
îi oi îièms efpèce d’eau-forte très-concentrée, connue
fou» le nom d'efprit de nitre fumant,
.La diftillation de 1 efprit de nitre par l’intermède
de l’huile de vitriol, eft trop intéreffante, dit l’éditeur
de Neuchâtel , pour que nous ne la développions
pas. Mes expériences , ' ajoute ce chi-
m:ue , me mettent à même de donner plufieurs détails
qui font de la plus, grande importance pour les
artiftes. _
Pour déterminer la quantité d’huile de vitriol
par rapport à celle du falpêtre , il eft néceflaire de
çonfidérer la quantité d’alkali qui fe trouve dans le
falpetre, & combien il faut d’huile de vitriol pour
faturer cet alkali. O r , on fait par les, expériences i
du favant M. W euzel, que cent foixante-quinzê
grains de falpêtre contiennent cent vingt grains
d alkali ; que ces cent vingt grains d’alkali donnent,
avecquatre-vingt-fept grains & demi d’huile de vitriol
la plus concentrée, cent cinquante-trois grains
de tartre vitriolé , & qu’il fe perd dans le mélange
tr ente-fept grains d’air, que l’alkali fixe laide
échapper. Il faut donc pour décompofer cent foi-
xante-quinze grains de falpêtre, quatre-vin^t-fept
grains & demi d’huile de vitriol ; c’eft-à-dire, qu’une
' livre de falpêtre demande demi - livre de bonne
huile de vitriol, pour être entièrement décompofée.
Cependant, quoique cette proportion foit exa&e,
on doit prendre un peu plus d’huile' de vitriol \
parce que celle qu’on a dans le commerce n’eft pas
toujours dans le plus grand état de concentration :
on peut s’affurer de ce degré de concentration, au
moyen de fa gravité fpécifique , & fe diriger en conf
lu e n c e pour la quantité qu’il en faut mettre dans
n. n*trc‘ de l’huile de vitriol très-concentrée
eft prefoue le double de celle de l’eau. Un verre
pelant feize gros étant rempli d’eau, en pèfe trente
& demi étant rempli d’huile de vitriol concentrée ;
à mefure qu’elle le trouve plus légère, elle eft
moins forte, & il faut en employer un peu plus que
la, proportion indiquée ct-delTus.
La proportion une fois établie, il faut faire le,
mélangé. Des artilles le font tout uniment en
mêlant les drogues; mais il ont tort, car auffitôt
que l’huile de vitriol touche le falpêtre , il fe dégage
avec bonne partie d’efprit ds nitre en vapeurs,; ce
qui non-feulement eft préjudiciable, mais encore
nuifible à la fanté.
Pour prévenir ces inconvéniens, il faut mêler
rhuile de vitriol avec de l’eau. J’ai trouvé qu’il fuf-
fifoit de prendre une partie d’eau, fur quatre d’huile
de vitriol. Si on en met davantage ,'la diftillation efi
prolongée. Ce-mélange fe fait en verfant peu à peu
1 huile de vitriol dans l’eau, par le moyen d’un tuyau
de verre, qui va jufqu’au fond de la bouteille. Il faut
alors laiffer le tout en repos, pendant vingt-quatre
heures ; après quoi on l’agite peu à peu avec précau-*
tion ; & quand le mélange s’échauffe , on le laiffe
de nouveau tranquille pendant une heure. On répété
cette agitation, jufqu’à ce que le mélange foit
entièrement fait.
L’huile de vitriol étant ainfi préparée ; on k
verfe fur le falpêtre, dans une cornue de grès ou
fi l’on veut de verre, par le moyen d’un entonnoir
de verre à long tuyau, qui defcend jufques dans le
ventre de la cornue, afin qu’il n’en refie point
au col. ■ s : r
,. M. Baumé, pour éviter cet inconvénient, garnit
l’intérieur du col avec un rouleau de papier, qu’il
ne fait defcendre qu’un peu au deffous de la courbure,
avant que d’y introduire le tuyau de verre.
S i , lorfqu’on retire le tuyau, il s’échappe quelques
gouttes d’acide, elles tombent fur le papier : on le
retire promptement, afin de ne point lui donner le
temps d’être pénétré, ni celui de mouiller les parois
du. col de la cornue.
On lute à la cornue un récipient convenable
dans lequel on met de l’eau à volonté, félon la force
qu’on défire que l’efprit de nitre a it, & on fait la
diftillation à un feu plus doux. Au bout de douze j
heures, on augmente le feu ; enfin, on ceffe quand
le ballon ne s’échauffe plus.
Quant au lut, la pratique ordinaire eft de prendre
tout uniment de la terre grajfe pure. Il en eft
qui y mêlent affez de fable fin , pour qu’elle n’adhère
plus aux mains ; d’autres ajoutent un peu de
chaux; quelques-uns font un mélange de chaux &
de bol réduit en bouillie avec du blanc d’oeuf, &
1’emploient tout fimplement, ou le frottent quand
il eft fec avec de l’huile; mais tous ces luts ont
un grand inconvénient, ç’eft qu’ils font attaquables
par les vapeurs acides, qui non-feulement paffent
au travers, mais s’y imbibent en partie.
Il faut donc chercher à employer des luts inattaquables
aux acides ; voici ceux qui paroiffent les
meilleurs.
l0; Le gypfe délayé dans un peu de vinaigre,&
appliqué avec un linge. Lorfque ce mélange eft
bien appliqué, on le faupoudre de gypfe, pour
abforber plus vite l’humidité.
Ce lut a beaucoup d’avantages. On peut commencer
la diftillation auflitôt qu’il eft placé ; fon application
n’a rien d’embarraffant ; il eft inattaquable
aux vapeurs , & ne les laiffe point paffer à moins i
que le feu ne foit trop violent, & dans ce cas, il a
l’avantage de laiffer .paffer l’excédent des vapeurs
qui cafferofent le ballon avec tout autre lu t, & cela
fans être devenu moins bon, parce que le feu étant
diminué, le lut eft en état de contenir les vapeurs,
comme fi elles n’y avoient point paffé. Enfin, il
fe détache facilement quand on veut déluter.
2°* gypfe pulvérifé, ou aufli la craie de Briançon
, pilée & réduite en pâte avec de l’huile de noix.
Enfin , l’on peut luter les jointures des vaiffeaux
avec du lut gras, ayant foin d’appliquer par deffus
les luts dont on vient de parler, des bandes de toile
enduites de chaux éteinte à l’air, ou , ce qui vaut
mieux, de gypfe délayé avec un peu d’eau & des
blancs d’oeufs ; on affujettit, comme il a été dit ci-
devant , ces luts avec de la ficelle, dont on fait
plufieurs tours,
Ce fécond lut ne fert.pas à réfifter aux vapeurs de
l’acide nitreux ; mais en fe durciffant & fe féchant,
il fert à maintenir le premier lut qui na pas allez
He ténacité pour n’être pas dérangé au moindre
ébranlement, ou par l’élafticité des vapeurs , qui le
déplaceraient bientôt s’il n’étoit retenu par ce
fécond lut, & la ficelle qui l’affujettit.
Le lut gras a l’avantage précieux , dit M. Baume ,
de ne fécher jamais à fond , & de pouvoir s’enlever
facilement, même après des diftillations do plufieurs
iours. Il ne fe defféche jamais affez pour mettre les
vaiffeaux en danger d’être caffés, lorfqu’il eft nécef-
faire de les déluter, ce à quoi on eft expofé avec
du lut de vitrier : ce dernier eft fait avec de la
craie ; il eft d’ailleurs diffoluble par les acides.
Lé lut gras eft compofé d’argile sèche, réduite en
poudre fine, dont on fait une pâte ferme avec de
l’huile de lin cuite.
■ , va'v On a parlé du lut quon peut faire en mêlant
du gypfe^avèc du foufre. ^ ^
4°. On a aufli employé avec luccès des cendres
de foyer, réduites en pâle avec de Veau.
Pour ce qui concerne la direétion du feu propre à
la dijlillation des eaux-fortes, on fait ^ue c’eft la
viteffe avec laquelle les gouttes fe fuccedent, qui
doit fervir de règle. Je compte vingt-cinq à trente
entre chaque goutte, & fuivant l’exigence des cas ;
je fais aller la diftillation plus vite ou plus lentement.
Mais il faut obferver, avecM. Baumé, qu’elle
dure en été le double plus qu’en hiver , & qu’on
ne peut compter dans cette dernière faifon que dix
entre chaque goutte, au lieu que dans l’autre on
peut aller jufqu’à quarante.
Quand on emploie des ballons de grès, l’on ne
peut, à la vérité, voir tomber les gouttes; mais
on entend ordinairement leur chûte. Lorfque cela
n’arrive pas, il faut fe diriger par la chaleur du
récipient, dont le fond ne doit jamais s’échauffer.
Il importe ,.en général, de ménager le feu avec le
plus grand foin. Loin de rifquer quelque chofe avec
un feu des plus doux, il eft avantageux pendant le
cours de l’opération ; ce n’eft que lorfque la diftillation
eft prefque finie, & que le récipient fe refroidit
, qu’il faut donner le feu le plus violent.
Quant à la quantité d’eau-forte qu’on obtient
au moyen de l’huile de v itriol, voici ce que l’expérience
m’a appris,dit l’éditeur de Neuchâtel. Soixante
onces de falpêtre, mêlées avec trente onces & demie
d’huile de vitriol & quinze onces d’eau,m’ont donné,
ayant mis vingt-neuf onces d’eau dans le récipient,
quatre-vingt onces d’efprit de nitre fumant & jaune,
qui mêlé avec trente-deux onces d’eau, rendirent
cent douze onces d’eau-forte un peu jaune & un peu
fumante ; en forte qu’une livre de falpêtre, fournit
près de deux livres de bonne eau-forte.
Procédé de M. Bon^, pour la d if iliation de Vacide
nitreux.
M. Jean-Paul Bonz, doéleur en chimie, & mem-
Pre de la fociétè impériale de l’académie des curieux
, a fait fur la préparation de l’eau-forte des
obfervations d’autant plus intéreffantes, qu’elles font
appuyées fur une expérience raifonnée , exaéle &
confiante.
Je me fers depuis plufieurs années , dit M. Bonz,
pour la diftillation des eaux-fortes, d’un pot de
fer , furmonté d’un cône tronqué du même métal,
auquel j’adapte un ample chapiteau de verre, muni
d’un long tuyau à large ouverture, auquel je joins
un grand ballon.
Pour luter cet appareil, j’emploie fimplement
un lut compofé d’argile réfraâaire , de fable & d’un
peu de chanvre haché. -
Je diftille dans plufieurs pots, & je mets dans
chacun vingt-quatre livres de matières ; favoir,
douze livres de falpêtre, & autant de vitriol d’Angleterre
calciné jufqu’à blancheur.
Le choix des drogues demande beaucoup d’attention
; la réufiite de l’opération en dépend en
partie. Les connoifleurs jugent plus fûrement de
la bonté du falpêtre par le goû t, que par la déton-
nation & la figure des criftaux.-Cette dernière eft
une preuve très-incertaine de la pureté du falpêtre,
car les falpêtriers font parvenus à faire criftallifer
le nitre en beaux criftaux , par une addition de vitriol
& d’alun, même dans le cas où il eft fort chargéi
de fel commun.
Le goût du falpêtre doit être très-rafraîchiflant
& très-pénétrant. Un peu d’habitude met bientôt
en état de difcerner la bonté du nitre. Je préfère
le vitriol d’Angleterre à tout autre , parce qu’il m’a
paru que c’étoit celurde tous qui décompofoit le
nitre avec plus de'facilité.
Après avoir mêlé le falpêtre avec le vitriol, dans
la quantité que j’ai indiquée, je mets le mélange
dans le pot à diftiller , qui repofe fur deux barres
de fer, dans un fourneau de réverbère à trois fou-
piraux, au moyen defquels on peut augmenter le
feu a volonté.
Je lute l’appareil, & je diftille l’eau-forte , ce qui
exige un feu continué pendant vingt-quatre à trente-
fix heures. #•'
Les tapeurs blanches qui au bout de ce temps
paroiffent dans le ballon, m’annoncent la fin de
l’opération.
' On apperçoit dans le ventre ou dans la concavité
du ballon,, des criftaux en forme d’étoiles , qui, je
crois, font l’acide nitreux concret ou glacial de
Bernhard ; & l’on voit des gouttes qui courent,
comme des gouttes d’huile, le long de la furface
du ballon.
L’accès de l’air fait difparoître ces criftaux &
ces gouttes.
Si dans le courant de l’opération le lut vient à
tranfpirer, j’applique fur les fentes qui fe font formées
, des linges enduits d’argile.
La diftillation étant achevée, je délute & j’obtiens
douze livres d’efprit de nitre, jaune & fumant.
Tel eft le produit des douze livres de falpêtre que
j’emploie à cette opération.