
Il faut commencer à travailler ce verre auflitôt I
qu’il eft purifié, & qu’il a pris la couleur d’améthyfle.
Pour fa compofition, il ne faut qu’une fritte de
criftal ordinaire, & l’on peut en rendre la couleur
claire ou foncée, fuivant les ouvrages que l’on fe
propofe de faire.
Quant à la couleur ; on l’obtiendra par le moyen
de la poudre fuivante :
Prenez de magnéfie de Piémont, une livre; de
fafre, une once & demie : mêlez avec foin ces deux
matières réduites en poudre ; joignez-les enfuite à
la fritte de criftal, elles lui donneront une vraie
couleur d’améthyfte. Il faut fur-tout fe régler fur
le fafre ; car s’il eft d’un bleu trop foncé, la compofition
participera aufîi de cette couleur.
Aigue-marine ( faujfe).
L’aigue-marine, comme nous l’avons d it, eft
une pierre précieufe de couleur verte, mêlée d’un
peu de bleu.
Cette pierre eft plus facile à contrefaire avec
le verre de plomb, qu’avec le criftal ou toute autre
efpèce de verre. Il ne s’agit que de prendre feize
livres de fritte de criftal, & dix livres de chaux de
plomb. Après les avoir mêlés-, tamifés, on met ce
mélange dans un Creufet un peu chaud ; au bout
de douze heures la matière fera bien fondue, il
faudra la jetter dans l’eau avec le creufet; l’on en
féparera le plomb pour la» remettre au fourneau
pendant huit heures ; enfuite on prendra quatre
onces d’oripeau calciné, & le quart d’une once de
fafre ; joignez-y ce nouveau mélange en qiiatre
reprifes ; au bout de deux heures remuez bien le
verre ; faites-en l’épreuve, pour voir fi la couleur
eft telle qu’on la defire. On la laiffera encore au
feu pendant dix heures fans y toucher. Enfuite on
pourra la travailler.
La couleur d’aigue-marine eft une des principales
qui entrent dans la teinture du verre. Si l’on veut
l’avoir d’une grande beauté, il faudra fé fervir du
iollito ou criftal artificiel; car. fi l’on empleyoit le
verre commun, la couleur n’en feroit point fi belle.
On peut faire ufage du criftallin ou verre blanc ;
mais c’eft le bollito ou criftal artificiel qui donne la
plus belle couleur. Il faut obferver de ne point employer
la magnéfie lorfqu’on veut donner la couleur
d’aigue-marine au verre : quoique le feu confirme
cette matière, elle ne laiffe point de donner
à cette couleur une nuance noirâtre, & de la rendre
moins éclatante & moins belle. Au refte, il fufîi-
roit d’employer un beau verre blanc dans lequel il
n’entre point de magnéfie.
Prenez donc de la fritte de criftal ou du verre
blanc, tel qu’on vient de l’indiquer; mettez-le
dans le creufet fans magnéfie ; lorfque le verre
fera bien cuit & purifié, enlevez foigneufement,
avec la cuiHer de fer des verriers, le tel qui fuma-
géra au verre comme de l’huile ; fans cette précaution
la couleur deviendroit louche & le verre
feroit gras.
Lorfque le verre fera bien purifié, fur vingt
livres de criftal, vous mettrez fix ohces d’oripeau
calciné, & une dofe de fafre préparé qui n’excède
pas le quart, en obfervant de bien mêler ces deux
poudres, & de ne les mettre dans le creufet que
petit à petit & en trois reprifes ; car l’oripeau bien
calciné enfle de façon à faire fortir tout le verre du
creufet. Il faudra donc y prendre garde, & .remuer
continuellement le verre.
Il faut aufîi avoir attention en ajoutant le fafre,'
de ne mêler qu’avec précaution, & de n’en mettre
que peu d’abord; les proportions ne pouvant
être indiquées précifément, attendu qu’il-y en a
des efpèces plus mélangées de fable les unes que
les autres. On laiffera enfuite repofer le mélange
pendant trois heures, afin qu’il prenne bien la couleur
; on le remuera de nouveau, & l’on effaiera fi
la couleur eft telle qu’on la demande, afin de la
rendre plus claire ou plus foncée, fuivant l’exigence
des cas.
Les petits vafes minces demandent une couleur
plus foncée, & les grands une couleur plus claire.
Le choix de la nuance dépend donc des ouvrages
qu’on veut faire ; il eft néanmoins d’ufage de foncer
moins que plus la couleur; car il eft toujours aifé
de remédier au premier défaut lorfque le verre
eft bien pur.
Vingt-quatre heures après avoir ajouté la couleur
on pourra travailler le verre, obfervant, avant d’y
mettre la main, de bien remuer le mélange, afin
que la couleur foit égale par-tout ; car lorfque le
verre repofe, fa couleur tombe au fond, & la couche
fupérieure du verre ne fe colore point.
On doit obferver les mêmes règles pour les grands
vafes de criftal. Il eft bon de favoir qu’à Murano,
près de Venife, on prend pour cet ouvrage égale
quantité de fritte de criftal & de celle de roquette;
ce qui donne une couleur d’aigue-marine qui n’eft
guère moins belle ; cependant, pour la plus par
faite, il ne faut que la fritte de criftal.
Autre maniéré de préparer une couleur bleue d*aigue-
marine.
On placera dans le fourneau un creufet rempli
de verre bien purifié, dont la fritte foit faite avec la
roquette ou de la fou de d’Efpagne : celle où il entre
de la roquette eft cependant préférable pour cette
! opération. Après que le verre a été bien purifié, on
met vingt livres de verre, & fix onces d’oripeau
| bien calciné par lui-même.
On doit avoir foin d’ôter le fel qui fumage le
verre, & l’on aura un beau bleu, ou une belle couleur
d’aigue-marine, que l’on, pourra augmenter ou
affoiblir félon les ouvrage^ qu’on en voudra faire*
Au bout de deux heures il faut remuer la matière de
■ nouveau, &. effayer fi la couleur eft telle qu’on la
demandé; finon, il eft aifé de là rendre plus claire
ou plus foncée , en ajoutant de nouvelle poudre.
Lorfqu’ona le point défiré, ori laiffe la inatière fans
y toucher pendant vingt-quatre heures , au bout
defquelles
defquelles il faudra bien la remuer. On aura de
cette façon un bleu d’aigue-marine, d’une couleur
différente de toutes celles qu’on emploie dans l’art
de la verrerie.
Grenat (faux ).
Le grenat eft d’un couleur rouge foncée. Le
verre de plomb eft plus propre que tout autre à
contrefaire cette pierre. Pour cet effet, on prend
vingt livres de fritte de criftal, feize livres de chaux
de plomb; on y joint trois onces de magnéfie du
Piémont, & une demi-once de fafre; on met tout
ce mélange dans un creufet un peu chaud ; au bout
de douze heures on place le creufet dans le fourneau,
& on l’y laiffe pendant dix heures pour qu’il
achève de fe purifier; on remue enfuite, & l’on
en fait l’effai. Ce procédé donne un verre d’une
belle couleur de grenat.
Si l’on veut lui donner une couleur foncée , on
prend deux onces de criftal de roche, cinq onces &
demie de mifiium , quinze grains de magnéfie ,
quatre grains de fafre ; on procède comme aupa-
vant, en obfervant de laiffer un peu plus de vuide
dans le creufet, parce que la matière fe gonfle davantage.
Par ce dernier procédé on a une couleur
de grenat plus foncée & tirant fur le violet.
Pour obtenir encore une plus belle couleur, il
faut prendre deux onces de criftal de roche, cinq
onces de minium, trente-cinq grains de magnéfie,
quatre grains de fafre ; ayant foin, comme ci-deffus,
de laiffer un grand intervalle vuide dans le creufet,
parce que la matière enfle extraordinairement : il
faut luter le creufet & le faire fécher avant de le
mettre au fourneau. Enfin on continue le procédé
de la manière accoutumée, & on obtient une couleur
de grenat fupérieure à toutes les autres.
Kunckel remarque à ce fujet, qu’on peut diminuer
©u augmenter à volonté la nuance des couleurs.
Agate ( faujfe ).
On a trouvé le moyen de contrefaire l’agate,
& même ¥ agate onyx pour faire des camées.
On prend, à cet effet, des morceaux de verres
colorés, dont on fe fervoit pour compofer les vitres
d’églife. On rend Ces verres opaques en les ftrati-
fiant dans un creufet, avec de la chaux éteinte à
l’air, du plâtre ou du blanc d’Efpagne ; c’eft-à-dire,
en mettant alternativement un lit de chaux ou de
plâtre, & un lit de verre. En expofant ce creufet
au feu, augmentant par degrés pendant trois heures,
& finiffaiit par un feu afléz fort, ces verres deviennent
opaques en confervant leur couleur, & ceux
qui n’en avoîent point deviennent d’un blanc de
lait comme de l’émail ou de la porcelaine.
Si le feu a été bien ménagé dans le commencement
, & qu’on ne l’ait point pouffé trop fort fur
la fin, ces verres opaques font encore fufceptibles
d’entrer en fonte à un plus grand feu.
On peut donc fonder les uns fur les autres ceux
de differentes couleurs, & par ce moyen ifniter les
Arts & Métiers, Tome 11% Partie /*
lits de différentes nuances que l’on rencontre dans
les agates onyx. On trouve même dans les vitrages
peints des anciennes églifes, des morceaux de verre
dans lefquels la couleur n’a pénétré que la moitié
de leur épaiffeur. Les pourpres ou couleur de v inaigre
font tous dans ce cas, ainfi que plu fleurs
bleus. Lorfque ces verres font devenus opaques ,
la partie qui n’a point été pénétrée de la couleur
fe trouve blanche, & forme avec celle qui étoit
colorée, deux lits différens comme on en voit dans
les agates onyx. Quand on ne veut point fonder
enfemble les verres de différentes couleurs, il faut
travailler fur ces verres à moitié d’épaiffeur.
Mais avant de fe fervir de ces verres qui ont des
couches de différentes couleurs, il faut les faire paf-
fer fur la roue du lapidaire, & ufer de la furface
blanche qui eft deftinée à repréfenter les figures du
relief du camée, jufqu’à ce quelle foit réduite à
une épaiffeur plus mince, s’il eft poflible, qu’une
feuille de papier. On pofe ce verre du côté de la
furface blanche que l’on a rendue fi mince, fur le
modèle, dans lequel eft l’empreinte de la gravure
que l’on veut imiter. On la fait enfuite chauffer
fous la mouffle.
Les verres qu’on a rendus opaques en fuivant
le procédé ci-deffus, étant fufceptibles d’être travaillés
au touret, on y applique la pierre gravée ;
& avec les mêmes outils dont on fe fert pour la
gravure en pierres fines, on enlève aifément tout-
le blanc du champ qui débordé le relief, & les
figures paroiffent alors ifolées fur un champ d’une
couleur différente, comme dans lès camées.
Agates colorées & faElices.
Les agates & les jafpes fe peuvent aufîi facile*
ment teindre.
Si l’on met fur un morceau d’agate blanchâtre
de la diffolution d’argent dans l’efprit de nitre, &
qu’on l’expofe au foleil, on la trouvera teinte, au
bout de quelques heures, d’une couleur brune
tirant fur le rouge. Si l’on y met de nouvelle diffolution
, on l’aura plus foncée, & la teinture la
pénétrera plus avant & même entièrement. Si
l’agate n’a qu’une ou deux lignes d’épaiffeur, &;
qu’on mette de la diffolution des deux côtés, cette
teinture n’agit pas uniformément. U ÿ a dans l’agate
& dans la plupart des autres pierres dures , des
veines prefqu’imperceptibles qui en font plus facilement
pénétrées que le refte ; enforte quelles deviennent
plus foncées, & forment de très-agréables
variétés qu’on ne voyoit point auparavant.
Si l’on joint à la diffolution d’argent le quart da
fon poids, ou environ, de fuie & de tartre rouge
mêlés enfemble, la couleur fera brune tirant fur
le gris.
Au lieu de fuie & de tartre, fi l’on met la même
quantité d’alun de plume, la couleur fera d’un violet
foncé tirant fur le noir.
La diffolution d’or ne donne à l’agate qu’une
1 légère couleur brune qui pénètre très-peu ; celle