VOYAGE
descendre sur leur territoire. Suivant lu i, deux hommes
seulement descendirent à terre à Païou, et n’y vécurent
pas plus de trois lunes. Mais l’Atoua des Papalangui,
enfans du ciel, vengea bientôt la mort des blancs, et
envoya des maladies qui firent périr une quantité de
naturels. Depuis les vaisseaux naufragés, ils n ’avaient
plus revu d’Européens jusqu’à l’arrivée de Pita.
Comme la chaleur était suffocante sur cette partie
de la plage, je suis revenu à bord. Les naturels de
Manevai continuent de se montrer plus confians et
plus communicatifs que ceux de Tevai; ils ont apporté
dans la journée plus de vivres de différentes
espèces, que les autres n ’avaient fait durant tout
notre séjour à Ocili. Pour des colliers, j ’ai pu enfin me
procurer des arcs et des flèches, et une boîte à contenir
la chaux qu’ils mêlent avec leur bétel; mais je
n’ai encore pu me procurer aucun de leurs bracelets
auxquels ils attachent un prix infini, puisqu’ils ont
refusé, pour un seul de ces ornemens, un grand couperet
et un collier réunis.
La seine a été jetée, dans la soirée, devant la plage
de l’observatoire, et a ramené une pêche assez copieuse.
On trouve ici des pinnes marines, des bénitiers,
des spondiles, des cames, moules, arches,
vénus, et surtout de bonnes huîtres en assez grande
quantité; la pénurie de viande fraîche nous force à
tirer parti de ces différens coquillages et à les mettre
à diverses espèces de sauces. La chasse n’offre que
des pigeons, des chevaliers ou des poules sultanes en
petit nombre.
DE L’ASTUOLABE.
Il a fait généralement calme avec une chaleur accablante
; cependant, de midi à deux heures, il a tombé
un grain de pluie très-abondant, qui a subitement
donné naissance à de nombreuses cascades, sur le revers
de la montagne, et fait grossir la rivière d’une
manière extraordinaire. Toute la matinée, les naturels
ont commercé paisiblement le long du bord. Mon ami
Moembe a passé une bonne partie de la journée avec
moi; et m'a raconté que les peuples de Manevai, Vanikoro
, 3Iambili et Vanou étaient alliés ensemble et
ennemis communs de ceux de Tevai, Nama, Païou et
Tanema; mais ces divisions ne concernaient point les
chefs qui étaient tous amis entre eux. Voici les noms
de ces chefs suivant Moembe : à Vanikoro, Valiko ; à
Mambili, Moundgi; à Vanou, Valie et Fonou ; à
Nama, Kamaïou ; à P a ïo u , Outaïka; à Tanema,
Naïla ; à Tevai, Nelo ; à Manevai, Kalaï et Moembe.
Si le rapport de Moembe est exact, pour des hommes
aussi barbares , il faut convenir que c’est une convention
bien sage el bien politique de la part des chefs,
d’avoir arrêté que les peuples seuls pouvaient se faire
la guerre, mais qu’entre eux chefs ils seraient toujours
amis. Dans notre Europe tant civilisée, les
rois n ’ont pas mieux fait.
Nous voyons de temps en temps les femmes passer
dans leurs pirogues près du navire, pour se rendre à
la pêche avec leurs filets, ou aller cueillir des racines
dans les plantations le long de la rivière ; mais elles
évitent toute communication avec les blancs , et les
hommes en paraissent fort jaloux.
rS23.
4 mars.