qu’on lui avait construite un peu plus bas, et dans laquelle il
n’a point logé. Le sol sur lequel j’étais, joint aux nuages sombres
et pluvieux que balayaient les vents , donnait à mes
idées une teinte sombre que le pèlerinage que je faisais était
bien propre à entretenir. Le souvenir de ce qu’avait été ce
nouveau Prométhée, dont je voyais les restes occuper un aussi
petit espace, était bien fait pour donner lieu aux réflexions
tes pins tristes sur ce qu’est l’homme et sur sa destinée.
Je le voyais tourmenté par son geôlier, que tout récemment
les habitans de l’Ile-de-France viennent de conspuer et
de couvrir de boue, qui auparavant avait reçu des coups de
cravache à Londres, avait été chassé de Vienne et bâtonné à
Smyrne.
J’aurais voulu être seul tout le temps que j’avais à passer
dans ce lieu; mais un cavalier vint nous dire que le gouverneur
nous priait d’assister aux courses qui avaient lieu à
quelque distance.
Comme les Anglais portent avec eux leurs usages et leurs
plaisirs, ce qui fait qu’ils sont bien partout, ils ont voulu
■avoir des courses dans une île dont l ’ensemble y prête peu et
ne semble former qu’un rocher. Pour cela, il a fallu prendre
le sommet des montagnes; encore, dans l ’impossibilité de
trouver une arène circulaire assez g rande, ils l ’ont tracée en
longueur : ce lieu se nomme Dead-PVood (bois mort). Toute
l’île assistait à cette fête, qui dure plusieurs jours, et qui était
souvent interrompue par de la pluie et du vent. Il fallait des
longues-vues pour ajierocvoir les chevaux, dont le point de
départ était à deux milles. Il e.st étonnant de voir la quantité
de jolis chevaux qui couraient. Après la course, npus fûmes
invites à une collation servie sous une tente. A in s i, moi qui
comptais venir sur ces hauteurs gravement philosopher sur le
néant des grandeurs humaines, me voilà tout-à-coup à une
table de 80 couverts, au milieu de jolies femmes et de la plus
brillante gaieté. J’étais placé à côté du capitaine P ilou, Français
d’origine, qui, en cosmopolite, avait à peu près parcouru
l ’univers et résidé long-temps dans l ’Inde. Sa conversation
était pour moi du plus grand intérêt ; mais il fallait nous quitter.
Auparavant, il me mena sur le lieu même, dans la jolie
maison de M. S e c l, qui possède un petit musée, fort proprement
entretenu, des productions de l’île dont il n’est
jamais sorti. lim e donna quelques coquilles fossiles très-intéressantes.
Il a porté l’ordre jusqu’à faire imprimer ou inipri
mer lui-méme le catalogue de sa collection.
Nous descendîmes les hauteurs, où se trouvent d’assez jolies
maisons entourées d’une sorte de pin peu élevé et d’une
verdure agréable. Le soir, nous étions à bord de VAstrolabe,
et le lendemain, 17 janvier, à la mer.
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Nous avons adop té une m o y en n e entre ces deux résulta
t s , sa voir : 16® 45’ .30’ ’ long-, O.
Cette île de l ’Ascension , jadis déserte, commence maintenant
à offrir un coup-d’oeil intéressant à l’observateur, et est
une preuve de ce que peut un bon système administratif, suivi
avec constance, dans les lieux qui semblent le moins propres
à être habités.
En effet, après être débarqué et avoir franchi une grande
plage de sable b la n c , on ne voit, tant que la vue peut s’étendre,
qu’un sol volcanique, rougeiîtrc, entrecoupé de plaines et
de hauts pitons, sur lequel un naturaliste seul peut trouver
des traces de végétation. Partout on ne marche que sur des
laves ou des tas de scories, q u i, dans les plaines, présentent
cela de particulier, qu’elles forment des élévations irrégulières,
comme si on s’était plu à les relever pour cultiver leurs inteiri
v alles, qui sont composés d’une terre meuble et roiigoiître.
C ’est absolument l ’aspect de certains champs de l’Ile-de-Franee,
où les laves sont relevées en las pour recevoir des plantations dé
cannes à sucre. La montagne la plus élevée est à peu près pla-
TOME V.