
Des couvertures faites avec du chaume, ou avec du
rofeau.
Pour faire une couverture foiide avec du chaume,
On recommande aux moiffonneurs de couper les
fromens allez haut pour qu^l refte une plus grande
longueur de paille fur terre ; c’eft la partie du pied
de cette paille, qui eft la plus forte, & qu’on appelle
le chaume ; c’eft celle qui a le plus de confifiance ,
& qui fait une bien plus foiide couverture que ne
pourroit faire la paille ordinaire. Dans les années ou
les fôurrages font forts & très-élevés , les chaumes
donnent une meilleure couverture que lorfqu’ils
font bas & menus.
On emploie de préférence le chaume de feigle
pour couvrir les glacières, parce qu’il eft important
que ces couvertures ne puiffent donner aucun
paffage à l’air : au défaut de chaume de feigle, la
paille la plus menue eft la plus propre à employer
pour cet ufage.
Comme le chaume fait une couverture légère ,
il eft par conféquent inutile de donner beaucoup
de force à la charpente du toit ; mais il faut aufli
que le toit ne foit ni trop plat, ni trop roide : s’il
étoit trop plat, l’eau y eouleroit trop lentement &
pourroit pénétrer plus aifément dans le chaume, ce
qui le pourriroit en peu de temps : fi au contraire
le toit étoit trop roide, plufieurs parties du chaume
s’échapperoient peu - à - peu , & on appercevroit
bientôt l’eau des pluies pénétrer dans le bâtiment.,
On obfervé ordinairement de donner au toit une
pente de quarante - cinq degrés ; cela regarde le
charpentier, qui chevale & brandit les chevrons
far le faîte, ainfi que fur les pannes g & qui les fait
déborder de dix-huit pouces la face extérieure du
mur, afin que le couvreur en chaume puiffe former
I’égoût pendant.
On pofe ordinairement les chevrons à deux pieds
de diftance -les uns des autres , à compter du milieu
d’un chevron au milieu d’un autre , parce qu’il fuffit
qu’il y ait trois chevrons fous chaque latte.
Le couvreur commence par latter le toit ; il cloue
les cours de lattes à fix ou fept pouces de diftance
fur les chevrons. Dans les endroits où le bois eft
rare, on n’emploie point de lattes clouées ; on y
fubftitue de menues perches de fix ou fept pieds
de longueur, qu’on attache avec des harts ou liens
d’ofier fur des chevrons de brin, qui ordinairement
ne font pas écarris , & qui font arrêtés avec des
chevilles de bois fur la panne ou fur le faîtage ; on
les chevauche même inégalement fur les pannes,
& on n’obferve point de les pofer au bout les unes
des autres. Cette partie de charpente groflière s’exécute
par les mêmes ouvriers qui entreprennent la
couverture de chaume.
Là charpente étant établie , le couvreur javelle le
chaume : il fe fert pour cela d’une faucille qu’il tient
de la main droite ; il prend au meulon une petite
brafiee de chaume , qu’il fecoue à terre pour faire
tomber peu à peu les brins, & les égaler; il donne
toutes fes fecouffes dans un même fens, & arrange
les brins de chaume à peu près parallèlement les
uns aux autres. S’il arrive qu’il laifle tomber quelque
poignée un peu groffe qui ne s’arrange pas bien , il
la reprend & la divife avec la pointe de fa faucille
pour en mieux arranger les brins ; enfuite il reprend
au tas de nouveau chaume ; il l’arrange de la meme
façon ; & quand il a formé devant lui un tas d environ
trois ou quatre pieds de longueur , fur un
pied d’épaiffeur & deux pieds de largeur, il fourre
fes fabots fous la longueur du petit tas , & prend
par petites parties le chaume qu il vient d’arranger ;
il les appuie avec fes mains fur le devant de fes
jambes ; il les peigne groflièrement avec fes doigts ;
il en preffe*les brins les uns contre des autres-; il
arrache avec fes mains les pailles qui débordent &
qui ne font pas bien engagées avec le refte; il frappe
du plat de la main fur la portion qu’il a arrangée ,
& il forme ainfi ce qu’on nomme une javelle de
chaume, c’eft-à-dire, un petit tas dont les brins font
fort rapprochés les uns des autres , & qui forment
un tout d’iine confiftance fuffifante ; enfuite il leve
cette javelle, & il la pofe dans un lieu propre fur
un lien de paille : après 'quoi, il forme une fécondé
javelle comme il a fait la première^ & il lie ces deux
javelles enfemble avec le même lien de paille, afin
de pouvoir les monter commodément fur le toit.
Quand l’ouvrier a formé deux , trois ou quatre
cents bottes de javelles , il commence la couverture
du toit, en s’y prenant de la maniéré que je vais
l’expliquer. J’obferve ici qu’il n’eft pas poflible de
bien javeler du chaume fe c , parce qu’il .eft trop
roide, & qu’il fe rompt au lieu de s’arranger : on
ne peut pas non plus faire une bonne couverture
avec des javelles trop sèches , ce qui oblige de les
mouiller auparavant, fans quoi cette paille fe rom-
proit ; ainfi , quand il fait du hâle ,- il faut arrofer
le chaume avant de le javeler , & il faut encore
mouiller les javelles avant de les mettre en place :
cette opération augmente un peu les frais de 1 ouvrage.
-
Le couvreur commence par former l’égout du
toit; & pour y parvenir, il choifit le chaume de
meilleure qualité , & en forme des javelles d’environ
quatre pieds de longueur ; il lie une de ces
grandes javelles au quart de fa longueur, par un
enlacement d’ofier long, a, b, fig. i , planche I I du
Couvreur ; il en appointât le gros bout h, & il tortille
le bout menu a , & y fait une boucle ; il pique
cet ofier dans la javelle de a en b , fig. 2 ; il en
entoure la portion a , b ,* il paffe enfuite l’ofier dans
la bouche b; après quoi il ferre fortement la première
portion <z , b de la javelle ; puis il pique
l’ofier en c ; il le pique encore par le deffous en d :
enfin, enlefaifant revenir fur le bord e , il ferre
fortement la portion e , d , comme il l’a pratique a
l’autre bord de la javelle a , b; en faifant de même
à l’autre bout de la javelle, elle ie trouve liée aux
deux bouts , comme on le voit en ƒ , g & h , k ;
alors avec une faucille bien tranchante, il la coupe
in Jeux, fuivant la ligne ponftuée ! , ce qui lui
donne deux javelles ou couflinets d’égoût, fig. 3 ,
qui fe trouvent enlacés d’ofier par le milieu de leur
longueur. j |U B -
Quand les bâtimens font bas , un manoeuvre
peut tendre avec une fourche les gerbes de chaume
au couvreur qui eft monté fur le toit ; cette fourche
eft de fer, & femblable a celles dont on fe fert lors
de la moiffon pour charger les gerbes fur les voitures
; mais quand les bâtimens font trop élevés,
le manoeuvre , fig. 4 > eft obligé de charger les
javelles fur fa tête, & de les monter fur le toit à
l’aide d’une échelle.
Le couvreur fait l’égoût en arrangeant les couf-
finets bien ferrés les uns auprès des autres, de forte
même qu’ils fe recouvrent un peu les uns les autres!
par le coté ; & afin que l’égoût fe foutienne mieux ,
& même qu’il foit un peu retrouffé, on met fur la
partie pendante des chevrons, en place de lattes ,
un cours de perches un peu groffes , fur lefquelles
les bouts des couflinets puiftent s’appuyer.
Quand l’égoût a été garni de couflinets dans
toute la longueur du bâtiment, le couvreur forme
fur le pignon la bordure avec des javelles garnies
de leur lien de paille, ou , ce qui eft encore mieux,
fiées avec des harts ; car comme cette bordure eft
plus expofée que le refte de la couverture à être 1
emportée par le vefït, le lien de paille ou-la hartla
mettent plus en état de réfifter ; & c’eft par la même
raifon que l’on a grand foin de lier avec des ofiers
toutes lés javelles des,rives ou des bordures , foit
aux chevrons , foit à la latte ; outre cela, on les
traverfe encore avec des chevilles de bois, qu’on
fait entrer à coups de maillet dans le garni de la
muraille. Enfin, comme il eft de la plus grande
importance de fortifier cette partie contre l’eftort
du vent, il y en a qui mettent par defîùs le chaume,
quand la couverture eft finie, deux chevrons che-
valès à leur tê te , & liés par le bas à Ceux de la
charpente ; cette précaution eft très-bonne. .
On fe rappellera que le couvreur a formé l’égoût
avec des demi-javelles, qui font l’office de couflinets
pour relever l’égout : on voit ces couflinets en place
fur le toit, & on apperçoit leur fituation en a,<
, fig. s > avec le lien d’ofier b 3 qui les tient attachés
aux chevrons. On recouvre ces couflinets d’un rang
de javelles c d , fig. j , dont l’extrémité excède les
couflinets, & on lie avec de l’ofier b s ces javelles
c d , aux chevrons ou à la latte.
Il faut maintenant faire attention que les javelles
font plus épaifles au milieu que vers les bouts,
comme on le voit dans la f ig . 6 , qui repréfente une
javelle de toute fa longueur , & vue par fon épaif-
fetir ; o r , la partie la plus épaifle a b , doit répondre
! à la queue mince du coùmriet ; la partie nfmce c <Z
i de la javelle , couvre entièrement le couflinet, &
même le déborde un peu ; & la partie e f , s’ap-
! puie fur la latte en c , f ig . $ : ainfi d y f ig . $ , forme
| le pureau de cette javelle. On a encore attention
que les javelles fe recouvrent toutes les unes les
autres par les côtés. *
Ce premier lit de javelles c d , étant bien arrangé
oc fermement attaché fur les chevrons, on
place le fécond rang e f , fig. ƒ , de façon que la
partie mince<c d de la javelle, fig. 6S forme le
pureau ƒ , & qu’elle recouvre plus de la moitié de
la longueur de là première'javelle c d : ainfila partie
la plus épaifle de la fécondé javelle qui eft repré-
fentée par a b , fig. d , répond a la partie mince
des premières javelles c d , fig. $. On lie les javelles
du fécond rang fur les chevrons b, fië\ifi on les
met un peu en recouvrement, par les cotes fur les
javelles qu’elles touchent. Le couvreur les preffe
fortement avec fon genou & fes mains ; & en continuant
ainfi de rang en rang, il arrive qu’au faîte,
les deux rangs de javelles des deux côtés du toit,
recouvrent un peu la piece de charpente qui forme
le faîte , mais non pas affez pour empêcher l’eau
d’y pénétrer ; c’éft pourquoi on met dans toute la
longueur du faîte de grandes & fortes javelles faîtières
i k , f ig . s , dont la longueur croife le faîte à
angle droit. La partie épaifle de la javelle faîtière
i k 9 repofe fur le faîte qu’elle croife; & lés deux
extrémités plus minces recouvrent d’un cote les
javelles Z, & de l’autre , côté, les javelles m , fig. ggr
Quoiqu’on lie ces javelles faîtières au faîte même^
ie vent pourroit les emporter fi l’on n’avoit pasla
précaution de les charger, avec de la terre n , un
peu détrempée & battue avec la palette.
Le toit étant ainfi entièrement couvert de chaume p
on le laifle en cet état environ deux ou trois mois
fans le finir, afin de donner aux brins de chaume
le temps de s’affaiffer les uns fur les autres ; au
bout de ce temps, le couvreur remonte fur la
couverture pour en reconnoïtre l’état : s’il y trouve
des endroits creux, qu’on nomme des gouttières,
: comme cela ne manque guere d’arriver , il fourre
fa palette dans la partie du chaume qui eft la plus
enfoncée, & en relevant le manche de cet outil,
: il forme un vuide, dans lequel il introduit des
javelles plus ou moins épaifles, félon que l’enfoncement
eft plus ou moins confiderable ; puis
avec fes mains, il unit groflièrement la couverture
, en retirant & jettant à bas le chaume fu-
perflu ; enfuite il bat la couverture avec le plat du
peigne pour comprimer le chaume & détacher les
brins qui ne tiennent pas fuffifamment : il finit ce
travail en poliffant fon ouvrage avec les dents, du
peigne.
Il ne lui refte plus que l’égoût à égaler , ce qu’il
fait en tirant avec la main les brins de chaume
► qui débordent les couflinets ; & fi lé couvreur s’ap-
perçoit qu’il y ait quelque endroit qui ne foit pas
; affez garni de chaume, il y en remet de nouveau,
■ en l’introduifant avec la palette.
Ces fortes de couvertures font très-bonnes pour
lès maifons des payfans; elles garantiffent leurs
logemens de l’air chaud ou froid, enforte qu’elles
font fraîches en été & chaudes en hiver : ces couver