
pour lefquels on craint : après avoir bien effuyé la
pièce , on peut hardiment paffer l’or fur le mordant.
Dans quelques occafions, les peintres en vernis
ne mettent pas fécher au laboratoire les pièces fur
lefquelles ils ont pofé du mordant ; mais c’eft.arec
du tchou-tchi ( c’en du papier fait de la pellicule qui
embraffe chaque noeud du bambou ; il s’en fait une
grande quantité en Chine. La plûpart des livres imprimés'
font de ce papier ! celui dont il s’agit ici eft du
plus fin ; c’eft aufli de ce même papier qu’on met
entre chaque feuille d’or dans les livrets ) qu’ils appliquent
deffus le mordant, à différentes fois, juf-
qu a ce que le mordant ne laiffe plus deffus aucun
veftigefalors on paffe'deffus l’or en coquille ; l’or
s’en détache mieux, mais il a moins d’éclat : dans
des nuances cela a fon bon ; d’ailleurs l’or en eft
mieux couché.
■ Les Chinois emploient trois fortes d’o r , le ta-tchi,
le tien-tchi & le hium-tchi. Le ta-tchi eft l’or ordinaire
, le tien-tchi eft l’or pâle ; le hium-tchi eft fait
avec des feuilles d’argent auxquelles on a donné la
couleur d’o r , en leur faifant recevoir la vapeur du
foufre. Pour donner les nuances, ils ne font que
paffer fur la première couche d’o r , qu’ils appellent
. ta-tchi, un autre tapon de Jee-mien, qu’ils ont fait
paffer fur l’or en coquille. Le hium-tchi ne leur fert
guère que pour les bords des vafes, & quelquefois
pour des nuances extraordinairement pâles : pour
dorer les bords des vafes, ils paffent au tamis du
hium-tchi; 8c avec le bout du doigt qu’ils pofent fur
cette poudre d’or , ils l’appliquent fur les bords oh
ils ont pofé immédiatement auparavant le mordant,
fans fe fervjr du tchçu-tchi pour en enlever: c’eft afin
que l’or tienne mieux en ces endroits oh il eft plus
fujet à s’enlever ; ils ne s’embarraffent pas que le mordant
terniffe un peu l’or.
Quand , après avoir paffé le tappn de papier de
fée-mien chargé d’or en coquille , il relie fur la
pièce de l’or qui eft Amplement répandu, fans être
attaché ; on paffe légèrement le même tapon qui
enlève toute cette pouffière. Dans les petits endroits
oh le tapon ne peut pénétrer , on en a de petits au
bout d’un porterpineeau, avec lefquels on appli-
que l’or.
Pour imiter les montagnes, & faire les réparations
juftes, ils taillent un morceau de tchou-tchi, félon
la forme qu’ils veulent donner a la montagne : avec
le papier ils couvrent une partie de cette montagne*,
s/paffent l’or pâle fur le tout ; il ne s’attache qu’aux
endroits qui débordent le papier taillé.
Pour imiter le corps, les branches & les côtes des
feuilles, des plantes ou arbres, après avoir pofé la
première couche d’o r , ils tracent de. nouveau les endroits
qu’ils veulent plus éminens ; & quand ce mordant
a paffé environ douze heures dans le laboratoire
pour y fécher, on paffe l’or en coquille deffus. Ordinairement
ils font le mordant rouge, c eft-a-dire ,
qu’ils l’emploient avec le vernis du vermillon, au
lieu d’orpiment : l'or en eft plus relevé en couleur.
La couleur blanche en vernis, fe fait avec des
feuilles d’argent qu’on mêle av ec, ne mettant de
vernis précilement qu’autant qu’il en faut pour faire
une pâte de ces feuilles d’argent : gros comme un
pois de vernis fuffit pour mêler une vingtaine de
feuilles : on mêle ces feuilles les unes après les autres
; quand elles font bien mêlées, on y ajoute un
peu de camphre pour rendre cette pâte prefque claire
comme de l’eau. Au lieu de feuilles d’argent, pour
épargner, les Chinois fe fervent quelquefois de vif-
argent , mais préparé d’une manière particulière.
( C ’eft un fecret qu’une feule famille a ; il ne feroit
pas facile de le tirer. M. Aftruc, médecin fameux à
Paris , en a vu qui lui a paru très-beau.) Toute autre
matière que les feuilles d’argent, ou le mercure ainfi
préparé,noircit étant mêlée avec 1$ vernis : les feuilles
d’argent font le plus beau blanc.
Pour la couleur rouge, ils emploient le tchou-che ,
qui me paroît un cinabre minéral. On peut aufli fe
fervir de la fleur du çarthame , réduite en lacque.
Pour le verd ils fe fervent d’orpiment, qu’ils mêlent
avec de l’indigo qu’on nomme ici kouang-tien
hoa : c’eft le véritable indigo, il vient des provinces
méridionales. Il eft plus eftimé que celui de Péking,
qui n’eft qu’une perficaire.'
Pour le violet, ils fe fervent de tfe-çhe ou pierre
violette : che lignifie pierrre ;tfe, violet : ( on s’en fert
dans le verre, pour le rendre opaque) ils rédujfent
cette pierre en poudre impalpable. Ils fe fervent
aufli du colcothar ou vitriol marin, calciné en rouge ;
mais pour lui ôter fon fe l, ils le font bouillir aupara*
vant dans beaucoup d’eau : le vernis, difent-ils , ne
peut fouffrir aucun fel.
Le jaune fe fait avec l’orpiment. Nota, i° . que
les couleurs mifes dans le vernis ne font pas vives
d’abord, mais dans la fuite elles changent : plus elles
font anciennes , & plus elles font belles.
z°. Quand les peintres yeulent paffer beaucoup
de couleurs à la fois, alors au lieu de tchou-tchi, ils
fe fervent àeféermien,
3°. Pour nettoyer les pièces de vernis, on fe fert
d’un morceau de foie , comme feroit un mouchoir
de foie bien doux, c’eft-à-dire ufé : d’abord, fans frotter
, on fecoue la pouffière en frappant deffus avec
ce mouchoir de foie : fi, après cela, il refte quelque
taches graffes, elles s’enlèvent facilement , en entourant
le doigt de ce mouchoir, & frottant fortement
; fi cela ne fuffit pas , on peut mouiller le bout
du doigt enveloppé, le paffant fur la langue, mais
il vaut mieuy faire aller l’haleine fur la tache, & aufli-
tôt frotter avec le doigt enveloppé : on peut encore
paffer le doigt enveloppé fur la tête, dans les cheveux
; le peu de graiffe qu’il prend eft très-bonne
[ pour enlever les taches du vernis.
4°. Si les pièces de vernis, pour avoir été approchées
trop près du feu, s’étoient tachées ; en les ex-
pofant à la rofée, on les fait revenir.
5°. En expofant à l’air les couleurs en vernis > elles
y prennent beaucoup plus tôt leur éclat. Or
Or en coquille.
On prépare un grand cornet de papier, d’une t
feuille entière ; on fouffle dedans , les feuilles d’or
qu’on veut employer à faire de IV en coquille. Quand
on en a une quantité fuffifante, on prend une afliette
ou petit plaide porcelaine bien uni, on y verfe quelques
gouttes d’eau , dans laquelle on a fait diffoudre
.un peu de colle, enfuite on renverfe les feuilles du
cornet de papier fur l’afliette ; avec l’ext-rémité
des doigts , on broyé l’o r , comme on feroit avec
une molette : plus on le broyé, plus il devient fin, &.
par conféquentbeau. On le lave à deux eaux un peu
'tiédes, & on le garde pour le befoin. Les Chinois
n’y font pas d’autre façon.
Crayon Chinois, dont fe fert le maître peintre pour fa
première efquijfe.
.. Ces crayons, dont les peintresÉuropéens s’ac-
commoderoient fort bien, ne font, autre chofe que
des chandelles de veille qu’ils rompent de la longueur
de quatre à fix pouces. Ils les allument par un bout,
8c les éteignent un inftant après. Les traces que ces
fortes de pinceaux laiffent, s’enlèvent facilement
avec une.aile de.perdrix ou d’autre oifeau. On choifit
pour cela des chandelles de, veille, menues ; les groffes
ne font pas fi commodes ; fi l’on veut qp’efies faffent
un trait plus fin , on leur fait la pointe, en les frottant
doucement fur un carreau.
Vernis du Japon.
L’arbre qui donne le véritable vernis du Japon,
s’appelle urufi; cet arbrè produit un jus blanchâtre,
dont les Japonois fe fervent pour vernir tous leurs
meubles, leurs plats, leurs afliettes de bois qui font
en ufage chez' toutes fortes de perfonnes , depuis
l’empereur jufqu’au payfan .; car à la cour , & à la
table de ce .monarque, les uftenfiles verniffés font
préférés à ceux d’or & d’argent. L’arbre du véritable
vernis eft une efpèce particulière an Japon ; il croît
dans la province de Fingo & dans l’île de Tricom ;
mais le meilleur de tous eft celui de la province de
Jamàtto.
Cet arbre a peu de branches ; fon écorce eft
blanchâtre, raboteufe., fe féparant facilement ; fon
bois eft très-fragile, & reffemble à celui du faule;
fa moëllè eft très-abondante ; fes feuilles, fembla-
bles à celles du noyer, font longues de huit à neuf
pouces , ovales & terminées en pointes, point découpées
à leur bord*, ayant au milieu une.côte ronde,
qui règne dans toute leur longueur jufqu’à la pointe,
V O C A B U L A I R E de l’A n
- A b r eu v e r ; c’eft mettre fur un fond de pierre,
de bois, de toile , ou d’autre matière poreufe, une
couche ou d’encollage, où de couleur,ou de vernis,
pour en boucher les'pores & le rendre uni.
Acier (couleur d’) ; on 1*emploie pour les ferrures.
Arts & Métiers. Tome IL Partie L
& qui envoie de chaque côté jufqu’au bord plufieurs
moindres nervures. Ces feuilles ont un goût Sauvage
& quand on en frotte un papier, elles le teignent
d’une couleur noirâtre ; les fleurs qui naiffent en
grappe des aiffelles. des feuilles, font fort petites ,
d’un jaune verdâtre, à cinq pétales , -un peu longs
& recourbés. Les étamines font en pointes & très-
courtes, aufli bien que le piftil qui eft terminé par
trois têtes. L’odeur de ces fleurs eft douce & fort
graçieufe,. ayant beaucoup de rapport à celle des
fleurs d’orange. Le fruit qui vient enfuite , a la figure
& la groffeur d’un pois chiche : dans fa maturité , il
eft fort dur & d?une couleur fale.
L’arbre du vernis qui croît dans les Indes , & que
Kæmpfer juge être le véritable anacarde, eft tout-à-
fait différent de l’urufi du Japon. A Siam on l’appelle
toni-rack, c’eft-à-dire l ’arbre du rack. Il fe tire de la
province de Corfama & du royaume de Cambodiaj
on en perce le tronc, d’où il fort une liqueur appelée
nam-rack, c’eft-à-dire jus de rack; il croît & porte
du fruit dans la plupart des contrées de l’Orient ; mais
en a obfervé qu’il ne produit point fon jus blanchâtre
à l’oueft du Gange ,.foit à caufe de la ftéiilité du
terroir, ou par l’ignorance des gëns du pays qui ne
favent pas la manière de le cultiver.
La compofitiori du vernis japonois ne demande pas
une grande préparation; on reçoit le jus de l’urufi,
après qu’on y a fait une incifion, fur deux feuilles
d’un papier fait exprès, & prefque aufli minces que
des toiles d’araignées. On le preffe enfuite avec la
main pour en faire couler la matière la plus pure ; les
matières groffières & hétérogènes demeurent dans
le papier ; puis on mêle dans ce jus environ une centième
partie d’une huile appelée toi, faite du fruit d’un
arbre nommé kiri, & on verfe le tout dans des vafes.
de bois qui fe transportent où l’on veut.
Le vernis s’y conferve parfaitement, fi ce n’eff:
qu’il fe formé à la fuperficte üne efpèce de croûte
noirâtre que l’on jette. On rougit le vernis quand on
Veut aVoir du cinabre de la Chine, ou avec une efpèce
de terre rouge, que les Hollandois portoient
autrefois de la Chine au Japon, & que les Chinois y
portent préfentement eux-mêmes ; ou enfin avec la
matière qui fait le fond de l’encre du pays. Le jus du
vernis, tant de celui du Japon que celui de Siam, a
une odeur forte qui empoifonneroit ceux qui l’emploient,
leur cauferoit dè violens maux de tête, &
leur feroit enfler les lèvres, s’ils n’avoient foin de fe
couvrir la bouche & les narines avec un linge, quand!
•ils ie recueillent.
de préparer les Couleurs & Vernis.
A doucir ; c’eft donner à une furface de légalité
& de la douceur.
A hoûa ( graine d’ ) ; c’eft une graine qui vient
de l’Orient, & qui s’emploie en ftil de-grain comme
l’orpin.
D