
le feu-autant que le creufet, ne réfifteroient pas.
J’a i, par exemple , commencé par faire river deux
forts tourillons en deux endroits diamétralement
oppofés du milieu du creufet; c’eft à ces tourillons
que je prétendois accrocher l’anfe: j’ai, encore fait
fouder parfaitement de pareils tourillons à un épais
collier que je faifois river . autour du creufet. Ces
tourillons ramollis par la chaleur, quelque gros
qu’ils aient é té , ont toujours cédé, ils n’ont pu ré-
fifter à la pefanteur du creufet chargé de métal ; au
lieu que les anfes n’ont jamais manqué : les tourillons
font pofés horizontalement, & les anfes ver