
Les nations fe font fai;t fur cela différens ufages.
Diodore parle d’un peuple des Indes , qui écrivoit
de haut en bas. L’ancienne écriture de Fo-hi nous
eft représentée de même par les voyageurs.
Les Chinois & d’autres peuples comme les Péruviens
, fe font Servis de cordes nouées, qu’ils appelaient
quipos, au lieu decaraftères. Chez les. Chinois
le nombre des noeuds, de chaque corde formoit un
cara&ère , & l’aflemblage des cordes tenoit lieu
d’une efpèce de livre qui fervoit à rappeler ou à
fixer dans l’efprit des hommes le Souvenir des
chofes qui fans cela s’en feroient effacées.
Les Péruviens, lorfque lés Efpagnols-conquirent
leur pays , avoient des cordes de différentes couleurs
, chargées d un nombre de noeuds plus ou
moins grand , & diverfement combinées entre
elles , à l’aide defquelles ils écrivoient.
Anciennes formes de lettres.
On ejnployoit dans le X V e fiècle les lettres de
cour ou de cours ; les lettres torneures ; les lettres
bourgeoifes ; les lettres barbues ou les gojfes ; les
lettres tondues; les lettres de forme; & les cadeaux.
Les lettres d t cour ou de cours, étoit récriture
commune employée par les officiers des tribunaux.
Les lettres torneures , étoient les majufcules gothiques
des imprimés ou des manufcrits : on en voit
fur des tombes , fur des vitres & tapifferies anciennes.
Le mot torneures étoit appliqué aux lettres
dès le temps de Saint Bernard. On loue, dit-il , la
main & non la plume de la bonne tôrneure ou
tournure d’uné lettre.
Les lettres bourgeoifes paffent pour avoir été ri n-
yentées par les imprimeurs , vers la fin du x v e
fiècle. Elles tiennept le milieu entre les gothiques
éurfives & celles d’à-préfent.
Les lettres barbues , probablement les mêmes que
Ies gojfes, étoient des lettres chargées de poils ou
de points comme par étages * foit enflées de traits
fuperflus , Ou qui montoient & defcendoient dans
quelques caraâères au deffus & au deffous de
leurs voifins.
Les lettres tondues étoient celles dont on retran-
çhoit toute fuperfluité. Elles étoient Amples , approchant
de la minufcule ; ou fi elles tenoient encore
un peu de la curfive, du moins refferroient-eiles
l.eurs traits loin de les alonger.
Les lettres de forme, étoient celles qu’on appelait
canon en imprimerie.
Les- lettres bâtardes de la fin du Xve fiècle &
du commencement du x v i e , ne reffembloient
guères à celles qu’on nomme ainfi maintenant. On
en ufoit dans les imprimés , lorfqu’on y parloit
françois. Elles peuvent fe rapporter à la civilité
gothique, qu’on fait encore lire aux enfans.
Les cadeaux , étoient de grandes lettres, qu’on
plaçoit à la tête des pièces curfives , & qui étoient
ornées d’enchaînemens , d’entrelacemens paraphes.
C’eft aufli à peu près dans le x v e fiècle que le j
cara&ère rond & romain , fut apporté en Franc#»
avec l’imprimerie , par ülric Gering & fe , aff0ciés
Mais la lettre ronde de ce fiècle revien > à notre
financière ; comme la lettre de forme & h lettre
bourgeoife ou des marchands, à notre expéditive on
coulée.
Le x v e fiècle vit rétablir les fignatures des particuliers
qui-concoururent avec la renaiffance des
lettres , l'écriture étant un préalable néceffaire à
leur renouvellement.
$i les latins, & les nations qui tenoient d’eux leur
alphabet , ne l’ont pas augmenté, ce n’eft point
qu on n’ait enfanté bien des projets en ce genre
mais inutilement.
Ce fut en vain que Claude V , empereur des
Romains, & Chilpéric, roi des François, tentèrent
de faire recevoir de nouvelles lettres. L’autorité de
ces princes n’empêcha pas leurs nouveaux caractères
de tomber dans d’oubli prefque aufli-tôt qu’Üs
eurent vu le jour.
Jamais les inventeurs de nouvelles lettres n’eurent
de fuccès ; on vit au contraire affez fouvent réuffir
ceux qui s’attachèrent , ou à réformer la figure, ou
à fixer la valeur des anciennes lettres.
Ecriture par abréviation.
Les anciens fe fervoient pour leur écriture abrégée
de figures qui n’avoient aucun rapport avec l’écriture
or dinaire ; & dont chacune exprimoit ou une
fyllahe, ou un mot tout entier , à peu près comme
l’écriture Chinoife.
Ces abrégés avoient été inventés par Ennius ; ils
furent enfuite perfectionnés & augmentés par Tiron,
| & depuis par un affranchi de Mecenas ; enfin
Séneque ou quelqu’un de fes affranchis les raffem-
bla tous. -
Il paroît j>ar un paffage de la vie de Xénophon,
dans Diogène Laerce, que cette façon d’écrire
abrégée étoit en ufage chez les Grecs long-temps
avant qu’elle, eut paffé chez les Romains. Il eft
vraifemblahle q.ue le. mot de notaire ( notarius )
vient originairement des caractères de cette forte
d’écriture appelés notes d’abréviation.
Du temps-.de Cicéron , . cette manière d’écrire
fervoit principalement pour copier les plaidoyers &
les difcours qui fe prononçoient dans le fénat ;
car les aétes judiciaires s’écrivoient en notes , c’efi-
à-clire eu notes abrégées, afin que le fcribe pût fuivre
la prononciation du juge & ne rien perdre de fes
paroles.
A ces notes abrégées de jurifpruéence & de
juîifdiétions, des particuliers en ajoutèrent depuis
de nouvelles pour leur propre utilité ; chaque caractère
fignifioit un mot, & ççt ufage fe perfectionna
en fe portant à toutes fortes de matières,
* Cette écriture par abréviation , nommée autrement
tachéographte ou tachygraplùe , devint une ef-
pè.ce d’écriture courante dont tout le monde avoir
la clé., & à laquelle on exerçoit les. jeunes gens.
L’empereur Tite, au rapport du Suétone, s’y étoit
rendu fi habile, qu’il fe faifoit un plaifir d’y défier
fes fecrétaires mêmes. , 1 ,
ISzrttachéographique&û fort exercé en Angleterre,
pour recueillir les difcours dans les affemblées du
Parlement * les dépofitions des témoins dans les
procès célèbres, &c.
Etablijfement des Maîtres Ecrivains.
La communauté des maîtres experts jurés écrivains
expéditionnaires & arithméticiens , teneurs
de livres de comptes, établis pour la vérification
des écritures , fignatures , comptes & calculs con-
teftés en juftice , doit fon'établiffement à Charles
IX, roi de France, en 1 570.
Avant cette éreétion la profeflion d’enfeigner l’art
d’écrire étoit libre, comme elle l’efl encore en Italie
& en Angleterre. * . ■ _
Il y avoit pourtant quelques maîtres autorifés
par l’univerfité : mais ils n’empêchoient point la
liberté des autres, ce droit de l’univerfitê fubfifte
encore; il vient de ce qu’elle avoit anciennement
enfeigné cet art, qui faifoit alors une partie de la
grammaire.
Pour inftruire clairement fur l’origine d’un corps
dont les talens font néceflaires au public , il faut
remonter un peu haut & parler des fauffaires.
Dans tous les temps , il s’eft trouvé des hommes
qui fe font attachés à contrefaire les écritures & à
fabriquer de faux titres. Suivant l’hiftoire des con-
teftationS fur la diplomatique, il y en avoit dans
toits les états parmi les moines & les clercs , parmi
les féculiers , les notaires , les écrivains & les maîtres
d’écoles. Les femmes mêmei f e font mêlées de cet exercice
honteux.
Les fiècles qui paroiffent en avoir le plus produit,
font les fixième , neuvième & onzième.
Dans le feizième, il s’en trouva un affez hardi
pour contrefaire la fignature du roi Charles IX.
Les dangers auxquels un talent fi funefte expofoit
l’état, firent réfléchir plus férieufement qii’on n’avoit
fait jufqu’alors fur les moyens d’en arrêter les progrès.
On remit en vigueur les ordonnances qui por-
toient des peines contre les fauffaires ; & pour qu’on
pût les reconnoître, on forma d’habiles vérificateurs,
A d am Çkades, fecrétaire ordinaire du roi
Charles IX, & qui lui avoit- enfeigné l’art d’écrire ,
fut chargé par ce prince de faire le choix des fujets
les plus propres à ce genre de connoiffances. Il répondit
aux vues de fon prince1 en homme habile
& profond dans fon a rt, & choifit parmi les maîtres
qui le profeffoient, ceux qui avoient le plus d’expérience.
Ils fe trouvèrent au nombre de huit qui,
fur la requête qu’ils préfentèreat au ro i, obtinrent
des lettres - patentes d’ér-e&ion au mois de novembre
1570 , lefquelles furent enregiftrées au parlement
le 31 janvier 1576.,
Ces lettres-patentes font écrites fur parchemin ,
ên lettres gothiques modernes très-bien travaillées ;
ki première ligne qui eft en or a confervé toute
& Fraîcheur. ; elles peuvent pafler en,fait d’écriture
pour une curiofité du X V I e fiècle. Ces lettres
établiffent les maîtres écrivains, privativement à
tous autres , pour faire la vérification des écritures
& fignatures conteflées dans tous les tribunaux, 6*
enfeigner l’écriture & l’arithmétique à Paris & par
tout le royaume.
Telle eft l’origine de l’établiffement des maîtres
écrivains , dont l’idée eft due à un monarque François
; il convient à .préfent de s’étendre plus particulièrement
fur cette compagnie.
Cet établiffement fut à peinèjformé, qu’Adam
Charles qui en étoit le prote&eur -, qui vifoit au
grand , & qui par fon mérite s’étoit élevé à une
place éminente à la cour, fentit que pour donner
un relief à cet état naiffant, il lui falloir un titre
qui le diftinguât aux yeux du public, & qui lui
attirât fon eftime & fa confiance. Il fupplia le roi
d’accorder à chacun des maîtres de la nouvelle
compagnie, dont il étoit le premier , la qualité
de fecrétaire ordinaire de fa chambre, dont fa ma-
jefté l’avoit décoré. Comme cette qualité enga-
geoit à des fondions , Charles IX ne la donna
qu’à deux maîtres écrivains qui étoient obligés
de fe trouver à la fuite du roi, l’un après l’autre ,
par quartier.
Les maîtres écrivains vérificateurs , ou du moins
les deux qui étoient fecrétaires de la chambre de
fa majefté, ont été attachés à la cour jufqu’en 163 3 ;
voici le motif qui fit ceffer leurs fonctions à cet
égard.
Rien de plus évident, que l’établiffement des maîtres
écrivains avoit procuré aux écritures une correction
fenfihle; il avoit même déjà paru fur l’art
d’écrire quelques ouvrages gravés avec des préceptes.
Cependant, malgré ce feeours , il régnoit
encore en général un mauvais goût, un renie de
gothique qu’il étoit dangereux de laiffer fubfifter.
11 confiftoit en traits fuperflus, en plufieurs lettres ,
quoique différentes, qui fe rapprochoient beaucoup
pour la figure ; enfin en abréviations multipliées ,
dont la forme toujours arbitraire exigeoit une
étude particulière de la part de ceux qui en eher-
choient la lignification-. On peut fientir que le concours
de tous ces vices rendoit les écritures curfives
aulfi difficiles à lire que fatiguantes aux yeux*.
Pour bannir abfolument ces défauts , le parlement
de Paris, qui n’apportoit pas moins d’attention que
le roi aux progrès de cet art, ordonna aux maîtres
écrivains de s’affembler, de travailler à la correétion
des écritures & d’en fixer les principes.
Après plufieurs conférences tenues à ce fujet par
la fociété des maîtres écrivains, Louis Barbe-for ,
qui étoit alors fecrétaire de la chambre du roi Ô£
fyndic, exécuta un exemplaire des lettres fracn-
çoifes ou rondes, & Leké un autre fur les lettres
italiennes ou bâtarde. Ces deux artiftes avoient un
mérite fupérieur. Le premier , homme renommé-
dans fon a r t , étoit lavant dans la eonftruéfio»
des cara&ères pour les langues orientales. Le
fécond , qui ne lui. cèdoit en rien dans l’écriture*