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lançc. Il en a été de même pendant long-temps pour les vivres.
Aujourd’hui encore, quoiqu’il y ait dans l’île beaucoup de
chèvres et de volailles, et quelques bestiaux, la métropole est
obligée d’envoyer des vivres salés pour une grande partie de
la garnison. Les seuls alimens frais qu’on puisse distribuer sont
des tortues, du poisson et des légumes.
Le premier établissement, et aussi le plus considérable, est
sur le bord de l.-i mer, au milieu des scories et sur le sol le
plus aride que j’aie jamais vu. Il se compose de la maison du
gouverneur et des officiers, de quelques autres maisons particulières
et de grands magasins très-bien construits. Malheureusement
il n’y a aucune trace d’eau douce sur le rivage, et la
petite quantité qu’en possède l ’île vient du piton du milieu,
distant d’une lieue et demie à deux lieues; ou est obligé d e là
transporter à dos de mulet jusqu’à l’établissement.
•T’ai déjà dit que le sommet de cette montagne était recouvert
d'une terre végétale profonde, et constamment dans une
atmosphère fraîche et humide. Les Anglais y ont établi des
cultures parfaitement entendues des légumes d’Europe, qui y
prospèrent pour la plupart. On a commencé aussi à y planter
des arbres, car il n’en existe pas de naturels à cette terre. Au
milieu de ces champs sont des étables pour les boeufs , et plus
bas, encore cependant dans la région des nuages, une maison
pour le gouverneur et ses officiers, avec ses dépendances. En se
transportant promptement dans ce lieu, on laisse le sol brûlant
et aride du rivage pour se trouver au milieu de la’ verdure et des
fleurs et dans une température fraîche et agréable. Le spectacle
qu’on a au-dessous de soi est tout-à-fait saisissant par
sa rudesse et sa sauvagerie. C’est l ’image de la désolation ; après
l’action du feu, il n’est resté que des cratères éteints, des précipices,
des pitons rougeâtres ou des roches noires.
L à , comme partout où ils s’établissent, les Anglais ont
commencé par construire des routes commodes, solides, parce
qu’ils savent combien cette précaution, de première nécessite
, contribue à la prospérité d’une contrée. Les babitans
de 1 Ile-de-France leur rendent pleinement justice à cet
égard.
On a donc commencé à l ’Ascension par de belles routes
coupées dans la montagne. I l y en a même une qui la contourne
en p a r tie , et qu’on peut appeler route de lu x e , à cause
de l ’état actuel de la colonie.
Ensuite, ce st le au qu’on s’est occupé de recueillir avec la
plus grande économie , parce qu’elle c o u le , non pas par filet,
mais goutte à goutte, dans trois ou quatre endroits et pendant
huit mois de l ’année seulement. On a , à cet effet, un grand
nombre de tonneaux défoncés par un bout, placés les uns à
côté des autres, se communiquant par des conduits et se remplissant
les uns par les autres. Quelquefois, ce n’est que l’hu-
inidité du l ie u , condensée sur une pierre, dont on reçoit les
gouttes qui ne tombent que de seconde en seconde. Cette eau
est aérée, salubre et sans mauvais goût. Elle est meilleure que
celle de Sainte-Hélène, qui conserve le goût de la terre sur laquelle
elle coule.
Le gouverneur actuel, M. Bate, s’occupe de faire construire
sur le penchant de la montagne un vaste réservoir de pierre
de taille pour mettre une certaine quantité d’eau en réserve,
soit pour la garnison, soit pour les navires qui en auraient un
besoin pressant. Dans ce moment même , on ne peut, sans se
pr ive r , fournir dix tonneaux d’eau. Celle qu’on donne aux
animaux provient de la toiture de l ’étable à boeufe, qui est couverte
d une toile vernie sur laquelle les nuages se condensent
et coulent. E t, comme on a lâché dans la campagne des poule
s , des dindes, des pigeons, des pintades qui sont devenues
sauvages, on a poussé la précaution jusqu’à leur mettre à boire
dans des lieux solitaires. Certes, ces détails paraîtront miriu'
tieux. Mais c’est de leur ensemble, qui indique un ordre pour
ainsi dire in n é , que résultent les succès.
Les tortues, richesse propre à cette île, ont, dès le commencement
de l’établissement, fixé l ’attention des colons. On sait
qu’auparavant les navires abordaient à l ’Ascension pour y