
n’eft plus facile que d’ajouter cette figure de poiflbn
aux hains, foit étamês ou non ; cette addition fe
fait comme les potiers-d’étain coureurs coulent les
cuillers & fourchettes dans les villages. Le moule
de fonte porte en creux fur chaque moitié la demi-
épaifieur du poilTon qu’on veut figurer ; l’ouvrier y
place la tige de l’hain. Chaque moitié du moule eft
emmanchée d’une poignée- de bois, dont l’ouvrier
Le fert pour appuyer entre fes genoux les deux moitiés
lune contre l’autre, enforte que fes deux mains
foient libres. Il bouche d’une main le bas du moule
avec de l’étoupe, pour empêcher qu’il ne s’écoule
un peu d’étain ; il verfe de l’autre main dans le jet
du moule l’étain qu’on a fait fondre dans une cuiller,
<& en un inftant la figure eft moulée. Un autre ouvrier
prend Thaim encore tout chaud, coupe les
bavures formées par le jet & l’évent, & répare la
figure avec un couteau.
Les prix courans font aftuellement, à Calais &
à Dunkerque , cinq fols le cent des plus petits ;
quarante à cinquante fols le cent pour ceux qui fervent
à la pêche des raies ; fix livres la douzaine de
gros haims fans étain ni courbure ; neuf livres la
douzaine des mêmes, étamés & courbés ; quatorze
•livres les mêmes avec le leurre d’étain.
Nous avons déjà dit qu’on fe fervoit quelquefois
d’haims d’acier : on les fait à peu près comme ceux
de fer ; mais on ne peut pas les étamer, parce qu’il
faut les tremper. En ce cas , on les fait revenir au
L>leu , & ils ont ce qu’on appelle la couleur cCeau.
•Des différentes manières de faire les perches pour les
lignesr
Les pêcheurs ont coutume de faire leurs perches
avec un bois léger & élaftique. Pour cela , ils choi-
fiffent une gaule-de coudrier, de faule, de peuplier,
ou de fapin. Le bois de celtis ou micocoulier, qu’on
tire de Perpignan ( où on l’appelle ladonier ) pour
en faire des baguettes de fùfil, des manches de fouet
& des bâtons pour la promenade , feroit très-propre
à cet ufage , parce qu’il eft léger & qu’il ploie
beaucoup fans fe rompre.
Il faut que ces perches aient quatre à cinq pouces
de circonférence au bout qu’on tient dans la main,
& pas tout*à-fait un pouce à l’autre extrémité. Leur
longueur doit être de dix à douze pieds, plus ou
moins, fuivant l’étendue de la nappe d’eau où l’on
fe propofe de pêcher.
On a foin qu’il ne fe rencontre pas de noeuds ,
qui trancheroient le bois de la perche, & qu’elle
foit bien droite. On a même l’attention, pour qu’elle
ne fe courbe pas en fe defféchant, de la lier fur une
forte règle de bois bien dreffée à la varlope. On
peut encore les rendre plus propres, en les colorant.
Voici, fuivant Walton, les précautions qu’il faut
prendre pour fë procurer de bonnes perches. On
doit couper, entre la S. Michel & la Chandeleur,
un beau brin de faule, de coudrier ou de tremble,
qui ait neuf pieds de longueur à peu près quatre
pouces de circonférence ; le coucher à plat dans un
four chaud , & l’y laiffer jufqu’à ce qu’il foit refroidi;
le tenir enfuite dans un lieu fec pendant un
mois ; puis le lier bien ferme fur une forte pièce de
bois carré. Après quoi, pour le percer dans toute
fa longueur, on prend un gros fil de fer du chaudronnier
, qu’on appointit par un bout ; on fait
chauffer ce bout dans un feu de charbon jufqu’à ce
qu’il foit rougi au blanc, & on s’en fert pour percer
la gaule en l’enfonçant dans l’axe, le tenant toujours
droit, perçant tantôt par un bout, & tantôt
par l’autre, jufqu’à ce que les deux trous fe rencontrent.
Pour augmenter ce trou , on fe fert de
broches de fer déplus en plus groffes , qu’on fait,
ainfi que le fil de métal, rougir jufqu’au blanc ; mais
il faut bien faire enforte que le diamètre du trou
aille par degrés en diminuant, & qu’il foit plus
étroit à l’extrémité menue de la pèrche qu’à foirgros
bout.
Cette première canne étant ainfi préparée, mife
de groffeur par le dehors , & travaillée proprement,
on la fait tremper dans l’eau pendant deux jours ;
puis on la transporte dans un lieu couvert, l’expo-
fant à la fumée • jufqu’à ce qu’elle foit parfaitement
sèche. Cette canne doit faire environ la moitié de
la longueur de la perche ; & le trou dont nous
venons de parler fert à recevoir deux baguettes,
car la perche entière eft formée de trois morceaux
qui s’ajuftent les uns au bout des autres.
' Pour faire la baguette qu’on doit ajouter au bout
de la canne creufe, on cueille dans la même faifon
que la canne un beau jet de coudrier, & on le fait
fécher comme la canne ; enfuite on dreffe cette
baguette ; on la réduit à une groffeur convenable
pour qu’elle entre dans le trou qu’on a fait à la canne ;
& en l’introduifant du coté du gros bout, elle doit
entrer dans l’axe de la canne jufques vers la moitié
de fa longueur.
Pour compléter la perche, on cheifit des bourgeons
on nouvelles pouffes , droites & déliées ,
d’épine noire , de pommier fauvage , de néflier ou
de genevrier ; on dépouille ces hoùflines de leur
écorce ; on les fait fécher, en ayant raffemblé un
nombre en faifceau , qu’on lie bien ferré avec une
forte ficelle, & on diminue affez de leur groffeur
pour qu’elles puiffent entrer dans le trou formé dans
l’axe de la canne, du côté de fon bout qui eft le
moins gros. On joint les unes au bout des autres
ces trois pièces , au moyen d’écrous & de vis ;
de forte que les trois morceaux ne faffent qu’une
perche. De cette façon les deux alonges, quand oh
ne pêche pas , peuvent être renfermées dans la
canne creufe, qui alors eft en état de fervir pour la
promenade comme une canne ordinaire.
Ces perches font encore meilleures quand, au
lieu de coudrier , on fe fert, pour faire la canne ;
de jet ou rofeau des Indes ; Sc on s’épargne bien de
la peine lorfqu’on rènonce à mettre les alonges dans
la première canne : alors on ne perce point la canné;
on met les trois parties qui doivent compofer là
perche, dans un fac , d’où on les tire quand on veut
pêcher ; & on les joint les unes au bout des autres,
fans employer de vis de métal, fe contentant de
faire entrer l’extrémité des unes dans un trou qu’on
a fait au bout de celle à laquelle elles doivent s’a-
jufter ; enfuite on les arrête avec des goupilles,
pour qu’elles ne fe feparent pas lorfqu’un gros
poiffon tiré fortement la ligne.
On fait encore des. perches très-propres & très-
commodes , de trois, quatre ou fix morceaux, qui
s’affemblent les uns au bout des autres à mi-bois.
Pour cela, on taille en flûte les deux bouts qui
doivent fe joindre , & l’on ménage à l’une dés
perches une petite dent qui entre dans une coche
qui eft à l’autre ; il faut que ces deux parties taillées
en flûte fe touchent exa&ement dans une longueur :
de quatre à cinq pouces. On frotte les faces qui
doivent s’appliquer l’une fur l’autre, avec de la cire
graffe de cordonniér; & on lés lie par des révolutions
d’un bon fil retors ciré ou enduit de poix
graffe. Lorfqu’on veut que la perche foit propre ^ on
le fert, au lieu de fil, d’un cordonnet de foie verte,
frotté d’un peu de cire blanche.
Dans la vue d’avoir des perches très-propres, on
peut faire le premier morceau qu’on tient dans la
main , avec quelque bois des îles , n’étant pas important
que cette partie foit légère. Les autres peuvent
être faites avec du bambou , du cèdre, du
cyprès, du micocoulier, ou d’autres bois légers &
plians, qu’on colore, fi l’on v eu t, en les frottant
avec de l’eau-forte foible, dans laquelle on a fait
diffoudre de la limaille de fer , & qu’on polit enfuite
avec de la prêle. Il faut mettre plüfieurs couches de
pet acide, & polir à chaque fois.
Lorfqu’on fe propofe de pêcher avec des lignes
amorcées d’infeéfes vrais ou faftices, comme il faut
que les perches foient très^égères, on les fait avec
des cannes ou rofeaux de Provence, qu’on termine
par une baguette de baleine ; o u , pour le mieux ,
avec des hoùflines d’épine noire , de néflier, de
coudrier, de genevrier, de cyprès , &c. qu’on fait
fécher, comme nous l’avons 'dit plus haut, en les
liant en faifceau, pour qu’elles foient toujours bien
droites.
Il eft évident qu’on doit proportionner la force
des perches à la groffeur des poiffons qu’on veut
prendre ; mais quand on pêche avec des infeftes,
il faut fur-tout que les perches foient très-légères ,
afin de pouvoir faire familier l’hain à fleur d’eau.
Pour bien affujettir les unes avec les autres les
pièces entaillées à ihi-bois , : au moyen d?un cordonnet
de foie ou d?un fil retors ciré , & arrêter
l’extrémité du fil ; il faut, quand il ne refte plus que
cinq ou fix révolutions à faire, coucher le bout du
fil fur la perche , mettre par-deffus le doigt étendu ,
& faire les fix dernières révolùtions en enveloppant
le fil & le doigta Ces révolutions étant faites, ôn
retire le doigt, & on ferre le plus que l’on peut ces
dernières révolutions les unes après les autres. On
finit par tirer lé bout du fil qui excède. De cette
façon, il eft très-bien arrêté , & on le coupe avec
des cifeaux tout près des révolutions du fil.
Quelques-uns forment une anfe de huit à dix
brins de crin , qu’ils aflùjettiffent au bout le plus
menu des perches par des révolutions de fil ciré,
femblables à celles dont nous venons de parler.
Mais cette pratique n’eft point généralement approuvée.
Des lignes.
Après avoir fuffifamment parlé des perches ou
cannes , il faut dire quelque chofe des lignes qu’on
attache au bout des perches, & qui portent’ à leur
extrémité un haim. On peut ici d’abord fe rappeller
ce que noùs avons rapporté des lignes & des empiles,
quoique noiis ayons' dit fort peu de chofe fur les
lignes très-fines. 1
Beaucdup de'péchëurs qui n’y prennent pas garde
de fort près , font ces lignes avec un fil retors bien
travaillé, formé de trois ou quatre bons fils à coudre.
Quelques-uns , un peu plus attentifs , mettent au
bout de cette ligne un empilage de crin. Mais les
lignes font meilleures & plus propres, fi on les fait
dans toute leur longueur avec un cordonnet de foie
ou de crin.
On a vu qu’il y a des pêcheurs qui font des empilages
de crin en arrangeant les brins fimplement
les uns à côté des autres en manière de faifceau,
fans les commettre. Mais cela ne fe pratique guère
que pour les pêches à la mer, fur-tout lorfqu’on fe
propofe de prendre de gros poiffons.
Les pêcheurs de rivière font pour leur ufage des
lignes avec des crins, qu’ils commettent ou tordent
les unsjfltyec les autres ; pour cela, ils choififfenr les
plus longs de la queue d’un cheval. Ces crins doivent
être ronds, clairs, exempts de lentes, gales &
autres femblables maladies ; car un feul crin bien
choifi eft auflifort que le feroient trois qui auroient
les défauts que nous venons d’indiquer. Les crins
blancs font plusfujets que les noirs à avoir ces défauts.
Cependant plufieurs leur donnent la préférence ,
prétendant qu’ils paroiffent moins dans l’eau. Il faut
encore faire tout fon poffible pour les affortir d’égale
groffeur, afin qu’ils fe roulent plus régulièrement
les uns fur les autres, & qu’ils réfiftent de concert :
ce qui ne feroit pas, s’ils différoient fenfiblement
de groffeur.
Certains pêcheurs prétendent, comme nous v e nons
de le dire , que les crins blancs paroiffent
moins dans l’eau ; d’autres foutiennenr que les noirs
n’y paroiffent pas plus que les blancs. Quoi qu’il en
foit, cette raifon fait qu’on en teint quelquefois ;
& voici ce que Walton dit à ce fujet.
Il faut prendre une ehopine de bonne bierre,
mefure de Paris, une demi-livre de fuie, une petite
quantité de jus de feuilles de noye r, & un peu
d’alun, On met le tout enfemble dans un pot de
terre, & on le fàiî bouillir pendant une demi-heure ;