navigateurs à la reconnaissance des hommes? Les faits
ne sont-ils pas là pour répondre à mes questions ? L ’o-
pmion publique, ce juge le plus impartial des réputations,
n a-t-elle pas de tout temps prononcé à cet
égard? Sans rappeler ici les excursions presque fabuleuses
de Pitbeas , d ’Eudoxus, d’Hannon, de Scyllax
et de Néarque, ni même les navigations plus récentes
de Magellan, Drake, Tasman, Schouten, Quiros et
Dampier, etc. ; parmi les modernes, en Angleterre,
les noms de Cook, Vancouver et Flinders, ne sont-ils
pas destinés à une glorieuse immortalité, comme en
France ceux de Bougainville, Lapérouse, d’Entrecasteaux?
Les amiraux qu’ont illustrés vingt victoires navales
n’ont pas laissé une mémoire plus honorée que
celle deces intrépides navigateurs. De nos jours, et sous
nos propres yeux , bien que les faciles navigations de
l’Uranie et de la Coquille ne puissent être comparées
aux admirables eflorts des courageux marins qui viennent
d’être cités, les noms de Freycinet et de Duperrey
ne sont-ils pas cent fois plus connus que ceux
des chefs actuels de la marine? Ne voyons-nous pas
journellement les étrangers, confondant dans une
même personne les faits de M. D u p e rré , l’amiral, et
les travaux de M. Duperrey, le capitaine de frégate,
lui assigner, comme son plus beau titre à la gloire,
sa campagne autour du monde? C’en est assez, je l’espère,
pour démontrer que les campagnes de découvertes
, indépendamment de toute considération d’utilité
matérielle, politique ou commerciale, sont, par
elles-mêmes, ^ssez honorables, assez importantes
pour exciter tout l’in té rê t, toute l’attention d’un gouvernement
libéral.
Mais quel homme assez dépourvu de jugement oserait
soutenir sérieusement que ces campagnes sont
inutiles? Où trouvera-t-on une école plus capable de
former de jeunes officiers aux grandes navigations,
aux chances les plus diverses et les plus imprévues
de leur métier, aux observations les plus délicates en
tous genres? Je ne crains point d’affirmer que ceux qui
auront fait avec fruit ces pénibles voyages ne regarderont
plus les navigations ordinaires, les plus longues,
que comme de simples et faciles traversées. C’est ainsi
qu’après avoir erré pendant deux années entières dans
les parages les plus périlleux d e l’Occanie, les traversées
d Amboine au Cap de Bonne-Espérance et du Cap
de Bonne-Espérance en France, malgré les distances,
nous offraient moins de dangers que deux journées
d’exploration suivie sur des côtes inconnues. J ’en appellerai
au jugement même des marins les plus spéciaux,
les plus opposes à tout esprit de progrès et de
considération scientifique; les officiers qui ont fait partie
des dernieres campagnes de ce genre ne jouissent-
ils p a s , et a juste litre, de la plus haute réputation de
talent et de capacité? Ce que je viens de dire des officiers
peut également s’appliquer, suivant les rap ports
convenables, aux maîtres et aux simples matelots
, quand un capitaine a trouvé près des autorités
la facilité de composer son équipage d’une manière
satisfaisante.
En effet, on ne doit pas perdre de vue que tous