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 d ’assez  grands  dangers  au  moment  même  où  nous  
 croyions  ne  plus avoir rien  du  tout  à  redouter  de  la  
 part  des  élémens. 
 Toute  la  matinée  n,ous  n'avions  éprouvé  qu’une  
 petite  brise  de  N.  N.  O .,  accompagnée  d’uu  temps  
 superbe.  A  midi,  elle  fraîchit  en  variant  successivement  
 au N.,  à  FE.  et  au  S.  E.  Bientôt  le sommet de  
 la  Table  se  couvrit  de  nuages  d’un  blanc  de  neige  
 avec  un  bord  d’une  teinte  plus  obscure ;  ces  nuages  
 ne  tardèrent  pas  à  se mettre en mouvement,  et  à  se  
 précipiter  par  flocons  du  sommet  du  mont  vers  sa  
 base; mais  à  peine,  dans  leur course,  dépassaient-ils  
 les bords du  plateau,  qu’après  avoir tourbillonné  sur  
 eux-mêmes,  ils  se  dissipaient  à  Fintant  sans  laisser  
 de  traces.  Long-temps  encore  le  vent  de  S.  E.  ne  
 régna  que  dans  la  partie  orientale  de  la  baie. Mais  à  
 deux  heures,  il  arriva jusqu’à  l’endroit que  nous occupions, 
   et il nous fit sentir des rafales très-violentes.  
 Elles  redoublèrent  de  violence  à  quatre  heures.  J ’avais  
 déjà  soixante-dix  brasses  de  la  grosse  chaîne  
 dehors ;  je  mouillai  en  outre  l’ancre de  bâbord avec  
 la  petite  chaîne;  alors,  sur  un  fond  de  huit  brasses,  
 je me  croyais  en  siireté,  bien  que  plusieurs  navires  
 eussent  déjà  déradé. 
 Cependant,  à  cinq  beures,  nous  commençâmes  à  
 chasser; vingt brasses de  chaque  chaîne filées sur-le-  
 champ  nous  arrêtèrent  un  moment. Mais  une  demi-  
 heure  après,  la petite  chaîne  cassa;  nous  avions  déjà  
 quitté  le  fond  de  la  bonne terre ; je me décidai  donc 
 a mettre  à  la  voile  en  filant  la  grande  chaîne  par  le  
 bout. Je fis route ensuite entre l’île Robben et Green-  
 Point  pour  prendre  le  large.  Arrivés  au  milieu  de  
 la  passe,  nous  tombâmes  en  calme  plat,  et  malgré  
 toute  la  toile  que je  mis  dehors  nous  ne  pûmes  pas  
 gagner  un  pouce.  C’était  une chose  bien  bizarre  que  
 nous fussions  désormais menacés d ’être entraînés par  
 les  courans  sur  les  récifs  de  la  passe,  tandis  que  la  
 tempete,  qui soufflait toujours  avec  rage  sur  la rade,  
 continuait  d’en  chasser  de  temps  en  temps quelques  
 navires.  Je  reconnus  alors  quelle  avait  été mon  imprudence  
 de  vouloir  sortir  par  la  passe  de Robben,  
 au  lieu  de me  tenir entre  l’île  et  la  terre.  Nous  passâmes  
 la nuit tout entière sur le  qui-vive,  et  à chaque  
 instant menacés  de  tomber sur les brisans de Whale,  
 vers  lesquels  les  courans  nous portaient à  vue-d’oeil.  
 Enfin, vers six heures  et  demie  du matin,  une  petite  
 brise  d’ouest  s’éleva  bien  à-propos,  et  nous  reconduisit  
 fort  tranquillement  jusqu’au  mouillage.  Les  
 embarcations  du Madagascar et  de  la Zélée vinrent  
 à  notre  aide,  et  nous  rapportèrent  nos  ancres;  de  
 '  sorte  que  les  effets  du  coup  de  vent  furent  bientôt  
 oubliés.  Nous  en  fûmes  quittes  pour  envoyer  aux  
 forges  de  la ville  l’ancre  qui  portait  la  grosse chaîne  
 pour  la  faire  réparer.  Son jas  en  fer  avait  cassé par  
 le milieu,  et  c’était  cet accident qui  l’avait  empêchée  
 de  tenir  bon. 
 Sans  être  des  plus furieuses,  cette  bourrasque fut  
 violente,  et  j ’avoue  que  le  mouvement  et  le jeu  des  
 nuages  qui  la  précédèrent  et  l’accompagnèrent  me 
 1 8 2 S . 
 Bc cembre. 
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