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 rieuse ;  mon  nom  était assuré d’un  certain  éclat.  Je  
 pouvais  p é rir,  et  avec  moi  tous  mes  travaux  pouvaient  
 être  anéantis, mais ma mémoire  restait encore  
 entourée  de cette  auréole  mystérieuse  de  considération  
 et d’intérêt qui se rattache inévitablement au souvenir  
 des  hommes qui succombent  dans une  noble et  
 généreuse entreprise. 
 Il  n’en  était  point  de  même  de  mes  compagnons  
 de  voyage.  Leur  part  de glo ire,  déjà bien mince près  
 de  celle  du  chef  en  cas  de  suc cè s,  devenait  à  peu  
 près  nulle  dans  l’hypothèse  d’un  sinistre  complet.  
 Que cette fâcheuse éventualité survînt,  et rien ne leur  
 revenait  de cet enjeu,  chaque  jour  risqué ,  de  cette  
 existence à chaque heûre compromise avec la mienne.  
 Je  devenais  donc  en  quelque  sorte  responsable  des  
 indemnités  qui  leur  étaient  dues  pour  ces  sacrifices  
 presque journaliers ;  c’était un  devoir sacré pour moi  
 de leur en  faire  tenir  compte  au  retour,  et  de  m’acquitter  
 par  là  des  obligations  d’honneur  que  j ’avais  
 contractées  envers  eux  durant  tout  le  cours  du  
 voyage. 
 Naguère les ministres qui dirigeaient le département  
 de  la marine  en  France  étaient tellement convaincus  
 d ec ette vérité,  qu’ils  laissaient  aux  commandans  de  
 ces  sortes  d’expéditions  la  latitude  d ’accorder à leurs  
 officiers les récompenses dont ils les jugeaient dignes,  
 d ’après la nature  et  dans la  proportion  de  leurs  services. 
   C’est ainsi  que  l’on en  agit  envers  Lapérouse,  
 d’Entrecasteaux, et même envers Baudin,  dont  toutes  
 les promotions furent confirmées. P a r là, quel puissant 
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 moyen  ne  donnait-on  pas aux capitaines  pour  entretenir  
 le zele  et  l’émulation parmi  leurs  compagnons?  
 Rien  n ’eut manqué à mes  voeux,  si j ’eusse eu de semblables  
 moyens  à  ma disposition ;  mais je  n’étais  pas  
 maître de distribuer une seule faveur,  pas même  d’en  
 faire  la  promesse....  Toutefois,  je  ne  m’en  croyais  
 pas  moins virtuellement  engagé  envers  mes  collaborateurs  
 , et je me flattais  de  l’espoir que  le ministère,  
 prenant  en  considération  les  travaux  tout  extraordinaires  
 de  l’Astrolabe,  s’empresserait  de faire  droit  
 à mes  réclamations. 
 On a déjà vu  qu’à mon retour en France j’étais loin  
 d avoir obtenu  ce  que j ’avais  demandé pour mes compagnons. 
  Mais  afin de  parler  sur des faits ,  et surtout  
 de  faire  apprécier  à  sa  juste  valeur  la  réponse  peu  
 loyale  qu’on me  fit  alors ,  réponse  par  laquelle  on  
 voulait  me  prouver  que  les  officiers  de  l’Astrolabe  
 avaient  été  amplement  récompensés,  examinons  ce  
 qui avait eu lieu. 
 M.  Lottin  avait  été  fait  lieutenant  de  vaisseau  le  
 1°''  juillet  1827,  mais  en  considération  de  la  campagne  
 de  la  Coquille.  Il n ’avait d ’ailleurs  obtenu  ce  
 grade  qu’après  plusieurs  autres  ,  inférieurs  à  lui  en  
 mérite  comme en ancienneté. 
 M. Gressien venait d’être nommé lieutenant de vaisseau  
 le 30 décembre  1828, mais uniquement en vertu  
 de  son tour  d’ancienneté,  et  parce  qu’on ne  pouvait  
 pas  faire autrement.  Une foule  de  sujets  bien  moins  
 méritans  que  lui  avaient, été  l’objet  de  passe-droits  
 dans les promotions  précédentes.