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 nous empêcha  de  descendre,  et  le  résultat  de notre  course fut  
 d’avoir le mal de  mer :  car  je  n’ai  jamais pu  en  être  exempt,  
 et complètement m amariner,  comme on  dit. 
 En  vrai  amateur  des  sciences  naturelles,  M.  Julien  Desjardins  
 fait  des  recherches  sur le lieu  où gît la tombe ignorée  
 de Commerson,  enterré  à Flacq  ou  aux Pamplemousses,  et se  
 propose d’élever un monument à  ce grand naturaliste. 
 Quelques jours  avant notre  départ,  arriva  à  Port-Louis  la  
 corvette  la  Bayonnaise,  commandée  par  M. Le Goarant. Ce  
 bâtiment,  faisant  partie  de  la  station  du  Pérou,  fut expédié  
 de  là,  dès  qu’on apprit  en France la découverte  qu’avait  faite  
 le  capitaine  Dillon,  du lieu  où avait  péri  Lapérouse.  Il nous  
 avait  suivis  pour ainsi  dire  de  près  dans plusieurs de nos relâches, 
   comme  à  Bourou,  Guam ;  il  n’avait point ancré à Vanikoro. 
   Ayant  reconnu le  monument  que  nous avions élevé  à  
 la mémoire de Lapérouse et de  ses compagnons d’infortune,  il  
 contourna  les  récifs  de  l’ile ,  et  s’en  revint  en  Europe.  Par  
 conséquent  l’équipage,  n’ayant point subi  l’influence  délétère  
 des  plages  marécageuses  de  cette  île,  ne  fut  point  malade  
 comme  le nôtre.  La Bayonnaise ramenait le  lascar qui  n’avait  
 pas voulu  nous  accompagner.  Il voulait, disait-il,  voir le  roi  
 de France. Mais je crois qu’il  a  changé d’avis,  et  qu’il retournera  
 dans  la presqu’île  de  l’Inde. 
 M.  Le  Goarant nous apprit  qu’après notre passage  à Tikopia, 
  les babitans  de  cette petite  île, heureux jusque-là, avaient  
 été  atteints d’une maladie  épidémique  qui en  avait  fait mourir  
 un  grand  nombre.  Le  lascar  y avait  perdu  sa  femme;  ce qui  
 l'avait  décidé  à  s’embarquer sur la inyonnaàc.  Il  est  naturel  
 qu’ils  aient  attribué  ce  fléau  à  notre  passage,  bien  que nous  
 fussions  sans aucun malade à cette  époque. Nous devons  nous  
 regarder  comme  heureux  de  n’avoir point  abordé  à  cette  île  
 lors  de  cette  épidémie,  que  nous  aurions  pu  naturellement  
 gagner,  et qui nous eût peut-être  mis  dans l’impossibilité d’effectuer  
 notre retour. 
 Nous  apprîmes  encore  que  les  cinq  Tikopiens  qui  nous  
 accompagnaient  à  Vanikoro ,  et  qui  en  partirent  dans  une  
 frele  embarcation  et  par  une  apparence  de  mauvais  temps,  
 n’avaient  point  paru  à  Tikopia.  Ces  pauvres  insulaires,  qui  
 nous  inspirèrent  un  si  touchant  intérêt  par  leur  entreprise  
 hasardeuse,  auront  sans  doute  péri  dans la  nuit  de  leur  sortie; 
   car  le  ciel  était  chargé  de  nuages,  et  la  mer  sera  devenue  
 mauvaise.  Peut-être  encore,  les  courans  peuvent  les  
 avoir jetés  sur quelque  autre  î le ,  de même  qu’il  arriva à  l’un  
 d’eux  étant  fort  jeune,  qui  revint  mourant  de  faim  des  îles  
 Tonga sur Tikopia. Quelle  destinée  que  celle  de  cet  homme  
 qui, long-temps avant qu’il fût né,  devait un jour se rattacher  
 à  celle  d’un  navigateur  célèbre,  et  être  funeste  comme  la  
 sienne! Ainsi  donc,  dans  l’opinion  des  babitans  de Tikopia,  
 notre passage  parmi  eux  sera  noté  dans  leur  souvenir  comme  
 une époque  funeste. 
 PAGE  538. 
 Nous  laissons  quatorze  personnes  à  Bourbon,  en  y  
 comprenant MM.  Gaimard  et Faraguet. 
 Sur le point de partir de Maurice, M.Gaimard fut pris de nouveau  
 par ses  coliques qui le firent souffrir de la même manière,  
 sans  pouvoir  les  alléger autrement  que  par  des  bains  qui ne  
 procuraient  qu’un  soulagement  passager.  II  était  logé  chez  
 M.  Adrien  d’Épinay,  qui  eut  pour lui  toute  l’attention  et les  
 soins qui font qu’on ne peut jamais s’acquitter envers une hospitalité  
 aussi franche et aussi affectueuse. Je me regarde comme  
 redevable  d’une  partie  de  cette  hospitalité  par  suite  de  l’amitié  
 qui  me  lie  à  M.  Gaimard. Voulant  déterminer  sur les  
 intestins un effet que nous croyions devoir le soulager, il prit du  
 ealomélas comme purgatif:  ce médicament ne  produisit point  
 cet effet; mais,  par une susceptibilité de la constitution du malade, 
   il se  porta sur la bouche, et détermina  une inflammation