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 lides ne semblaient être que les gardiens des malades et  
 des  convalescens.  Parmi ceux-ci,  les  uns comme  autant  
 de  fantômes,  pâles,  abattus  et languissans,  employaient  
 un reste  de  force  à  se  traîner  péniblement  
 d’un  bout  du navire à  l’autre ,  pour distraire leur  ennui  
 et chercher  quelque  soulagement  à leurs maux :  
 d’autres, parvenus au dernier degré d’affaiblissement,  
 restaient  étendus sans mouvement là  où on les  transportait  
 ,  heureux  du moins  que  l’excès  du  mal  leur  
 ôtat en  partie  le sentiment de leurs  souffrances. 
 Dans ces  temps de misère  et de  désolation,  l’équipage  
 dut  beaucoup  à  l’activité  sans  bornes et au  dévouement  
 infatigable  de  l’infirmier  Berr.  Ce  brave  
 homme semblait se multiplier pour se rendre utile aux  
 malades  et leur prodiguer tons les soins que réclamait  
 leur état.  Les trois médecins étaient frappés à la fois,  
 et  il  était  impossible  d’enlever  un  seul  bras  a  la  manoeuvre. 
   Berr  trouvait  le  moyen  de  servir  tous  ses  
 malades,  et de  conserver en  même temps  son  imperturbable  
 gaîté. 
 A  sept heures  du  so ir,  une  bourrasque  subite  et  
 violente de  l’ouest a fait masquer toutes les voiles. Les  
 mâts de hune ont été fortement menacés.  Enfin,  après  
 de longs  et pénibles efforts,  nous  avons  pu  remettre  
 lèvent  dans  les  voiles,  et  nous en  avons  été  quittes  
 pour la vergue  de perroquet de fougue brisée en deux  
 au  racage.  Nous  lui avons  substitué  la  vergue  du  
 grand p e rro q u e t, et celle-ci a été remplacée par la vergue  
 du  petit perroquet. 
 On a fait m onter tous les malades  sur le  pont  pour 
 donner un  parfum  général au navire. C’clait un  spectacle  
 à  la  fois pitoyable et bizarre ,  de  voir  tous  ces  
 malheureux,  comme  autant  d’ombres  chassées  de  
 leurs tombeaux ,  apparaître  à la lumière  avec plus  ou  
 moins de  lenteur et d’efforts,  suivant le degré de leur  
 affaiblissement.  Il  en  est  quelques-uns  qu’il  faut  poi’-  
 ter à bras,  attendu qu’il leur est impossible de faire un  
 seul  mouvement.  Le maître canonnier,  le brave Bay-  
 naud,  est  réduit  à  cette  extrémité,  et  les  médecins  
 craignent  pour  lui  une  paralysie  définitive  et  
 générale. 
 Enfin la brise se rétablit au N.  E. ;  comme  elle  est  
 faible,  nous  cheminons  lentement  au  N .  O .,  avec  
 des alternatives  de calmes et de grains. Dans la soirée  
 du  17,  nous  repassons  au  nord  de  la  ligne,  par  le  
 méridien  de  158°  environ  à l’est  de  Paris.  Là  nous  
 trouvons,  durant  trois jours ,  des  courans  de trente-  
 cinq  à quarante-cinq milles  à l’ouest par jo u r, puis ils  
 se réduisent à huit  ou  dix milles  seulement. 
 Un mois s’était déjà écoulé  depuis  notre  départ de  
 Vanikoro,  et  nous  n’avions  pas  fait  plus  de  quatre  
 cents lieues en ligne droite.  11 nous restait encore trois  
 cents  lieues  à  parcourir  jusqu’à Gouaham,  et  l’état  
 des malades ne s’était pas amélioré !...  Il faut convenir  
 cependant qu’il n ’empirait  pas.  En effet,  il y avait balance, 
   depuis  quelques  jo u rs ,  entre  le  nombre  de  
 ceux  que  la  fièvre  attaquait et de  ceux  qu’elle  abandonnait. 
  Mais pour les manoeuvres du b o rd ,  il y avait  
 perte  réelle,  attendu  que  les  convalescens,  encore  
 accablés  de  faiblesse,  ne  pouvaient  remplacer  d’une 
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